Nous avons la chance, en français, de disposer de deux mots proches – attente et attention – pour parler de deux processus psychiques voisins mais distincts, et qu’il est essentiel de bien définir quand on s’occupe de bébés. Cette distinction a été faite depuis longtemps, mais le bébé en relance à sa manière l’intérêt.
Saint Augustin (354-430) s’était déjà intéressé à cette question : « Mais comment l’avenir, qui n’est pas encore, peut-il s’amoindrir et s’épuiser ? Comment le passé, qui n’est plus, peut-il s’accroître, si ce n’est parce que dans l’esprit, auteur de ces transformations, il s’accomplit trois actes : l’esprit attend, il est attentif et il se souvient. L’objet de son attente passe par son attention et se change en souvenir. Qui donc ose nier que le futur ne soit pas encore ? Cependant l’attente du futur est déjà dans l’esprit. Et qui conteste que le passé ne soit plus ? Pourtant le souvenir du passé est encore dans l’esprit. Y a-t-il enfin quelqu’un pour nier que le présent n’ait point d’étendue, puisqu’il n’est qu’un point évanescent ? Mais elle dure, l’attention par laquelle ce qui va être son objet tend à ne l’être plus. Ainsi ce qui est long, ce n’est pas l’avenir : il n’existe pas. Un long avenir, c’est une longue attente de l’avenir. Ce qui est long, ce n’est pas le passé, qui n’existe pas davantage. Un long passé, c’est un long souvenir du passé. Je veux chanter un air que je connais : avant de commencer, mon attente se porte sur l’air pris dans son ensemble…