CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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Notre moment historique, marqué par les risques sanitaires et leurs conséquences de longue portée dans les domaines économiques, sociaux et géopolitiques, a remis au centre de nombreuses discussions la question de la diffusion sociale des connaissances scientifiques, sujet de réflexion ancien (Poirrier, 2016) et préoccupation récurrente des pouvoirs publics (IGAENR, 2012). Le modèle dominant de cette diffusion a longtemps reposé sur la prédominance de la parole scientifique, qu’elle émanât des chercheurs eux-mêmes ou de médiateurs plus professionnalisés travaillant dans la presse, l’édition, les médias audiovisuels ou les institutions culturelles (Lemerle, 2016). À partir de la fin des années 1960, ce modèle a été remis en question, d’abord en raison de son arrière-plan idéologique (Jurdant, 1969, 2009), puis au motif que la diffusion des connaissances déboucherait toujours sur des résultats distincts de leurs origines scientifiques, le « soi-disant partage du savoir effectué par les mass media » aboutissant « à autre chose que le savoir lui-même soi-disant partagé » (Roqueplo, 1974, p. 149). L’attention s’est dès lors portée sur l’ensemble de pratiques desquelles résulte cette « autre chose », autrement dit la vulgarisation scientifique (VS), dont les définitions et principes ont suscité quantité de travaux, essentiellement historiques et épistémologiques.
Depuis trente ans, le modèle historiquement dominant de la VS a été critiqué dans son principe comme cherchant à perpétuer l’illusion d’une coupure entre la science et le reste de la société…

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Français

Les études sur la diffusion sociale des connaissances scientifiques distinguent depuis plusieurs décennies un modèle classique de la vulgarisation scientifique, désigné comme « modèle du déficit », et des formes davantage caractérisées par l’engagement des publics avec la science. Cet article interroge les formes actuelles de ce « modèle du déficit » encore très répandu, à partir d’une enquête réalisée entre 2014 et 2017 sur une manifestation autour des neurosciences, la Semaine du cerveau. Les multiples contraintes d’organisation et de programmation pesant sur ce projet issu de la communauté scientifique montrent que la réflexion sur les formes classiques de la vulgarisation doit prendre en compte à la fois une approche externaliste (quels acteurs, quelles institutions, quelles politiques, etc.), une approche communicationnelle (quels problèmes posés par la reformulation d’un texte ésotérique dans une langue plus accessible, etc.) et une étude de la façon dont les représentations des intervenants de la Semaine du cerveau influencent leurs pratiques. Le modèle du déficit doit donc être reprécisé et nuancé : il ne peut être abordé indépendamment du réseau de relations dans lequel se pratique la vulgarisation, activité semi-autonome devant prendre en compte une multitude de réalités sociales (champ scientifique, autres espaces de production symbolique, logiques des pratiques culturelles contemporaines, nécessité de recourir à des dispositifs discursifs spécifiques, dépendant eux aussi de paramètres culturels et sociaux).

  • vulgarisation scientifique
  • modèle du déficit
  • culture scientifique
  • neurosciences
  • métaphores scientifiques
  • sociologie des idées
Sébastien Lemerle
Maître de conférences HDR, Université Paris Nanterre, Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (équipe CSU)
Pôle Métiers du Livre, Université Paris Nanterre, 11 avenue Pozzo-di-Borgo, 92210 Saint-Cloud, France
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/07/2021
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