CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En l’espace de quelques décennies, la poursuite d’études supérieures s’est généralisée en France, conduisant, en 2014, 48 % des femmes et 38 % des hommes de 25 à 29 ans à décrocher un diplôme universitaire [1] (Insee, rp 2014). Cette conséquence de la démocratisation scolaire s’est accompagnée d’une accentuation de la hiérarchie des institutions universitaires, qui se cristallise dans l’espace : tandis que les espaces ruraux et les villes petites et moyennes abritent des cycles courts de proximité, les plus grandes agglomérations concentrent les filières les plus prestigieuses. De ce fait, les jeunes originaires des espaces ruraux et des villes petites et moyennes, où s’observe une surreprésentation des classes populaires, sont plus fréquemment que les autres accueilli·e·s dans les sections de technicien supérieur (sts) situées dans les établissements les plus proches [Orange, 2013]. La répartition spatiale de l’offre de formation supérieure renforce ainsi les inégalités initiales, accentuant les dynamiques structurelles de reproduction sociale [Bourdieu et Passeron, 1970].

2Pour autant, une partie importante de ces jeunes s’engage dans des études longues, autrement dit dans une émigration [2] à destination d’une grande ville universitaire. Le phénomène de mobilité géographique étudiante fait l’objet d’une attention croissante [Baron et al., 2018 ; Fabre et Pawlowski, 2019], prolongée ici par une analyse l’interrogeant d’un triple point de vue : celui du genre, de l’origine sociale et de l’origine géographique. L’analyse des données du recensement de la population de 2013 (voir encadré infra) montre que les départs, comme les retours, de jeunes d’origine populaire issus de territoires en marge des grandes agglomérations, concernent plus souvent les femmes. Il s’agit ainsi de comprendre les raisons de la féminisation de ces phénomènes migratoires, avant et après l’accomplissement des études supérieures, à partir des résultats de deux enquêtes de terrain réalisées au sein d’espaces ruraux et périurbains ainsi que de petites et moyennes villes désindustrialisées de l’ouest et du centre de la France [3]. Nous mobiliserons les trajectoires de quatre jeunes femmes originaires des classes populaires « du coin », c’est-à-dire d’un ensemble d’espaces non-métropolitains, petites et moyennes villes de province, territoires ruraux et périurbains où l’offre d’études supérieures est modeste voire nulle [4]. La première partie de cet article analyse la manière dont s’articule l’origine sociale et géographique au genre, dans la construction d’aspirations scolaires et résidentielles singulières, entraînant davantage les jeunes femmes à partir faire des études que leurs homologues masculins. Nous analysons ensuite comment ce départ s’accompagne de nombreuses désillusions, qui tiennent autant à la modestie des ressources économiques et culturelles possédées qu’aux rappels aux origines s’exerçant plus volontiers sur les femmes que sur les hommes [Lemêtre et Orange, 2016] et plus particulièrement sur les jeunes femmes issues de la fraction instable du groupe.

La féminisation de l’émigration étudiante appréhendée par le recensement de la population 2013 de l’Insee

Que l’on considère le cas des communes rurales [5] ou des unités urbaines de petite ou moyenne taille [6], les jeunes de 15-19 ans constituent la tranche d’âge la plus nombreuse à s’engager dans une migration résidentielle. Ce pic de départs s’explique par la poursuite d’études en dehors des lieux de résidence, pauvres en structures de formation. En 2013, 55 000 femmes et 43 000 hommes de 15 à 19 ans, soit respectivement 26 % et 22 % des bachelier·e·s de cette classe d’âge, ont changé de lieu de résidence [7], dans 52 % des cas pour gagner les grandes agglomérations [8] : 84 000 femmes et 67 000 hommes sont ainsi recensé·e·s dans l’unité urbaine parisienne et 48 000 femmes et 37 000 hommes dans les autres unités urbaines de plus de 200 000 habitants. Mais, si les femmes ont plus tendance (et sont plus nombreuses) à s’engager dans une émigration étudiante, cette expérience s’accompagne plus rarement que pour les hommes d’un maintien dans les grandes agglomérations à l’issue des études supérieures. En témoigne l’examen des flux migratoires des diplômé·e·s de l’enseignement supérieur âgé·e·s de 25-29 ans, soit la catégorie d’âge à partir de laquelle l’attractivité des grandes villes décroît : les femmes ont là encore plus tendance (et sont plus nombreuses) à quitter Paris (elles sont 12 000 contre 9 000 hommes, soit respectivement 6 % et 3 % des diplômé·e·s de cette classe d’âge) ou une autre unité urbaine de plus de 200 000 habitant·e·s (38 000 contre 32 000, soit respectivement 16 % et 11 % des diplômé·e·s de cette classe d’âge) que leurs homologues masculins. Dans un même temps, les jeunes diplômées élisent domicile en plus grand nombre dans les communes rurales (28 000 contre 18 000) ou les villes petites et moyennes (27 000 contre 19 000) : notons qu’elles regagnent, dans près de 40 % des cas, leur département de naissance.

L’émigration étudiante des classes populaires « du coin »

Le genre de l’orientation et de l’émigration

3L’attractivité des grandes agglomérations, concentrant l’offre de formations de l’enseignement supérieur et les emplois de cadres [Brutel, 2010], s’est renforcée dans les années 2010. La « métropolisation » accompagne la diffusion de l’injonction à la mobilité dans l’ensemble des milieux sociaux, y compris parmi les jeunes issus des classes populaires rurales et/ou périurbaines pourtant caractérisés par un attachement fort à leur espace d’origine [Orange, 2013]. Pour autant, cette injonction ne s’impose pas avec la même évidence à l’ensemble d’entre eux, ce qui s’observe dans leurs choix différenciés d’orientation supérieure. Les disparités entre les aspirations des futur·e·s bachelier·e·s s’expliquent à la fois par leur lieu de résidence et leur appartenance sociale, en lien avec l’offre de formation existante qui s’inscrit dans un espace social hiérarchisé. La comparaison des vœux d’orientation entre les élèves de terminale [9] des deux départements qui correspondent aux deux principaux terrains d’enquête, est en cela éclairante. Le premier département (A) est à dominante rurale [10], situé dans le centre de la France, au sein duquel aucune unité urbaine ne dépasse 100 000 habitants. L’offre locale de formation se résume à quelques sections de technicien supérieur, un institut de formation en soins infirmiers et une antenne du département de droit de l’université de la capitale régionale. L’émigration étudiante y est donc forte, y compris dans les milieux populaires : 66,2 % des élèves inscrit·e·s sur la plateforme apb dont le parent référent [11] est ouvrier et 70,8 % de ceux dont le parent référent est employé formulent un vœu d’orientation en dehors de leur département de résidence (contre 79,4 % de ceux dont le parent référent est cadre). Les choses sont bien différentes dans le deuxième département d’enquête (B), situé dans l’ouest de la France, où la présence d’une unité urbaine d’environ 400 000 habitants, concentrant de nombreuses filières de l’enseignement supérieur, rend moins impératif le départ du département de résidence. Ils sont 13,2 % dont le parent référent est ouvrier et 14,3 % dont le parent référent est employé, à formuler un tel vœu (contre 26,4 % de ceux dont le parent référent est cadre). Dans les deux cas, les enfants des classes populaires ont moins tendance à exprimer le souhait de quitter leur département de résidence que les enfants issus des catégories supérieures. Toutefois, près de sept bachelier·e·s sur dix dans le département A et plus d’un·e sur dix dans le département B formulent un vœu d’orientation localisé en dehors de l’espace de résidence.

4On compte parmi ces élèves une majorité de femmes : elles représentent 60 % des enfants d’ouvrier·e·s et 57 % de ceux d’employé·e·s dans les deux départements (contre 46 % des enfants de cadres dans le département A et 52 % dans le département B). Cette surreprésentation féminine s’explique par un nombre plus important de femmes en classe de terminale parmi les enfants de classes populaires. Ainsi, dans les deux départements, elles représentent 55 % à 60 % des enfants d’employé·e·s et d’ouvrier·e·s (ce taux tend à décroître à mesure que l’on monte dans la hiérarchie sociale), ce qui résulte de leurs meilleures performances scolaires dans les milieux populaires [Mosconi, 1998 ; Terrail, 1992]. Ces filles d’employé·e·s et d’ouvrier·e·s tendent par ailleurs plus que les autres à se diriger vers des filières peu distinctives et/ou non sélectives. Les filles d’ouvrier·e·s expriment par exemple plus souvent le souhait de section de technicien·ne supérieur·e (c’est le cas de 36 % d’entre elles contre 29,5 % des fils d’ouvrier·e·s en moyenne dans le département A ; 35,5 % contre 20,8 % en moyenne dans le département B). Les filles d’employé·e·s se caractérisent par une tendance à se diriger vers les licences non sélectives de l’université publique (c’est le cas de 46,8 % d’entre elles contre 41,6 % en moyenne dans le département A ; 34,2 % contre 25,9 % dans le département B), où elles sont surreprésentées dans les départements de langues, de lettres, de psychologie et de sciences humaines et sociales [Convert, 2010]. Ainsi, si nos résultats confirment la meilleure réussite scolaire des filles dans les classes populaires, ils montrent également que celles-ci tendent à présenter des ambitions scolaires plus modestes que celles de leurs homologues masculins et féminins de milieux sociaux mieux dotés [Duru-Bellat et Kieffer, 2008 ; Vouillot, 2007], sans pour autant se détourner de l’émigration étudiante. Il convient enfin de souligner la tendance chez les jeunes garçons des classes populaires, particulièrement rurales, à se diriger vers des filières technologiques ou professionnelles, le plus souvent accessibles à proximité.

5Ce phénomène s’apprécie également dans la comparaison des parcours scolaires et résidentiels de frères et sœurs au sein de fratries mixtes interrogées, à l’instar de celle où grandit Mélissa [12]. Née en 1991, la jeune femme passe son enfance dans le pavillon familial, acheté à crédit, avec son frère, technicien, son père, mécanicien automobile dans un garage, et sa mère, aide-soignante [13], dans une petite commune périurbaine de l’ouest de la France de 1 000 habitant·e·s. Cette commune est située à 22 minutes [14] de voiture de la grande agglomération la plus proche ; elle est caractérisée par une surreprésentation des employé·e·s (34 % contre 28,9 % en France métropolitaine) et une sous-représentation des cadres (14,6 % contre 16,4 % en France métropolitaine) dans la population active. Mélissa s’est toujours consacrée intensément à sa scolarité et à des loisirs créatifs et récréatifs solitaires. Très bonne élève, elle passe un bac littéraire, option arts plastiques. Elle vit, adolescente, un grave épisode anorexique qui fragilise sa scolarité [15] : elle obtient son baccalauréat de justesse. Elle est néanmoins retenue dans une filière technologique, sélective, relevant de l’intervention sociale – diplôme universitaire technologique (dut) –, accueillant typiquement des jeunes femmes issues des fractions stables des classes populaires [Iori, 2016]. L’offre existante l’amène à rejoindre d’abord une grande agglomération du département limitrophe, avant de gagner Paris pour une licence professionnelle. Son frère Nicolas, de quatre ans son aîné, « [qui] savait s’amuser au lieu d’étudier », oscille entre emploi (d’exécution) et formations professionnelles courtes de proximité avant d’obtenir une licence en informatique au sein du département de résidence. Il travaille aujourd’hui comme technicien dans un grand groupe français et réside avec son épouse, aide-soignante titulaire d’un Brevet d’études professionnelles (bep), avec laquelle il a deux jeunes enfants, à deux kilomètres du pavillon paternel.

Le poids des petites différences

6Si l’émigration étudiante s’impose ainsi davantage aux femmes qu’aux hommes, il convient de préciser que toutes les fractions des classes populaires ne disposent pas des mêmes ressources pour y répondre. Les plus stabilisées, c’est-à-dire celles caractérisées par l’accès à des emplois qualifiés et stables, la propriété foncière, l’engagement dans des activités associatives et/ou politiques locales, l’appartenance nationale ainsi que par une forte adhésion à l’ordre scolaire et aux injonctions de ses agents [Siblot et al., 2015], dont la grande majorité des enquêtées sont issues, parviennent avec plus d’aisance à construire un projet de formation supérieure et d’émigration. Ces petites différences, pas toujours perceptibles à travers les données statistiques disponibles, apparaissent nettement dans la comparaison des trajectoires scolaires et résidentielles de Tiffany et Assia.

7Tiffany est née en 1989 dans une petite commune ouvrière [16] du centre de la France d’environ 5 000 habitant·e·s, située à 1h52 en voiture de la grande agglomération la plus proche. Son père est ouvrier qualifié et sa mère commerciale (avant de devenir employée dans une boutique de prêt-à-porter suite à un licenciement) – tous deux en contrat à durée indéterminée (cdi), ils ont accédé à la propriété pavillonnaire. La mère de Tiffany est très investie dans des associations locales et par ailleurs est très soucieuse de la réussite scolaire de ses enfants, qu’elle aide dans leurs devoirs tous les soirs après son travail salarié. Plus réceptive que son frère cadet aux injonctions maternelles, Tiffany est très studieuse, ce qui lui vaut de compter parmi les meilleures élèves de son collège, puis de gagner la filière générale du lycée de sa commune de résidence. Elle décroche un bac économique et social (es) mention AB, tandis que son frère rejoint le lycée professionnel de la commune. Encouragée par certain·e·s de ses enseignant·e·s et par sa mère, Tiffany se projette professionnellement comme journaliste politique. Elle passe les concours d’entrée dans des écoles de journalisme et des Instituts d’études politiques (iep), mais n’en obtient aucun. Elle s’inscrit par défaut à l’université, en première année de science politique à Lyon, et loge dans un petit studio, financé par les aides au logement et ses parents, dans l’objectif de repasser ces mêmes concours l’année suivante (ce qu’elle fera chaque année de sa licence, sans y parvenir). Forte du soutien parental et de l’institution scolaire, malgré le réajustement à la baisse de ses aspirations initiales, Tiffany entreprend une émigration étudiante dans des conditions qui apparaissent a priori satisfaisantes : son projet professionnel est clairement établi tandis que les aides sociales et le soutien financier parental lui permettent de ne pas exercer d’activité salariée et de se concentrer sur son travail universitaire.

8Bien que minoritaires, certaines jeunes femmes, originaires de fractions plus précarisées des classes populaires, parviennent également à faire le pari de l’émigration étudiante. C’est le cas d’Assia, née en 1988 dans une commune du centre de la France d’environ 30 000 habitant·e·s, située à 2h01 de la grande agglomération la plus proche. Son père, Tunisien d’origine, est en retraite anticipée à la suite de son licenciement du poste d’ouvrier qu’il occupait dans une usine de l’agglomération. Cette inactivité contrainte a conduit sa mère, de nationalités française et tunisienne, à trouver un poste d’employée à temps partiel dans une cantine scolaire, comme fonctionnaire. Assia raconte avoir toujours bénéficié des encouragements et du soutien de ses parents, cas emblématiques de conversion à la légitimité scolaire de membres des catégories populaires. Cette bonne volonté se trouve contrariée par leur faible capital culturel et leur méconnaissance de l’institution scolaire française : « Ils m’ont toujours encouragée mais c’est vrai qu’ils ne pouvaient pas toujours m’aider. », résume Assia. Elle entre en seconde dans son lycée de secteur, s’inscrit en filière générale scientifique et décroche son bac de justesse. Elle souhaite poursuivre des études d’histoire de l’art, en raison d’une « passion » pour la mythologie grecque « depuis toute petite ». Ses enseignant·e·s désapprouvent ce choix, jugé peu rentable sur le marché de l’emploi ; ses parents l’acceptent, à condition qu’elle rejoigne la métropole universitaire la plus proche, où vit déjà sa sœur aînée étudiante en 2e année de psychologie. Assia demande une affectation dans la même résidence universitaire et elles se retrouvent dans deux chambres adjacentes.

9La comparaison de ces deux cas rend compte des différences importantes dans la construction des orientations scolaires. Encouragées par leur entourage et accompagnées par les agents de l’institution scolaire, les jeunes femmes originaires des fractions hautes des classes populaires tendent à formuler des aspirations qui s’inscrivent dans un projet professionnel tangible car ajusté à leurs ressources scolaires. Les autres développent des perspectives plus incertaines, le plus souvent énoncées a posteriori comme l’expression d’un « goût » à l’origine floue ou encore comme le « fruit du hasard ». Leurs choix d’orientation se soustraient ainsi au processus d’encadrement opéré par les enseignant·e·s et se trouvent le plus souvent désajustés à leur niveau scolaire, sans que les parents, partagés entre reconnaissance et méconnaissance de l’institution scolaire et la confiance accordée à leurs filles, ne parviennent à assurer un arbitrage. Cette différence n’est pas anodine : si toutes les jeunes femmes sont sujettes à d’importantes désillusions durant leurs études dans la grande ville, comme le montrera la deuxième partie de cet article, les différentes modalités d’entrée dans l’enseignement supérieur permettent rétrospectivement de saisir certaines des raisons qui font que toutes les fractions des classes populaires ne tirent pas le même profit de l’accès massifié à l’enseignement supérieur.

Émancipation sociale et assignation spatiale

« L’air de la ville rend libre »

10Ce vieil adage allemand, repris par Max Weber [2014] pour souligner le caractère émancipateur de la forme sociopolitique urbaine moderne, pourrait s’appliquer aux jeunes femmes d’origine populaire et rurale du début du xxie siècle. Elles poursuivent en effet le mouvement d’émancipation féminine par l’école [Terrail, 1992], en allant chercher des diplômes là où ils se trouvent, autrement dit dans de grandes villes à distance de chez elle, pariant sur une ascension professionnelle future. Par ailleurs, l’éloignement du foyer familial permet de s’affranchir partiellement du contrôle social exercé par l’entourage, toujours plus important à l’égard des jeunes femmes. C’est d’autant plus vrai dans une grande agglomération, où la densité humaine garantit davantage l’anonymat, potentiellement synonyme d’une relative liberté de mouvement et d’actions, comme l’expliquaient les sociologues de l’école de Chicago [Joseph et Grafmeyer, 2009]. Alors que du côté des espaces résidentiels d’origine, la configuration des sociabilités locales accorde aux jeunes hommes davantage de densité relationnelle comme de liberté de mouvement qu’aux jeunes femmes des classes populaires « du coin », tout particulièrement dans l’espace rural [Coquard, 2017]. Aussi, fait-on l’hypothèse que les jeunes femmes, réussissant mieux à l’école que leurs homologues masculins, sont moins retenues que ces derniers dans l’espace local ou, pour le dire autrement, qu’elles ont davantage à gagner que ceux-ci en accomplissant une émigration étudiante dans une grande ville distante [17]. Ce dont Maeva et Mélissa prennent progressivement conscience.

11Maeva est née en 1992. Elle est l’enfant du milieu d’une fratrie mixte de trois enfants, originaire d’une commune ouvrière [18] de 5 000 habitant·e·s de l’ouest de la France, située à 1h05 en voiture de la grande agglomération la plus proche. Le père est contremaître dans la logistique [19] et la mère employée de service en maison de retraite, propriétaires de la maison qu’il et elle ont fait construire. Le père est connu pour ses engagements associatifs communaux. Le ménage appartient donc aux fractions stabilisées des classes populaires. Très bonne élève et travailleuse, Maeva a quitté le domicile familial dès ses 15 ans pour être interne au lycée de la métropole régionale, afin de passer un baccalauréat technologique en arts appliqués, encouragée par ses professeurs de collège comme sa famille. La jeune femme garde des premiers mois un souvenir douloureux, en raison d’un fort désajustement aux attentes enseignantes comme aux styles de vie des autres élèves, issus pour l’essentiel des franges culturelles des classes supérieures. Néanmoins, au fil du temps, Maeva sent qu’elle « s’affirme en tant que personne, et [se] découvre [elle]-même, [se] détachant de [s]es parents ». Elle reste cinq années dans ce lycée, dans lequel elle s’inscrit dans une section de technicien supérieur artistique distinctive – il s’agit d’un choix par défaut, suite aux refus de grandes écoles d’art parisiennes demandées. Elle quitte l’internat et s’installe dans un logement indépendant, en colocation avec une amie de sa ville d’origine, grâce aux aides sociales et au soutien financier parental ; elle se met également en couple avec un jeune homme, issu de la fraction stable des classes populaires urbaines, ayant toujours vécu dans l’agglomération. Elle ne revient alors plus que rarement au domicile familial, cesse de jouer dans le club de football de sa commune, concentrant activités de loisirs et sociabilités dans la métropole.

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Maeva : « On passait beaucoup de temps ensemble [avec mon petit ami et ses amis], c’était alors mes premières soirées où je rentrais très tard et ne dormais presque pas : on jouait aux cartes, on buvait un peu, on parlait surtout et on passait du temps ensemble. Moi je n’étais jamais sortie, je découvrais la ville dans laquelle je vis depuis quelques années et que j’apprécie de plus en plus. On se retrouvait dans des apparts, on allait dans des bars le week-end, on se faisait des repas […]. Ce n’était pas trop dansant, mais parfois on écoutait de la musique, surtout on discutait et on refaisait le monde. ».

13Elle dit cesser d’apprécier les boîtes de nuit, qu’elle « adorait » autrefois, signe de sa conversion à un style de vie plus cultivé et urbain que populaire et rural. Il aura fallu à Maeva quatre années pour s’ajuster à son nouveau milieu de vie, et y trouver des allié·e·s, dont elle ne soit pas trop distante socialement.

14Après avoir tenté plusieurs concours dans des écoles d’art, situées à plus de 400 km de chez ses parents, Maeva est retenue dans une école d’architecture à Bordeaux, où elle prépare un diplôme de paysagiste en quatre années, dont elle accomplit une partie en Argentine. C’est la troisième étape de son éloignement à la fois géographique, social et culturel, au milieu d’origine. Elle consacre désormais ses vacances à des stages, des emplois temporaires estivaux [20] ou encore des voyages lointains plutôt que de « rentrer à la maison ». Elle suit toujours aujourd’hui des études supérieures, dans une grande école, et réside à plus de 800 km du foyer parental.

15Mélissa a accompli elle aussi une émigration l’éloignant progressivement de son environnement familier et familial : elle a d’abord poursuivi sa scolarité secondaire au lycée général de la grande agglomération proche, avec de courts trajets quotidiens ; puis, elle a passé deux années pour préparer un Diplôme universitaire de technologie (dut) dans une grande agglomération d’un département limitrophe. Elle y a pris un petit appartement, financé par ses parents et surtout par d’importantes prestations sociales et enfin par ses économies (elle travaille comme agent d’entretien durant toutes les grandes vacances depuis ses 16 ans). Comme Maeva, Mélissa éprouve initialement des sentiments ambivalents vis-à-vis de son émigration, faits de manques et de sentiments heureux liés à la prise d’indépendance. Elle ne rentre au domicile parental qu’une fois tous les deux mois, privilégiant son travail scolaire. À l’issue des succès scolaires remportés durant ces deux années grâce à son très fort engagement studieux, Mélissa choisit une licence professionnelle dans la continuité de son parcours, à Paris. Elle s’installe dans un logement de 10 m2 accessible à ses ressources, dans un quartier de l’est parisien. Si elle éprouve quelques réticences initiales, « les grandes villes [lui] faisant peur », elle considère qu’elle n’a pas le choix, voulant poursuivre ses études. Mais Mélissa tombe progressivement « amoureuse de Paris ».

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« Je découvre les bars, les restaurants, le théâtre où je vais régulièrement, les concerts, […], les expos. Paris c’est la ville du rêve. […] J’y ai retrouvé une amie du lycée, je sortais beaucoup avec elle et ses amis, des soirées dans des apparts surtout et puis des sorties culturelles avec les amis de la promo, [il y a aussi mes voisins, avec qui on partage la connexion internet, et on mange ensemble souvent]. […] C’est un changement radical, je ne faisais pas [tout ça] avant, ça me plaît. ».

17Ces expériences nouvelles et ce sentiment d’émancipation sont bien sûr liés à cette période de vie particulière qu’est la jeunesse, notamment étudiante, caractérisée par une certaine « apesanteur sociale » [Mauger, 1995], du fait d’un relâchement des contraintes professionnelles, familiales, conjugales. C’est ainsi qu’en dépit de la modestie des capitaux de départ, l’émigration étudiante s’inscrit dans la trajectoire de mobilité professionnelle ascendante et d’émancipation sociale.

Élimination scolaire et rappels aux origines

18Cependant, ces aspirations peuvent être rapidement contrariées par l’expérience de difficultés scolaires, économiques et/ou relationnelles. Celles-ci touchent plus durement celles dont la position des parents est plus instable, à l’instar d’Assia. Dès le premier semestre, elle rencontre d’importantes difficultés scolaires. Si elle parvient à obtenir sa licence sans redoubler, c’est pour une large part en raison du système de compensation des notes. Par ailleurs, elle dit souffrir de l’entre-deux résidentiel dans lequel elle se situe : elle rentre en effet tous les week-ends chez ses parents, notamment pour diminuer l’anxiété de ces derniers. Assia expérimente donc une décohabitation familiale qui n’est que partielle, s’inscrivant dans ce que Philippe Cordazzo appelle la « décohabitation semi-indépendante » [Cordazzo, 2016, p. 189]. Elle ne sort guère en semaine, préférant l’entre-soi reconstitué dans sa résidence universitaire avec sa sœur et les amies de cette dernière, boursières également. Assia regrette rétrospectivement de ne pas avoir davantage profité de l’environnement urbain et des loisirs qu’il propose (« on sortait un peu avec les copines, mais c’était surtout pour boire un verre vite fait »), qu’elle méconnaît malgré les trois années passées dans cette ville. Ce faible investissement des pratiques sociales et des sociabilités dans la ville universitaire s’explique également par ses retours, presque hebdomadaires, dans son espace originel, dans lequel elle perd peu à peu de vue ses relations amicales nouées au lycée : ceux et celles qui sont parti·e·s ne reviennent que très peu et elle n’est plus, dit-elle, « dans le même délire » que ceux et celles qui sont resté·e·s. Par ailleurs, dès la troisième année de licence, Assia travaille à mi-temps dans un restaurant d’une grande chaîne de restauration rapide, ce qui réduit d’autant sa disponibilité pour de nouvelles pratiques culturelles ou formes de sociabilité [Pinto, 2014]. Bien qu’elle ne l’envisage pas seulement de façon négative, le discours que livre Assia sur ses années de licence laisse entrevoir une certaine désillusion, principalement pour deux raisons : la déception suscitée par les enseignements qu’elle suit, d’une part, l’expérience limitée d’une « vie étudiante » en raison de la modestie de ses ressources économiques ainsi que la fidélité relationnelle à ses parents, d’autre part. Malgré ces difficultés, elle parvient à décrocher une licence d’histoire de l’art à Dijon. À la suite du départ de sa sœur et de ses amies boursières, elle décide de rejoindre Lyon pour un Master spécialisé difficile. Le logement qui lui est attribué dans un quartier « loin de tout », où « il n’y a rien », et où elle ne connaît personne, tranche avec l’espace familier reconstitué des années dijonnaises. Elle continue de travailler à mi-temps six soirs par semaine dans une pizzeria, ce qui la conduit à diminuer très largement les allers-retours à sa commune d’origine et donc les relations avec sa famille. C’est dans ce contexte qu’elle rencontre de grandes difficultés à valider sa première année de Master, qu’elle redouble une fois et à l’issue de laquelle elle ne s’inscrit pas en Master 2 (m2), préférant chercher un « vrai travail ».

19Les jeunes femmes originaires des fractions stabilisées des classes populaires ne sont pas épargnées par les difficultés, même si celles-ci semblent moins compromettre leur réussite scolaire. Ainsi en va-t-il de Tiffany qui, si elle n’abandonne pas l’idée de devenir journaliste durant ses études supérieures, n’envisage pas de s’installer en dehors de son département de naissance à l’issue de celles-ci. Ce fort attachement aux sociabilités de sa commune d’origine tient pour l’essentiel à l’entretien d’une relation amoureuse avec un jeune ouvrier rencontré en terminale. Durant ses cinq années d’études, elle rentre chez ses parents un week-end sur deux (n’ayant pas les moyens de le faire plus souvent) ainsi qu’à l’occasion des vacances et se tient à distance de la vie étudiante. Elle décrit ses années étudiantes comme très pauvres en pratiques culturelles et sociabilités étudiantes. Après sa licence, elle est acceptée dans un Master de science politique à Nanterre, puis intègre l’année suivante un Master 2 professionnel sélectif « journalisme » à Rennes. À Nanterre comme à Rennes, elle vit près du campus et se tient, là aussi, à distance des institutions délivrant ou certifiant le capital culturel comme des lieux de sociabilité étudiante, à l’exception de l’université, au profit d’allers-retours réguliers avec sa commune d’origine. Tiffany y conserve ainsi la plus grande part de ses sociabilités. Aussi, afin de ne pas trop se distinguer de ses ami·e·s qui sont resté·e·s, elle préfère contenir ses aspirations sociales qui auraient pu la conduire à espérer une stabilisation professionnelle dans une grande ville, ou même à prendre position sur le marché amoureux de l’espace où elle étudie. La conjugalité précoce, caractéristique des classes populaires rurales [Clair, 2011], participe en effet à retenir certaines jeunes filles s’étant mises en couple au lycée avec un « gars du coin » [Renahy, 2005]. Celles-ci rentrent plus fréquemment chez elles et se projettent moins facilement dans un espace, à la fois scolaire, social et géographique, plus éloigné. Maeva, pour sa part, a préféré le célibat afin de « rester libre de bouger [où elle veut] ». Au moment d’intégrer une école à Bordeaux, elle a ainsi rompu avec son petit ami après une histoire de deux ans.

20Ce sous-investissement de la vie étudiante se comprend au regard d’une certaine ascèse scolastique, afin de compenser les écarts en termes de capitaux culturels et scolaires entre elles et les autres étudiant·e·s, au profil plutôt d’héritier·e·s. Aussi, ces phénomènes contribuent à détourner ces jeunes femmes d’une « jeunesse étudiante » [Chamboredon, 1991] qui leur permettrait de se sentir à leur place dans ces grandes agglomérations et d’y acquérir des ressources sociales (relationnelles et culturelles notamment) décisives pour la suite de leur trajectoire. Nombreuses sont-elles ainsi à témoigner des tensions habituellement ressenties par les transfuges de classe [Pasquali, 2010] : une hésitation permanente à localiser relations et pratiques sociales entre l’espace d’origine, familier et contrôlé, et celui d’élection de la grande ville, incertain, qui peut nourrir une forme de ressentiment vis-à-vis de soi du fait de la posture d’ambivalence (de ne pas avoir « assez profité » de la vie étudiante). Au total, le rapport au nouveau statut d’étudiante d’une grande ville, que ces jeunes femmes savent fragile, reste toujours ambigu. La manière dont elles font face à cette ambiguïté, soit qu’elles parviennent à s’en accommoder, soit qu’elle devienne trop douloureuse à porter, préfigure leur capacité à se maintenir dans la grande ville.

Réajuster ses aspirations ou rentrer

21Que le retour intervienne avant ou après l’obtention du diplôme escompté, celui-ci procède d’abord des difficultés subies et/ou anticipées à intégrer le marché du travail qualifié des mondes urbains où les jeunes émigrées « du coin » résident jusque-là en tant qu’étudiantes. Ces difficultés s’expliquent, d’une part, par leur choix d’orientation en amont dans les filières les moins distinctives de l’enseignement supérieur. Elles peinent ainsi à faire reconnaître la valeur de leurs diplômes sur les marchés du travail des grandes agglomérations, plus concurrentiels que ceux des villes petites et moyennes [Guéraut, 2017]. D’autre part, les contraintes économiques auxquelles elles sont soumises au moment de la recherche d’emploi (les parents sont rarement capables de compenser la perte des bourses étudiantes) réduisent considérablement le délai de prospection, dans un contexte où justement celui-ci tend en moyenne à s’allonger [Biscourp, 2006]. Ces jeunes femmes tendent à abandonner leurs recherches d’emploi dès les premiers refus des employeurs, à l’instar d’Assia, dont les déboires rencontrés à l’université avaient déjà fragilisé les aspirations sociales initiales.

22La jeune femme, après avoir validé de justesse un Master 1 en deux ans, décide de quitter l’université pour intégrer le marché du travail. Mais c’est à peine si elle envoie quelques cv dans la région. Elle n’est convoquée à aucun entretien et décide, dès la fin de l’été qui suit l’obtention de son m1, de rentrer chez ses parents. Ce parcours laisse percevoir certaines des désillusions les plus fréquentes chez les primo-accédant·e·s à l’université. Il se présente comme une situation d’entre-deux, le processus d’acculturation opéré par l’institution scolaire étant contrarié par un déficit important de ressources sociales, à la fois économiques, culturelles et symboliques. Cette fragilité affecte directement la capacité d’Assia à se projeter au-delà de l’université. Elle s’accroche à son désir, hérité du lycée, de travailler un jour dans un musée consacré à l’histoire antique, mais voit cette aspiration mise à mal par les difficultés scolaires rencontrées et la réalité du marché du travail. C’est ainsi que s’impose à elle la nécessité du retour dans le hlm de ses parents, suivi d’une longue période de « déprime » et d’inactivité professionnelle. Il lui faudra attendre en effet près d’une année pour trouver un emploi, au prix d’un nouveau réajustement de ses aspirations, en devenant animatrice socioculturelle, poste qu’elle occupe depuis, sous le statut de contractuelle et à temps partiel.

23Le retour de Tiffany tient, quant à lui, essentiellement à la présence de son compagnon dans la région : « J’ai pas de raison de rester, il y avait [mon compagnon], ma famille. », explique-t-elle en évoquant son départ de Rennes après l’obtention de son m2. Néanmoins, à l’instar d’Assia, son retour tient également à l’anticipation des coûts relatifs à son maintien à Rennes, qu’elle craint de ne pouvoir assurer sans les aides de l’État.

24

Tiffany : « Il faut quand même avoir des thunes pour payer un loyer. Moi mes parents ils… Il aurait fallu que j’aie tout de suite une offre. S’il fallait que j’attende deux mois, alors payer deux mois de loyer sans avoir de revenus… Moi, mon père il aurait tiqué, déjà qu’il tiquait un peu sur les études. […] Donc c’est moi qui ai décidé de partir. ».

25Après quelques mois de chômage, ce retour est l’occasion de trouver un emploi en contrat à durée indéterminée (cdi) dans un quotidien local (où Tiffany a effectué plusieurs stages) et de s’installer avec son compagnon, qu’elle convainc de quitter leur commune ouvrière d’origine pour la préfecture du département et son emploi à l’usine pour devenir ouvrier sncf (il bénéficie désormais du statut de cheminot). Tous deux étant stables professionnellement, ils achètent en 2013 une maison dans un quartier périphérique non loin du centre-ville. Ce retour, planifié depuis son départ initial cinq années plus tôt, est vécu de manière bien moins négative que pour Assia, dans la mesure où celui-ci ne vient pas contredire trop durement les aspirations sociales engendrées par l’expérience de l’émigration étudiante. Il s’accompagne néanmoins d’une certaine amertume à l’égard de ce qu’elle nomme le « cloisonnement » de son compagnon, à qui elle reproche une sociabilité centrée sur sa « bande de potes » et des pratiques culturelles exclusivement issues des mondes populaires, caractéristiques des jeunes ruraux de classes populaires [Coquard, 2017].

26Ce réajustement des aspirations sociales et résidentielles ne se concrétise cependant pas systématiquement par un retour à l’espace d’origine. Certaines de ces jeunes femmes parviennent à se maintenir dans la grande ville, mais à condition d’occuper des emplois d’exécution en deçà de leurs aspirations initiales et/ou de résider en périphérie des quartiers centraux. C’est le cas de Mélissa, qui, après une première expérience professionnelle insatisfaisante dans le secteur médico-social, se tourne vers des activités alimentaires. Barmaid, vendeuse en boulangerie puis hôtesse de caisse dans un hypermarché d’Île-de-France, elle finit par passer de la « main gauche » à la « main droite » de l’État [Bourdieu, 2012] en se présentant au concours de gardien de la paix, qu’elle obtient avant d’exercer ce métier dans les Hauts-de-Seine. Cette réorientation est décidée à la suite d’une agression physique, par un homme la soupçonnant de vouloir séduire sa compagne. La ville androcentrée [Raibaud, 2015] semble ainsi avoir repris ses droits en amenant Mélissa à « protéger » l’émancipation acquise en endossant un rôle traditionnellement masculin. Mélissa réside désormais dans la grande ceinture parisienne, n’ayant pas les moyens d’habiter à Paris, dans une commune périurbaine aux aspects ruraux qu’elle affectionne, desservie par le rer l’amenant jusqu’au commissariat où elle a été affectée.

27Ces quatre cas [21] rendent ainsi compte de la manière dont les aspirations sociorésidentielles initiales, confortées par la poursuite d’études supérieures, peuvent être profondément réajustées. Cependant, le sentiment de frustration qui en découle demeure très variable selon les cas. L’écart est grand, en effet, entre Tiffany, qui ne s’est jamais vraiment autorisée à rêver d’une émigration durable, Assia, dont le projet de « travailler dans un musée » n’a finalement été abandonné qu’à l’issue des études supérieures et Mélissa qui parvient à se maintenir dans l’agglomération parisienne. Les deux premiers cas font apparaître que le maintien des relations familiales ou conjugales à l’espace et au milieu d’origine est à double tranchant : si, d’un côté il réduit les chances de tirer complètement profit de l’expérience étudiante, de l’autre il rend bien plus confortable un éventuel retour. Le cas de Mélissa permet, quant à lui, de mesurer combien le maintien dans une grande agglomération ne peut se faire qu’au prix d’un profond réajustement des aspirations initiales, que ni Assia ni Tiffany n’étaient en mesure d’effectuer.


28En marge des grandes agglomérations, les jeunes femmes de milieux populaires, qui réussissent mieux scolairement que les jeunes hommes, s’aventurent davantage que ces derniers dans l’émigration étudiante. Pourtant, toutes ne parviennent pas à se positionner durablement dans les grandes villes où elles poursuivent des études supérieures. Nous avons pu ainsi rendre compte du processus de réassignation spatiale qui conduit nombre d’entre elles à regagner leur espace résidentiel d’origine à la suite de l’expérience étudiante et urbaine, et donc à se détourner des grandes agglomérations et des perspectives d’émancipation et d’ascension sociales qu’elles offrent [Dherbécourt, 2015]. Ce phénomène procède de plusieurs facteurs. Si les « filles du coin » sont davantage encouragées, par leur entourage comme par la configuration du marché du travail des espaces ruraux [22], à partir poursuivre des études supérieures dans de grandes villes, on attend également d’elles qu’elles s’investissent dans des relations de proximité, essentiellement conjugales et familiales. Cette injonction contradictoire est particulièrement palpable dans l’attitude des parents qui expriment une grande fierté à voir leur fille partir et « aller aux études » et, dans un même temps, multiplient les rappels aux origines, par exemple en faisant preuve d’une inquiétude jugée envahissante par ces jeunes femmes, dans certains cas contraintes à répondre quotidiennement au téléphone. Les difficultés à transformer l’expérience étudiante en une migration résidentielle pérenne, accompagnant une ascension sociale effective, tiennent également au choix d’orientation faits en amont, reflet de leur tendance à être éliminées des meilleures places instituées dans la compétition scolaire. Il se traduit également par une difficulté, variable selon les cas, à localiser les pratiques culturelles et les sociabilités dans la grande agglomération où elles poursuivent leurs études et ainsi à s’interdire l’accès à certaines modalités d’acquisition de ressources sociales pourtant absentes sur leur territoire d’origine. Il faut enfin ajouter, de manière plus attendue, la question du coût matériel d’une telle mobilité : même lorsque les obstacles précédemment mentionnés viennent à être dépassés, ces jeunes femmes sont souvent rappelées à leurs origines du fait de la modestie du capital économique familial, qui rend impossible tout maintien résidentiel dès lors que les aides de l’État (bourses, logement) viennent à disparaître.

Annexes

Annexe 1

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les espaces ruraux et les unités urbaines de petite taille (2 000 à 20 000 habitant·e·s) en 2013

Hors unités urbainesSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF1229-17
H1022-12
20 à 24 ansF1922-3
H1118-7
25 à 29 ansF281810
H18144
30 à 34 ansF19127
H1596
Unités urbaines de 2 000 à 20 000 habitant·e·sSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF1526-11
H1321-8
20 à 24 ansF2225-3
H1418-4
25 à 29 ansF27252
H19181
30 à 34 ansF19163
H16133

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les espaces ruraux et les unités urbaines de petite taille (2 000 à 20 000 habitant·e·s) en 2013

Champ : étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur de 15 ans et plus ayant changé d’unité urbaine de résidence au cours de l’année passée en France.
Sources : Insee, RP 2013.

Annexe 2

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les unités urbaines de taille intermédiaire (de 20 000 à 200 000 habitant·e·s) en 2013

Unités urbaines de 20 000 à 100 000 habitant·e·sSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF1619-3
H1416-2
20 à 24 ansF23230
H1718-1
25 à 29 ansF1920-1
H1516-1
30 à 34 ansF11110
H10100
Unités urbaines de 100 000 à 200 000 habitant·e·sSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF1174
H963
20 à 24 ansF15141
H13112
25 à 29 ansF990
H880
30 à 34 ansF550
H550

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les unités urbaines de taille intermédiaire (de 20 000 à 200 000 habitant·e·s) en 2013

Champ : étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur de 15 ans et plus ayant changé d’unité urbaine de résidence au cours de l’année passée en France.
Sources : Insee, RP 2013.

Annexe 3

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les unités urbaines de plus de 200 000 habitant·e·s

Unités urbaines de 200 000 à 2 000 000 habitant·e·sSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF481830
H371423
20 à 24 ansF715714
H604416
25 à 29 ansF3638-2
H33321
30 à 34 ansF19190
H19181
Unités urbaines de ParisSexeArrivéesDépartsSolde
15 à 19 ansF844440
H674423
20 à 24 ansF281117
H1192
25 à 29 ansF18126
H1697
30 à 34 ansF810-2
H78-1

Flux migratoires (en milliers) des étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur dans les unités urbaines de plus de 200 000 habitant·e·s

Champ : étudiant·e·s et diplômé·e·s du supérieur de 15 ans et plus ayant changé d’unité urbaine de résidence au cours de l’année passée.
Sources : Insee, RP 2013.

Annexe 4

Type de filière du vœu 1 des élèves souhaitant quitter le département de résidence selon la profession et catégorie professionnelle (pcs) du parent référent et le sexe

tableau im1
Département A Département B Filière du vœu 1 cpge et ge Licences iut sts cpge et ge Licences iut sts pcs Femmes Cadres et professions intellectuelles supérieures 16,9 50,6 14,5 18,1 41,8 38,3 12,1 7,8 Professions intermédiaires 10,3 37,9 19 32,8 26,4 19,8 28,1 25,6 Employé·e·s 12 46,8 12,7 28,5 21,6 34,2 20,6 23,6 Ouvrier·e·s 9 41,4 13,5 36 13,2 18,3 33 35,5 pcs Hommes Cadres et professions intellectuelles supérieures 20,4 41,8 18,4 19,4 53,3 21,1 16,1 9,6 Professions intermédiaires 20,6 30,2 23,8 25,4 34,3 11,1 27,3 27,3 Employé·e·s 6,4 39,2 18,4 36 20,8 22,8 15,4 40,9 Ouvrier·e·s 17,8 30,1 17,8 34,2 9,8 12,9 26,5 50,8 Total 12,5 41,6 16,4 29,5 33,4 25,9 19,9 20,8 Effectifs 92 307 121 218 495 385 295 309

Type de filière du vœu 1 des élèves souhaitant quitter le département de résidence selon la profession et catégorie professionnelle (pcs) du parent référent et le sexe

Sources : Rectorats de Bourgogne et de Haute-Normandie ; données apb 2015.

Notes

  • [1]
    Nous remercions pour leurs conseils et suggestions sur de premières versions de ce texte les participant·e·s du séminaire « Genre et Territoires » (Cesaer) et de la journée d’études « Trajectoires étudiantes et enseignantes » (Ined).
  • [2]
    Dans la mesure où ce déplacement engage un départ durable de l’espace d’origine et qu’il constitue une étape de première importance dans une trajectoire sociale en construction, nous avons fait le choix d’utiliser la notion d’« émigration » plutôt que celle de « mobilité ». La première rend en effet mieux compte de la temporalité longue du phénomène et de son articulation au cycle de vie [Courgeau, 1988].
  • [3]
    La première enquête a été réalisée par Fanny Jedlicki et Clarisse Didelon-Loiseau en Haute-Normandie entre 2014-2015 [Jedlicki et Didelon-Loiseau, 2019]. Celle-ci s’appuie sur la passation d’un questionnaire (n=3500) et la réalisation de vingt-six entretiens auprès d’ancien·ne·s et alors étudiant·e·s du supérieur public de la région. Elle s’est poursuivie entre 2016 et 2019 dans un espace élargi au Grand Ouest par une recherche menée par Fanny Jedlicki procédant par « monographies de famille » auprès des fractions hautes des classes populaires rurales, engagées dans une ascension sociale par la voie scolaire. La deuxième enquête, réalisée par Elie Guéraut, est de type ethnographique. Elle a été conduite de 2010 à 2018, dans le cadre de deux mémoires de Master puis d’une thèse de sociologie. Les trajectoires de quarante deux jeunes diplômé·e·s de l’enseignement supérieur ayant fait l’expérience d’un retour dans leur espace d’origine ont été reconstituées et analysées, par le biais d’entretiens, d’échanges informels, d’observations sur divers supports de sociabilité, permettant un suivi longitudinal sur plusieurs années. Dans le cas de ces deux enquêtes, des traitements statistiques localisés aux périmètres des terrains d’enquête ont été réalisés, permettant d’examiner les caractéristiques sociales des populations qui résident en région parisienne ainsi que les vœux de poursuite des bacheliers (apb).
  • [4]
    L’expression est reprise à Yaëlle Amsellem-Mainguy et Sacha Voisin [2019].
  • [5]
    Entendues ici comme les communes n’appartenant à aucune unité urbaine.
  • [6]
    Entendues ici comme les communes appartenant à une unité urbaine de 2 000 à 99 999 habitant·e·s.
  • [7]
    Entendu ici comme un changement d’unité urbaine entre l’année n et n-1.
  • [8]
    Entendues ici comme les communes appartenant à une unité urbaine de plus de 200 000 habitant·e·s.
  • [9]
    Issus de la plateforme d’Admission Post-Bac (apb) et mis à notre disposition par les Rectorats académiques de Dijon et de Normandie, 2014-2015. Pour une description détaillée des données apb, voir Leïla Frouillou [2015, p. 59-63].
  • [10]
    48 % de la population de ce département vit en dehors d’une unité urbaine, contre 23 % en France métropolitaine (sources : Insee, rp 2013).
  • [11]
    Il s’agit d’une catégorie administrative. Dans les données fournies par le rectorat, le sexe du parent référent n’est pas mentionné.
  • [12]
    Les prénoms ont été changés afin de garantir l’anonymat des enquêté·e·s.
  • [13]
    La mère demande le divorce et quitte le département, à l’adolescence des enfants.
  • [14]
    Cette distance ainsi que la plupart de celles mentionnées dans cet article ont été calculées à l’aide du logiciel Odomatrix de l’Inra [Hilal, 2010].
  • [15]
    L’hyper contrôle du corps s’accompagne bien souvent d’un très fort investissement scolaire, pratiques ascétiques toutes deux tournées vers l’excellence des classes supérieures [Darmon, 2003], que l’on retrouve dans les trajectoires ascendantes de jeunes filles issues d’autres milieux sociaux.
  • [16]
    La part des ouvriers dans la population active y est supérieure à celle constatée en France métropolitaine (27 % contre 22 %).
  • [17]
    Les jeunes homosexuels masculins trouvent eux aussi, et dans certains cas davantage que les jeunes femmes, dans la grande ville, un affranchissement des entraves du groupe d’origine [Eribon, 2009].
  • [18]
    La part des ouvriers dans la population active y est de 31,4 % contre 22,2 % en France métropolitaine.
  • [19]
    Le père a commencé comme ouvrier avant de devenir contremaître, la fermeture de l’usine lui a fait connaître plusieurs années d’instabilité (intérim, chômage), avant de retrouver un emploi en contrat à durée indéterminée (cdi) dans une société qui connaît une instabilité organisationnelle (rachat).
  • [20]
    Maeva a un budget très serré ; elle parvient toutefois à ne (quasiment) pas travailler durant l’année universitaire et profite des congés pour « gagner et mettre de côté de l’argent ».
  • [21]
    Maeva, pour sa part, a différé son entrée dans la vie active, en reprenant des études de Master 2 (professionnel délivré par une école d’ingénieurs) : elle souhaite être « plus en lien avec la nature », qu’elle dit préférer à l’univers « urbain et capitaliste [pour lequel] travaillent la plupart des cabinets de paysagistes ». Aussi, son parcours universitaire distinctif et réussi dans une école sélective ne suffit pas à faire disparaître les tiraillements entre ses origines familiales populaires et rurales et les promesses d’une ascension sociale vers un univers où elle ne se sent toujours pas à sa place.
  • [22]
    Les marchés de l’emploi des espaces ruraux sont, à niveau de qualification égale, plus favorables aux hommes qu’aux femmes [Arrighi, 2004].
Français

Cet article traite de la question des migrations résidentielles engendrées par la poursuite d’études supérieures en France. Si depuis les années 1990, l’accès à l’Université s’est largement massifié, cette ouverture s’est faite au prix d’une forte hiérarchisation des filières de l’enseignement supérieur, au sein de laquelle la position occupée dépend en grande partie du sexe et de l’origine sociale. Dans une première partie reposant sur l’exploitation de données statistiques et d’études de cas, cet article revient sur la dimension spatiale de la distribution des étudiant·e·s dans l’espace de l’enseignement supérieur. Les femmes tendent plus que les hommes à quitter leur lieu de résidence à l’issue du baccalauréat, mais également à y retourner une fois leurs études achevées, à plus forte raison dans les classes populaires. La deuxième partie de cet article montre que ce phénomène, qui concerne en particulier les jeunes femmes originaires des espaces ruraux et des villes petites et moyennes, s’explique par un déficit de ressources sociales ainsi que par les multiples rappels aux origines qui s’exercent sur elles. L’article souligne in fine les petites différences dans les trajectoires des étudiantes « du coin », selon la fraction occupée dans les classes populaires.

中文

本地女学生的出走 在社会解放和空间重组之间

这篇文章讨论了在法国追求高等教育所产生的居住迁移问题。尽管自20世纪90年代以来,进入大学的机会向大众开放,但这种开放是以高等教育不同专业间形成严格等级制度为代价的。在这一等级制度中,个人所处的位置主要取决于性别和社会出身。本文第一部分基于统计数据和案例研究,研究了高等教育中大学生分布的空间维度。女性比男性更有可能在完成学士学位后离开居住地,但也更有可能在完成学业后返回居住地,这一情况在劳动阶层中格外显著。本文的第二部分显示,这种现象尤其涉及农村地区和中小城镇出身的年轻妇女。缺乏社会资源,以及社会中对她们的出身的反复强调都是解释原因。最后,文章强调了女性作为劳动阶级中的不同群体成员导致的生命轨迹的微小差异。

Deutsch

Studentische Abwanderung von Frauen aus der Peripherie Zwischen sozialer Emanzipation und räumlicher Neuzuordnung

Dieser Artikel befasst sich mit dem Thema der durch das Streben nach Hochschulbildung in Frankreich ausgelösten Wohnmigration. Obwohl der Zugang zu Universitäten seit den 1990er Jahren viel mehr Menschen offensteht, ging diese Öffnung auf Kosten einer starken Hierarchisierung der Studienrichtungen, innerhalb derer die jeweilige Positionierung weitgehend von Geschlecht und sozialer Herkunft abhängt. Im ersten Teil wird anhand von statistischen Daten und Fallstudien die räumliche Dimension der Verteilung von Studierenden im Hochschulbereich untersucht. Frauen verlassen nach dem Abitur häufiger als Männer ihren Wohnort, kehren aber nach dem Studium auch wieder dorthin zurück – darunter vor allem Frauen aus der Arbeiterschicht. Der zweite Teil dieses Artikels zeigt, dass sich dieses Phänomen, das vor allem junge Frauen aus ländlichen Gebieten und Klein- und Mittelstädten betrifft, durch einen Mangel an sozialen Ressourcen und durch die vielfach auf sie einwirkendenVerweise auf ihre Herkunft erklärt. Schließlich hebt der Artikel die kleinen Unterschiede in den Lebensläufen von Studentinnen aus der Peripherie hervor, je nachdem, aus welchem Bereich der Arbeiterschicht sie kommen.

Português

Emigração estudantil de “meninas locais”. Entre a emancipação social e a (re)imputação espacial

Este artigo trata da questão da migração residencial gerada pela busca do ensino superior na França. Embora o acesso à universidade tenha se tornado mais difundido a partir dos anos 90, esta abertura se deu à custa de uma forte hierarquia de correntes de ensino superior, dentro das quais a posição ocupada depende em grande parte do sexo e da origem social. Na primeira parte, com base em dados estatísticos e estudos de caso, este artigo examina a dimensão espacial da distribuição estudantil no ensino superior. As mulheres são mais propensas que os homens a deixar sua região de residência após o segundo grau, mas também mais propensas retornar quando concluem os estudos, especialmente nas classes populares. A segunda parte deste artigo mostra que este fenômeno, que diz respeito particularmente às mulheres jovens de áreas rurais e de pequenas e médias cidades, pode ser explicado pela falta de recursos sociais e pelos chamados às origens exercidos sobre elas. No final, o artigo destaca as pequenas diferenças nas trajetórias das estudantes “locais”, dependendo da fração da classe popular que elas ocupam.

Bibliographie

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  • En ligneArrighi Jean-Jacques, 2004, « Les jeunes dans l’espace rural : une entrée précoce sur le marché du travail ou une migration probable », Formation Emploi, n° 87, p. 63-78.
  • Baron Myriam, Blanchard Sophie, Delage Matthieu et Frouillou Leïla, 2018, « À la recherche des mobilités quotidiennes étudiantes », ove Infos, n° 38.
  • Biscourp Pierre, 2006, « Durée des études, trajectoire scolaire et insertion sur le marché du travail », Données Sociales, Insee.
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  • Brutel Chantal, 2010, « Jeunes et territoires : l’attractivité des villes étudiantes et des pôles d’activité », Insee Première.
  • En ligneChamboredon Jean-Claude, 1991, « Classes scolaires, classes d’âge, classes sociales. Les fonctions de scansion temporelle du système de formation », Enquête. Archives de la revue Enquête, n° 6.
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Elie Guéraut
Elie Guéraut est maître de conférences à l’université Clermont-Auvergne. Il est membre du Laboratoire d’Études sociologiques sur la construction et la reproduction sociales (Lescores) et chercheur associé au sein de l’unité Logement, Inégalités Spatiales et Trajectoires (List) à l’Institut National d’Etudes Démographiques (Ined). Il travaille actuellement sur les migrations résidentielles et les transformations sociales et politiques des villes petites et moyennes en marge des grandes agglomérations. Il a récemment publié « Le mépris comme réassurance sociale. Une petite bourgeoisie culturelle confrontée à son déclin », Sociétés Contemporaines, vol. 4, n° 120, p. 33-60, 2020 et « Retour à Lergnes. Les mobilités professionnelles contrariées de jeunes diplômées des Beaux-Arts », Genèses, n° 122, 2021, p. 107-126.
Fanny Jedlicki
Fanny Jedlicki est maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Rennes 2. Elle est membre du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en innovations sociétales (Liris) et chercheuse associée à l’Institut National d’Etudes Démographiques (Ined). Ses travaux les plus récents portent sur des mobilités scolaires, interrogées sous le prisme social et spatial, à l’échelle du groupe familial. Elle a récemment publié : « Les veines ouvertes de l’héritage. Les mandats familiaux de la mémoire de l’exil chilien », Cultures & Conflits, 2016/3-4, p. 151-167 ; « À la recherche de la classe perdue. Logiques migratoires des classes moyennes argentines en Espagne », Terrains & travaux, 2018/1, p. 179-200. Elle a également coordonné, avec Samantha Faubert, un ouvrage collectif : L’art est une arme de combat féministe. France, Argentine, Honduras et Salvador, regards pluridisciplinaires croisés, paru en 2020 aux Presses Universitaires de Rouen et du Havre.
Camille Noûs
Camille Noûs est un consortium scientifique créé en 2020 pour affirmer le caractère collaboratif et ouvert de la création et de la diffusion des savoirs, sous le contrôle de la communauté académique. Elle dirige le laboratoire Cogitamus et symbolise les personnes engagées pour un investissement massif et pérenne dans le service public de recherche et d’enseignement, en France et à l’étranger, particulièrement attachées aux valeurs d’éthique et de probation que porte le débat contradictoire, et aux libertés académiques. Cette collaboratrice très collective et souvent précaire participe à la construction collégiale des standards de nos disciplines : état de l’art, cadre méthodologique, discussions en conférences et séminaires, évaluation des projets et des publications, etc. Par son ajout comme co-auteure à nos publications, Camille Noûs peut perturber les indicateurs bibliométriques élaborés par le management institutionnel de la recherche et vite devenir une chercheuse reconnue à caractère international.
site web : http://www.cogitamus.fr/
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/11/2021
https://doi.org/10.3917/tgs.046.0135
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