CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La progression généralisée de l’activité professionnelle des femmes, et en particulier des mères, pose en des termes nouveaux la question des obligations familiales et de leur partage. La question se pose à la fois au niveau macro, celui du partage entre l’État, la famille, le marché et la société civile, et au niveau micro, au sein de la famille, entre ses membres et notamment entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les générations. Qui doit prendre en charge les enfants et les personnes dépendantes, handicapées ou âgées ? Qui prodigue les soins qu’elles requièrent ? Comment ce travail est-il reconnu, par une forme de rémunération et par l’accès qu’il ouvre aux droits sociaux ? Ces questions sont soulevées dans tous les pays de l’Union Européenne mais à des degrés divers selon l’urgence des problèmes posés par le vieillissement démographique ou par l’absence d’équipements et de services permettant de prendre en charge une partie de ce travail de reproduction, tel qu’il était désigné dans les recherches féministes des années soixante dix et quatre vingt. Longtemps invisible car considéré comme relevant de l’entraide familiale ou des obligations familiales, consignées ou non dans le droit ou incorporées dans les systèmes de valeurs d’une société donnée, ce travail désigné comme “unpaid work” [1] dans les recherches anglo-saxonnes, était considéré comme une affaire de femmes, en contrepartie de la “protection” du chef de famille et de sa contribution économique à la vie des siens. Dans les principes qui fondent les systèmes nationaux de protection sociale dans la plupart des pays européens, il se trouve associé à une conceptualisation de la différence des sexes, hommes et femmes ayant des rôles économiques et sociaux différenciés et complémentaires, dans la famille comme dans la société. Dans ce modèle de Monsieur Gagnepain, appellation française du “male breadwinner model” de Jane Lewis (1993), la famille est non seulement une unité sociale fondamentale pour la société mais aussi une unité de production économique de biens et de services. La remise en cause de ce modèle et des conditions de sa reproduction par les évolutions socio-démographiques et la participation accrue des femmes à l’emploi, conduit à repenser la question de ce qui est appelé le “care” dans les recherches anglo-saxonnes. Cette notion appartient désormais au langage communautaire européen. Elle est reprise dans tous les pays sans être traduite la plupart du temps, faute d’équivalent simple dans les autres langues. Si tous semblent s’accorder sur la nécessité d’une telle notion, son contenu, sa définition et ses frontières sont pourtant loin de faire l’objet d’un consensus. Néanmoins, les conditions de son usage contribuent à en faire une norme, véhiculée tant par les chercheurs que par les instances politiques.

2Nous proposons d’examiner cette notion et de voir comment elle est devenue un concept-clé dans les recherches féministes sur la protection sociale et le genre. Dans une première partie, nous retraçons la genèse du concept. Nous mettons d’abord en évidence le caractère multidimensionnel de la notion, avant d’en suivre l’élaboration progressive à partir d’une lecture des travaux les plus marquants. Nous limiterons notre lecture aux travaux européens, laissant de côté les recherches nord-américaines qui mériteraient un travail à elles seules. Nous n’évoquerons pas non plus les recherches menées en France qui nous sont plus connues.

3A l’origine de la réflexion sur le “care” se trouve la notion de travail bénévole (“unpaid work”), mais la mise en forme du concept est surtout associée à la critique féministe des recherches comparatives européennes sur les systèmes de protection sociale. Le concept a donc une double filiation : le travail bénévole des femmes au sein de la famille ou de la communauté pour aider et prodiguer des soins à ses membres, et la mise en évidence du rôle de la famille dans la protection sociale des individus. Le concept est donc l’instrument de réhabilitation de la famille en tant que source de protection sociale pour les individus, au même titre que l’État ou le marché. Il vise à donner une place économique (une valeur) et sociale (fabrication de lien social) à une certaine forme de production domestique, et ce faisant aux femmes qui en sont toujours les principales pourvoyeuses. Dans une deuxième partie, nous verrons comment le “care” est au centre du débat sur la restructuration des systèmes de protection sociale dans un contexte où l’emploi est promu comme objectif de la politique européenne. Nous verrons enfin comment la question du “care” interroge la question de l’accès à la citoyenneté sociale pour les femmes.

Le “care” : une catégorie descriptive ou un concept ?

4Comment ce concept synthétique a-t-il émergé ? Comment s’est construite la problématique du “care” qui a généré de nombreuses recherches dans les pays de l’Union Européenne, notamment au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves ? Le “care” est loin d’être un objet consensuel. Le débat académique sur son contenu et ses frontières remonte aux années soixante-dix dans les pays anglo-saxons, impulsé par le courant féministe en sciences sociales.

Une notion polysémique

5Le concept renvoie selon les cas, aux soins, à leur prise en charge, ou aux services d’aide aux personnes, ou aux trois à la fois, en référence à ce que nous pourrions appeler le travail pour autrui. Sans en proposer une définition, nous dirons que le “care” désigne l’action d’aider un enfant ou une personne adulte ou âgée dépendante pour le déroulement et le bien-être de sa vie quotidienne. Il englobe aussi bien la prise en charge matérielle (le travail), économique (le coût) et psychologique (l’affectif, les émotions, les sentiments). Il peut être effectué par un proche bénévole dans la famille, ou bien par une personne rémunérée, dans ou hors de la famille. La nature de l’activité varie selon qu’elle s’effectue au sein de la famille ou qu’elle est déléguée à des personnes autres que les proches, selon aussi qu’elle est rémunérée ou non.

6La spécificité du travail de “care” est d’être encastré dans le relationnel, que ce soit dans ou hors de la famille. Dans la famille, son caractère à la fois obligatoire et désintéressé lui confère une dimension morale (dévouement, devoir, etc.) et émotionnelle (amour, compassion, reconnaissance …). Il n’est pas qu’un fait juridique (l’obligation d’aide et d’assistance) ou économique, car il engage aussi les émotions qui expriment le lien familial en même temps qu’elles contribuent à le construire et à le maintenir. Et hors de l’enceinte familiale, le travail de “care” est largement marqué par la relation de service faite d’attention, de souci des autres, voire de don de soi. Le travail s’effectue dans le face à face entre deux personnes situées dans un rapport de dépendance puisque l’une est tributaire de l’autre pour son entretien et son bien-être [2]. Toutefois, ce qui unifie la notion de “care”, c’est que ce travail soit essentiellement le fait des femmes, qu’il soit maintenu au sein de la famille ou bien qu’il soit “extériorisé” sous la forme de services aux personnes.

7Si le concept s’est précisé et enrichi au cours du temps, il n’est toujours pas bien défini et reste l’objet de controverses, entre ceux qui cherchent à lui donner une portée théorique capable de sublimer les différences nationales, et ceux qui en limitent la portée en en faisant une catégorie de description située dans un contexte précis. Mary Daly et Jane Lewis (1998) plaident en faveur de la pertinence du concept et de sa capacité à soutenir une théorie des services aux personnes. A l’appui de leur position, elles avancent le fait que le “care” définit un “champ de recherches” avec ses acteurs, ses institutions, ses formes relationnelles ; un champ qui se situe à l’intersection de la famille et des politiques sociales et qui s’articule aux questions de la citoyenneté sociale et aux problématiques de l’insertion sociale.

La double filiation du concept

8A l’origine, le concept cherchait à mettre en forme le travail non rémunéré d’aide et de soins aux personnes et à rendre compte de la manière dont ce travail renforce la position de subordination des femmes. La notion recouvrait le travail quotidien de soins aux personnes dépendantes, enfants, adultes et personnes âgées, dans le cadre de ce que les féministes appelaient le travail de reproduction dans la famille. Le “caring” était référé à la question du travail domestique non rémunéré et à celle des services aux personnes prodigués dans le cadre des obligations familiales découlant des liens de mariage. Défini ainsi, le concept mettait l’accent sur les processus matériels et idéologiques qui confortaient les femmes en tant que “carers”, et les assignaient au pourvoi de soins et de bien-être. Cela explique que les travaux pionniers sur la question aient été consacrés essentiellement au travail domestique non rémunéré effectué dans la famille. Ce constat permettait de mettre en évidence le fait que la famille a été, et reste encore, le plus important et le plus constant, pourvoyeur de “welfare”.

9Le concept de “care” s’est donc construit progressivement, en prenant appui sur l’observation des pratiques quotidiennes, et en montrant la complexité des arrangements permettant de couvrir le besoin de soins et de bien-être. Mais ces recherches étant circonscrites à un pays, ce sont les recherches comparatives qui ont enrichi la réflexion et permis l’élaboration théorique du concept en le détachant de la seule référence aux pratiques quotidiennes et en le situant dans les diverses configurations d’État-providence.

10La plupart des approches féministes concernant le travail de reproduction des femmes se situaient, en effet, dans la ligne d’un courant qui considérait l’État comme un épiphénomène du patriarcat qui, de ce fait, laissait de côté la question des formes diverses d’intervention de l’État et des effets sur la situation des femmes. Et, comme le souligne Diane Sainsbury dans l’introduction à son ouvrage, les recherches sur les politiques étaient dominées par les chercheurs(es) anglophones, qui en partant des analyses faites sur leur propre pays en faisaient la référence obligée pour les recherches féministes menées dans les autres (Sainsbury, 1996, Introduction, p. 1). Ces recherches étaient en effet marquées par les débats des années soixante-dix au Royaume-Uni sur le “community care” et la restructuration du système d’aide aux personnes âgées : le passage du “care in the community” au “care by the community”. Ces débats ont abouti à une valorisation du “care” au sein de la famille, ceci au nom de l’importance de l’environnement affectif et émotionnel dans l’accomplissement de ce travail. La qualité de la relation, jugée meilleure dans la famille, et la confiance réciproque étaient considérées comme une condition essentielle du bien-être des personnes âgées. Bien que sous des formes différentes, ce débat a eu lieu dans de nombreux pays ; en France à propos du maintien à domicile des personnes âgées, en Suède à propos du “time to care” et du partage des responsabilités entre les pouvoirs publics et la famille. Mais au Royaume-Uni, l’objectif était plus clairement de revitaliser les liens familiaux et de responsabiliser la famille, alors que dans les pays nordiques, il s’agissait plutôt de prendre acte du rôle du travail bénévole et de le reconnaître dans l’accès aux droits sociaux. Alors que ces derniers posaient la question de la répartition du “care” entre la famille et les pouvoirs publics, au Royaume-Uni, on prenait comme un fait l’engagement bénévole des femmes dans la prise en charge des membres de la famille.

11Ces débats ont généré divers courants de recherche : sur la professionnalisation des services aux personnes, sur la relation de service et l’étude des compétences spécifiques des femmes, et sur la maternité, la compétence maternelle et l’identité maternelle (mothering).

Les recherches comparatives sur les États-providence

12La pertinence du concept a été mise à l’épreuve au sein des réseaux européens de recherche, dans la confrontation des expériences nationales, la mobilisation des pratiques locales et l’intégration de la variété des contextes. Il s’est forgé dans les travaux sur la comparaison des systèmes de protection sociale en Europe et sur les politiques d’aide aux familles [3]. Ces confrontations ont fait avancer la réflexion mais ont aussi complexifié le débat. Plus précisément, la diffusion de l’expérience des pays scandinaves concernant la garde des jeunes enfants a permis de sortir la question du “care” de la sphère privée de la famille pour la situer dans les États-providence. En interrogeant le rôle de la collectivité et des pouvoirs publics dans l’octroi d’aides aux familles, les scandinaves ont déplacé le débat sur le “care” et en ont permis la reformulation en termes de partage des responsabilités entre diverses institutions : l’État, la famille, le marché et le tiers secteur.

13Depuis longtemps les féministes n’avaient cessé d’élaborer sur la question du travail de reproduction au sein de la famille et sur le rôle des femmes dans ce travail invisible. Elles avaient aussi mis en évidence les interactions entre travail rémunéré et travail non rémunéré qui construisent la frontière entre sphère privée et sphère publique et ce faisant construisent aussi la division sexuée du travail. En reprenant ces questions mais en les situant par rapport aux systèmes de protection sociale, un tournant a été pris qui permet de réintroduire sous un angle renouvelé la question de l’État et de son rôle, et celle plus générale des institutions et de l’enracinement de la division sexuée du travail (et non plus des rôles sexués) dans les systèmes qui fondent la protection des personnes. Le renouvellement problématique réside à la fois dans la reconnaissance de la pluralité des systèmes de protection et des modes de relations entre l’État et la famille, et dans l’affirmation du caractère unique du travail induit par les situations de dépendance des personnes et des enfants, quand bien même ces deux populations sont traitées séparément dans la plupart des systèmes de protection sociale à travers la politique familiale ou la politique de l’enfance d’un côté, et celle de la vieillesse de l’autre. L’apport réside enfin dans le fait d’avoir introduit une approche en termes de genre dans un champ scientifique qui ignorait cette dimension, celui des politiques sociales et des États-providence. Enfin, les recherches comparatives ont permis de réinterroger les notions de “reproduction sociale”, de “travail domestique”, de travail rémunéré et non rémunéré, d’activités formelles et informelles, de privé/public, c’est-à-dire les oppositions binaires sur lesquelles la critique féministe s’était construite.

14Toutefois, si les recherches comparatives n’ont pas produit une définition standardisée, elles ont en revanche montré le caractère situé du concept, et son encastrement dans des configurations institutionnelles, culturelles et sociales. En conséquence, il ne peut se comprendre que relié aux “caring regimes” qui englobent, non seulement les prestations publiques, mais aussi les “caring packages” c’est-à-dire toutes les formes imbriquées d’octroi d’aide et de soins dans et hors de la famille, et les “caring cultures” faites des représentations collectives des responsabilités vis-à-vis des enfants et des personnes dépendantes. Les “caring cultures” s’appuient sur des valeurs présentes dans chaque société et souvent institutionnalisées dans le droit, dans les constitutions des États et dans les contrats de mariage ou de mise en couple. L’amour maternel est l’une des composantes de cette “caring culture” dont les historiens nous ont montré qu’il variait aussi selon les périodes historiques.

Les tentatives de conceptualisation : du “care” au “social care

15Trop diversement utilisé, le concept a perdu progressivement son sens et son efficacité. Plusieurs tentatives ont été faites pour produire une définition, et en reserrer le sens. Celle de C. Thomas (1993) était sans doute la plus aboutie mais trop confuse. Sept dimensions étaient prises en compte dans la définition du “care” : l’identité du pourvoyeur et du receveur de soins, le type de relation entre les deux, le contenu social de “care”, le contenu économique de la relation et du travail, et le cadre institutionnel dans lequel prennent place les soins et services. Jane Lewis (1997) a tenté de la recentrer en l’inscrivant plus nettement dans la relation à l’État-providence. Pour cette auteure, l’économie politique du concept ne peut pas se comprendre en dehors d’une représentation du rôle de l’État, c’est pourquoi elle se démarque en parlant de “social care” (Lewis, 1997).

16Trois dimensions fondamentales contribuent à sa définition :

  • le contenu en travail : la nature du travail et les conditions dans lesquelles il est effectué. L’accent est mis sur l’action (le faire) et sur les “actants” ou les “aidants” (les “carers”). En termes de recherche, il débouche sur l’étude des professions de services aux personnes et de l’accueil de la petite enfance.
  • la relation de service elle-même comme composante de la spécificité professionnelle et de la compétence. La spécificité de ce travail vient du fait qu’il est initié et effectué dans le contexte d’un système d’attribution de responsabilités et d’obligations. Ce cadre normatif place l’attention sur les relations entre ceux qui donnent les soins et ceux qui les reçoivent. L’État, sur ce point joue un rôle dans la diffusion de normes de travail (ce qu’est un “bon parent”, ou “une bonne mère” ou la “bonne éducation”).
  • le déplacement de frontière entre la famille, le marché, l’État et le tiers secteur pour l’octroi d’aide et de soins aux enfants et aux personnes adultes : le partage des responsabilités à la fois entre les proches et au niveau général.
Partant de ces trois dimensions et en prenant appui sur d’autres recherches (en particulier, Knijn et Kremer, 1997 ou Sainsbury, 1994), Jane Lewis aboutit à la définition suivante du “social care” : ce sont “les activités qui visent à satisfaire les besoins physiques et émotionnels des enfants et des personnes adultes dépendantes, les cadres normatifs, institutionnels et sociaux dans lesquelles elles s’insèrent, ainsi que les coûts associés à leur réalisation” (Lewis, 1998, p. 6). Cette définition présente l’intérêt de ne pas segmenter le concept et de dépasser les formes dichotomiques auquel il restait associé : formel versus informel, soins aux enfants versus soins aux personnes adultes dépendantes, ou encore travail rémunéré versus travail non rémunéré. De telles fragmentations en affaiblissent la portée en lui ôtant une partie de sa cohérence et en le détachant de l’État-providence, pour le rabattre sur les relations au sein de la sphère privée. Mary Daly et Jane Lewis (1998) suggèrent de dépasser ces segmentations en traitant dans un même ensemble enfants et personnes adultes dépendantes, c’est-à-dire en prenant comme point de référence le travail lui-même et en traitant à la fois la question sociale de la prise en charge des personnes dépendantes et celle des “aidants” en tant que groupe social. D’une certaine manière, elles légitiment la notion de service social ou de services aux personnes tel qu’il est compris en France. Les articles rassemblés dans l’ouvrage de Jane Lewis (1998) cherchent à éprouver la validité du concept à un niveau macro-économique, ainsi que sa capacité à rendre compte de la dynamique des systèmes et de leurs transformations. Ils passent en revue les programmes sociaux, s’interrogent sur la nature du travail et sur la relation de service, et font ressortir la manière dont ces deux dimensions conditionnent l’expérience de la dépendance et la recherche du bien-être. La place des services aux personnes dans le contexte plus large de l’économie de l’État-providence s’en trouve ainsi précisée.

17L’intérêt du concept tel qu’il vient d’être défini est de confronter deux niveaux d’analyse : celui de l’action publique et des politiques, et celui des pratiques quotidiennes. Ce faisant, il interroge la question du partage aussi à deux niveaux : le partage de la prise en charge entre l’État et la famille, le marché et la société civile, et le partage au sein de la famille entre les hommes et les femmes, voire entre les générations. Il permet de mettre en évidence l’apport des femmes au Welfare State.

La place des émotions dans le travail de “care

18L’attention portée à l’importance de la relation, des sentiments et de la confiance dans l’accomplissement du travail de “care” a généré un courant de recherches, dans la ligne des travaux nord-américains de Nancy Chodorow (1976) et de Carol Gilligan (1982). Ces recherches mettent en avant le caractère sexué du concept de “care” et en concluent à l’existence d’une éthique du “care”, composante identitaire des femmes. L’éthique du “care” a été réactivée par la critique de l’individualisme et de son extension dans les sociétés occidentales, la critique de la bureaucratie ou de l’effacement du lien social. Les notions d’aide, de soins, d’attention sont intimement associées à l’expression de la nature profonde des femmes. Le “care” est vu comme un “travail d’amour” (Finch et Groves, 1983). Il prend tout son sens dans la mesure où il joue un rôle central dans la construction des identités féminines (Finch, 1993). Ce courant réactive ainsi la part des émotions dans le travail de soins aux personnes, et fonde le “care” sur une éthique spécifiquement féminine et sur une philosophie morale. Comme nous le verrons plus loin, ce courant inspire des revendications en faveur de la reconnaissance de ce travail, sous forme de rémunération, notamment en terme de “salaire familial ou maternel”, et d’ouverture d’accès aux droits sociaux.

19Le “care” n’est donc pas seulement l’objet d’un débat sur les concepts, il est aussi un enjeu politique, au cœur des débats sur la restructuration des systèmes de protection sociale qui concerne les femmes en premier lieu.

Le “care” dans la différenciation des régimes de protection sociale

L’oubli de la famille et des femmes dans l’analyse comparative des systèmes de protection sociale

20La nécessité de restructurer les États-providence dans la plupart des pays européens a généré un grand nombre de recherches comparatives sur la genèse des systèmes de protection sociale, sur leurs fondements et sur les situations de “crise” auxquelles ils se trouvent confrontés. La plupart de ces recherches s’appuient sur des données quantitatives, sur des indicateurs de dépenses de protection sociale, de performances quant aux prestations allouées, et de répartition des coûts entre la collectivité et les citoyens. Jane Lewis et Ilona Ostner ont sans doute été des pionnières dans la dénonciation de l’incomplétude de ces recherches comparatives, due à l’oubli du rôle de la famille dans la structuration des systèmes de protection sociale (Lewis, 1992 ; Lewis, 1993 ; Ostner et Lewis, 1998). Ces auteures ont mis en avant non seulement le rôle de la famille en tant qu’unité de production de services, notamment de soins et de protection pour les personnes dépendantes, mais aussi l’importance de la conceptualisation des rôles masculins et féminins dans la famille pour la compréhension des variations du rôle de la famille dans le pourvoi de services aux personnes. Ces recherches sont parties de la critique du courant dominant de la recherche sur les politiques sociales, et en particulier celle de Gösta Esping-Andersen (1990). La classification des régimes d’État-providence proposée par Gösta Esping-Andersen distingue trois régimes. Un régime qualifié de “social-démocrate” recouvre les pays scandinaves qui, après la deuxième guerre mondiale, se sont engagés dans un système combinant à la fois plein emploi et accès aux droits sociaux sur une base universelle. Ce régime fonde l’accès aux prestations et aux équipements publics sur l’état de citoyen des personnes vivant dans ces pays. Le Royaume-Uni, si l’on s’en tient aux pays de l’Union Européenne, se distingue du régime précédent par le caractère “libéral” de l’État-providence qu’il a développé depuis les années 1980. Celui-ci se caractérise par le rôle limité de l’État dans l’octroi de prestations d’aide aux familles pour élever leurs enfants ou pour prendre en charge les personnes âgées dépendantes, et par la mise sous conditions de ressources des prestations lorsque celles-ci existent. Le régime qualifié de conservateur corporatiste recouvre les pays catholiques de l’Europe continentale (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et la France) qui partagent la même attitude vis-à-vis de l’État et des institutions, premiers fournisseurs de protection à travers les assurances sociales. Si ce régime valorise l’emploi, il est organisé de telle sorte qu’il maintient une barrière entre les travailleurs et les autres citoyens, et entre les hommes et les femmes, conformément à un principe de subsidiarité bien ancré dans une tradition catholique. Cette classification a été abondamment discutée et modifiée. Son intérêt majeur réside dans le lien qu’elle établit entre régimes de protection sociale et régimes d’activité et de travail. Mais ce lien ignore le fait que les travailleurs peuvent être hommes ou femmes, une ignorance qui sera corrigée par la suite, après la critique portée par les féministes.

La critique féministe du courant dominant

21La critique féministe s’est construite dans la discussion des approches comparatives des systèmes de protection sociale. Elle met en évidence la dimension sexuée des États-providence et le double enjeu que cela représente pour les femmes : sur l’accès aux droits sociaux d’une part, sur le travail de “care” et les services aux personnes d’autre part. D’un côté, elle réinterroge la citoyenneté sociale des femmes, et de l’autre, elle interroge le rôle de l’État dans le déplacement des frontières entre sphère publique et sphère privée (ou domestique) et par conséquent les relations entre genre et politiques. Quand les recherches du courant dominant mettaient l’accent sur l’économique, le courant féministe mettait l’accent sur les relations entre l’État, la famille et le marché dans la constitution de la protection sociale pour les individus. Jane Lewis (1993) a notamment montré les caractéristiques de “l’économie mixte du welfare” qui associe les ressources de la famille, du marché (pour les plus riches) ou encore des associations de bénévoles qui, dans certains pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne où l’État intervient au compte-goutte, jouent un rôle important dans le pourvoi de services aux personnes. Ce sont souvent des œuvres de charité liées aux églises qui assurent une partie de ces tâches en complément de la famille et en substitution d’un État indigent. Et dans ces formes de “welfare mixt”, ce sont les femmes qui prodiguent des soins, et ce bénévolement.

22En même temps, ces recherches ont montré le caractère mouvant des frontières entre la sphère privée et la sphère publique, non seulement dans le temps mais aussi dans l’espace. Elles ont souligné l’importance et les conséquences des transferts des tâches de reproduction et de soins entre la famille et la sphère publique. Toutefois, la critique féministe n’est pas unifiée sur la manière de procéder et en particulier sur la nécessité de théories alternatives à la théorie dominante (Waelen, 2000).

23Ainsi, en réintroduisant la famille dans l’analyse des États-providence, les approches féministes réintroduisent aussi le genre. Elles convergent sur le fait que les systèmes de protection sociale se sont construits sur des présupposés concernant les relations de genre, et sur le fait que ces systèmes maintiennent, ou cherchent à maintenir, ces relations de genre. Mais elles divergent sur la nature, positive ou négative, du rôle de l’État. L’un des apports des recherches scandinaves a été de souligner le caractère positif de l’action publique sur la situation des femmes en s’appuyant sur le modèle nordique de protection sociale (Leira, 1993 ; Siim, 1993). Ces recherches ont montré que la question du rôle de l’État ne pouvait être traitée selon un mode unique comme le faisaient jusqu’alors les travaux mettant en évidence son caractère patriarcal, influencés par les approches anglophones.

La force de l’idéologie familialiste dans la construction et l’évolution des États-providence

24Jane Lewis n’a pas cherché à faire un “ajout” aux théories dominantes en intégrant la variable genre comme l’a proposé Ann S. Orloff (1993), mais à produire un nouveau cadre d’analyse qui se fonde sur les relations de genre et leur conceptualisation. D’autres auteures ont parlé de “contrat social entre les sexes” (Fouquet, Gauvin et Letablier, 1999), voire de “contrat sexuel” (Pateman, 1988) ou encore de “convention de genre” (Letablier, 2000) pour désigner la manière dont sont conceptualisées les relations entre hommes et femmes et leur institutionnalisation dans les systèmes de protection sociale [4]. La typologie alternative proposée par Jane Lewis (1992) à celle de Gösta Esping-Andersen (1990) se fonde sur la caractérisation des relations entre hommes et femmes du point de vue de la force et de l’importance de la division sexuée des rôles entre le “male breadwinner”, chef et pourvoyeur économique de la famille (Monsieur Gagnepain) et son épouse, pourvoyeuse de soins et d’éducation, responsable de la reproduction. Les États sont ainsi différenciés selon que le modèle du soutien de famille masculin est fort, modéré ou faible. Les formes prises par les politiques familiales et les obligations familiales varient en fonction de la prégnance plus ou moins grande du modèle de “soutien de famille” (male breadwinner regimes). La caractérisation de ces modèles permet de contraster :

  • la manière dont les femmes sont traitées dans les systèmes de protection sociale et dans les systèmes d’imposition,
  • le niveau de développement des services publics et des prestations sociales allouées pour la garde des enfants,
  • le degré d’engagement des femmes sur le marché du travail ainsi que la forme de cet engagement, notamment pour les femmes mariées et les mères.
En débusquant ainsi les prescriptions idéologiques qui sous-tendent les différentes formes d’assignation des tâches entre hommes et femmes, on met en évidence la figure de la femme qui est retenue dans les systèmes de protection sociale : l’épouse, la mère, la travailleuse ou la citoyenne. La manière dont sont prescrites les obligations familiales dans le droit ou les constitutions des États donne une idée de ce qui est la figure de référence dans différents contextes (Millar et Warman, 1996).

Le traitement des femmes dans les systèmes de protection sociale

25Après le rôle de l’idéologie familiale dans la constitution des États-providence, le deuxième axe sur lequel ont travaillé les féministes concerne l’accès aux droits sociaux des femmes et donc la notion de citoyenneté sociale. L’approche comparative a été là aussi d’une grande utilité pour mettre en évidence les diverses manières de fonder les droits sociaux et surtout leur dimension sexuée. On doit entre autre à Diane Sainsbury (1994, 1996, 1999 a et b) et aux chercheuses des pays scandinaves d’avoir fait avancer cette question. Diane Sainsbury s’est notamment attachée à montrer que la notion de prestataire ou d’allocataire ne se réfère pas à la même unité dans tous les pays. Dans les pays où l’idéologie familialiste reste prégnante, l’unité est la famille. C’est le cas en France où les allocations sont “familiales” contrairement à des pays comme le Royaume-Uni ou les pays scandinaves ou les allocations sont “pour l’enfant” (Child benefits).

26Elle contraste ainsi deux idéaux-types selon l’unité qui est “ayant droit” ou destinataire de prestations.

27- L’idéal-type familialiste est fondé sur la division du travail entre conjoints, entre l’homme pourvoyeur économique de la famille et la femme à qui incombe la responsabilité des soins et de l’éducation. Cette conception fondée sur la différenciation des sexes fait valoir la complémentarité des membres du ménage et le principe d’entretien du chef de famille. Le droit aux prestations est associé au statut de travailleur du chef de famille qui en est le bénéficiaire. L’unité de prestations est le ménage ou la famille, de même que l’unité de cotisation ou l’unité d’imposition. Le système fiscal repose sur l’imposition conjointe, avec déductions pour charges de famille. Le travail de soins est accompli dans la sphère privée et il n’est pas rémunéré.

28- A l’inverse, dans l’idéal-type individualisé, chaque conjoint contribue aux ressources collectives sur une base égalitaire. Chacun participe aux revenus financiers du ménage et le droit aux allocations est individualisé. Le bénéficiaire des prestations est l’individu, y compris l’enfant dans certains cas. L’imposition est séparée et les déductions fiscales réparties également. L’État est fortement engagé dans l’octroi de soins et la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes. Le travail de soins est rémunéré, au même titre que tout autre travail.

29Ces deux types idéaux correspondent à deux types de conventions de genre qui sont au fondement des systèmes de protection sociale en Europe. Dans le premier cas, la division du travail entre femmes et hommes structure les pratiques quotidiennes. Elle est inscrite dans le droit de la famille, dans les lois sur le travail, dans le système fiscal et dans la législation sociale. Les femmes sont d’abord épouses et mères, ce qui les place dans une situation de dépendance vis-à-vis du chef de famille. La frontière entre sphère publique et sphère privée est clairement tracée. Dans le système individualisé, en revanche, chacun des conjoints (ou partenaires) est individuellement responsable de son entretien, mais tous deux contribuent au budget familial et à l’entretien des enfants. L’emploi est encouragé pour les deux sexes et la politique de l’emploi est orientée vers les hommes et les femmes sans distinction. La frontière entre public et privé est plus mouvante et beaucoup de tâches de soins sont prises en charge par la collectivité, sous la forme de services publics. Toutefois, si ce schéma a permis de comprendre les implications des deux modèles, il n’épuise pas les possibilités.

30Les trois régimes de soutien de famille de Jane Lewis (male breadwinner regimes) permettent également de différencier les modalités d’accès aux droits sociaux des femmes selon la manière dont elles sont qualifiées dans les régimes de protection sociale. Au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne, trois pays où le modèle du soutien de famille masculin est fort, et ce malgré la forme spécifique de leurs politiques, les femmes adultes sont traitées d’abord comme des épouses, dépendantes pour leurs droits sociaux. La France et la Belgique, pays classés par Jane Lewis dans la catégorie des pays où le modèle du soutien de famille est modéré, ont au contraire promu le rôle des femmes en tant qu’elles sont à la fois épouses, mères et travailleuses, ainsi que l’exprime la politique de protection de l’État à leur égard depuis la fin du XIXè siècle (Lanquetin, Laufer et Letablier, 2000). Et bien que le ménage soit l’unité de mesure des besoins, les rôles que sont censés assumer les membres de la famille diffèrent sensiblement de ceux qui relèvent du groupe de pays précédents. Enfin, les pays nordiques, la Suède et le Danemark en particulier, entrent dans la catégorie des pays où le modèle est faible, où les femmes sont qualifiées socialement et économiquement en fonction de leur situation de travailleuses, même si ce travail est souvent à temps partiel, et non en tant qu’épouses ou mères. Depuis son élaboration au début des années 1990, la typologie de Jane Lewis a été reprise et affinée à maintes reprises : les pays de l’Europe du sud ont été observés à travers cette grille (Trifiletti, 1999 ; Lewis, 1997), le modèle nordique a été précisé notamment au regard de la notion de citoyenneté (Leira, 1992), et les pays rassemblés au sein du modèle du soutien famille masculin fort ont été dissociés en fonction des modes de régulation marchande ou corporatiste (Fouquet, Gauvin et Letablier, 1999).

31Cependant, partant de ce constat sur l’accès différencié des femmes aux droits sociaux, les propositions formulées pour parvenir à l’égalité des sexes divergent au sein du courant féministe en Europe. Nancy Fraser (1994) envisage deux stratégies possibles : l’une consiste à promouvoir le “Gagnepain universel” en garantissant aux femmes le droit à l’emploi et un accès égal et réel au marché du travail, l’autre consiste à pousser plus loin la “parité du soutien de famille” en reconnaissant la valeur du travail des femmes dans la sphère non marchande et à dissocier l’accès aux droits sociaux du travail rémunéré. La première stratégie a été plus particulièrement explorée par Hedwige Peemans-Poulet (2000) qui prône la généralisation du “salariat protégé”, c’est-à-dire l’extension du travail salarié par l’intermédiaire de ce qui pourrait être un droit à l’emploi ; alors que la seconde (Lister, 1995 ; Luckhaus, 2000) appelle une reconnaissance du travail effectué au sein de la famille. Cette dernière soulève la question des “supports non salariaux” dans l’accès aux protections. Elle propose un traitement équivalent du travail domestique et du travail salarié. Plutôt que de mettre en œuvre une égalité stricto sensu[5], elle la fonde sur un principe d’équivalence, et de la sorte, ne sort pas le travail de soins et d’entretien de la sphère familiale, au nom des valeurs de dévouement, ou des émotions qui en sont une composante fondamentale (McLaughlin et Glendinning, 1994). Ceci étant, il conviendrait d’adjoindre une troisième voie aux deux stratégies que l’on vient d’évoquer, qui pourrait fonder l’accès aux droits sociaux sur les droits fondamentaux des personnes et par conséquent sur une forme plus achevée de la citoyenneté [6].

Les services aux personnes dans les systèmes de protection sociale

32Au moment où se sont constitués les États sociaux, (régimes d’assurances sociales, retraites, etc.) la famille était marquée par la division des rôles qui reposait sur le postulat de normes à la fois de plein emploi et de stabilité de la famille. Mais les présupposés concernant la division du travail entre hommes et femmes sont remis en question, notamment par la progression de l’activité professionnelle des femmes. Et plus que la division des tâches au sein de la famille (qui ne varie pas beaucoup), c’est la partition des responsabilités entre l’État et la famille qui évolue le plus rapidement. Mais lorsque les réformes portent essentiellement sur le montant des aides ou des prestations, la division traditionnelle du travail domestique ne se modifie pas vraiment car elle ne touche pas aux attributions traditionnelles de la famille. En revanche, lorsqu’elles comportent des programmes de mise en place de services ou d’équipements, elles déplacent les frontières entre privé et public. Certains pays comme l’Allemagne, où les politiques familiales sont considérées comme généreuses, n’ont pourtant pas développé de services de garde pour les enfants, ni d’équipements. En revanche, dans les pays nordiques où les prestations se font d’abord sous forme d’équipements et de structures d’accueil, pour les enfants comme pour les personnes âgées dépendantes, la situation des femmes est différente. L’enjeu n’est pas seulement lié au montant des dépenses publiques pour l’aide aux familles, mais aussi à la nature de ces aides, selon qu’elles sont sous forme monétaire ou sous forme de services et d’équipements.

33Les raisons qui conduisent les gouvernements à fournir des services ou des équipements d’accueil des enfants ou des personnes dépendantes sont variées. Concernant l’accueil des jeunes enfants, on a pu mettre en évidence différentes justifications de l’action publique et notamment la plus ou moins grande rigidité des frontières entre sphère publique et sphère privée, la relation au marché du travail, une approche de l’enfance et des responsabilités de l’État vis-à-vis des enfants, la nécessité de “concilier” famille et travail par l’intermédiaire de politiques d’égalité ou de “conciliation”. A toutes ces raisons, il conviendrait d’ajouter la pression exercée par le mouvement social et en particulier le mouvement des femmes. Dans une recherche comparative européenne sur les politiques familiales (Hantrais et Letablier, 1997), nous avions observé une partition entre les pays anglophones et les pays continentaux à propos de la politique d’aide aux familles. Alors que les premiers tendent à maintenir une division stricte entre domaine public et domaine privé par une intervention limitée de l’État dans les affaires familiales, les autres au contraire se caractérisent par une intervention soutenue des pouvoirs publics. Si en France la légitimité de l’État à intervenir dans la famille est l’objet d’un large consensus dans la population et parmi les acteurs sociaux, au Royaume-Uni en revanche, le gouvernement a longtemps considéré que les individus sont libres d’entrer sur le marché du travail et que s’ils sont parents, c’est à eux de trouver les moyens de s’y maintenir. Les besoins en main-d’œuvre, et en particulier de la main-d’œuvre féminine, ont pourtant justifié l’action publique vis-à-vis de l’accueil des jeunes enfants dans un certain nombre de pays. Mais, c’est souvent sous l’impulsion des acteurs sociaux ou sous la pression des mouvements sociaux que les pouvoirs publics ont agi. En France par exemple, la revendication en faveur du développement des crèches et de services publics de garde d’enfants a été un axe important de l’action syndicale, par ailleurs favorable à l’emploi des femmes et réticente, vis-à-vis des idéologies “maternaliste” ou familialiste. Le même constat peut être fait dans les pays scandinaves. En revanche, tel n’est pas le cas en Allemagne (ex-RFA) où a longtemps sévi une certaine allergie à l’idée de socialisation collective des jeunes enfants et à l’idée de délégation des tâches maternelles. Par conséquent, plutôt que des équipements, les pouvoirs publics ont développé le congé parental pour permettre aux mères d’accomplir pleinement leur rôle maternel, avec une rémunération, faible mais symbolique. En RDA, le point de vue était tout à fait opposé. Dans certains pays comme les pays scandinaves ou la France, l’enfant lui-même a pu être objet d’attention, voire de protection, de la part des pouvoirs publics, pour des raisons d’équité sociale ou de conception du rôle de l’État vis-à-vis des générations futures (Letablier et Rieucau, 2001).

34Enfin, parmi les raisons qui poussent les gouvernements à intervenir dans l’octroi de prestations et de services en faveur des enfants, il convient de mentionner l’engagement des acteurs sociaux et des femmes elles-mêmes pour revendiquer une intervention de l’État. En France, les politiques ont répondu à une demande organisée et exprimée, par les centrales syndicales comme par les mouvements de femmes, institutionnalisés (comme le Comité du travail féminin dans les années soixante-dix) ou spontanés (le mouvement des crèches par exemple). Toutefois, dans l’Union Européenne, le mouvement des femmes est loin d’être unifié sur ces revendications. Et force est de constater que les tentatives pour former des coalitions au niveau supranational n’ont pas eu beaucoup de succès. Cela tient sans doute aux conceptions différentes de l’égalité. Les féministes allemandes, irlandaises, italiennes ont toujours montré des réticences à assimiler l’émancipation des femmes à l’emploi. Les politiques visant à promouvoir l’activité professionnelle à temps plein n’ont pas vraiment recueilli le soutien de la plupart des féministes allemandes ou irlandaises. Elles insistent plutôt sur l’enjeu de la maternité et tendent à défendre les droits sociaux associés à la maternité et aux soins aux personnes. Par conséquent, elles expriment des préférences pour des politiques fondées sur l’indépendance et la liberté de choix en matière familiale et professionnelle, une position qui favorise le maintien du modèle de Gagnepain (Ostner et Lewis, 1998). Mais cette idée se rencontre aussi dans des pays où prévalent les normes et les valeurs social-démocrates sous la forme d’une revendication d’équité entre femmes qui ont une activité salariée et femmes qui fournissent des services aux personnes dépendantes.

La restructuration des systèmes d’États-providence et la prise en compte du genre : vers quels modèles ?

35La question du “care” est marquée par des enjeux identitaires concernant la place respective de l’activité professionnelle et de la maternité (ou “maternalité”) dans la construction identitaire des femmes. Si de nombreux faits convergent vers un affaiblissement du modèle de Monsieur Gagnepain, rien n’est moins évident que le modèle soit relayé par un modèle unique de “travailleur adulte autonome” ainsi que le nomme Jane Lewis (2000). En effet, incontestablement le modèle de Gagnepain s’affaiblit si l’on en juge l’augmentation soutenue de l’activité professionnelle des femmes, et notamment des mères, dans tous les pays de l’Union Européenne, ce qui les émancipe de la tutelle économique des hommes. Cependant, la comparaison de la contribution des femmes aux revenus des ménages permet d’observer de grandes variations entre les pays. Cette contribution a constamment augmenté dans les pays nordiques, alors qu’au Royaume-Uni par exemple, l’augmentation reste nettement plus faible et discontinue (Lewis, 2001). Si la famille à deux salaires (et deux actifs) tend à devenir la norme en Europe, cela ne signifie pas que le modèle est la famille à double carrière. Au Royaume-Uni, le modèle est plutôt la famille à un pourvoyeur et demi, compte tenu du travail à temps partiel des mères de famille. Et, qui plus est, le travail à temps partiel est dans la quasi totalité des cas, volontaire et non contraint comme en France [7]. Cela signifie-t-il que l’idéologie et les valeurs “maternalistes” restent très prégnantes, au détriment du travail professionnel dans la construction des identités féminines ? Certainement, si l’on en juge par les recherches, nombreuses au Royaume-Uni, qui cherchent à justifier et à préserver la spécificité du travail “maternel” des femmes, à affirmer la grandeur domestique, et à plaider en faveur de la reconnaissance du travail de soins dans la sphère privée, par une rémunération et une ouverture d’accès aux droits sociaux. De plus, en raison des inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes du point de vue de leur engagement sur le marché du travail, des écarts de salaires et de la ségrégation persistante des emplois, l’égalité d’accès aux droits sociaux (en particulier en matière de retraites) n’est pas imminente, ni d’ailleurs le partage équitable des tâches domestiques. Par conséquent, même si cela atténue notoirement leur dépendance, ce n’est pas seulement par un accès généralisé des femmes au marché du travail que les inégalités peuvent disparaître.

36Le deuxième fait qui va dans le sens d’un affaiblissement du modèle de Gagnepain vient de l’action européenne en faveur de l’égalité des chances entre hommes et femmes. Depuis quelques années en effet, l’égalité entre hommes et femmes est devenue un véritable enjeu de la politique européenne. Depuis l’inscription dans le traité de Rome en 1957 du principe de l’égalité de rémunération, la notion a fait son chemin (Hubert, 1998). Depuis une dizaine d’années, elle tend à s’inscrire dans la logique de la politique d’emploi, d’abord par l’intermédiaire de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, puis plus récemment dans la stratégie concertée pour l’emploi. L’action de l’Union Européenne repose sur l’idée centrale que l’égalité entre les femmes et les hommes passe par une présence plus grande des femmes sur le marché de l’emploi. La commission prône également des actions en faveur d’un partage plus équitable des tâches familiales entre les femmes et les hommes. L’adoption de la directive sur le congé parental en 1996 visait cet objectif d’égalité entre les sexes, à côté d’autres objectifs tels que la protection de la vie familiale, la situation du marché du travail, la baisse de la natalité et l’intérêt des enfants. Depuis le lancement en 1997 à Luxembourg du processus en faveur de l’emploi, l’égalité entre les femmes et les hommes a été intégrée à la politique de l’emploi. Les femmes sont en effet une ressource importante pour l’accroissement de l’emploi dans l’ensemble de l’Union dont les taux d’emploi moyens sont bien inférieurs à ceux des États-Unis et du Japon [8]. L’égalité des chances a été introduite en tant que quatrième pilier soutenant la politique de l’emploi, après l’amélioration de l’employabilité, le développement de l’esprit d’entreprise et le renforcement de l’adaptabilité de la main-d’œuvre. Depuis, l’égalité des chances entre femmes et hommes a été intégrée à tous les piliers, et devient un axe d’action politique transversal à tous les autres, ce que l’on désigne comme “le mainstreaming”. Les recommandations européennes vont donc dans le sens d’une promotion de l’égalité par le développement de l’emploi des femmes et demande aux gouvernements, à travers les plans nationaux pour l’emploi notamment, d’agir pour faciliter cette intégration des femmes au monde professionnel. Depuis le sommet de Lisbonne, la stratégie européenne pour l’emploi a pris un nouveau tournant puisqu’elle ne se limite plus au champ des politiques d’emploi mais s’étend à celui plus large de la protection sociale. L’égalité en est encore une composante essentielle, intégrée aux autres orientations considérées comme prioritaires : la réduction des politiques de retraites anticipées au nom de la nécessité d’accroître l’emploi, la révision des systèmes de protection sociale et des systèmes fiscaux de manière à les rendre plus incitatifs vis-à-vis de l’emploi, et enfin l’encouragement de l’esprit d’entreprise. Dans ce contexte, les questions relatives à l’accueil des jeunes enfants, à l’articulation entre travail et famille et au partage du travail se trouvent intégrées au débat général sur les politiques à mener pour créer des conditions plus favorables à l’emploi.

37Cependant, la mise en œuvre des intentions communautaires rencontre des situations nationales diverses et des dispositions variables. Pour Ilona Ostner et Jane Lewis (1998), la politique communautaire d’égalité doit passer par “deux trous d’aiguille”: celui des politiques de l’emploi et celui “des contraintes posées par la diversité politique et culturelle entre États membres” (p. 219). Aussi, bien que chaque pays ait répondu au défi lancé par le droit communautaire sur l’égalité des chances par des aménagements législatifs souvent conséquents concernant l’emploi, chaque pays reste fidèle à la convention de genre qui est enracinée dans ses institutions comme dans les pratiques sociales. Les débats occasionnés par la réforme des systèmes de retraites, sur la question de la reconnaissance du travail “familial” en sont un exemple (Veil, 2001). De même, en ce qui concerne la mise en œuvre de mesures pour faciliter les ajustements entre travail et famille, certains pays ont tendance à prôner le développement de services publics ou para-publics et d’autres des mesures visant plus ou moins implicitement à rémunérer le travail “domestique”.

38* * *

39Les évolutions socio-démographiques en Europe, comme l’évolution de la stratégie européenne pour l’emploi placent désormais la question des soins aux enfants et aux personnes âgées dépendantes au cœur des enjeux politiques actuels. Ces enjeux rencontrent aussi celui de l’égalité entre femmes et hommes qui est l’un des objectifs prioritaires de l’Union Européenne. La question du “care” est centrale dans ces enjeux. Qui va prendre en charge l’accueil des jeunes enfants et des personnes adultes et âgées dépendantes ? Qui va payer cette prise en charge ? Comment vont se construire les emplois et les compétences pour ce travail ? A la fin des années 1980, les politiques de “care” étaient profondément différenciées selon les pays en Europe. La politique européenne appelle à une réduction de ces différences entre pays, au nom de la promotion du principe d’égalité et de la nécessité de développer l’emploi. Cependant, leur mise en œuvre se heurte à la manière dont sont construits les systèmes de protection sociale et les conventions de genre qui prévalent dans cette construction. Sur quel compromis vont se faire les ajustements, tant en ce qui concerne les soins aux enfants que les soins aux personnes âgées ? Dans quelles conditions ? A quels compromis vont aboutir les “négociations” entre différents modes de coordination ou de régulation entre la famille, le marché, l’État ou le tiers secteur ? L’égalité ne peut être que formelle, il convient de la construire. Et la diversité des systèmes induit des modalités diverses pour cette construction, selon les référentiels identitaires qui les imprègnent. Ainsi, la confrontation des systèmes de protection sociale avec les conventions de genre qui les fondent mettent en évidence plusieurs conceptions de l’égalité qui sous-tendent l’action publique et qui s’articulent à des systèmes de valeurs et des idéologies concernant la famille, le travail et la position des femmes. Elles sont ancrées dans des contextes historiques et sociaux qui ont façonné les relations entre les sexes et les ont inscrites dans les institutions de la protection sociale.

Notes

  • [1]
    La notion de travail non rémunéré est très extensive. Elle recouvre aussi bien le travail dans le secteur informel que le travail domestique, les activités bénévoles ou encore les activités qui contribuent à l’économie de subsistance. Le point commun à ces activités est d’être effectuées par les femmes, presque exclusivement. Nous limitons notre propos à la question des activités domestiques, c’est-à-dire au travail effectué dans la sphère familiale, qui contribue directement et essentiellement au bien-être des proches. La proximité constitue une dimension importante de ce travail qui varie selon les formes familiales et les frontières de la famille. Autre caractéristique : ce travail est lié aux obligations familiales, c’est-à-dire à la manière dont sont codifiées dans le droit ou dans les systèmes de protection sociale, les responsabilités qui incombent à la famille dans l’octroi de protection et dans la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes. Il convient aussi de tenir compte de la difficulté de l’évaluation de ce travail, car sa valeur n’est pas mesurable avec les outils utilisés pour la mesure du travail de production.
  • [2]
    Les économistes néo-classiques invoquent l’altruisme pour expliquer cette assignation des femmes au travail de “care”. D’autres ont parfois invoqué des déterminants biologiques ou culturels. Les recherches dont nous parlerons ici réfutent ces approches et mettent en avant les normes sociales de masculinité et de féminité (de genre) pour expliquer les affectations sexuées de ce travail. Il faut toutefois noter que la question de l’altruisme est reprise par certains courants féministes que l’on qualifiera de “différentialistes”. Ils ancrent l’affectation sexuée des obligations familiales dans l’inclinaison “naturelle” des femmes à “s’occuper des autres”, à mettre des émotions dans ce travail enraciné dans le relationnel et les valeurs de don de soi, de dévouement aux autres. Ce sont sur de telles valeurs que se sont fondés les politiques au Royaume-Uni et en Allemagne (ex-RFA) pour justifier l’absence de services et d’équipements pour l’accueil des jeunes enfants, au nom de la nécessité de “l’amour maternel” pour leur développement.
  • [3]
    En ce qui nous concerne, nous nous appuyons pour cet article, sur le travail réalisé au sein du réseau thématique européen Working and Mothering : Social Policies and Social Practices, coordonné par Ute Gerhard. Nous mobilisons également les contributions au séminaire européen organisé par Linda Hantrais à l’European Research Center de l’Université de Loughborough au cours des années 1996 et 1997, et publiées dans les séries des Cross National Papers de ce centre.
  • [4]
    Nous empruntons ce concept au courant de l’économie des conventions (Cahiers du CEE, 1985 et 1987). Dans notre cas, la notion de convention est préférée à celle de contrat qui est avec la règle un autre moyen de se coordonner, mais dans le cas de la convention, l’accord est implicite, tacite ; il repose sur des représentations communes. La convention est constitutive d’un repère collectif mais elle n’est pas arbitraire car elle est située dans un temps historique. Les conventions de genre sont plurielles et ne sont pas détachées de l’ordre social qui les génère. Elles sont reliées au fonctionnement des institutions, et donc ne font pas reposer les comportements individuels sur la seule idée d’une libre décision d’individus rationnels. De plus, le concept comporte une dimension dynamique, faite d’auto-renforcement ou de compromis.
  • [5]
    Sur ces différentes conceptions de l’égalité, on pourra se reporter à l’analyse de Christine Delphy dans Penser le genre, tome 2, Syllepse, 2001, pp. 261-292.
  • [6]
    Cette voie est explorée dans une recherche en cours sur l’individualisation des droits sociaux et l’égalité entre les femmes et les hommes, réalisée par Marie-Thérèse Lanquetin, Anissa Allouache, Nicole Kerschen et Marie-Thérèse Letablier pour la Caisse Nationale des Allocations Familiales.
  • [7]
    Quand bien même, on peut s’interroger sur la pertinence du qualificatif “volontaire” à propos du travail à temps partiel au Royaume-Uni.
  • [8]
    Même si le taux d’emploi des femmes au Japon est bien inférieur au taux moyen européen.
Français

Résumé

L’objectif de cet article est d’examiner le concept de “care”, sa genèse et son utilisation dans les recherches féministes anglo-saxonnes. Les difficultés de traduction de ce concept montrent son caractère complexe au regard de l’approche française du travail pour autrui et des services aux particuliers. L’originalité des approches féministes anglo-saxonnes a été de situer les concepts de “care” et de “social care” par rapport aux typologies des systèmes européens de protection sociale d’une part et par rapport à la question du travail bénévole des femmes au sein de la famille d’autre part. Nous montrons l’intérêt de ces approches tout en soulignant la pluralité des conceptualisations de l’égalité de sexes qui les soutiennent.

Deutsch

Zusammenfassung

Dieser Artikel hat zum Ziel das “care” Konzept, seine Entstehung und Gebrauch in der angelsächsischen feministischen Forschung zu untersuchen. Die Schwierigkeiten der Übersetzung dieses Konzeptes zeugen von seiner Komplexität in Hinblick auf den französischen Ansatz der Arbeit am Nächsten und der Dienstleistungen für Privatpersonen. Die angelsächsischen Ansätze des “Care”- und “Social Care” Konzeptes charakterisieren sich durch ihren Vergleich mit den Typologien der europäischen Wohlfahrtspflege und mit der unentgeltlichen Arbeit von Frauen innerhalb der Familie. Es wird die Originalität dieser Ansätze, sowie die Vielfalt der unterliegenden Konzeptualisierungen von geschlechtlicher Gleichberechtigung herausgearbeitet.

Español

Resumen

El objetivo de este artículo es el de examinar el concepto de “care”, sus orígines y su utilización en las investigaciones feministas anglosajonas. Las dificultades de traducción de este concepto prueban su complejidad frente al concepto francés del trabajo por “los otros” y de los servicios en favor de particulares.
La originalidad de las diferentes visiones feministas anglosajonas consiste en relacionar los conceptos de “care” y de “social care” con las tipologías de los sistemas europeos de protección social de una parte y de la otra, con la problemática del trabajo benévolo de las mujeres en el seno de la familia.
Nosotros mostramos el interés de estas diferentes visiones subrayando el pluralismo de conceptualizaciones sobre la igualdad de sexos que las alimentan.

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  • En ligneTrifiletti Rossana, 1999, “Southern European Welfare Regimes and the Worsening position of Women”, Journal of European Social Policy, vol. 9, n° 1, pp. 49-64.
  • Veil Mechtchild, 2001, “La réforme des retraites de 2001 : réduction de la répartition, un pas vers la capitalisation”, Chronique internationale de l’IRES n° 69, mars, pp. 3-14.
  • Waylen Georgina, 2000, “Le genre, le féminisme et l’État : un survol”, in collectif, Genre et Politique. Débats et perspectives, Paris, Folio essais, pp. 203-232.
Marie-Thérèse Letablier
Marie-Thérèse Letablier est chercheure au CNRS (Centre d’études de l’emploi, Noisy le Grand). Ses domaines de recherche concernent la place des femmes sur le marché du travail, les relations entre politique sociale et emploi et l’articulation entre famille et travail. Ses recherches ont une dimension comparative. Elle collabore à divers projets européens et notamment au réseau thématique “Working and Mothering : Social Policies and Social Practices” (coordonné par Ute Gerhart). Elle collabore également à la recherche européenne coordonnée par Linda Hantrais sur “the Policy responses to socio demographic changes in Europe”. Elle a publié en 1996 avec L. Hantrais, Families and family Policies in Europe (éditions Longman) et a contribué à divers ouvrages collectifs, notamment à l’ouvrage coordonné par L. Hantrais “Gendered Policies in Europe : Reconciling Employmant and Family life” (MacMillan Press, 2000). Elle vient de publier avec Jeanne Fagnani “Famille et travail : contraintes et arbitrages” aux éditions de la Documentation Française (collection Problèmes politiques et sociaux n? 858, 2001). Elle effectue actuellement une recherche avec Jeanne Fagnani sur les effets de la flexibilisation du travail sur la vie familiale, la garde des enfants et le partage des tâches domestiques. Elle travaille également à un projet sur l’individualisation des droits sociaux confrontée à la mise en œuvre du principe d’égalité entre femmes et hommes.
Adresse professionnelle : CEE - Le Descartes 1 - 29, promenade Michel Simon - 93191 Noisy-le-Grand Cedex - e-mail : letablie@cee.enpc.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/11/2008
https://doi.org/10.3917/tgs.006.0019
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