1Plus que jamais la prise en charge des enfants et des personnes âgées pose la question du statut des femmes et celle de leur égalité dans la famille et le travail. En effet, la progression de l’activité professionnelle féminine conduit à éclairer d’un nouveau jour la question des soins aux enfants et aux personnes âgées dépendantes : ces femmes de plus en plus actives sont en effet très souvent des mères, qui sont aussi et par ailleurs des filles et des belles-filles dont les parents sont ou peuvent être à charge. Qui doit payer pour les enfants et pour les personnes âgées ? Comment doivent se répartir les rôles et responsabilités de l’État, de la famille, du marché du travail ? Quels sont les processus politiques, institutionnels et culturels qui participent de la construction de ces différents modèles d’État-providence et notamment de prise en charge des enfants et des personnes âgées ? L’intervention de différents acteurs dans la prise en charge des personnes dépendantes est un élément structurant du statut des femmes sur le marché du travail.
2Les objectifs de ce dossier sont donc multiples. Il s’agit tout d’abord d’analyser les différents modèles européens de protection sociale à l’aune de la question du genre. Comme le souligne Marie-Thérèse Letablier, que nous remercions ici de l’aide qu’elle nous a apportée dans la construction de ce dossier, la confrontation des systèmes de protection sociale et des conventions de genre qui les fondent, mettent en évidence diverses orientations normatives qui touchent à la division du travail dans la famille, dans l’activité professionnelle et dans la société. Selon les pays, on peut ainsi analyser comment se construit la notion de “care” à l’intersection de la famille et des politiques sociales.
3Jane Jenson montre également la diversité des réponses données par les différents “régimes de citoyenneté” tant pour la prise en charge des personnes dépendantes et des enfants, que pour le rapport entre aide informelle et formelle, entre services publics et services privés - l’intensité relative de l’aide et des services informels assignés aux femmes se révélant déterminante pour leur autonomie sur le plan économique et professionnel.
4Cette construction sociale, qui participe de la conception du rôle des mères (et des filles) ainsi que l’élaboration des normes en matière de “conciliation” de leur rôle maternel et professionnel, est mise en évidence par Ute Gerhard dans le cadre d’une comparaison entre l’ouest et l’est de l’Allemagne.
5En analysant, dans le cas de la France, les politiques destinées aux personnes âgées dépendantes, Claude Martin analyse les incidences sur le statut des femmes de ces choix politiques : selon que les soins sont donnés par les femmes de manière professionnalisée ou en tant que soignante bénévole ou encore en tant que membre rémunéré d’un réseau de parenté, les conséquences sont bien différentes.
6Enfin, Jeanne Fagnani met en évidence toute l’ambiguïté des politiques familiales françaises. Celles-ci sont caractérisées à la fois par une volonté d’éviter d’enfermer les femmes dans la problématique de la conciliation travail-famille et par un consensus plus ou moins implicite entre les divers acteurs sur le fait que les soins aux enfants doivent rester l’apanage des femmes dans la sphère familiale ou dans la sphère publique. Cette situation se traduit par une difficulté permanente à arbitrer entre les différentes priorités de la politique familiale.
7Au-delà de la connaissance de politiques et de dispositifs qui peuvent apparaître complexes, nous avons voulu ici souligner une fois encore les enjeux d’une lecture sexuée des modèles d’État-providence. En matière de prise en charge des enfants et des personnes dépendantes, qui est providentiel : l’État ou les femmes ?