CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Dans le domaine académique, la notion de mouvement culturel désigne les courants artistiques qui partagent des caractéristiques esthétiques communes en peinture, en musique ou en littérature… Dans Les Règles de l’art (1992), Pierre Bourdieu analyse l’émergence d’un champ littéraire propre, détaché de la tutelle de l’État. Si une partie des artistes adopte une posture de type aristocratique en faisant la promotion et l’expérimentation de nouveaux modes de vie détachés des considérations sociales et politiques, les partisans de l’art « social » défendent au contraire des formes d’expressions censées se rapprocher des préoccupations du peuple, avec parfois l’ambition de substituer la représentation esthétique à la représentation politique. Dans les deux cas, la notion de mouvement artistique est mobilisée pour désigner ces acteurs organisés qui participent à la structuration du champ culturel, que P. Bourdieu associe à des mécanismes structurels de concurrence et qui acquiert progressivement sa logique et ses règles propres par rapport aux pouvoirs politiques, économiques et religieux. Cette approche souligne la dimension foncièrement dynamique des goûts culturels, aptes à transformer les représentations. Elle montre que la culture, et plus précisément ici l’art, est un champ des rapports de force en même temps qu’un champ de lutte pour transformer ces rapports de force, où les possesseurs de capital culturel s’opposent aux possesseurs d’un pouvoir sur le capital culturel, et notamment sur la détermination des chances de profit (et de reproduction) assurées à ce capital (Bourdieu, 2011)…

Français

À partir de l’étude de deux associations de défense des danses et des musiques « négro-martiniquaises », Tanbô Bô Kannal (TBK) et Mi Mès Manmay Matinik (AM4), cet article analyse la façon dont les pratiques culturelles sont mobilisées à des fins contestataires. Fondé sur une enquête ethnographique réalisée en Martinique de 2011 à 2018 et sur une grille de lecture qui combine les analyses « néo-gramscienne » de l’hégémonie à une approche plus classique des mouvements sociaux, l’objectif est de souligner la singularité des mouvements culturels en accordant un intérêt particulier aux capacités esthétiques des « subalternes » et aux formes pratiques de leurs productions culturelles. Deux stratégies sont distinguées : l’affirmation dans l’espace public d’un mode de vie irréductible, via la mise en place de répertoires de contestation et de dispositifs de sensibilisation culturelle concurrents de la société dominante ; et la constitution d’espaces de « reculturation » pour réinventer ses propres valeurs, ses propres modalités d’action collective et ses propres esthétiques.

  • action culturelle
  • association
  • Martinique
  • mouvements sociaux
  • postcolonialisme
Lionel Arnaud
Professeur des universités, sociologie, Laboratoire des sciences sociales du politique (LaSSP, Sciences Po Toulouse/Université Toulouse 3)
LaSSP, Sciences Po Toulouse, 21 allée de Brienne, 31685 Toulouse cedex 6, France
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