CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La théorie du sociologue américain Neil Fligstein (1990) permet d’analyser la financiarisation des entreprises de manière élégante et de la traduire comme l’émergence, la diffusion ou l’imposition de nouvelles « conceptions du contrôle » des firmes sous l’effet de la reconfiguration de leurs « champs d’action stratégiques » (Fligstein et McAdam, 2012) [1]. La succession des différentes conceptions du contrôle au cours de l’histoire est notamment indiquée par le changement des profils des dirigeants qui ont assis leur position dans une unité ou fonction particulière (subunit power base). Dans les années 1980 et 1990, les investisseurs institutionnels, les dirigeants financiers et les professionnels des affaires mettent en place une conception du contrôle par la « valeur actionnariale », subtile variante de la conception financière du contrôle (Fligstein, 2001 : chap. 7), dont la mise en œuvre aux États-Unis a eu pour conséquence le déchaînement de vagues de fusions, d’informatisation et de licenciements (Fligstein et Shin, 2007).

2Les travaux d’autres auteurs de ce courant ont permis d’affiner l’approche de Fligstein, en montrant que les « luttes pour le contrôle » se jouent à plusieurs niveaux (Freeland, 2005), qu’elles font intervenir des acteurs externes aux entreprises (Davis, 2009) et que leurs résultats, en termes de restructurations, dépendent des configurations de pouvoir internes (Jung, 2016). La sociologie des élites montre que les profils des dirigeants ne suivent pas nécessairement le schéma fligsteinien, surtout dans les pays de capitalisme continental. En France, la division entre les dirigeants financiers et non financiers semble permanente (François et Lemercier, 2016) et se superpose à d’autres clivages comme celui qui existe entre dirigeants familiaux et technocrates (Saint Martin et Bourdieu, 1978), ou entre nationaux et étrangers (Dudouet et al., 2014). De rares travaux de sociologie du travail ont traité des conséquences de la financiarisation de manière plus profonde, en étudiant en quoi elle déstabilise l’ordre social de l’entreprise (Benquet, 2013 ; Chambost, 2013 ; Ezzamel, Willmott et Worthington, 2008).

3En dépit de tous ces apports, la littérature ne s’est pas réellement penchée sur la structure de pouvoir interne aux entreprises et sur les processus de succession des dirigeants qui sont au cœur de la théorie de Fligstein – à l’exception de Ocasio et Kim (1999), qui pointent un paradoxe intéressant. Selon eux, les conceptions du contrôle ne sont pas des « allant-de-soi » (taken for granted), de telle sorte que la reproduction des dirigeants dans leur position n’est pas automatique mais se trouve régulièrement soumise à contestation. Dans les années 1980 et 1990, malgré l’avènement la valeur actionnariale, on aurait eu tendance à voir diminuer la proportion de dirigeants financiers en même temps qu’on aurait pu constater l’augmentation du nombre de dirigeants au profil opérationnel. Cet article éclaire ce paradoxe en prenant le cas du changement de dirigeant dans une entreprise sous LBO. Les LBO peuvent être considérés comme une forme archétypale de financiarisation des entreprises. Ce sont des techniques d’acquisition de sociétés par endettement, réalisées par des individus regroupés dans de petites organisations appelés « fonds d’investissement ».

4L’entreprise étudiée est une entreprise multinationale du secteur de l’optique et de l’électronique, que nous appelons « TechnologieAvancée ». Nous montrons que des tensions latentes se sont déclarées face à un choc externe – la crise financière – et ont débouché sur une « crise du contrôle » de l’entreprise et la succession du P-DG. Il a été remplacé par un émissaire du fonds d’investissement qui a nommé un nouveau P-DG. Le processus n’a cependant pas abouti à un changement de coalition dirigeante, comme le voudrait la théorie de Fligstein, malgré l’inflexion du profil du successeur. Comment rendre compte de ce changement ? Plus précisément : pourquoi un processus de succession s’est-il déclenché ? Pourquoi le successeur appartenait-il a la même coalition que le prédécesseur ? Et, malgré cela, pourquoi son profil s’est-il renouvelé ?

5Cet article révèle ce que le changement doit au LBO et à la conception du contrôle des fonds d’investissement. De leur point de vue, les cadres dirigeants doivent être assez autonomes pour formuler et mettre en œuvre des stratégies de profit opérationnelles en l’absence de compétence de leur part. Cependant, les cadres dirigeants doivent aussi être suffisamment encadrés pour éviter de s’enferrer dans des cours d’action qui ne seraient plus pertinents compte tenu de la modification de l’environnement et qui mettraient en péril la profitabilité de l’opération. Les fonds sont donc amenés à intervenir dans les crises du contrôle des entreprises pour influencer, voire prendre la tête, du processus de succession.

6Pour établir ces faits, nous nous appuyons sur une enquête qualitative originale au cours de laquelle 43 entretiens ont été réalisés avec des acteurs variés au sommet de l’organisation, avant d’être croisés avec différentes sources : des documents internes, des conversations informelles et le dépouillement de la presse et de la littérature grise [2]. Dans une première partie, nous allons replacer l’entreprise dans son champ d’action et expliciter la stratégie du fonds d’investissement, ce qui nous permettra de voir que le LBO rend plus probable le déclenchement de « crise du contrôle ». Dans une deuxième partie, nous allons établir le constat d’un changement de direction et expliquer pourquoi il y a maintien de la coalition militaro-commerciale. Enfin, dans une troisième partie, nous allons analyser les étapes de la crise du contrôle afin de comprendre pourquoi le P-DG successeur est un « perfomeur » et non plus un « diplomate ».

TechnologieAvancée dans son champ d’action

7L’examen d’un cas concret permet d’examiner les conséquences de la financiarisation sur la structure du pouvoir de l’entreprise. Il s’agit d’une firme multinationale du secteur de l’optronique dont un fonds d’investissement anglais a pris le contrôle par une opération de rachat par endettement (LBO). Ce type d’opération financière rend les entreprises plus vulnérables aux aléas et rend plus probable le déclenchement de « crises du contrôle ».

Une entreprise multinationale d’optronique

8TechnologieAvancée est une entreprise de taille moyenne de l’industrie spécialisée. Son secteur est celui de l’optique et de l’électronique (optronique). Elle conçoit, fabrique et commercialise des produits destinés à des applications civiles ou militaires. Elle appartenait auparavant à un grand groupe français – Systemix – qui l’a externalisée. TechnologieAvancée est un groupe multinational composé de onze unités ou sites. Le siège se situe à Paris et les unités sont réparties à travers le monde : en Angleterre, en Allemagne, en Hongrie, aux États-Unis, à Singapour et en Chine. Le groupe emploie environ 2 500 personnes. La structure sociale de l’entreprise reflète la structure de classe des pays capitalistes tels qu’étudiés par Wright (1997), avec une plus grande polarisation étant donné son caractère industriel et multinational. Les producteurs directs (ouvriers, employés, techniciens) qui ne sont pas l’objet d’étude, représentent l’essentiel des effectifs (84 %) et sont surtout concentrés dans la périphérie chinoise ou hongroise. Les cadres intermédiaires (directeurs de business units, commerciaux et ingénieurs) représentent 15 % des effectifs. Les cadres dirigeants siégeant dans les comités exécutifs (directeurs du siège, directeurs de divisions, P-DG) ainsi que les actionnaires représentés dans le conseil d’administration, ne constituent que 1 % des effectifs.

9La caractéristique principale de cette entreprise est sa grande hétérogénéité, en particulier en ce qui concerne les produits fabriqués et les marchés desservis. Les produits finaux vont de la lunette de vision nocturne pour fusil d’assaut à la machine de séquençage de l’ADN en passant par les affichages pour tête haute d’avion et les lasers pour semi-conducteurs, ainsi que des systèmes optiques plus simples. Le marché est très fragmenté, ce qui réduit la dépendance de l’entreprise mais entraîne une certaine complexité de gestion palliée par la mise en œuvre d’une « conception financière du contrôle ». L’intégration financière de l’entreprise est garantie par un maillage de sociétés faîtières ‒ dont plusieurs holdings empilées au Luxembourg. La principale ligne de différenciation est celle qui délimite la frontière entre marché civil et marché militaire, dont les caractéristiques sont différentes, surtout si l’on se place du point de vue des systèmes techniques. En revanche, les frontières se brouillent si l’on se place au niveau des composants qui peuvent recevoir des applications multiples (civiles ou militaires).

La logique de Capital Investments

10Le fonds d’investissement qui prend le contrôle de l’entreprise est un fonds anglais coté en bourse qui dispose d’une antenne à Paris depuis la fin des années 1990. Nous l’appellerons Capital Investments. Il gère environ 6 milliards d’euros pour des investisseurs institutionnels dont les principaux sont des fonds de pension américains et anglais. En décembre 2005, au moment où le marché du LBO se trouve dans une période de bulle, Capital Investments acquiert 90 % du capital de TechnologieAvancée auprès de Systemix ; l’entreprise est valorisée à 220 millions d’euros. Les 10 % restants reviennent à la direction en place, au premier chef, le P-DG et le directeur financier, ainsi que les présidents des trois plus grosses unités. La dette contractée pour l’acquisition est refinancée en mars 2008 et l’entreprise est alors plus fortement endettée puisque le montant de la dette représentera plus de cinq fois son résultat d’exploitation. Au sein du fonds d’investissement, ce sont deux français, ainsi qu’un operating partner (associé opérationnel), qui se chargent plus précisément du montage et du suivi de l’opération.

11Précisons que la logique des fonds d’investissement consiste à obtenir des rendements élevés sur les fonds qu’ils gèrent pour leurs investisseurs en achetant et vendant des parts de capital d’entreprises, ce qu’on appelle « créer de la valeur pour l’actionnaire » (Lazonick et O’Sullivan, 2000). Dans ce but, le LBO consiste à prendre le contrôle de l’entreprise pour orienter sa stratégie, modifier ses critères de gestion et changer son organisation (encadré 1).

Encadré 1 : qu’est-ce que le LBO ?

Leveraged Buy-Out (LBO) est traduit en français par : « acquisition avec effet de levier ». Le LBO est une technique d’acquisition de sociétés avec un montage financier comprenant une part significative de dette. Concrètement, un groupe d’individus achète le capital d’une entreprise en s’endettant auprès d’une banque, essaie d’améliorer sa rentabilité, puis la revend à un autre propriétaire trois ans ou cinq ans plus tard avec une plus-value. La spécificité de cette technique d’acquisition tient à l’usage de la dette dans le montage qui permet le financement de l’opération par la cible (bootstrap financing) et la démultiplication de sa rentabilité (leverage). Le financement par la cible est permis par la mise en place d’une société holding qui regroupe les apports en fonds propres et en dette, et qui détient la société cible en tant que filiale. La dette est remboursée par les flux de trésorerie générés par l’activité de la société cible, qui verse des dividendes à la holding. Limiter l’apport en fonds propres permet de démultiplier la rentabilité de l’opération lors de la vente des titres de la holding, à condition que le taux d’intérêt soit inférieur à la rentabilité économique de l’entreprise et en proportion du ratio dette sur fonds propres (Thoumieux, 1996). Les individus réalisant ce genre d’opération sont généralement regroupés dans de petites organisations appelées « fonds d’investissement », plus spécifiquement « fonds de capital-investissement » ou « fonds/firmes de private equity ». Ils se chargent d’acquérir, de contrôler et de réaliser la plus-value de la vente du capital d’entreprises généralement non cotées.

12Le point commun de cette activité par rapport à d’autres types d’actionnaires financiers – comme les fonds de pension – concerne les objectifs de performance mis en avant, en particulier la rentabilité des fonds propres. La spécificité des LBO et des fonds de private equity est, dans ce but, de mettre en œuvre une véritable logique de contrôle de l’entreprise qui passe par des prises de participation majoritaires et compte sur l’effet disciplinaire de l’endettement. Capital Investments contrôle l’entreprise, puisqu’il possède la majorité des droits de vote au conseil d’administration. Il obtient la coopération de la direction en les liant par la dette et en leur distribuant des actions qui leur donnent le droit de recevoir une partie de la plus-value à l’issue de l’opération. Les actionnaires et la direction de TechnologieAvancée se sont mis d’accord sur une stratégie, classique dans le capitalisme financier, de croissance par acquisitions – en particulier par fusion horizontale ‒ en vue de former ce qu’on appelle un leader sectoriel. Cette stratégie dite de build-up présente deux types d’avantages qui devraient déboucher sur une augmentation de la rentabilité. Du point de vue externe, elle élimine la concurrence et augmente le pouvoir de marché. Du point de vue interne, elle permet de supprimer des activités et des postes considérés comme redondants – ce qu’on appelle des synergies de coûts – et de mutualiser des compétences – ce qu’on appelle des synergies de développement. Les prix des acquisitions sont justifiés par les synergies que l’on projette d’obtenir.

Vulnérabilité et crise du contrôle

13Il est démontré que la mise en œuvre de ces opérations a un impact sur les entreprises. Les LBO ont été théorisés dans les années 1980 comme une réponse aux tares du capitalisme managérial : l’irresponsabilité supposée des dirigeants vis-à-vis des actionnaires et la bureaucratisation des entreprises qui lui serait liée (Jensen, 1989). Les entretiens avec les investisseurs montrent que les LBO entraînent la mise en branle d’une ingénierie organisationnelle dans le but de « créer de la valeur » (Foureault, 2014 : chap. 4 et 5). Si les LBO ne se débarrassaient pas de la bureaucratie, la mise en valeur des critères de profitabilité serait encline à recentrer l’entreprise et à décentraliser les décisions opérationnelles (Phan et Hill, 1995). À l’inverse, les stratégies de build-up, très populaires dans les années 2000, consistent plutôt à faire grossir et structurer l’entreprise en fusionnant avec des concurrents. Que ces processus mènent à l’expansion ou à la contraction du périmètre de la firme, ils mènent dans les deux cas à un sérieux remodelage de sa structure organisationnelle. Concernant l’emploi, les LBO activent la « destruction créatrice » : les entreprises sous LBO ont propension à créer et détruire beaucoup plus de postes que les entreprises comparables – l’effet net étant légèrement négatif (Davis et al., 2014). Tous ces changements mettent nécessairement les collectifs de travail à l’épreuve (Chambost, 2016).

14Cependant, ces changements ne sont pas mécaniques mais sont le produit d’une causalité non linéaire. Du fait de l’endettement, l’effet principal des LBO est de rendre les entreprises plus vulnérables aux aléas, comme la perte d’un client important ou la hausse du prix des matières premières. C’est la survenue d’un aléa – une modification non prévue de l’environnement – qui aurait tendance à précipiter les changements, en particulier les restructurations, puisque l’entreprise se trouve alors dans l’incapacité d’honorer ses engagements financiers et doit prendre des mesures pour restaurer sa profitabilité, notamment tailler dans sa structure de coûts. Une étude sur le cas français montre, en effet, que les entreprises sous LBO ont des taux de défaillance plus élevés que les entreprises comparables (Bédu et Palard, 2014). Une comparaison préliminaire avec un cas similaire d’entreprise sous LBO montre que la causalité des restructurations peut être attribué au LBO et non à la crise financière, que l’entreprise comparable n’avait pas encore traversée : dans cet autre cas, l’aléa était lié à un changement de réglementation.

15À notre connaissance, il n’existe pas d’étude spécifique sur l’effet des LBO sur la structure du pouvoir interne aux entreprises, mais des entretiens et de nombreuses indications présentes dans la presse tendent à montrer que les entreprises sous LBO changent beaucoup plus fréquemment de dirigeants (Chevalier et Langlois, 2010). En étudiant une vingtaine de cas recensés dans Private Equity Magazine dans les années 2000, nous constatons que pratiquement la moitié de ces entreprises ont changé de dirigeant. C’est beaucoup plus que le turnover de 20 % trouvé par Kaplan et Minton (2012) pour les entreprises américaines dans les années 2000, et celui de 39 % au pic de la vague de rachat hostiles de sociétés dans les années 1980 (Mikkelson et Partch, 1997). Là aussi, la causalité de la succession semble non linéaire : ces événements sont précédés d’une « crise du contrôle » déclenché par des perturbations externes. Par « crise du contrôle », nous entendons une menace impérieuse sur la viabilité de l’arrangement organisationnel mis en place par la coalition dirigeante de l’entreprise et sur lequel repose son pouvoir et sa légitimité – en particulier l’autorité du P-DG. Du fait de la vulnérabilité plus grande de l’entreprise, une ultime conséquence des LBO serait donc de rendre plus probable le déclenchement de crises du contrôle.

Prédécesseur et successeur dans la coalition dirigeante

16Comme la plupart des firmes, les entreprises sous LBO ne sont ni dirigées par une seule personne ni colonisées de l’extérieur, mais gouvernée par une coalition d’acteurs internes spécifique : à TechnologieAvancée, il s’agit d’une coalition militaro-commerciale. Entre 2008 et 2010, celle-ci a été déstabilisée puisque l’on constate un changement de P-DG. Mais si le LBO et la crise ont catalysé un processus de succession, ils n’ont pas mené à un changement de coalition dirigeante. Cela s’explique par le mode de contrôle des fonds d’investissement qui consiste à s’appuyer sur des individus capables de formuler et des stratégies opérationnelles.

Qui gouverne TechnologieAvancée ?

17En 2004, l’entreprise qui devient TechnologieAvancée appartient à un grand groupe français – Systemix – et se trouve composée, entre autres, de deux sites principaux en Angleterre (future TA-UK) et à Singapour (future TA-SG). Une fois acquise par Capital Investments en 2005, elle subit un processus de structuration, du fait de la découverte d’une infraction à la réglementation américaine sur les exportations d’armement (International Traffic in Arms Regulation, ITAR) et de l’acquisition d’un groupe allemand, surtout positionné sur les marchés civils, appelé Technik, qui la fait doubler de taille. L’organigramme plus bas vient coiffer ce processus de structuration en 2008.

Figure 1

Organigramme de TechnologieAvancée en 2008

Figure 1

Organigramme de TechnologieAvancée en 2008

18Cette figure montre que, au niveau formel, le P-DG tient fortement l’entreprise. La structure formelle confère du pouvoir aux individus, car les positions hiérarchiques donnent le droit de commander, ouvrent l’accès à des ressources budgétaires et confèrent du prestige.

19Quatre commentaires peuvent être faits. Premièrement, le P-DG se situe bien évidemment au sommet de la hiérarchie : il peut commander à l’équipe du siège et, dans une moindre mesure, aux directeurs de divisions. Deuxièmement, il doit rendre des comptes au conseil d’administration. Or, le P-DG est à la fois directeur général de l’entreprise et président du conseil d’administration. Il cumule ainsi le pouvoir de direction et le pouvoir de contrôle de la direction. Cependant, c’est le fonds d’investissement qui contrôle économiquement l’entreprise car, du fait qu’il possède 90 % du capital, il est majoritaire au sein du conseil d’administration et peut donc révoquer le président ad nutum. Troisièmement, suite à l’affaire de l’ITAR avec l’État américain, le P-DG doit partager une partie de son pouvoir avec le fonctionnaire du département d’État qui est devenu directeur des exportations, qui ne s’occupe cependant pas de décider de la stratégie de l’entreprise. Quatrièmement enfin, le P-DG s’appuie sur deux « bras droits » qui disposent d’une petite équipe : le directeur financier et le directeur du développement. Le P-DG est ainsi en position d’arbitrer entre une fonction plutôt orientée vers la restriction et une autre vers l’expansion. À cela, il faut ajouter que l’entreprise est gouvernée collégialement par un système de comités exécutifs. Or, le P-DG participe à presque tous ces comités et occupe une position centrale dans le processus de décision.

Le successeur : si proche et si différent

20Tous ces éléments font que, au plan formel, le pouvoir du P-DG est fort. Mais l’analyse de la structure formelle est notoirement limitée pour analyser les phénomènes politiques. Le pouvoir au sommet de l’organisation est plus fondamentalement lié au contrôle des contingences stratégiques (Hickson et al., 1971). Les différents acteurs revendiquent le droit de participer au processus de décision en fonction de leur expertise spécifique et supposée pertinente pour répondre à ces contingences. C’est pour cette raison que le profil des acteurs est important, en particulier leur formation. De plus, le profil des acteurs est un indicateur de leur vision du monde économique. Afin d’analyser différentes coalitions d’acteurs au niveau informel, nous avons réalisé une analyse des correspondances multiples (ACM) sur les 18 personnes participant aux comités exécutifs – ce qu’on peut considérer comme formant la structure du pouvoir ou le champ d’action de la direction.

21Nous avons retenu des variables sociodémographiques, des variables liées à la formation et à l’expérience professionnelle et des variables positionnelles, en particulier leur fonction et leur position, au niveau informel, dans la structure des comités [3] (voir annexe A).

22Dans la figure 2a, l’axe 1 distingue les insiders (à gauche) relevant de l’industrie des outsiders (à droite) plus proche du marché. Le second axe, quant à lui, distingue le monde de la défense anglo-américaine (en bas) du monde continental et civil (en haut). La figure 2b permet de distinguer trois groupes d’acteurs : une coalition financière, une coalition technicienne et une coalition militaro-commerciale, qui est la coalition dirigeante de l’entreprise. Cette coalition composée d’insiders (centraux dans les comités, formation technique, certains anciens de Systemix) se caractérise par le poids des profils commerciaux et des carrières dans le secteur public, en particulier militaire. Significativement, la coalition dirigeante est composée des directeurs de division, mais pas des deux bras droits du P-DG. Ceux-ci peuvent être considérés comme têtes de la coalition technicienne (directeur du développement) et financière (directeur financier).

Figure 2

Le champ d’action de la direction. A : espace des modalités. B : nuage des individus

Figure 2

Le champ d’action de la direction. A : espace des modalités. B : nuage des individus

23Le P-DG en place jusqu’en 2010, polytechnicien et énarque, diplômé de l’Institut des hautes études de défense nationale, est le frère d’un proche du président de la République Nicolas Sarkozy. Il a travaillé au ministère de la Défense français avant d’entrer à Systemix. Son profil ressemble à celui d’un « diplomate » de l’économie. Ainsi, lorsque, en octobre 2008, TechnologieAvancée inaugure un site à Jurong (Singapour), on peut le voir serrer fièrement la main du ministre des Finances local. Son successeur à partir de 2012 est le président de la division Defence & Aerospace et directeur de TA-UK est un commercial anglais dont l’unité se révèle très dépendante des marchés militaires, notamment de l’armée britannique. C’est une personne plus discrète : il est significatif que nous ne sachions pas quelle est sa formation et sa date de naissance.

24Cette analyse permet de mettre en lumière trois faits. Tout d’abord, l’entreprise n’est pas gouvernée par un « chef » tout-puissant mais par un primus inter pares qui appartient à une coalition particulière dans l’entreprise. Ensuite, la coalition dirigeante dans cette entreprise financiarisée n’est pas la coalition financière, malgré l’amélioration de sa position de 2005 à 2008 (on peut même considérer qu’elle n’existait pas vraiment auparavant). Enfin, on peut constater que le successeur est très proche de son prédécesseur (cf. flèche sur la figure 2b). Le LBO n’a pas mené à un véritable changement de la coalition dirigeante, puisque le nouveau P-DG représente bien, peut-être même plus que l’ancien, la coalition militaro-commerciale. Il n’a ni une carrière technique ni un background financier. L’inflexion concerne son profil moins « diplomatique » et plus proche du monde anglo-américain.

Le besoin de dirigeants opérationnels

25L’appartenance du successeur à la coalition militaro-commerciale, et non à la coalition financière, s’explique largement par la conception du contrôle des fonds d’investissement, que nous avons appelé ailleurs l’« administration indirecte ». Celle-ci consiste à prendre le contrôle de l’entreprise tout en maintenant une certaine distance (Foureault, 2017). Il faut d’abord remarquer que la production de chiffres dans cette entreprise n’est pas le fait du siège, ni même de la coalition financière, mais le fait des directions financières dans les unités. Le directeur de la stratégie, par exemple, évoque la difficulté qu’il éprouve lui-même à « aller à la pêche aux informations » pour réaliser son travail. Quant à l’analyse des chiffres, elle ne se fait pas seulement lors des réunions des comités exécutifs, mais aussi dans le cadre des réunions mensuelles avec Capital Investments et, de manière plus formelle, lors du conseil d’administration. L’analyse des données financières produites par les sociétés cibles, avant et pendant l’opération de LBO, est l’une des activités les plus importantes des fonds de capital-investissement, réalisés par les jeunes chargés d’affaires ainsi que par les directeurs de participations.

26Autrement dit, la plus-value de la direction générale, du point de vue du fonds d’investissement, ne réside pas dans sa capacité d’analyse financière. Elle réside plutôt dans sa capacité d’analyser le secteur de l’entreprise, de formuler et de mettre en œuvre des stratégies de profits pertinentes. En règle générale, les investisseurs ne s’estiment pas compétents pour ce faire, n’ayant pas de formation technique et d’expérience opérationnelle – ce qu’ils appellent faire preuve d’« humilité ». Les cadres dirigeants de TechnologieAvancée sont de cet avis à propos de Capital Investments. Voici les propos du P-DG :

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Bernard Arnault, il a l’intention de rester, il est compétent, il sait ce que c’est que le secteur du luxe. Dans un LBO, ils ont des principes généraux de management, mais ils n’ont pas l’idée de ce que c’est que l’optique. Ils ont besoin de comprendre. Leur formation est financière et ils doivent s’appuyer sur le management. D’ailleurs, le management est intéressé au deal, ne le dites pas car ce n’est pas tout le monde… Ça n’est pas vrai partout, [un puissant fonds américain] par exemple a la réputation de virer les gens. D’autre part, il y a des fonds qui ont aussi des experts, mais ces experts, c’est aussi des coupeurs de têtes : ils sont là pour réduire les coûts, ils veulent transformer tout. Ce n’est pas le cas de Capital Investments. Ils font plus confiance. En règle générale, dans les LBO, le management manage. Si le management dit quelque chose, ils écoutent.
(Entretien avec le P-DG du Groupe, le 19/11/2009)

28Ne possédant que peu d’expertise sectorielle, les investisseurs sont donc dépendants de ce que la direction générale accepte de divulguer et se trouvent forcés de lui faire confiance. C’est pourquoi ils estiment que le choix du dirigeant est un élément capital de leur stratégie de création de valeur. Même si les fonds d’investissement remplacent parfois des dirigeants historiques par des directeurs financiers, qui partagent leur point de vue et doivent « endosser le rôle de bad guy » (Foureault, 2017), il s’agit d’une stratégie risquée dans certains secteurs comme celui de TechnologieAvancée. Son hétérogénéité, la complexité des produits et le caractère opaque de certains marchés (les programmes d’armement, notamment) imposent de disposer d’un minimum de connaissances de terrain. De surcroît, les produits peuvent être d’intérêt géostratégique, de telle sorte que la question de la nationalité du dirigeant compte tout autant que celle de sa fonction d’origine. C’est donc le besoin de dirigeants opérationnels par les fonds d’investissement qui explique pourquoi le successeur appartient à la même coalition que le prédécesseur. Malgré cela, pourquoi son profil a-t-il changé ?

La crise du contrôle : du diplomate au performeur

29L’étude plus détaillée des différentes étapes de la crise du contrôle permet d’expliquer le nouveau profil du dirigeant par le caractère de la crise et par l’intervention du fonds d’investissement dans cette conjoncture. En 2008, la crise financière se répercute de manière très forte en interne et déplace la source d’incertitude de l’État vers le marché, ce qui offre des opportunités aux unités, mobilisant leurs ressources commerciales, pour s’opposer à la politique du dirigeant qui s’appuie sur la coalition technicienne. Pour rétablir le contrôle de l’entreprise, le fonds d’investissement envoie un de ses émissaires pour assurer l’inter-regnum. Ce dernier nomme le nouveau dirigeant apparemment plus adapté au contexte.

De la crise externe à la crise interne

30La crise financière touche TechnologieAvancée d’une manière indirecte – via les difficultés de ses bailleurs de fonds – et d’une manière directe – via la baisse de son carnet de commande sur certains marchés. En effet, les bailleurs de fonds de TechnologieAvancée se trouvent en difficulté dès 2008. Capital Investments fait face à des difficultés financières telles qu’il se trouve en perte et est menacé de rachat. La principale banque prêteuse est dans la même situation. De ce fait ils ne sont plus disponibles pour soutenir financièrement l’entreprise. Si elle souhaite croître, il faut qu’elle puise dans les fonds existants ou bien qu’elle s’autofinance. Capital Investments doit revoir la valorisation de son portefeuille de sociétés à la baisse et met en œuvre un plan d’action radical pour rembourser ses propres investisseurs. TechnologieAvancée devient, pour le fonds, plus stratégique dans ce cadre. L’onde de choc de la crise financière se fait aussi ressentir de manière plus directe. Les marchés civils, en particulier certains segments, s’effondrent. À peine acquise, Technik est touchée par de grandes difficultés financières. En novembre 2008, elle perd 5 % de son chiffre d’affaire. Parallèlement, l’entreprise subit une augmentation de son coût de production, ce qui entraîne une baisse de 40 % de son profit.

31L’onde de choc a plusieurs conséquences sur l’organisation. La première conséquence est évidente : un vif besoin de réagir se fait ressentir au niveau de la direction, en particulier pour l’unité allemande. La direction de Technik met immédiatement en place un programme de contrôle des coûts. L’entreprise licencie du personnel et les remplace par des travailleurs temporaires. Au cours de l’année 2009, Technik décide de fermer son usine en Pologne. Le chômage partiel est instauré dans une usine de fabrication en Allemagne de l’Est, puis dans l’unité principale de Munich. Ce besoin de réagir se traduit au niveau de tout le Groupe par la mise en place d’une politique de « centralisation administrative » (Freeland, 2005) pour limiter l’inflation des budgets des unités. La deuxième conséquence est que la direction générale doit aussi revoir sa stratégie de croissance. La croissance externe n’est plus possible et elle décide de se concentrer sur la croissance interne en plus de réduire les coûts. Le fonds d’investissement recommande à la direction de TechnologieAvancée d’accélérer les « synergies » entre les différentes unités. La troisième conséquence concerne la diffusion d’un fort sentiment d’insécurité dans toute l’organisation. Les cadres dirigeants, y compris le P-DG, craignent par exemple que l’actionnaire ne leur fasse baisser le niveau des investissements – nécessaire à la survie à long-terme.

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Nous ne pouvons plus suivre notre stratégie. Je dois demander à mes patrons [Capital Investments] ce qu’ils veulent. Si demain ils me disent « vous coupez vos investissements », ils vont faire pression sur nous. La discussion va être délicate. C’est plutôt dû à la crise. Ils doivent vendre à un certain moment il faut que la société crache le plus de cash possible. […] En plus en ce moment, je ne peux plus faire d’acquisitions, on avait une activité [acquisitions] très forte, elle est complètement morte cette activité.
(Entretien avec le P-DG du Groupe, le 19/11/2009)

33Les cadres intermédiaires, surtout à TA-UK, craignent que le Groupe ne soit revendu par appartements. Les cadres moyens et les ouvriers craignent de perdre leur emploi. De manière générale, le nouveau contexte rend la situation financière de l’entreprise particulièrement tendue, ce qui est interprété comme une menace sur la survie de TechnologieAvancée.

La contestation, la chute et le rétablissement du contrôle

34Cette situation déclenche un processus de contestation feutré à la manière des mouvements sociaux internes définis par Zald et Berger (1978). À partir de 2009, les unités s’opposent aux initiatives de la direction visant à accélérer la mutualisation des clients et des compétences pour délivrer les synergies promises à l’actionnaire. Ces oppositions contribuent à remettre en cause l’autorité du P-DG et la légitimité de sa politique, comme le suggèrent deux éléments. D’abord, les directeurs des divisions et certains de leurs cadres dirigeants critiquent ouvertement le siège. Le directeur de Technik est le plus critique. Le directeur de TA-UK n’est pas aussi catégorique mais est aussi critique. En revanche, son directeur des projets est, lui, assez virulent.

35

Je connais ma responsabilité. Quelle est la responsabilité [du directeur de la R&D au siège] ? Quelle est la responsabilité [du directeur du développement] ? Est-ce qu’il est censé me demander des choses ou me féliciter ? Le Groupe ne m’a jamais posé la question : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? ». Et qui siège là-haut ? Tout le monde pense qu’il est en haut, mais l’information remonte et qu’est ce qui redescend ?
(Entretien avec le directeur des projets de TA-UK, le 23/04/2009)

36Le président de TA-SG semble relativement satisfait de sa situation, bien que le P-DG affirme qu’il est « doué à cacher la poussière » et n’hésite pas à se partager les fruits de la sous-traitance interne avec les autres divisions, au mépris des consignes données par le siège et Capital Investments. Ensuite, les unités freinent concrètement la mise en œuvre de la stratégie. Au niveau de la mutualisation des compétences, les initiatives du directeur du développement et de son directeur de la R&D se révèlent peu fructueuses. Les mêmes phénomènes existent au niveau de la mutualisation des clients (Foureault, 2016). De manière générale, les unités invoquent toutes les raisons possibles pour ne pas coopérer, en particulier les procédures ITAR. Cela entraîne une certaine frustration de la part des directeurs non hiérarchiques qui appartiennent en particulier à la coalition technicienne. Ceux-ci doivent convaincre le P-DG d’insister auprès des directeurs de divisions, alimentant les critiques de ceux-ci sur le parasitage du siège.

37Cette opposition s’explique en grande partie par les enjeux des directeurs d’unités et la mobilisation de leurs ressources pour y faire face. L’enjeu principal pour eux est double. Il faut, d’une part, satisfaire les attentes de l’actionnaire et de la direction générale en termes de rentabilité, et au moins démontrer que l’on contribue aux résultats d’ensemble, dans un contexte particulièrement tendu. Il faut, d’autre part, rassurer leurs lieutenants et salariés quant à l’intégrité et la pérennité de l’unité ou des sites. À cela, il faut rajouter une raison financière : la rémunération des directeurs de division et d’unités est majoritairement liée à la rentabilité de leur propre entité via un système de bonus. Il est aussi probable que ces directeurs ont découvert, comme certains membres du siège, que leurs actions ne valaient plus rien, en conséquence de quoi le système du LBO n’était plus incitatif en ce qui les concernait. Le résultat est que les directeurs d’unités ont comme objectif de préserver les avantages compétitifs de leur propre entité, y compris aux dépens des autres et du Groupe dans son ensemble.

38Pour faire face à ces enjeux, les commerciaux sont les plus mobilisés pour vendre un maximum de solutions techniques aux clients, gagner des parts de marché ou éviter de les perdre. En interne, les directeurs d’unités s’appuient sur la fonction commerciale au détriment de la R&D. Les priorités – en ressources financières et humaines – sont mises sur les projets clients et non sur les projets technologiques, les produits sont sous-cotés et les ingénieurs accaparés par les clients. Bien que les ingénieurs de rang faible soient prêts à collaborer avec leurs collègues d’autres unités, tout ceci contribue à ralentir les rares projets poussés par la coalition technicienne. En externe, les commerciaux sont encouragés à vendre pour leur propre unité d’appartenance. Cela alimente la concurrence globale entre entités. Les unités occidentales craignent en particulier la montée en gamme de l’unité singapourienne (TA-SG). Pour Technik et TA-UK, la politique de mutualisation des compétences et des clients prônée par la direction générale revient à encourager cette menace. Les deux unités occidentales ne sont pas pour autant coopératives. Bien qu’étant spécialisées sur des marchés différents (plutôt civils et plutôt militaires), les deux entreprises sont positionnées au même niveau de la chaîne de valeur, ce qui crée des zones de recouvrement, de telle sorte qu’elles peuvent mettre en œuvre des compétences similaires pour vendre aux mêmes clients – ce qui est source de conflits.

39Cette crise du contrôle débouche sur la mise en place d’une coalition hétéroclite qui neutralise le P-DG. TA-UK et Technik, bien que rivaux, forment une alliance tacite, tandis que TA-SG ne soutient le siège que de manière opportuniste, à l’instar de Capital Investments. Le P-DG s’appuie sur la coalition technicienne, qui, elle-même, s’appuie sur les ingénieurs situés plus bas dans la hiérarchie, mais ces groupes d’acteurs ne peuvent faire face aux enjeux économiques immédiats portés par les unités et les commerciaux. La raison principale provient du déplacement de la source d’incertitude vers le marché suite à la crise. Ce sont les unités et les commerciaux qui contrôlent les marchés et alimentent le groupe en chiffre d’affaires. La coalition technicienne ne dispose pas d’un grand projet technologique dont la complexité aurait requis la mobilisation des ingénieurs dans tout le Groupe. Le siège n’est finalement qu’un intermédiaire politique entre Capital Investments et les unités dont le rôle devient moins crucial pour l’actionnaire à mesure que la sortie du LBO approche. Dans ce contexte, le P-DG est tout simplement bloqué : il ne peut plus suivre la stratégie initiale qui a sa préférence et sur laquelle il avait établi un compromis avec les unités et Capital Investments (croissance externe). Il ne peut pas non plus mettre en œuvre la nouvelle stratégie de croissance interne et délivrer les fameuses synergies, car les ressources qu’il mobilise ont une faible valeur comparée aux ressources mobilisées par l’opposition. Le résultat est que le groupe se montre atomisé et focalisé sur le court terme, à l’opposé de la vision managériale d’une entreprise intégrée et attentive au développement technologique portée par le P-DG, ce qui induit une forte tension sur son rôle social.

40Le premier janvier 2010, le P-DG démissionne. Capital Investments nomme alors un nouveau président du Conseil d’administration, qui se nomme lui-même « directeur général ». Il s’agit de l’operating partner de Capital Investments, un néérlandais auparavant P-DG d’une grande entreprise du secteur de l’automobile.

41

Q : Quelle a été la raison du départ [du P-DG] ?
Il est parti à cause d’une divergence de vue avec nos actionnaires. Lui, il disait : « on est dans un marché fragmenté, et la meilleure solution, c’est de grossir par acquisitions ». Or, Capital Investments ne peut pas, il voulait que Capital Investments nous vende à un autre actionnaire qui aurait pu nous financer les acquisitions. Capital Investments a dit : « on est très content de la gestion, mais on n’a pas les moyens, donc il faut faire de la croissance interne ». […] Il faut savoir que [le nouveau P-DG] vient envoyé par Capital Investments. Et ils veulent vendre dans deux ans. C’est des financiers, ils ne voient pas plus loin après la vente. Tenez, par exemple aujourd’hui ce qu’on a fait, habituellement on fait un plan stratégique à trois ans. Donc 2011-2013. On voit ce qu’on cherche à améliorer dans trois ans. [Mais] cette année, il est clair que l’objectif, c’est 2012 et pas 2013, et il faut augmenter notre prévision de résultat.
(Entretien avec le directeur du développement, le 02/04/2010)

42Pour rétablir le contrôle sur TechnologieAvancée, Capital Investments nomme donc un de ses émissaires qui s’engage dans une nouvelle réorganisation et établit un exigeant plan stratégique. Après cette mise en ordre, il nomme le directeur de TA-UK, vice-président de la division Defense & Aerospace, comme directeur général en 2012, tandis qu’il conserve le rôle de président du Conseil d’administration. Le prédécesseur, dès sa démission, retrouve un emploi comme directeur de division d’une grande entreprise française du secteur de l’énergie. Après deux ans de lutte pour la rentabilité, Capital Investments revend le capital de TechnologieAvancée en 2014 à un concurrent du Groupe, une firme américaine elle-même détenue par un fonds sous LBO. Après cela, le fonds d’investissement continue de se délester de ses autres entreprises en portefeuille et se voit liquidé en avril 2018.

Le besoin de dirigeants adaptés

43L’inflexion du profil du successeur s’explique par la crise du contrôle et l’intervention du fonds d’investissement dans le champ du pouvoir interne pour établir des dirigeants adaptés à ses objectifs conjoncturels. La crise financière a eu pour effet de déplacer la source d’incertitude dans l’environnement – qui ne provenait plus de l’État américain mais du marché financier avec l’assèchement et le renchérissement du coût du crédit ainsi que du marché des biens, en particulier dans le secteur civil. Parallèlement, ce sont les sources de profits qui se sont déplacées. Avant 2008, l’entreprise s’était diversifiée vers les marchés civils qui étaient alors très profitables. Cependant, à partir de 2009, les marchés de la défense sont devenus comparativement plus profitables, en plus d’être stabilisés en raison des guerres continues menées par les puissances atlantiques (les lunettes de visions nocturne étaient utilisées en Afghanistan, par exemple). Ces deux causes ont induit un changement de stratégie : le build-up n’était plus possible étant donné le manque d’argent de Capital Investments, qui voulait garder TechnologieAvancée dans son giron pour « sourcer du cash ». Selon le premier, l’engendrement du profit ne pouvait plus venir de l’accroissement du pouvoir de marché, mais devait se faire par la réduction des coûts et de l’accélération du cycle d’exploitation en partant des ventes. Les commerciaux sont, de fait, devenus des ressources importantes, utilisables par les unités pour s’opposer à la direction générale. Cette dernière s’appuyait sur la coalition technicienne qui n’avait, dans ce contexte, pas de compétence à faire valoir. Le fonds d’investissement, quant à lui, n’avait lui plus besoin d’un dirigeant « diplomate » capable de jouer sur ses relations en interne – pour intégrer des unités disparates ‒ et en externe pour décrocher des deals et régler les différends avec les États-Unis. C’est sans doute la raison pour laquelle il a accepté la démission du P-DG. Le choix du successeur par l’émissaire du fonds est, pour sa part, très clair. TA-UK était l’unité la plus puissante étant donné son positionnement sur les marchés militaires et sa dépendance à la commande publique. C’était l’unité la plus dynamique en raison de sa forte identité liée à son histoire longue. Technik avait aussi une histoire longue mais n’était plus rentable. De plus, ses ingénieurs étaient perçus comme arrogants par la direction générale et certains Anglais. TA-SG était considérée, par Capital Investments notamment, comme une entreprise peu sophistiquée et facilement transformable en simple usine. Tous ces éléments contribuaient à construire une image de « performeur » au directeur de TA-UK, d’autant plus que celui-ci appartient à la coalition militaro-commerciale. L’inflexion du profil du dirigeant s’explique donc par l’intervention du fonds d’investissement, qui avait besoin d’un dirigeant adapté au nouveau contexte stratégique.

Conclusion

44Ce cas d’entreprise sous LBO, confrontée à la grande récession et au départ de son P-DG, permet d’analyser les modalités du pouvoir actionnarial. Ce pouvoir ne consiste pas à coloniser l’entreprise en décidant à la place du patron. Les actionnaires exercent une influence néanmoins décisive sur l’entreprise en agissant comme garant ou soutien du dirigeant « local », à la manière des puissances impériales vis-à-vis des pays dépendants. Autrement dit, l’actionnaire exerce un contrôle non pas tant par des directives et des négociations permanentes qu’en structurant le champ d’action de l’entreprise – notamment, en liant la direction par le capital et par la dette ‒ et en y intervenant ponctuellement comme soutien du dirigeant ou de l’opposition – i.e. en exerçant ses prérogatives de révocation et de nomination.

45Plus généralement, ce cas illustre très bien le processus de financiarisation des entreprises et la mise en œuvre de stratégies actionnariales (Appelbaum et Batt, 2014 : 16-21 et 46-47). Il illustre la « mise sous tension » [4] des entreprises suite à la prise de participation ou la prise de contrôle par des fonds d’investissement qui négocient, avec les dirigeants, des stratégies permettant d’obtenir des rentabilités particulièrement élevées (Plihon et Ponssard, 2002). Il illustre le « couplage serré » (tight coupling) de l’entreprise avec son environnement capitalistique, de telle sorte que l’emballement des marchés financiers et l’éclatement de bulles de crédit se répercutent immédiatement sur son fonctionnement interne (Aglietta et Rebérioux, 2004 : chap. 7). Il illustre les plans de rationalisation, les restructurations et le remodelage de secteurs entiers, qui sont le contrecoup de la dynamique du système, les salariés devant payer le coût de la régulation.

46Finalement, cet exemple met en lumière le fait que, même dans des cas considérés comme extrêmes, on ne peut parler de la finance comme d’une force purement exogène systématiquement opposée à l’« économie réelle » (Norfield, 2016 : 4-5). Il y a une interdépendance entre les fonds d’investissement et les dirigeants d’entreprises, même si l’asymétrie joue en faveur des actionnaires. Le paradoxe de Ocasio et Kim se comprend par le fait que, si les dirigeants sont dépendants des avances en capital, afin de poursuivre des stratégies de croissance, les fonds d’investissement restent dépendants des directions générales qui possèdent l’expertise nécessaire à la mise en œuvre des stratégies de profit. Leur union problématique forme un segment de classe émergeant traditionnellement appelé « capital financier ».

Annexe A

Résultat de l’analyse des correspondances multiples (18 individus, 10 variables, 38 modalités actives)

tableau im3
Dimension 1 Dimension 2 N Contributions (%) Coordonnées Contributions (%) Coordonnées Fonction Commerciale 5 0,40 -0,27 0,94 -0,36 Finance 4 11,35 1,62 2,36 0,64 Juridique 2 0,01 -0,08 6,08 -1,45 Management 5 1,41 -0,51 0,64 -0,30 Technique 2 2,79 -1,14 8,32 1,69 Position formelle Siège 12 0,03 -0,05 1,10 0,25 Division 3 0,41 -0,36 1,67 -0,62 Unité 3 1,12 0,59 0,96 -0,47 Nationalité Allemand 4 0,01 0,05 2,96 0,71 Américain 3 0,02 -0,07 9,64 -1,49 Anglais 4 0,95 0,47 0,04 -0,09 Français 6 0,10 -0,12 1,03 0,34 Singapourien 1 1,02 -0,98 0,18 -0,35 Sexe M 17 0,24 -0,12 0,07 -0,05 F 1 4,80 2,11 0,65 0,67 Âge = < 50ans 8 3,36 0,63 1,66 0,38 > 50ans 9 2,38 -0,50 0,87 -0,26 Formation Formation- Technique Non 8 3,13 0,60 1,25 -0,33 Formation- Technique Oui 8 5,27 -0,78 1,24 0,33 Formation Economique Non 9 0,71 -0,27 2,48 0,44 Formation Economique Oui 7 0,16 0,14 3,21 -0,56
tableau im4
Dimension 1 Dimension 2 N Contributions (%) Coordonnées Contributions (%) Coordonnées Doctorat Docteur Non 15 0,77 0,22 2,10 -0,31 Docteur_Oui 3 3,53 -1,05 9,45 1,47 Carrière Carrière Public_Non 13 0,14 0,10 2,99 0,40 Carrière Public_Oui 4 0,27 -0,25 8,58 -1,21 Carrière- Technique Non 12 2,33 0,43 2,48 -0,38 Carrière- Technique Oui 5 4,97 -0,96 6,80 0,97 Carrière- Com_Non 12 0,30 0,15 1,88 0,33 Carrière- Com_Oui 6 0,51 -0,28 4,23 -0,70 Carrière- Consult Non 13 2,80 -0,45 0,18 -0,10 Carrière- Consult_Oui 4 10,05 1,53 0,89 0,39 Carrière Finance_Non 12 3,79 -0,54 0,34 -0,14 Carrière Finance_Oui 5 9,93 1,36 1,15 0,40 Ancien de Systemix AncienSystémix Non 8 3,42 0,63 0,70 -0,25 AncienSystémix Oui 10 2,58 -0,49 0,43 0,17 Position informelle Centre 9 2,71 -0,53 1,54 0,34 Péripherie 3 12,09 1,94 1,98 0,67 Semipéripherie 6 0,14 -0,15 6,94 -0,89

Notes

  • [1]
    Je remercie les personnes qui ont relu l’une de versions antérieures de ce texte : Marlène Benquet, Patrick Castel, Denis Segrestin et les membres de feu le groupe Victoire.
  • [2]
    Pour les conditions d’accès au terrain, les catégories d’acteurs interviewés et les guides d’entretiens, cf. Foureault, 2014.
  • [3]
    Cette variable a été construite par un blockmodel à partir de réseau de participation des cadres dirigeants aux mêmes comités (disponible sur demande auprès de l’auteur).
  • [4]
    Il s’agit d’un terme indigène.
Français

Cet article tente d’identifier les modalités du pouvoir actionnarial en prenant l’exemple d’une entreprise sous LBO confrontée à la crise économique et au départ de son patron. La conception du contrôle des fonds d’investissement permet de rendre compte de la cause et de la nature du changement, i.e. de l’appartenance du successeur à la même coalition que le prédécesseur et à l’inflexion de son profil. Dépendants des cadres dirigeants pour mettre en œuvre les stratégies de profit, ces actionnaires sont amenés à intervenir dans les crises du contrôle pour prendre la tête du processus de succession et amener des dirigeants en accord avec leurs objectifs. Le pouvoir des fonds d’investissement relève moins d’une colonisation de la direction que l’administration indirecte de l’entreprise.

Mots-clés

  • sociologie économique
  • sociologie des organisations
  • financiarisation
  • fonds d’investissement
  • LBO

Références

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Fabien Foureault
Fabien Foureault est post-doctorant au laboratoire LINES* de l’Université de Lausanne. Ses intérêts de recherche se situent au croisement de la sociologie économique, de la sociologie des organisations et de la sociologie des élites. Il a récemment publié un article intitulé « L’organisation de la financiarisation. Structure et développement du champ des fonds d’investissement en France » dans la Revue française de sociologie (no 59, 2018/1, p. 37-69).
*Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités ; UNIL, Géopolis, CH-1015 Lausannne (Suisse).
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/12/2018
https://doi.org/10.3917/tt.033.0101
Pour citer cet article
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