1Boris Vian, dans une superbe chanson, s’était adressé, il y a déjà longtemps, au président de la République pour faire valoir son droit à ne pas faire la guerre. Ne pourrait-on, aujourd’hui, renouveler cet élan et s’adresser au nouveau président pour faire valoir le droit des bébés à recevoir des soins de qualité ?

2 C’est là un combat essentiel quand on sait l’impact à court, à moyen et à long terme de la manière dont nous nous occupons d’eux.

3 Le prendre soin des bébés a-t-il besoin de justification ? Probablement non, et c’est ainsi qu’il apparaît comme un impératif catégorique, au sens kantien du terme.

4 Le titre du dernier film de Bernard Martino, Lóczy, une école de civilisation (2014), montre en lui-même que l’approche piklérienne ne nécessite aucune justification puisqu’elle est, par essence, un outil de bien-traitance porteur en lui-même de son propre bien-fondé.

5 Entendu récemment en tant qu’expert par la commission coordonnée par S. Giampino sur le « développement du jeune enfant, les modes d’accueil et la formation des professionnels », qui s’est tenue sous l’égide de la Direction générale de la cohésion sociale (dgsc), j’ai été amené à dire que s’occuper de manière adéquate des bébés comportait d’importants enjeux développementaux liés à la néoténie humaine (physique et psychique), et à la place de l’épigénèse dans notre espèce puisque l’essentiel de la construction cérébrale du bébé se fait à l’air libre – après la naissance – et ceci jusque à l’âge de 4 ou 5 ans au moins. Les neurosciences confirment donc clairement l’intérêt de la qualité des soins apportés aux bébés aux tout premiers temps de leur vie, du fait de leur immaturité physiologique fondamentale. L’argument neuroscientifique s’avère ainsi tangible, et tant mieux, mais il est en quelque sorte superflu au regard d’une position éthique princeps, puisque même en l’absence d’un tel argument, s’occuper au mieux des bébés serait, à l’évidence, de toute manière légitime.

6 En revanche, les actes terroristes, qui nous rappellent sans cesse la destructivité inhérente au fonctionnement psychique humain, ne font que renforcer fort utilement la nécessité absolue d’apporter aux plus jeunes des soins de qualité.

7 L’institut Pikler-Lóczy est né à Budapest à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, à l’issue d’une période d’infinies souffrances et de douleurs sans nom, et il a d’emblée incarné des valeurs d’humanité et de profond respect de la vie psychique. Aujourd’hui, à l’heure d’une inquiétante résurgence de la barbarie, l’approche piklérienne apparaît plus nécessaire que jamais.

8 Même si la tentation est grande de penser que notre action n’est qu’une goutte d’eau face à un océan d’atrocités, ce serait là une véritable erreur de jugement.

9 L’approche piklérienne est au contraire plus indispensable qu’elle ne l’a jamais été, car elle est exemplaire de ce que le meilleur de l’être humain continue à exister, en dépit du pire qui se manifeste et qui nous impressionne.

10 Emblématique d’une position éthique fondamentale, cette vision des soins précoces – fondée sur la continuité, la cohérence, le respect de la personne et de la vie psychique – prend toute son importance aujourd’hui.

11 De ce fait, nous sommes fiers à l’association Pikler Lóczy-France de contribuer, dans la mesure de nos moyens, à rappeler ainsi qu’il y a aussi du merveilleux dans l’être humain en dépit de tout ce qui pourrait, hélas, en ces temps difficiles, nous en faire cruellement douter, et c’est ce message qu’il me semble utile de faire passer à celles et à ceux qui aspirent à gouverner notre pays, c’est-à-dire à jouer un rôle de responsabilité dans l’avenir de nos enfants.