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L’ouvrage Culture écrite et inégalités scolaires est tiré de la thèse de Bernard Lahire soutenue en 1990. Publiée initialement en 1993, cette seconde édition est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir une enquête cardinale dans l’œuvre du sociologue. En effet, bien au-delà d’une « sociologie de l’“échec scolaire” à l’école primaire » annoncée dans le sous-titre, l’ouvrage livre une réflexion sur le rôle des techniques d’écriture dans les rapports de pouvoir au sein des sociétés contemporaines. Il prend le parti d’expliquer les difficultés scolaires des enfants de classes populaires par l’imposition, dans un rapport de domination, des « formes sociales scripturales », d’un regard distancié, esthétique et réflexif au monde au détriment de la « forme sociale orale », spontanément utilisée par les enfants de classes populaires.
À partir d’une approche à la fois historique et anthropologique, Bernard Lahire montre comment, entre le xvie et le xixe siècle, l’ensemble de la population s’inscrit progressivement dans un vaste « procès de scripturalisation des formes sociales » (p. 40). L’école devient au fil du temps un « lieu d’inculcation institutionnalisé, régulier, systématique, durable » (p. 9) par lequel la forme scripturale se structure, se codifie et se diffuse. Maîtres comme élèves se soumettent à un ensemble de règles supra personnelles (grammaticales, orthographiques, stylistiques) qu’il s’agit d’observer, de reconnaître, de respecter et d’appliquer. La maîtrise de l’écrit devient une source de pouvoir touchant l’ensemble des rapports sociaux dans le sens où ceux qui se soumettent aux règles scolaires sont aussi ceux qui fixent les règles relatives à la description et à l’explication du monde (p…
Auteur
Université de Poitiers-UFR SHA, 8 rue René Descartes, TSA 81118, 86073 Poitiers cedex 9, France
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2022

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