CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Quelle influence ont, ou peuvent avoir la politique sociale, et plus précisément les lois et réglementations destinées à concilier famille et activité professionnelle sur le concept de maternité et sur la pratique sociale de mères ayant une activité professionnelle ? J’aborderai cette question à partir de l’exemple des différentes politiques sociales et de leurs effets sur les situations et les possibilités d’action des femmes en Allemagne à l’est et à l’ouest. En effet, me semble-t-il, après une séparation de plus de quarante ans de l’Allemagne en deux systèmes sociaux différents issus malgré tout d’une préhistoire commune, on peut, en effet, déterminer de façon quasi expérimentale, l’influence des facteurs liés aux systèmes et aux politiques sociales. Ceci sous-entend toutefois que la politique sociale et les mesures juridiques puissent être dissociées ou considérées de façon distincte des autres conditions sociétales, individuelles et plus particulièrement politiques.

2La problématique sous-jacente à une telle démarche est évidente : les nombreuses études comparatives de la politique sociale, et plus spécialement de la politique à l’égard des femmes dans les deux Allemagne entre 1949 et 1989, ont omis de considérer qu’il n’est pas possible de comparer terme à terme les mesures prises dans chaque pays parce que, dans ces systèmes différents, le droit, particulièrement dans la dimension des droits civils, s’inscrivait dans une compréhension tout à fait différente de la relation entre droit, État et politique. Il n’est pas question d’énumérer ni de prendre en compte ici tous les facteurs sociétaux et j’entreprends cet essai uniquement à propos du concept et de la pratique de la maternité à partir de l’exemple des modes de vie dans les deux Allemagne. En effet, les modèles d’action et les orientations observés et attestés empiriquement chez les femmes sont tout à fait différents à l’est et à l’ouest, alors même que les cadres généraux de la politique sociale se sont harmonisés. En généralisant de façon un peu sommaire, on peut dire que, pour les femmes d’Allemagne de l’Est, concilier maternité et activité professionnelle dans l’organisation de leur existence s’est fait avec beaucoup plus d’aisance et de naturel que pour les femmes d’Allemagne de l’Ouest, qui en tant que mères exerçant une activité professionnelle sont en proie à des conflits personnels dès lors qu’il leur faut arbitrer entre activité professionnelle et obligations maternelles.

3Ce constat très général et peu nuancé sera étayé sur des données comparatives et rapporté aux différentes politiques sociales. Je m’appuierai sur les nombreuses expertises réalisées sur les différences de situation des femmes en Allemagne de l’Est et de l’Ouest, sur des enquêtes personnelles sur les politiques sociales et les “politiques des sexes” (Geschlechterpolitik) en RDA et en RFA, sur les résultats d’enquêtes d’opinion menées après la réunification des deux États allemands, ainsi que sur des études qualitatives à caractère monographique sur le thème de la maternité. Il ne s’agit ni de faire une étude exhaustive, ni de reprendre la totalité des arguments relatifs à la politique en direction des femmes et à la politique sociale, dans le cadre d’une comparaison est-ouest. Notre démarche est exploratoire et s’efforce plutôt de sonder le terrain sur le plan conceptuel. La question est celle de l’éventuelle relation entre la “politique sociale” et les différentes stratégies d’action et modèles de conciliation. Autrement dit : dans quelle mesure ce qu’on a appelé la Muttipolitik, la “politique des mamans” de l’Allemagne de l’Est a-t-elle effectivement créé de meilleures conditions pour l’égalité des droits des femmes en tant que citoyennes - pour ne pas dire pour l’émancipation des femmes au sens le plus large -, que l’image négative forgée de façon persistante depuis les années 1950 par la politique sociale d’Allemagne de l’Ouest et toujours entretenue implicitement : l’image de la Rabenmutter, la “mère-corbeau”, qui stigmatise la mère exerçant une activité professionnelle, carriériste, focalisée sur elle-même et “non-féminine” (cf. Ina Merkel 1994, p. 359 et suiv.).

La maternité comme construction sociale : à propos de la préhistoire commune

4Le concept de maternité (Mutterschaft/motherhood) a toujours deux significations dans le langage courant : 1) l’état physiologique temporaire d’une femme qui met au monde un enfant, c’est-à-dire la grossesse et tout ce qui l’accompagne jusqu’au sevrage de l’enfant (maternity), 2) la relation sociale entre la mère et l’enfant, c’est-à-dire un engagement et une attente à l’égard de la mère, qui s’étend dans le temps, et est caractérisée comme soin maternel (Fürsorge/care) et éducation. Mais l’histoire de la femme, de la famille, de l’enfance et des rôles dévolus à chaque sexe, nous a appris que la puissance et le succès du concept de maternité sont précisément dûs à un mélange des deux significations, à une construction sociale de la maternité qui s’appuie sur une “nature” féminine supposée, sur l’ “instinct maternel”, ou, de façon plus moderne, sur “l’amour maternel”. Dans son examen de l’Histoire d’un sentiment, Elisabeth Badinter nous explique cependant que :

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“L’amour maternel est, comme tous les sentiments, incertain, fragile et imparfait […]. A observer l’évolution des attitudes maternelles, on constate que l’intérêt et le dévouement pour l’enfant se manifestent ou ne se manifestent pas. La tendresse existe ou n’existe pas. Les différentes façons d’exprimer l’amour maternel vont du plus au moins en passant par le rien ou le presque rien…”
(Badinter 1981 p. 12)

6Les études de genre et la critique féministe ont mis en évidence les multiples racines et conditions contextuelles de la construction sociale de la “maternité”. On ne peut faire abstraction de l’influence de Jean-Jacques Rousseau qui a, non seulement, fondé en philosophie juridique la relation entre amour maternel, famille et système politique libéral, mais, de façon tout à fait concrète, orienté la pédagogie et, du même coup, l’éducation des filles pendant plus de deux siècles. La séduction exercée par la théorie de l’éducation, qu’il expose en détail dans Émile ou l’éducation (1762) et surtout dans la cinquième partie “Sophie ou la femme” résidait aussi pour les femmes dans le fait que leur rôle dans la famille, comme compagne de l’homme et comme éducatrice se voyait valorisé de façon décisive pour le bien de la société tout entière et doté d’une importance culturelle et civilisatrice (cf. Steinbrügge 1987).

7Dans la profusion d’écrits pédagogiques et de sociologie de la famille qui, depuis la fin du XVIIIème et tout au long du XIXème siècle, se sont efforcés d’adapter le programme éducatif de Rousseau au contexte allemand, on ne peut qu’être frappé par le fait qu’ils ont surtout repris “les idées qui limitent la prétention de la femme à la culture” (Blochmann 1966, p. 28). Dans le “Conseil paternel à ma fille” de Johann Heinrich Campe (Vaterlicher Rat für meine Tochter, 1789), par exemple, la double qualification de la femme comme “compagne” et “éducatrice” devient triple : “épouse bienfaisante, mère éducatrice et maîtresse de maison avisée”. L’égalité de valeur, pensée comme complémentarité des sexes, a ainsi cédé le pas à une banale vertu, à un banal zèle de femme d’intérieur (cf. Gerhard 1978, p. 129). Le livre de Wilhelm Riehl, La famille, publié pour la première fois en 1855, un best-seller (17 éditions jusqu’en 1935), a eu une grande importance dans la constitution d’une image dominante conservatrice de la famille comme “fondement d’une politique sociale allemande” (tel est son sous-titre) et entretenu une polémique populaire et très lue contre “l’émancipation de mauvais aloi des femmes”, présentée comme une réponse à la révolution de 1848 et aux premières aspirations des femmes à l’émancipation. Les prémisses de la sociologie de la famille, dont Riehl est un des fondateurs à côté de Le Play, sont sans ambiguïté : cette science se met au service d’une idéologie non seulement bourgeoise et patriarcale, mais aussi réactionnaire, qui prescrit à “la femme comme sexe voué à la famille” soumission et enfermement dans la famille : “[la femme] œuvre dans la famille, pour la famille ; elle lui donne et lui sacrifie le meilleur d’elle-même ; elle élève les enfants, elle vit la vie de l’homme” (Riehl 1855 p. 22 et 91). Cette assignation de la femme et la valorisation particulière de la vie familiale allemande sont devenues, au plus tard avec Riehl, une caractéristique essentielle de la conscience nationale allemande. C’est ce que donnent à lire tous les clichés et comparaisons entre nations que l’on trouve dans les dictionnaires de conversation de l’époque sous le terme “femmes” ou “relations entre les sexes”. Les françaises y sont caractérisées par leur “coquetterie” et les italiennes par leur “immoralité” tandis que les anglaises sont admises à représenter les vertus domestiques [1].

8Comme dans les autres mouvements de femmes occidentaux, le concept de maternité organisée (organisierte Mutterschaft/organised motherhood) a joué un grand rôle dans le mouvement allemand des femmes au tournant du siècle, et ce, de plusieurs points de vue et dans toutes les tendances politiques de ce mouvement. De façon typique, le terme Mütterlichkeit (motherliness/maternalité) est utilisé pour désigner le symbole de la “spécificité” féminine. Il servait d’une part à la majorité des femmes bourgeoises modérées de la Ligue des Associations féminines allemandes (Bund deutscher Frauenvereine) à désigner leur projet politique d’imposer une influence comme une “Mütterlichkeit appliquée au monde”, ou comme on le lit dans les “Principes et revendications” de 1905 : “le mouvement des femmes voit un de ses devoirs les plus éminents dans l’ouverture du monde de la vie publique à l’influence maternelle” (cf. Bäumer 1921, p. 28). Leur projet était de dépasser les limitations de la féminité traditionnelle et de fonder la différence des sexes comme contre-projet féminin contre le “rationalisme étranger à la nature et dédaigneux de la nature du monde capitaliste moderne” (Bäumer 1931, pp. 16-17). Ce concept, également décrit comme “maternalité intellectuelle”, n’était pas seulement l’affirmation ou la priorité donnée à la maternité physique, il était politique. Il visait à faire participer les femmes, “pas seulement aux crèches, jardins d’enfants et écoles, mais aussi aux ministères et parlements” (Zahn-Hanarck 1928, p. 77 ; cf. aussi Stöhr 1994, p. 222). D’un autre côté, la maternité et la protection des mères était précisément aussi le point de départ des revendications juridiques du mouvement des femmes prolétaires pour protéger les ouvrières et les mères contre les effets dévastateurs pour la santé du travail en usine. Ces premières conquêtes d’une politique sociale d’État (en Allemagne à partir de 1878 et 1891) en faveur des femmes en tant que mères eurent et ont, nous le savons toutes, des conséquences à double tranchant, le mouvement ouvrier ayant discuté la “nécessaire limitation du travail des femmes dans les usines” sous l’angle d’une protection contre le travail des femmes (cf. Thönessen 1969 ; Hausen 1997). Dans la collaboration internationale entre féministes, par exemple, ce point faisait encore l’objet de violents débats dans les années 1920 en raison du rejet radical des dispositions protectrices en faveur des femmes par l’Open Door Council[2] où étaient surtout représentées les femmes anglo-saxonnes et scandinaves (cf. Bock-Thane, éd. 1991). Il est d’autant plus remarquable que le mouvement des femmes prolétaires allemandes, exhortées par Clara Zetkin aux “devoirs sacrés de la maternité” (Die Gleichheit, 1905, n°6, p. 37), ait exceptionnellement marché du même pas que le mouvement bourgeois dans le domaine du concept de maternité.

9Depuis, l’histoire des femmes a beaucoup discuté des raisons pour lesquelles la politique de la maternalité organisée et la différence des sexes qui en découle ont pu être aussi aisément reprises et perverties par la politique national-socialiste à l’égard des femmes et de la famille (cf. Bridenthal, Grossmann, Kaplan 1984 ; Koonz 1987). Le mépris des femmes qui animait une politique à l’égard des femmes à la fois nataliste et raciste, l’obligation prescrite par l’État de faire des enfants, et, dans le même temps, la destruction des groupes de population indésirables (cf. Bock 1986), mais aussi l’exclusion explicite des femmes de toutes les positions universitaires ne peuvent être interprétées que comme une rupture dans la civilisation, nullement comme un prolongement d’on ne sait quelles aspirations féministes. Quoi qu’il en soit, l’idéologie de la maternité soutenue de diverses façons par l’État et sa politique sociale, par les honneurs financiers et symboliques associés à la naissance d’un enfant (prêts matrimoniaux assortis d’allégements de remboursement en cas de naissance, croix de mère, mises en scène des fêtes des mères, etc.) ainsi que par une propagande diffusée par tous les médias en faveur d’une maternité au service de la communauté du peuple ont sans aucun doute exercé une influence à long terme, bien au-delà de la période nazie, et particulièrement dans le domaine du droit (Schwab, 1997 ; Schubert, 1980 ; Niehuus, 1997). Il n’est pas possible de développer ici ce sujet, qui doit simplement marquer la frontière au-delà de laquelle s’interrompt cette préhistoire d’une politique sociale et d’une empreinte culturelle commune aux femmes d’Allemagne de l’Est et de l’Ouest.

Les dispositifs de la politique sociale en faveur des mères en RDA

10“L’égalité des droits de la femme” passait pour “une des plus grandes conquêtes” de la RDA (Dokumente 1975 p. 235), et sa réalisation fut la vitrine de la politique socialiste, vantée à grand renfort de dépenses et de publicité ; pour tous les intéressés, elle servait de “preuve de la supériorité du socialisme sur le capitalisme” (Kuhrig/Speigner 1979, p. 22). Pour un rapide survol des dispositions les plus importantes de politique sociale relatives au rôle de la mère exerçant une activité professionnelle, il faut d’abord citer les dispositions correspondantes de la constitution de la RDA. L’article 7 de la constitution de 1949 de la RDA énonce sans ambages l’égalité des droits de l’homme et de la femme et prescrit sans conditions : “toutes les lois contraires à l’égalité des droits de la femme sont abolies”. D’autres dispositions constitutionnelles relatives aux femmes réglementaient l’égalité salariale (art. 18), l’égalité expresse de l’homme et de la femme dans la famille (art. 30), la garantie d’une protection particulière de la mère (art. 32) ainsi que l’égalité de situation des enfants nés hors mariage (art. 33) (pour plus de détails, cf. Gerhard 1994, pp. 383-403).

11La comparaison de ces dispositions avec la lettre et la mise en œuvre des dispositions relatives à l’égalité des droits dans la loi fondamentale de la RFA révèle des nuances importantes dès l’énoncé de la norme. Tandis que la loi fondamentale ouest-allemande suspendait l’entrée en vigueur immédiate de l’égalité des droits inscrite à l’art. 3 par une réglementation de transition valable jusqu’en 1953 instaurée par l’art. 117 de cette même loi fondamentale, et que le législateur ouest-allemand s’accordait un délai identique pour la révision du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB - Code Civil), particulièrement dans le domaine du droit de la famille [3], la constitution de la RDA prévoyait du moins une entrée en vigueur immédiate de cette égalité et elle s’efforça de mettre en application la législation dès le début des années 1950. La première et la plus importante des lois fut la “loi sur la protection de la mère et de l’enfant et sur les droits de la femme”, en date de 1950, qui fut conçue comme un texte de base pour l’accomplissement de la mission énoncée dans la constitution, et à la naissance et à la réalisation de laquelle le Demokratischer Frauenbund Deutschlands (DFD - Ligue démocratique des femmes d’Allemagne) fut associé de façon importante en tant que représentant de toutes les associations de femmes (Schubert 1980, p. 365). A côté des aides matérielles et sociales (allocation familiale versée par l’État, prime d’allaitement, consultations pour les femmes enceintes et les mères), l’accent fut particulièrement mis sur la création obligatoire de lieux d’accueil des enfants, crèches et jardins d’enfants. L’abolition de toutes les dispositions du BGB contraires à l’égalité en droit des femmes dans le couple et dans la famille est également abordée en détail. On est cependant surpris de la lenteur avec laquelle, en RDA également, un Code de la Famille a fini par être adopté en 1965 (Familiengesetzbuch FGB), alors qu’il était en projet depuis 1954. Ce code inscrit dans son paragraphe 10 une obligation égale pour les deux conjoints en ce qui concerne l’éducation des enfants et la gestion du foyer. Il est écrit expressément que : “les relations des conjoints entre eux doivent être organisées de telle sorte que la femme peut concilier son activité professionnelle et sociale avec la maternité” (souligné par l’auteur). Mais le paragraphe 3 du FGB stipule une fois encore expressément que “l’éducation des enfants est à la fois le devoir et l’affaire de toute la société”, ce qui conduit l’État socialiste à mettre en place institutions et mesures destinées à permettre l’accomplissement des obligations parentales. L’objectif devient ainsi clair. Dans le préambule, la famille est définie comme “la plus petite cellule de la société”, dont la fonction est sans ambiguïté face à l’État et à la société : “infléchir le comportement des individus en tant que personnalités dans la société socialiste”. Le point de départ est l’identité des intérêts de l’État, de la société et de la famille, et la double structure de la société bourgeoise et la frontière entre privé et public n’ont apparemment plus de sens.

12Les années 1970 ouvrent le chapitre dans lequel sont acquis et développés ce qui est désigné comme exemplaire et comme des “conquêtes sociales” dans la discussion autour de la politique sociale. En 1971, le changement à la tête du pouvoir installe Erich Honneker à la place de Walter Ulbricht, et le VIIIè congrès du Parti qui définit le cours nouveau comme étant “l’unité de l’économie et de la politique sociale”, oriente la poursuite du travail en direction des femmes vers “la solution progressive des problèmes qui déterminent la possibilité pour une femme de faire pleinement usage de ses droits égaux” (Kuhrig/Speigner 1979, p. 42, cf. aussi Dokumente 1975, p. 286).

13Le premier pas en ce sens, qui n’a pas manqué de faire son effet à l’ouest où, depuis 1971, le mouvement des femmes luttait pour la liberté de l’interruption de grossesse, fut la “loi sur l’interruption de grossesse” du 9 mars 1972. Elle réglementait les délais et prévoyait la prise en charge par l’assurance sociale des frais y afférent. Il est à noter que ce fut une des rares dispositions législatives à susciter l’opposition de la CDU d’Allemagne de l’Est lors de son adoption par la Volkskammer (Assemblée Nationale). Par ailleurs, cette réforme fut une surprise pour beaucoup et survint sans que les femmes aient particulièrement réclamé quoique ce soit dans ce domaine (Kuhrig 1992). Les rares commentaires juridiques soulignent l’”harmonie” avec laquelle cette loi s’intègre dans les nombreuses mesures destinées à “soutenir la famille et à faciliter la vie et l’engagement de la femme dans son métier et sa famille”. Ils ne manquent pas de rappeler la grande tradition de lutte du mouvement ouvrier contre les lois de classe et leurs aspects “de politique démographique”, mais aussi la place centrale de l’interdiction de l’avortement dans un “régime d’exploitation” (Grandke 1972, p. 314).

14Soutenir le désir d’enfant grâce à la transformation du contexte social et à des aides personnelles, tel était l’indispensable autre versant et la raison d’être des mesures de politique sociale prises dans le même temps. Il s’agit de tout un éventail de mesures et de décrets que nous ne ferons qu’évoquer : entre autres, l’allongement du congé maternité, la réduction de la durée du travail pour les mères, l’absence, sans perte de salaire en cas de maladie de l’enfant, des crédits pour le couple avec possibilité d’allégement des remboursements, des facilités de logement. À partir de 1974, sont introduites des aides équivalentes pour les parents isolés, la poursuite du développement des crèches et garderies, enfin, la prise en compte du temps d’éducation dans le calcul des retraites. Ainsi en 1977, les femmes actives seules de plus de 40 ans obtiennent un jour de congé par mois pour s’occuper de leur foyer, selon toute vraisemblance, une concession à la génération plus ancienne, jusqu’alors négligée. Dans les années quatre-vingt, ce catalogue de mesures est étoffé et diversifié : ainsi, à partir de 1985, les étudiantes et apprenties bénéficient elles aussi des allocations familiales et d’autres avantages, une indemnité maladie est prévue pour soigner des enfants malades. “Dans des cas justifiés”, le conjoint, i.e. le père, ou la grand-mère, peut prétendre à une absence rémunérée pendant le congé maternité ou en cas de maladie de l’enfant. Cependant, comme le montrent les enquêtes, au mieux 1% des pères ont fait usage de cette possibilité (Johne, 1992, p. 269).

15Cette politique sociale ne favorisait pas toutes les femmes, mais exclusivement les mères et seule la génération la plus récente a pu bénéficier de ces avantages. Elle poursuivait en même temps avec constance l’objectif d’une meilleure “conciliation de l’activité professionnelle et de la famille”, mais, on l’aura noté, elle s’adressait en priorité et explicitement aux femmes, en dépit d’une responsabilité identique du père et de la mère au regard du droit de la famille. Il serait cependant trop simple de prêter à l’État de la RDA des intentions purement démographiques derrière ces dispositions législatives. Cette politique tirait bien plutôt sa légitimité d’un faisceau complexe d’objectifs politiques et de facteurs économiques, au sein duquel la nécessité de recruter des femmes pour le marché du travail s’alliait à l’image de “l’éducation familiale socialiste” dont la “fonction objective” semblait irremplaçable dans le dispositif de pouvoir (cf. Lemke 1991, p. 250). Le résultat de cette idéologie politique et de sa traduction en terme de politique sociale fut toutefois contradictoire : favoriser unilatéralement les femmes n’a pu, dans la réalité, abolir la division traditionnelle du travail entre hommes et femmes. Elle a permis cependant de réduire au silence dans le débat politique, sinon dans d’autres formes d’expression, notamment littéraires, d’autres revendications politiques propres aux femmes.

La politique de la RFA à l’égard des femmes et de la famille

16De fait, on ne peut comprendre les réglementations et institutions de politique sociale et familiale discutées, introduites ou abolies après 1949 pour les mères exerçant une activité professionnelle, sur la base d’une égalité de droits inscrite ici aussi dans la constitution ouest-allemande (art. 3 de la loi fondamentale) qu’en gardant à l’esprit qu’elles l’ont été avec, en toile de fond, la politique menée par la RDA à l’égard des femmes. L’image négative de l’émancipation socialiste de la femme, et particulièrement d’une éducation socialiste des enfants prise en main par la société, servait alors de repoussoir à pratiquement tous les débats sur la liberté, la famille et les droits civils en Allemagne de l’Ouest. Nous avons déjà mentionné la laborieuse histoire de l’égalité des droits des femmes découlant de la mission, inscrite dans la loi fondamentale, de réformer tout particulièrement le droit familial. De fait, il faut attendre 1977 et la nouvelle réforme du droit de la famille pour voir abolie l’obligation faite à la femme mariée de se consacrer en priorité à sa maison et à ses enfants, conformément aux paragraphes 1356, 1360 du BGB. En effet, jusqu’alors, une femme mariée ayant des enfants n’était habilitée à travailler que si elle remplissait ses devoirs de femme au foyer. Toute défaillance pouvait même être invoquée contre elle en cas de divorce et lui faire perdre tout droit à pension. L’épouse était, par ailleurs, contrainte de travailler si les revenus du mari ne suffisaient pas à l’entretien de la famille. La protection particulière de la famille et du couple comme “institution” et la protection de la mère étaient inscrites dans la loi fondamentale ouest-allemande, mais du même coup, les enfants illégitimes ne furent reconnus à égalité qu’à partir de 1969 et le principe de la faute dans le droit du divorce ne fut abandonné qu’à partir de la réforme de 1977.

17Les tendances restauratrices et conservatrices de la politique familiale, particulièrement à partir des années 1950, pendant la phase de construction de la nouvelle république, ont été largement analysées et critiquées (cf. par exemple Jurczik 1977 ; Haensch 1969). Il est question de “refamilialisation” (Frevert 1990, p. 219), d’une famille “espace de refuge et de protection”, qui aurait fait preuve d’une grande capacité de résistance après la destruction des valeurs et de l’ordre social (cf. Horkheimer 1947-49 in : 1987 ; König et al. 1974). A cette époque, la sociologie de la famille exerça une influence exceptionnelle en fournissant le matériel empirique et le schéma interprétatif des menaces qui étaient censées découler de la perte de l’autorité masculine, et en particulier paternelle, et du rôle moteur de la femme dans la famille (cf. Schelsky 1953). Il fallait faire pièce à cette perte de pouvoir masculin, telle fut la conclusion que l’on tira des apports scientifiques. “Après 1945, une ‘reconstruction politique de la famille’ se produisit dans tous les pays qui avaient pris part à la Seconde Guerre mondiale”. La nouvelle République Fédérale occidentale entreprit, dans tous les domaines politiques, de la politique économique à la politique du travail et à la politique fiscale et familiale, de “rétablir la normalité, de reconstruire ce qui avait été détruit”. La protection de la maternité et l’accent mis implacablement sur le caractère indispensable de l’activité des femmes comme épouses et mères était le message central de la politique familiale de cette époque (Moeller 1993, p. 2 et 142). Des recherches sociologiques récentes en histoire sociale montrent comment la “crise de la masculinité” révélée par la défaite allemande fut combattue dans les années cinquante par une politique de remasculinisation, par la “reconstruction de la masculinité allemande” (cf. Moeller, Poiger et al. 1998, pp. 101-169).

18Elisabeth Pfeil (1961), qui analyse “l’activité professionnelle des mères” au travers de plus de 1000 entretiens, fait un examen nuancé des motivations de l’activité professionnelle des mères, de leurs attitudes et aussi les effets de cette activité sur les enfants. Elle interprète les résultats avec une grande prudence et semble même étonnée de l’unanimité des réponses : “l’attitude négative de l’opinion publique à l’égard du travail des mères recèle un enchaînement de déductions qui semble s’imposer par son évidence : “mères qui travaillent - enfants livrés à eux-mêmes - loubards - délinquance.” (Pfeil 1961, p. 325).

19A partir des années 1960, la version à peine modernisée de la politique en direction des femmes, fut une série de mesures institutionnelles et légales destinées à améliorer la “situation des femmes dans le travail, la famille et la société” (cf. Bericht der Bundesregierung 1966), fondées sur le “modèle en trois phases” proposé à partir des travaux d’Alva Myrdal et Viola Klein (1962), pour résoudre les problèmes de conciliation qui se posaient aux mères exerçant une activité professionnelle. Sans nous attarder sur l’interprétation tendancieuse des propositions formulées dans cet ouvrage, nous constaterons que les mères étaient ainsi véritablement exclues de toute activité professionnelle dans la première phase, celle de la toute petite enfance, ce qui était envisagé étant plutôt un retour sur le marché du travail dans la troisième phase, postérieure à l’éducation des enfants. Ce retour sur le marché du travail restait ainsi la seule perspective proposée par la politique en direction des femmes, qui fut soutenue pour un temps par des dispositions législatives, particulièrement pendant la période de réformes de la fin des années 1960. Un outil législatif très prometteur fut l’Arbeitsförderungsgesetz (Loi pour la promotion de l’emploi) de 1969, dont les dispositions en faveur des femmes furent cependant à nouveau régulièrement démantelées à partir du milieu des années 1970 à la suite des crises qui affectèrent le marché du travail.

20Lorsque la réforme du droit du couple et de la famille de 1977 fit enfin des femmes, des partenaires dans le mariage et dans le travail, la formule de la “liberté de choix” fut appelée à la rescousse de la division traditionnelle du travail dans la famille. Car dans un légitime souci de “s’abstenir de toute politique démographique” et “de réduire les situations conflictuelles vécues par les mères”, les mesures prises se proposaient désormais de reconnaître le travail lié à la famille et donc aussi d’aider à faire le choix de cette dernière (cf. Dritter Familienbericht 1979). C’est dans ce contexte que furent développées deux propositions qui devinrent des lois en 1986 : une prestation consacrant la reconnaissance du travail d’éducation et la prise en compte d’une année dite “du bébé” (Babyjahr) dans le calcul de la retraite. Les mots d’ordre lancés par le patronat chrétien-démocrate sur le thème de la “nouvelle maternalité” (cf. “Die sanfte Macht der Familie” 1981) prirent la forme d’une véritable campagne, qui caractérisa ce revirement du gouvernement, à nouveau chrétien-démocrate à partir de 1981. La valorisation politique et la reconnaissance purement symbolique des tâches maternelles résumées par le slogan “Nous avons besoin de plus de maternalité” furent cultivées dans une intention conservatrice. La profonde convergence entre la thématisation des situations vécues par les mères et leurs expériences latentes d’injustice ressort en fin de compte d’un “manifeste des mères” publié par des femmes “Vertes” pour dénoncer l’hostilité de la société à l’encontre des mères et des enfants. (cf. Pass-Weingartz et Erler 1989).

21Le projet d’une véritable sécurité sociale accordée de façon indépendante à la femme n’a pas plus abouti que la réforme fiscale sans cesse réclamée, notamment celle de l’Ehegattensplitting (abattement fiscal lorsqu’un seul conjoint travaille) qui favorise toujours considérablement la femme au foyer traditionnelle. Il a fallu attendre 1998 pour voir le tribunal constitutionnel critiquer l’imposition injuste des familles et enjoindre au législateur de procéder à des réformes législatives radicales d’ici 2002.

22C’est seulement depuis le 1er janvier 1996 que les enfants de plus de trois ans peuvent juridiquement prétendre à une place en jardin d’enfants. Encore ceci est-il le résultat d’un conflit constitutionnel qui s’est prolongé pendant des années autour de la dépénalisation de l’interruption de grossesse. Pour préserver un minimum de crédibilité à la propagande sur la nécessaire protection de la vie qui se greffe sur ce thème crucial incomplètement réglé pour les femmes, y compris dans sa dernière version, le législateur s’est vu contraint d’ouvrir des jardins d’enfants. Les questions liées au sexe, non réglées et extrêmement complexes dans l’État-providence allemand, étaient énumérées dans le titre de la loi annulée de 1992. Si cette dernière s’intitulait : “loi sur la protection de la vie prénatale, sur le soutien à une société plus ouverte aux enfants, pour des aides dans les conflits liés à la grossesse”, dans sa dernière version du 21 août 1998, elle ne s’intitulait plus que “loi sur la réforme des aides aux femmes enceintes et aux familles”.

La maternité au jour le jour : les effets de la politique sociale

23La différence la plus frappante entre les situations des femmes en RDA et en RFA apparaît dans le rapprochement des structures de l’emploi féminin : vers 1990, au taux d’activité féminine de 80 à 90% (incluant étudiantes et apprentis) en Allemagne de l’Est répondait un taux de 55% en République Fédérale. Ce qui était spécifique à la RDA, c’était non seulement l’activité professionnelle de presque toutes les femmes, mais, simultanément, la proportion élevée des mères. “Les années quatre-vingt ont été marquées non seulement par un taux d’activité de 91%, mais aussi, par le fait que, dans le même temps, plus de 90% des femmes ont mis au monde au moins un enfant” (Frauenreport 90, p. 79). Par contre en RFA, sur 100 couples, 18 restaient sans enfant, et 35% des femmes mariées actives entre 25 et 55 ans en Allemagne occidentale n’ont pas d’enfant (Wissenschaftlicher Beirat für Frauenpolitik 1993, p. 83 (103) ; Löhr 1991, p. 461). Une autre information, intéressante dans ce contexte, est la comparaison des équipements de garde des enfants.

24Examinons les données statistiques d’un peu plus près, tout d’abord pour ce qui est de l’activité des femmes et des mères :

25L’écart entre les taux d’activité féminine en Allemagne de l’Est et de l’Ouest était déjà d’au moins 20% au début des année 1970 (cf. tableau I situé en fin d’article). Il se réduit cependant en raison des difficultés sur le marché du travail est-allemand, mais se maintient malgré tout à 14% en 1995 (59,9 pour 73,9). L’activité des mères est influencée par l’âge et le nombre des enfants, les allemandes de l’Ouest étant beaucoup plus rarement actives que les allemandes de l’Est. En comparaison internationale, l’Allemagne occupe une situation intermédiaire (tableau II). Pourtant, le taux d’activité des mères d’Allemagne de l’Ouest a fortement augmenté ces vingt dernières années, mais cette hausse provient essentiellement de la croissance de l’emploi à temps partiel. La part des mères d’enfants de moins de 18 ans travaillant à temps plein s’est même encore réduite par rapport aux années 1970. Tant que les enfants ne sont pas scolarisés, les femmes sont même aujourd’hui aussi rarement actives que les mères du début des années 1970. En revanche, la part des actives occupées ayant des enfants de 3 à 5 ans en Allemagne de l’Est a déjà régressé de 83 à 65% entre 1991 et 1996. Ce résultat est corrélé au chômage des mères qui y a augmenté plus que la moyenne (Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend 1998, p. 109-123). Une enquête du Bundesanstalt für Arbeit donne un résultat remarquable à propos du maintien sur le marché du travail des mères qui prennent un congé d’éducation. Selon celle-ci, la moitié seulement de toutes les bénéficiaires ne revient pas sur le marché du travail au bout de trois ans (Engelbrech 1997, p. 2). Cette forme de “congé maternel” atteint donc apparemment le but caché de cette “politique des sexes”, qui est de tenir les mères autant que possible à l’écart d’un marché du travail tendu.

26Un facteur essentiel de ces différences marquées dans l’activité des mères réside sans doute dans l’accès à des institutions de prise en charge des enfants : en 1996, deux tiers de tous les enfants entre 3 et 5 ans fréquentaient un jardin d’enfants public. Il n’y a en Allemagne de l’Ouest que peu de places en crèche et en garderie pour les enfants de moins de trois ans et ceux qui commencent l’école. En comparaison européenne, l’ex-RFA fait partie des pays où leur taux est le plus faible (tableau III). Alors qu’en Allemagne de l’Ouest, seuls 4,5% des enfants de 3 ans et 11% des élèves de première année d’école fréquentent une garderie, en Allemagne de l’Est, ils sont encore 33% en dessous de 3 ans et près de 60% à 7 ans à disposer d’institutions équivalentes (Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend 1998, pp. 124-131).

27Outre ces quelques données sur les conditions institutionnelles faites aux mères actives, il faudrait aussi examiner d’autres dimensions de ces politiques sociales différentes, dans la mesure où d’autres facteurs sociaux, économiques et culturels influencent les possibilités d’action et les stratégies de femmes, ainsi que les possibilités d’aménagement par les individus des relations entre sexes. Il faudrait en tout cas évoquer, outre les équipements de garde d’enfants, d’autres mesures favorisant la conciliation entre éducation des enfants et activité professionnelle : horaires scolaires et restauration scolaire pour les enfants, mesures professionnelles de soutien et de formation pour les mères, congé pour enfant malade assorti d’une garantie d’emploi, reconnaissance de l’éducation des enfants et du temps passé auprès d’eux dans le calcul de la retraite, mais aussi l’organisation des rapports de travail, qui peut être très différente selon que le milieu de travail est générateur de concurrence et de stress ou qu’il est, au contraire, un milieu communautaire protégé, etc. Il faut aussi se demander dans quelle mesure la politique sociale crée des conditions facilitantes, libératrices ou limitantes. Il serait bien sûr trop simple de construire une relation exclusivement déterministe ou fonctionnaliste entre les “politiques sociales” et les orientations et les actions des mères. Un tel lien originel n’existe pas, comme le montre le cas de la RDA où les mesures favorisant fortement l’activité des mères sont entrées en vigueur de façon différée, après 1970 seulement, soit à un moment où le taux d’activité des femmes avait déjà dépassé les 80%. La politique sociale a ici plutôt réagi à des nécessités et à des besoins économiques, de façon à réduire et atténuer les effets secondaires. C’est pour cette raison que les expertises de la “politique des sexes” et de la politique sociale de la RDA s’accordent à distinguer très nettement les différentes générations et cohortes de femmes, leurs motivations et leurs chances d’entrer sur le marché du travail. Après une première génération pionnière, qualifiée d’ “héroïque”, qui réalisa sans mesure d’accompagnement un “modèle prolétarien” abandonné aux capacités individuelles, des générations déjà socialisées par la seule RDA, dotées d’une formation et de possibilités professionnelles proches de celles des hommes, apparurent sur le marché du travail après les années 1970. Leur solution aux problèmes de la conciliation fut de réduire sensiblement le nombre de leurs enfants. Seule la cohorte des femmes nées après 1950 bénéficia de ce qu’on appela la “politique des mamans”. La “réinstitutionnalisation du ‘rôle de mère’” produisit dans l’ensemble une modification du climat social qui s’exprima aussi par la dévalorisation du travail des femmes, présenté comme “facteur de risque” (cf. pour plus de détails Trappe 1995, p. 115 et suiv.).

28On constate aujourd’hui que, dix ans encore après la réunification, les attitudes face à l’activité professionnelle des mères, et donc le concept de maternité, se différencient encore très clairement entre les femmes de l’est et de l’ouest. Ceci conduit à s’interroger sur ces modèles de comportement. Différentes enquêtes sur les “attitudes face au rôle de la femme dans la famille et l’activité professionnelle” montrent que les Allemands de l’Est ne pensent pas que l’activité professionnelle de la mère puisse être préjudiciable à la relation mère-enfant, alors que 70% des enquêtés d’Allemagne de l’Ouest partent encore du principe que les enfants en âge pré-scolaire souffrent de l’activité professionnelle des mères (Schäfgen/Spellerberg, 1998, p. 82 et suiv. ; cf. aussi Spellerberg 1996). Ce résultat est-il le fruit de stéréotypes culturels différents ou de réglementations institutionnelles et sociales spécifiques ? Il est troublant, enfin, de constater que les attitudes des femmes de l’est en la matière ne sont pas forcément corrélées à des attitudes globales féministes. Au vu de l’évolution économique actuelle, différents indices suggèrent même qu’une “restructuration des relations de sexes” (traditionnelles) est à craindre (Nickel 1995, p. 58).

29Au terme d’une analyse multifactorielle de données Allbus, Markus Klein parvient au résultat intéressant que, si on isole les différents déterminants, on ne peut même plus distinguer clairement les attitudes de l’est et de l’ouest face au rôle social de la femme, ni, par conséquent, les valeurs de références quant aux rôles des sexes qui sont à la base des différentes conceptions de la maternité. Ce qui serait décisif, ce serait plus les “coûts d’opportunité familiaux” qui sont déterminés par les contextes sociaux tels que la possibilité concrète de concilier maternité et activité professionnelle. L’auteur voit de ce fait dans la politique sociale de l’État une tâche organisationnelle qui pourrait constituer une contribution importante au dépassement des rôles traditionnels de sexes. Cette hypothèse mériterait d’être discutée de façon plus approfondie (Klein 1993, p. 228 et suiv.).

Questions ouvertes

30Il reste à s’interroger sur ce qu’est l’objectif d’une politique sociale conçue comme “politique des sexes”, autrement dit dans quelle mesure la possibilité de concilier maternité et activité professionnelle est un élément nécessaire du statut de la femme en tant que citoyenne, c’est-à-dire qu’elle lui permet une organisation moderne de sa vie en tant que mère et citoyenne.

31L’exemple de la “comparaison Est-Ouest des modèles d’activité de femmes” pourrait contribuer à la discussion sur l’importance des valeurs culturelles et à la réponse à l’interrogation sur le rôle des empreintes culturelles et des évolutions historiques dans les politiques sociales. Mais, bien sûr, de nombreuses questions restent ouvertes, autour, justement, de ces valeurs, de ces contextes politiques (démocratique ou répressif), de l’importance relative de la liberté et de la sécurité sociale etc. Zsuzsa Ferge se demande ainsi de quel type de régime de protection sociale relève un pays anciennement socialiste tel que la Hongrie, qui “à la fin des années 1980 était formellement très proche du modèle social-démocrate”. En dépit de ressemblances formelles, poursuit-elle “le sous-système de protection sociale socialiste n’était pas au service de l’émancipation mais plutôt du contrôle totalitaire des citoyens” (Ferge 1992, p. 206). Si nous ne nous en tenons pas à la neutralité axiologique dans la poursuite de nos interrogations, mais si nous nous intéressons à l’aménagement des droits sociaux du citoyen pour les femmes aussi, il nous faut répondre à de telles questions. Les déficits démocratiques du système de la RDA ne doivent cependant pas nous faire oublier les imperfections des structures patriarcales intactes des systèmes occidentaux. En guise de conclusion très provisoire, je citerai et opposerai deux voix venues d’Allemagne de l’Est et de l’Ouest :

32Sabine Schenk et Uta Schlegel, toutes deux d’Allemagne de l’Est, résument :

33

“Les femmes s’étaient faites à cette situation contradictoire, elles avaient admis et intériorisé pleinement une égalité tronquée des droits. Elles profitaient surtout des effets d’allégement des mécanismes compensateurs offerts par la politique sociale et les institutions.”
(Schenk, Schlegel, 1993, p. 373)

34Une interviewée d’Allemagne de l’Ouest, mère de famille exerçant une activité professionnelle, décrit les problèmes que lui pose son rôle de mère en ces termes :

35

“A la naissance de ma fille, je me suis investie énormément dans mon rôle de femme. J’ai pataugé comme ça pendant trois ans, et quand j’en ai vraiment eu assez du rôle de femme au foyer et de mère, j’ai cherché un travail, et à partir de ce moment, mon problème a été que je me suis sentie une mauvaise mère, une mère corbeau.”
(Cité dans Frohnhaus 1994, p. 159)

Annexes
Tableau I

Taux d’activité des hommes et des femmes en Allemagne. Population résidente, 15-65 ans (en %)

Tableau I
Année Anciens Länder Nouveaux Länder2) hommes femmes hommes femmes 1970 88.2 46.2 1980 84.4 50.2 1985 81.9 52.7 19901) 82.7 58.5 86.03) 78.03) 1991 82.2 58.4 86.0 77.2 1992 82.2 59.5 80.8 74.8 1993 81.9 59.6 78.6 73.3 1994 81.8 60.0 79.2 73.8 1995 81.3 59.9 79.7 73.9 Source : Microrecensement de l’Office Statistique Fédéral 1) Nouvelle défintion à partir de 1990 : les salariés à faible durée de travail sont considérés de la même façon que les autres salariés. 2) Nouveaux Länder (ancienne RDA) : données des microrecensements à partir de 1991. 3) Enquête sur la population active, 1989.

Taux d’activité des hommes et des femmes en Allemagne. Population résidente, 15-65 ans (en %)

Tableau II

Statut d’activité des mères d’enfants de moins de sept ans dépendant financièrement d’un partenaire ayant un emploi, Allemagne de l’Ouest

Tableau II
Revenu mensuel net du conjoint Statut Moins de 2000 2000-4000 4000-6000 Plus de 6000 Temps plein 36,1 8,7 6,1 0,0 Temps partiel 27,2 22,6 24,4 35,5 Temporaire/temps court 0,0 8,7 6,9 3,7 Sans emploi 7,4 4,3 0,6 0,0 Hors du marché du travail 29,3 55,7 61,9 60,8 100,0 100,0 100,0 100,0 Source : SOEP 95, Allemagne de l’Ouest seulement

Statut d’activité des mères d’enfants de moins de sept ans dépendant financièrement d’un partenaire ayant un emploi, Allemagne de l’Ouest

Tableau III

Existence d’équipements de garde des enfants dans différents pays de l’Union Européenne

Tableau III
Pays Année Existence d’équipements de garde des enfants âgés de… (en %) 0-3 3-6 6-10 Autriche1) 1994 3 75 6 Belgique 1993 302) 953) - Danemark 3) 1994 48 82 626) Finlande3) 1994 21 53 57) France 1993 232) 993) 303) Allemagne- Ouesta)2) 1994 2 73 6 Esta)2) 1994 41 96 55 Grèce 3)5) 1993 3 70 <5 Irlande3) 1993 2 55 <55) Italie 1991 62) 913) - Pays-Bas) 1993 8 714) <5 Portugal2) 1993 12 48 10 Spain3) 1993 2 84 - Suède3) 1994 33 72 646) Royaume-Uni 1993 2 604) <5 Source : European Commission Network on Childcare and Other Measures to Reconcile Employment and Family Responsibilities 1995 a) Les données pour l’Allemagne se réfèrent à la “Jugendhilfestatistik”, 31.12.1994, de l’Office Statistique Fédéral. A la différence des données de la Commission Européenne, la “Jugendhilfstatistik” se réfère à la même période d’enquête que les autres pays. 1) Equipements de garde à la journée et à la demie-journée, publics ou sur fonds publics, pour les enfants d’âge préscolaire et institutions complémentaires pour les enfants d’âge scolaire. 2) Nombre de places pour 100 enfants. 3) Proportion d’enfants fréquentant un équipement de garde. 4) Y compris les enfants scolarisés de moins de six ans. 5) Estimations à partir de données suivant une répartition par âge différente. 6) Il faut ajouter à ce chiffre les enfants non scolarisés à six ans. 7) Proportion des enfants âgés de 7 à 10 ans qui fréquentent des garderies après l’école ; il faut y ajouter les enfants de 6 ans qui fréquentent les équipements de garde du système scolaire ou de l’aide sociale, (60%). - = information non disponible

Existence d’équipements de garde des enfants dans différents pays de l’Union Européenne

Note de la traductrice

36Il est toujours utile de rappeler que la traduction, le passage d’une langue à une autre, donne l’impression de faire coïncider en adéquation parfaite deux univers, alors que ceux-ci font seulement semblant de se recouvrir pour cette occasion, et ce même pour les mots les plus courants, ceux qu’on traduit sans s’y arrêter.

37Par exemple : au début de la citation de Wilhelm Riehl, “la femme œuvre dans la famille, pour la famille”, le terme allemand utilisé ici par l’auteur en 1855 est Weib. C’est un substantif de genre neutre, ce qui n’est sûrement pas anodin, et qui évoque plus le côté physique de la féminité, la femelle d’un animal se dit par exemple Weibchen ; Frau - de genre féminin - rendant plus compte du côté social. Aujourd’hui, on n’utilise pratiquement plus que Frau, Weib ne l’est plus guère, sinon de façon dépréciative ou familière, mais on le comprend toujours parfaitement.

38Rien de tel pour Mann : la même racine exprime le social et le corporel, le mâle d’une espèce se dit Männchen, et Männlichkeit veut dire aussi bien “virilité” que “masculinité”. Mieux encore “on”, le pronom indéfini, asexué en français se dit en allemand “man”, certes avec un seul “n” mais quand même, cela s’entend de la même façon.

39Ou encore Rabenmutter : la mère-corbeau qui préfère sa carrière à ses enfants. En France, les courants hostiles à l’activité professionnelle des femmes n’ont pas été jusqu’à créer un mot pour stigmatiser ce choix. Ou Mütterlichkeit, né grâce à la capacité de l’allemand à forger des mots, beaucoup plus librement qu’en français, par adjonction de suffixes : Mütterlichkeit regroupe indistinctement l’ensemble des qualités que l’on attribue idéalement à une mère. Faut-il créer maternalité, néologisme efficace par son imprécision et sa concision même, peut-on en rester au “dévouement maternel”, aux “qualités maternelles”, moins ramassé et moins facilement maniable dans un texte scientifique ou administratif ?

40Cette créativité s’exerce particulièrement dans le domaine public et politique : Geschlechterpolitik signifie mot à mot “politique des sexes”. En français, il faudrait préciser dans quel domaine ou dans quel sens une telle politique se propose d’intervenir. De même, on parlera de façon globale, de Frauenpolitik (mot à mot : politique des femmes/pour les femmes). A l’inverse : Gleichberechtigung, traduit rapidement par “égalité” si on veut éviter une phrase trop pesante, voire incompréhensible, exprime en fait le “processus d’accès à l’égalité des droits”. De tels exemples peuvent être multipliés sans peine, il s’agit ici simplement d’évoquer ce qui se passe derrière le “lissé” final exigé légitimement d’une traduction, mais source d’imprécisions qu’il faut donc à tout le moins mentionner de temps en temps.

41Françoise Laroche

Notes

  • [*]
    Texte traduit de l’allemand par Françoise Laroche.
  • [1]
    Cf Conversations-lexikon 1818, pp. 783-386, article “Frauen”, Wigand’s Conversationslexikon 1847, pp. 363-366, article “Frauen”. Allgemeine deutsche Realencyclopädie für die gebildeten Stände 1865, pp. 553-556, article “Frauen”.
  • [2]
    Association féministe créée en Grande-Bretagne en 1926, et devenue association internationale (Open Door International) en 1929, qui militait tout particulièrement contre les législations protectrices réservées aux femmes.
  • [3]
    C’est en 1957 seulement que la RFA a adopté une loi sur l’égalité des droits qui réglementait en particulier différemment le droit de la famille, mais ne réalisait nullement, pas même formellement l’égalité de situation des conjoints. Outre le fait que le père, par exemple, conservait le droit de décision pour toutes les questions relatives à l’éducation des enfants (Stichentscheid, aboli en 1959 seulement par jugement du tribunal constitutionnel), le “couple à femme au foyer” (Hausfrauenehe) resta la norme de référence jusqu’en 1977, soit encore après la réforme du droit de la famille.
Français

Résumé

Cet article traite de la manière dont les politiques sociales, ou plus précisément les régulations institutionnelles et la loi affectent les pratiques sociales des mères et leur vie quotidienne. Dans la mesure où ces pratiques s’inscrivent dans les modèles culturels et dans les normes sociales des sociétés considérées, la question se pose de la manière dont la culture des différents États-Providence est déterminée par ces orientations et ces valeurs, qui sont le produit de l’histoire. Il s’agit ainsi de savoir quel effet la loi et l’ordre légal ont sur le comportement social. Ces questions sont ici posées à partir de l’analyse des différentes politiques sociales de l’ex-Allemagne de l’Est et de l’Allemagne de l’Ouest, et de leurs effets sur les pratiques quotidiennes et les opportunités des femmes. Il s’avère qu’il y a des différences tangibles dans la vie quotidienne des femmes et dans leur conception de la maternité : à l’est, les femmes tiennent pour acquis le fait qu’elles seront capables de combiner le travail salarié et la maternité, tandis qu’à l’ouest les femmes sont beaucoup plus ambivalentes en ce qui concerne leurs responsabilités. Le cas allemand est particulièrement instructif car les femmes de l’est et de l’ouest partagent des racines historiques communes. Ainsi il peut être utile d’explorer comment les idées, les pratiques, les politiques sont enfouies et refont surface au cours du temps. Les orientations très différentes des politiques sociales dans la période de l’après-guerre dans les deux Allemagne fournissent un terrain fertile pour l’exploration des significations de ces observations.

Deutsch

Zusammenfassung

Es werden die Art und Weise mit der die Sozialpolitik, oder genauer gesagt die institutionelle Regulierung und das Gesetz in die sozialen Praktiken und das tägliche Leben der Mütter eingreifen, untersucht. Unter Betracht der Tatsache, daß diese Praktiken den kulturellen Modellen und den sozialen Normen der jeweiligen Länder entsprechen, stellt sich die Frage inwiefern diese Orientierungen und Werte, die selbst ein Produkt der Geschichte sind, die Kultur der verschieden Wohlfahrtsstaaten bestimmen. Es handelt sich also darum zu erfahren inwieweit das Sozialverhalten von Gesetz und Ordnung bestimmt ist. Diese Fragen werden hier anhand einer Analyse der verschiedenen Sozialpolitik in der ehemaligen DDR und Westdeutschland, und deren Auswirkungen auf die Alltagspraxis und die Möglichkeiten der Frauen, behandelt. Es treten greifbare Unterschiede im Alltagsleben und in ihrer Auffassung der Mutterschaft auf: im Osten betrachten die Frauen ihre Fähigkeit Mutterschaft und Erwerbstätigkeit zu kombinieren als gegeben an, wogegen sich die Frauen im Westen in Bezug auf ihre Verantwortungen wesentlich ambivalenter zeigen. Der Fall Deutschlands ist besonders instruktiv da die ost- und westdeutschen Frauen denselben historischen Hintergrund teilen. Es erscheint besonders aufschlussreich zu untersuchen, wie die Ideen, Praktiken und die Politik verdrängt werden und wie sie die Zeit wieder zu Tage befördert. Die sehr unterschiedlichen Ausrichtungen der Sozialpolitik der deutschen Nachkriegszeit bilden ein fruchtbares Terrain um diese Signifikationen zu erforschen.

Español

Resumen

Este artículo aborda el tema de la manera en que las políticas sociales y aún más precisamente las regulaciones institucionales y la ley afectan tanto a la conducta social de madres de familia como a su vida cotidiana. En la medida en que dichas prácticas se inscriben en modelos culturales y en normas sociales de las sociedades consideradas, surge el interrogante de cómo la cultura de diferentes “Estados providencia” es determinada por sus orientaciones y sus valores, siendo éstos productos de la historia. Se trata de saber qué efectos provocan la ley y el orden legal sobre el comportamiento social. Estos interrogantes se plantean en este artículo a partir del análisis de diferentes políticas sociales de la ex Alemania del este y de la Alemania occidental y de sus efectos sobre las prácticas cotidianas y las oportunidades que se abren a las mujeres.
Se puede comprobar que hay diferencias evidentes en la vida cotidiana de las mujeres y en su concepción de la maternidad. En el este, ellas consideran como normal el poder conciliar trabajo salariado y maternidad, mientras que en el oeste, los sentimientos son ambivalentes sobre todo en lo referente a sus responsabilidades.
El caso alemán es particularmente instructivo, puesto que las mujeres del este como del oeste comparten raíces históricas comunes. Puede ser útil explorar cómo las ideas, las prácticas y las políticas que están profundamente enraizadas vuelven a la superficie con el tiempo. Las orientaciones muy diferentes de las políticas sociales en el período de la posguerra en las dos alemanias proporcionan un campo fértil a la exploración de esas significaciones.

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Ute Gerhard
Ute Gerhard, professeure de sociologie, est directrice depuis 1987 du Centre Cornelia Goethe pour les études sur les femmes et sur le genre, département de Sciences sociales. Elle a étudié le droit, les sciences sociales et l’histoire et obtenu un doctorat de sociologie. Elle est co-éditrice de Feministische Studien, revue consacrée aux recherches sur les femmes, et de L’Homme, une revue consacrée à l’histoire féministe. Elle a publié plusieurs écrits sur les droits des femmes, les politiques sociales, l’histoire des femmes, le mouvement des femmes et la théorie féministe. Son dernier ouvrage est : Debating Women’s Equality. Toward a Feminist Theory of Law from a European Perspective, New Brunswick, NJ 2001:Rutgers University Press.
Adresse professionnelle : Cornelia Goethe Centre for Women’s and Gender Studies - Johann Wolfgang Goethe University of Frankfurt/M - Department of Social Sciences - Robert-Mayer Str. 5 - 60054 Frankfurt - Germany. E-mail : Gerhard@soz.uni-frankfurt.de
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/11/2008
https://doi.org/10.3917/tgs.006.0059
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