CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le monde associatif contemporain est le sujet d’un grand paradoxe : il ne cesse de se voir attacher une mission d’innovation démocratique et de transformation sociale tout en étant de plus en plus soumis à des conditions et contraintes faisant obstacle à cette mission. À travers des notions comme « tiers secteur », « société civile » ou « écoles de démocratie », un ensemble de travaux et de discours développent l’idée que les États démocratiques auraient avantage à tirer d’une vie associative dynamique pour faire face aux problèmes émanant du marché et à la crise de la représentation politique (Putnam, 2000 ; Laville et al., 2016). À partir des années 1970, ces États sont appelés à transformer leurs manières de conduire l’action publique en s’ouvrant aux demandes sociales formulées en dehors de la politique électorale et de l’économie de marché (Barthélémy, 2000). Or, cette logique de partenariat et d’intégration à l’action publique a rapidement pris une autre tournure à travers les principes du nouveau management public et la politique austéritaire qui se sont généralisés en Europe comme aux États-Unis (Laville & Salmon, 2015 ; Enjolras et al., 2018). À travers une pluralité de processus d’institutionnalisation et de professionnalisation, les associations se muent en « entreprises associatives » sujettes à l’instrumentalisation et à l’alignement de leur action sur les logiques étatiques et marchandes (Smith & Lipsky, 1993 ; Salamon, 1993 ; Enjolras, 1996 ; Hély, 2009 ; Cottin-Mar…

Français

Cet article explore les logiques à travers lesquelles les modalités de financement public limitent l’autonomie des associations intervenant dans l’action publique ciblant les quartiers populaires. À partir d’une enquête ethnographique réalisée auprès de deux associations d’un même quartier de Lille, il propose de mettre en lien l’étude quantitative des budgets associatifs avec une analyse des pratiques observées à la fois en interne des organisations associatives et dans l’interaction avec leurs financeurs. À travers une telle démarche exploratoire, il montre d’abord comment l’autonomie budgétaire des associations peut être évaluée par des indicateurs de dépenses (relatives au travail, aux locaux, aux prestations extérieures) et de recettes (dépendance générale au public, dépendance relative aux différents financeurs). Ensuite, il s’intéresse aux modalités de financement à travers lesquelles les institutions publiques concourent à précariser les budgets associatifs ainsi qu’à la disposition différenciée des institutions à offrir des conditions stables de financement, variant selon les logiques propres à chaque financeur. Enfin, il montre comment ces conditions précaires de financement s’articulent à certains dispositifs formalisés mais aussi à des modes d’interaction plus informels pour influer sur l’action des associations. Aux différentes étapes, l’article montre un différentiel d’autonomie substantiel entre les deux acteurs étudiés, qui s’explique notamment par les ressources inégales dont ils disposent face à leurs financeurs.

  • associations
  • financements publics
  • quartiers populaires
  • partenariat
  • travail associatif
  • autonomie
Thomas Chevallier
Chercheur postdoctorant à l’IRISSO (UMR 7170-1427), chercheur associé au CERAPS (UMR 8026)
IRISSO, Université Paris-Dauphine, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75775 Paris cedex 16, France
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/11/2022
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