Depuis les travaux d’Esther Bick (1968) en Angleterre et de Didier Anzieu (1985) en France, il est devenu impossible de penser la croissance et la maturation psychique du fœtus, du bébé, de l’enfant et de l’adolescent, sans prendre en compte le rôle de la peau en tant que facteur d’organisation psychique absolument central et essentiel.
Cet enracinement de la psyché dans la sensorialité cutanée représente l’un des soubassements originaires de la psychisation et de la mentalisation, mais ce qu’il importe de souligner, c’est que ce socle sensoriel ne cessera de se faire « entendre » ensuite, tout au long de la vie, tel un matériau archaïque susceptible d’imprégner les niveaux ultérieurs du fonctionnement de la psyché et de se réactiver en de multiples occasions.
C’est ce que nous souhaiterions montrer au fil de ces quelques pages, en prenant un certain nombre d’exemples paradigmatiques.
Le développement de l’enfant et de ses troubles se joue à l’exact entrecroisement du « dedans » et du « dehors », soit à l’interface de sa part personnelle et de son environnement, soit encore à la rencontre de facteurs endogènes (son équipement neurobiologique, cognitif…) et de facteurs exogènes (les effets de rencontre avec l’environnement écologique, biologique, alimentaire, et surtout relationnel). R. Kaës (1993) a ainsi pu écrire : « Le monde est corps et groupe, il n’est que corps et groupe. »
C’est aussi ce que l’on peut entendre par le concept de double ancrage corporel et interactif de la croissance et de la maturation psychiques de l’enfant, tel que nous avons pu le définir dans des travaux antérieurs (Golse, 1999)…