Pour accéder à l’intersubjectivité et se différencier de l’autre sans arrachement ni traumatisme, il importe que les liens premiers (dits aussi « primordiaux », « primitifs » ou « précoces ») se mettent en place au sein même de l’écart intersubjectif en cours de creusement.
Ces liens de type binaire s’établissent après l’instauration des enveloppes psychiques et avant celle des relations proprement dites. Cet écart et ces liens définissent, délimitent et composent ensemble l’espace transitionnel tel que l’a défini D. W. Winnicott, espace appelé à être progressivement occupé, on le sait, par des objets et des phénomènes dits « transitionnels ». L’ours en peluche est devenu emblématique des objets transitionnels, tandis que le langage et la culture sont emblématiques des phénomènes transitionnels.
Qu’en est-il alors des objets dits « d’attention conjointe » et qui ont été décrits par J. S. Bruner, dans une perspective non pas psychodynamique mais cognitiviste ? Les objets d’attention conjointe ne sont ni des objets autistiques ni des objets transitionnels.
– Les objets autistiques, le plus souvent choisis dans le champ des sensorialités proximales (le toucher, l’odorat et le goût), sont des objets que l’enfant peut manipuler en permanence et qui lui permettent ainsi de dénier la séparation d’avec l’objet qu’il ressent comme une menace ou comme un danger.
– Les objets transitionnels, en revanche, sont des objets qui permettent d’aménager, avec le moins de douleur et de souffrance possible, une séparation, une distanciation progressive d’avec l’objet…