Article
La réflexion que je propose de développer à partir de mes recherches sur la Tunisie va au-delà d’une critique de la division du travail scientifique qui consacre des formes d’asymétrie entre « hommes de terrain » et « hommes de théorie », ou entre monographie et réflexions générales et comparatives. Elle interroge le statut épistémologique de l’empirie. Pour moi, le terrain n’est pas le lieu qui abriterait l’empirie, dont il faudrait définir les conditions d’accès, un lieu où se cacheraient des informations à collecter. C’est – ce qui est très différent – ce long moment qui, à partir de l’empirie, permet de construire une problématique. Dans les lignes qui suivent, en décalage par rapport aux écrits qui abordent le terrain comme un problème de méthode ou une question de philosophie des sciences, je le conceptualise comme une interaction permanente entre empirie et théorie, permettant de dépasser une tension fondamentale : celle entre des concepts « pauvres en contenu » (Weber, 1992, p. 159 et p. 378) et les sources qui ne sont pas là simplement pour donner des informations ; celle entre des problèmes généraux et la particularité de toute réalité concrète étudiée. Cette conception du terrain restitue un processus d’élaboration progressive et continue des problématisations et des conceptualisations. Si ces dernières ne prennent forme qu’à partir d’une réalité concrète historiquement circonscrite mettant en exergue la singularité de la situation ayant permis cette montée en généralité, elles peuvent dialoguer avec d’autres travaux sans pour autant chercher à élaborer une théorie générale impossible…
Plan
Auteur
Sciences Po, CERI-UMR 7050, 56 rue Jacob, 75006 Paris, France
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 10/11/2021

Veuillez patienter...