CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis 2011, on assiste à une vague globale de mouvements sociaux. Presque tous les mois une mobilisation citoyenne massive a surgi dans l’un ou l’autre pays, sur tous les continents. L’année 2019 a été particulièrement intense. En Irak, au Soudan, en Inde, à Hong Kong, en Haïti, au Chili, en Algérie ou en France, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues. Toutes s’adressaient à leur gouvernement respectif et étaient organisées dans les différentes villes du pays. Aucune organisation, ni même un réseau formalisé ou un site internet, ne les réunit ni ne les coordonne. Pourtant, tout en étant résolument nationales, ces mobilisations partagent bien des points communs dans leurs revendications – moins de corruption et d’inégalité ; davantage de démocratie, de justice sociale, de dignité –, des éléments de leur répertoire d’actions – des manifestations hebdomadaires, l’usage des lasers contre les drones, des tactiques similaires de confrontation aux forces de l’ordre –, l’usage des réseaux sociaux, les mobilisations citoyennes – au-delà des cercles habituels de militants –, la manière d’articuler différentes cultures militantes et des rapports similaires à l’État et au politique.

2La plupart des publications consacrées à ces mobilisations fondent leurs analyses sur le cadre national. Il s’agit par exemple de placer au cœur de l’analyse la dynamique spécifique qui a mené à la révolte dans chaque pays (Bennani-Chraïbi & Fillieule, 2012) plutôt que l’idée de « révolutions arabes » en 2011. Une telle analyse est sans conteste pertinente, d’autant que le renforcement du cadre national est l’un des traits communs de ces mobilisations contemporaines (Pleyers & Glasius, 2013), bien davantage que pour les mouvements des années 2000, et constitue en ce sens une caractéristique de la vague globale des mouvements à la suite de la crise financière de 2008. Cependant, établir que les mouvements contemporains s’organisent au niveau national n’est en rien contradictoire avec le fait qu’ils ont également une dimension régionale et globale. Les révoltes citoyennes de différents pays résonnent, s’inspirent mutuellement, reprennent des slogans, font circuler des éléments d’un répertoire d’action qui s’établit progressivement et sont confrontées à un contexte qui est aussi international. Toutes exigent la démocratie ou une meilleure démocratie, ont des demandes de justice sociale et la plupart placent la dignité au cœur de leurs mouvements. Les analyses de ces éléments communs suggèrent leur appartenance à un « mouvement global », selon les théories, ou soulignent pour le moins une dimension globale de ces acteurs.

3Aussi, pour comprendre ces mouvements, le monde d’aujourd’hui et les formes émergentes de ces rapports au politique, à soi et aux autres, il est important qu’aux côtés des analyses nationales se développent également des analyses globales de ces mouvements et révoltes. Cette perspective « globale » sur les mouvements contemporains n’est ni meilleure, ni moins bonne que les perspectives nationales ou les recherches comparatives. Elle est complémentaire en ce qu’elle permet de comprendre les mouvements à partir d’une autre perspective, mettant l’accent sur des formes, expériences, défis et enjeux partagés par différentes luttes, mobilisations ou révoltes dans différentes régions du monde et favorise la circulation des apprentissages et des savoirs – pour les chercheurs comme pour les acteurs – entre les pays.

4Mais comment étudier ces mouvements globaux ou transnationaux ? Les concepts utilisés, les méthodes, la manière de répondre à cette question et sa formulation dépendent étroitement de la conception de l’action collective ou des mouvements sociaux sous-jacents [1]. Le défi est d’autant plus complexe pour les perspectives qui considèrent que les mouvements contemporains ont une forte dimension subjective. Mes recherches au cours des vingt dernières années m’ont conduit à m’intéresser toujours davantage à cette composante centrale des mouvements sociaux contemporains qu’est la redéfinition du rapport au politique, à l’État et à la démocratie, qui est aussi un rapport aux autres et à soi. Elle se construit dans l’expérience de ces mouvements (McDonald, 2006). Celle‑ci est toujours située dans un lieu particulier et passe par des interactions interpersonnelles. Elle se construit contre un régime et s’organise au niveau national. Mais des milliers de citoyens à travers le monde vivent une expérience similaire. Ensemble, ils posent les éléments d’une redéfinition du politique, de la citoyenneté et des enjeux de la démocratie. Ces mouvements comme les défis qu’ils pointent gagnent dès lors à être compris en intégrant également les contributions et les analyses de mouvements actifs dans d’autres pays et dans différentes régions du monde.

Comment étudier les dimensions subjectives des mouvements à l’échelle globale ?

5Les contributions théoriques, méthodologiques et épistémologiques pour des sciences sociales globales se sont multipliées [2]. Plutôt qu’additionner les auteurs et ouvrages collectifs pour justifier les choix de l’enquête, une bonne méthodologie consiste avant tout à expliquer ce qui a été fait et comment les données vont être ou ont été récoltées et analysées, à expliciter les critères qui ont présidé à leurs choix et à leur sélection le plus clairement possible et à se situer par rapport à son objet.

6En combinant une perspective compréhensive, et donc une recherche qualitative qui donne une large place à la réflexivité des acteurs, avec une perspective internationale, on soulève des questions de deux types. Comment se passe l’enquête pratique dans différents lieux ? Et comment se construit une perspective globale ? Elles renvoient à des défis pratiques, méthodologiques et épistémologiques et contribuent en cela à une réflexion sur les conditions d’une sociologie globale.

À la recherche d’une sociologie globale

7Ma première recherche entre 1999 et 2010 portait sur le mouvement altermondialiste que j’ai étudié en France, Belgique, Angleterre, Mexique, Argentine, lors de huit forums sociaux mondiaux au Brésil, en Inde, au Mali et au Kenya, et de nombreux forums et mobilisations internationales en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine. J’ai ensuite consacré l’essentiel de mes travaux au mouvement écologiste global et aux mobilisations citoyennes et révoltes « post-2011 » qui ont animé la décennie qui vient de s’achever, en m’intéressant particulièrement aux dimensions globales de ces mouvements et aux enjeux, cultures activistes et formes d’action partagés par des militants de différents pays.

8Au niveau pratique, je mène ces recherches dans plusieurs pays, sans chercher à me rendre dans tous ceux qui connaissent des révoltes importantes, mais en tentant de profiter des opportunités qui me sont offertes pour connaître des acteurs et mouvements de manière approfondie lorsque cela est possible – trois mois et une quarantaine d’entretiens à Rio de Janeiro en 2013 ; 23 entretiens à Moscou la même année ; une présence quasi quotidienne pendant trois mois (plus de 70 après-midis et soirées sur place) à Nuit Debout en 2016 avec une trentaine d’entretiens et deux séries de six focus groups ; une trentaine d’entretiens au Chili en 2019… Je profite également de l’opportunité de prolonger des séjours liés à des colloques ou à des conférences pour rencontrer et réaliser des entretiens avec des militants dans des pays qui connaissent ou ont connu une vague de protestation, comme à Hong Kong en 2018. Il ne s’agit pas de publier un texte sur chacun de ces mouvements mais d’alimenter une analyse sur la nature des mouvements contemporains, de voir de quelle manière les éléments récoltés résonnent avec les analyses développées sur d’autres mouvements mais les bousculent aussi. Ils suggèrent des évolutions ou pointent des dimensions dont je n’avais pas saisi l’importance.

9Les séjours relativement courts, de dix jours à trois mois, impliquent un mode d’enquête particulier, dans lequel le chercheur admet ne pas connaître certains éléments de la culture et de l’histoire nationales aussi bien que les acteurs et chercheurs du pays concerné [3]. Je ne me trouve pas totalement démuni pour autant, puisque ces mouvements partagent généralement une série de caractéristiques et d’enjeux avec d’autres luttes contemporaines, ce qui me permet d’entrer en dialogue avec les acteurs et les chercheurs locaux en apportant un éclairage différent et complémentaire.

10L’anthropologue Frans Boas considérait qu’il en apprenait davantage sur les acteurs étudiés en répétant des séjours plus courts au même endroit et en analysant les différences qu’il observait avec d’autres lieux que lors de longs séjours dans une même tribu (Elwert, 2001). De fait, reproduire des séjours d’observation intense d’un mouvement lors de mobilisations importantes mais aussi dans des phases de latence permet de mieux comprendre leur nature, leurs évolutions, les enjeux qu’ils portent et les transformations sociales qu’ils contribuent à produire. Cela permet également de mieux comprendre le contexte national et ses évolutions sur plusieurs années. Avec les militants comme avec les chercheurs locaux, ces retours réguliers favorisent l’établissement de relations de confiance.

Pratiques de terrain

11La pratique de la recherche sur les mouvements sociaux passe par des travaux de terrain et des rencontres avec les acteurs lors des phases intenses des mobilisations comme lors des périodes de latence. La pratique de l’enquête à chaud lors des phases « événementielles » est à la fois grisante et éprouvante. C’est d’autant plus le cas lorsque les séjours de terrain à l’étranger sont relativement brefs, souvent d’une dizaine de jours. Même si ces données sont complétées lors de séjours ultérieurs, il s’agit alors de saisir le maximum d’informations et de réflexions pour essayer de comprendre le mouvement en cours et se faire bousculer par lui.

12En novembre 2019, j’ai eu la chance de passer deux semaines très intenses à Santiago, au Chili. Profitant d’un congrès à Lima et d’une invitation de l’université Silva Henríquez, j’ai souhaité voir de près la révolte citoyenne qui a commencé le 18 octobre. C’était mon quatrième séjour au Chili depuis 2014 et j’avais déjà eu l’occasion de réaliser des entretiens semi-directifs avec des militants à propos de leur engagement dans le mouvement étudiant de 2011 et au cours de la période qui a suivi. Au fil des séjours, j’ai également lu, échangé et discuté avec mes collègues sociologues et de nombreux jeunes chercheurs à propos des mouvements qui ont marqué le pays.

13Le séjour de novembre 2019 était passionnant. Chaque jour, je passais trois ou quatre heures sur la Plaza d’Italia, rebaptisée Plaza de la Dignidad (place de la Dignité) par le mouvement. Des centaines de manifestants s’y rassemblaient de 17 à 21 heures jusqu’à ce que les forces de l’ordre vident la place à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène. Ils étaient des milliers les vendredis et lors de journées de mobilisation thématiques. J’observais le mouvement, prenais des notes et réalisais une vingtaine d’entretiens d’une durée de 25 à 60 minutes. D’autres ont été interrompus par les événements sur la place et les tirs de gaz lacrymogènes. Dans des mouvements aux frontières incertaines et sur une place où se rassemblent chaque soir des milliers de manifestants, le choix des personnes interrogées ne peut viser à une représentativité statistique, en particulier dans le cadre d’une enquête par entretiens. Il peut en revanche suivre un échantillonnage raisonné, en fonction de différents critères tout en laissant aussi une part d’aléatoire, au hasard des rencontres et en étant attentif aux acteurs inattendus. J’essaie d’interroger des personnes de différents âges, avec une surreprésentation de jeunes – mon thème de recherche principal –, en respectant un certain équilibre des genres – mais il y a généralement une surreprésentation des femmes, plus présentes dans ces mouvements –, une diversité des causes affichées, lorsqu’il y a des pancartes, et une représentation de différentes cultures activistes présentes sur la place. Une attention à la géographie de la place est importante pour respecter ce dernier critère. L’occupation des places n’est ni organisée systématiquement, ni due au hasard. Des citoyens ou militants d’une même tendance ou qui partagent un rapport semblable à l’État, au mouvement et à « la violence » sont plus présents sur certains côtés de la place, notamment en fonction de la distance avec le lieu des principales confrontations avec les forces de l’ordre. J’essaie également d’interroger à la fois des militants très impliqués dans le mouvement – de préférence lors de rendez-vous en dehors des heures d’occupation – et ceux qui se tiennent en retrait, plus loin des gaz lacrymogènes, et ont moins l’habitude des manifestations – mais ne sont pas moins intéressants.

14Avant d’entamer l’entretien, je me présente rapidement et demande l’autorisation de l’enregistrer, en précisant qu’il sera utilisé de manière anonyme, que je leur enverrai les publications éventuelles s’ils le souhaitent et que je m’engage à répondre à toutes leurs questions à la fin de l’entretien. Après une série de questions très ouvertes sur le mouvement et ses enjeux, sur les motivations personnelles, sur leur vision du pays et ce que le mouvement a changé dans leur vie, l’entretien se prolonge souvent par 15 à 30 minutes d’échange à partir des questions de l’activiste, généralement à propos de quelques caractéristiques communes entre le mouvement chilien et ceux que j’ai observé dans d’autres pays. L’échange se poursuit bien souvent de manière indirecte sur les réseaux sociaux, par suite de l’invitation de militants après notre conversation.

15L’auberge dans laquelle je loge lors de mes séjours à Santiago est à deux pas de la place et c’est sur cette avenue que se déroule une partie des affrontements entre les forces de l’ordre et la « première ligne » – l’équivalent local du « cortège de tête ». Lorsque les gaz lacrymogènes envahissent la place de la Dignité et que les entretiens ne sont plus possibles, c’est un excellent lieu d’observation de cette bataille quotidienne à la fois symbolique et bien réelle et de l’évolution des tactiques des uns et des autres en fonction de l’état de tension. À Santiago, la plupart des activistes impliqués sont très jeunes, une partie d’entre eux se sont échappés des orphelinats publics et se sont lancés avec toute leur énergie dans le mouvement. La bataille est menée avec un étonnant sens du civisme chilien. Les manifestants arrêtent les jets de projectiles le temps de laisser quelques touristes étrangers, souvent surpris et un peu inquiets, traverser avec leurs valises pour rejoindre l’auberge. C’est aussi le moment d’échanger avec des habitants du quartier et la famille propriétaire de l’auberge, qui expliquent l’évolution du mouvement et de sa répression dans des perspectives « bien différentes de ce que relatent les chaînes de télévision » (Márquez, 2019).

16Je passe ensuite une partie de la nuit à retranscrire certains entretiens, à prendre des notes, à essayer de mieux comprendre le mouvement en cours et à adapter les questions que je me pose et celles que je pose aux personnes interrogées et à mes collègues chiliens. Au cours de ce bref séjour, j’avais été invité à présenter mon dernier livre et mes travaux sur les mouvements sociaux dans sept universités de la capitale et dans deux réseaux militants. Au fil des jours, j’ajoute quelques extraits d’entretiens dans mes différentes présentations. Le mouvement chilien fait indéniablement écho à ce que j’ai observé ailleurs dans le monde, notamment dans le questionnement du sens de la démocratie et du rapport à l’État, à soi et aux autres mais aussi à propos des cultures politiques actives sur la place ou des démarches des assemblées de quartiers. Bien que ces interventions occupent un temps qui ne peut être consacré à la réalisation d’entretiens ou à la visite de lieux occupés, cela permet d’initier un dialogue sur le mouvement en cours avec les étudiants et mes collègues chiliens. Ces échanges dont certains se prolongent bien au‑delà du séminaire, font pleinement partie de mon terrain et alimentent ma réflexion sur le mouvement. C’est parfois aussi l’occasion de découvrir d’autres lieux du mouvement en accompagnant un étudiant engagé.

17En début de matinée ou au retour de réunions, je sillonnais les alentours de la place de la Dignité et de différents quartiers pour collecter 180 photos d’expressions artistiques, de graffitis et slogans sur les murs de Santiago. Ils font l’objet d’un article qui rend compte de quelques dimensions visuelles du mouvement. Les mouvements contemporains ont une forte dimension expressive. Les expressions artistiques, l’art, les bricolages et les détournements qui se reflètent dans les œuvres, posters artisanaux ou tags de Santiago sont un trait de cette culture « alter-activiste » à travers le monde. Certaines images et certains slogans sont repris et circulent d’un pays à l’autre. D’autres reprennent ou détournent des figures ou symboles des luttes nationales, inscrivant le mouvement en cours dans une histoire nationale. À Santiago fleurissait ainsi une série de portraits de « saints » représentant des militants historiques des mouvements chiliens. Ces œuvres et slogans sur les murs contribuent également à la construction de l’identité du mouvement et à une appropriation de l’espace. Les murs des rues aux alentours de la place de la Dignité sont d’ailleurs devenus un champ de bataille. Certains soirs, des jeunes militants d’extrême droite venaient recouvrir ces inscriptions de peinture kaki et de slogans en soutien aux forces de l’ordre. Le lendemain, les activistes recouvraient ces peintures de nouveaux slogans et de nouvelles œuvres.

18Comme je l’indiquais, je reste en contact avec une partie des militants interrogés grâce à Facebook ou Twitter. Ces réseaux sociaux sont très utiles pour compléter l’entretien, par exemple sur la nature des revendications et des arguments qui y sont affichés et le lien avec des organisations ou réseaux militants. C’est aussi une source utile concernant la résonance des mouvements au niveau international, notamment à travers la circulation des savoirs, des revendications et des stratégies. Au cours de mon séjour à Santiago, un militant que j’avais interrogé a par exemple diffusé sur Twitter une photographie que j’avais vue deux jours plus tôt via un étudiant militant rencontré à Hong Kong en juin 2018. Elle montrait une manière efficace de disposer des briques et des pierres pour bloquer une route mise au point par des manifestants hongkongais. Les tactiques sont probablement les éléments qui circulent le plus rapidement entre des mouvements qui estiment appartenir à la même « vague ». Avec d’autres éléments, ces circulations sur les réseaux sociaux attestent d’un sentiment d’appartenance à un « mouvement global » ou à une « vague globale de mouvements » qui partagent une partie de leurs revendications et de leur rapport au monde – et aux forces de l’ordre – ainsi que de la place prépondérante du mouvement de Hong Kong comme référence et source d’inspiration, bien plus que les mouvements occidentaux ou latino-américains [4]. Les réseaux sociaux sont également très utiles pour suivre l’évolution personnelle de l’engagement et du rapport au politique des militants interrogés. Il arrive par exemple que des jeunes « alter-activistes » qui m’ont expliqué qu’ils ne se reconnaissent dans aucun parti et ne s’engageraient jamais en politique postent quelques mois ou un an plus tard un message expliquant qu’ils ont rejoint un parti qu’ils estiment en phase avec les revendications du mouvement. Cela permet également de suivre l’évolution de l’engagement souvent davantage orienté vers des pratiques locales après la « jeunesse tardive » et l’arrivée du premier enfant. Ces informations sont d’autant plus intéressantes que le dépassement de la dichotomie entre l’engagement et la vie privée est l’une des caractéristiques de la culture « alter-activiste » sur laquelle porte une partie de mes travaux. Rester en contact sur les réseaux sociaux est également un excellent moyen de se retrouver lors d’un prochain passage dans cette ville, que ce soit à mon initiative ou à celle des personnes que j’ai rencontrées au cours du séjour précédant – et qui me suivent eux aussi sur les réseaux sociaux.

19Pour mener à bien ces recherches empiriques lors des phases événementielles de mouvements dans différents pays, il est important de bien planifier son terrain et de garder à l’esprit les principaux enjeux de la recherche. Il est tout aussi essentiel de garder une ouverture à ce qui est inattendu, aux questions qu’on ne s’est pas posées et qui bousculent l’analyse – et donc la font progresser –, aux acteurs qui sont différents de ceux rencontrés dans d’autres mouvements. C’est notamment là que réside l’intérêt de ces recherches multi-situées. Si l’on ne veut pas se limiter à conforter les analyses préétablies, il faut se laisser interpeller par les faits qui ne rentrent pas dans le cadre d’analyse. Sans quoi l’analyse se limitera à une projection de ce qui a été observé dans d’autres pays ou auparavant dans le même pays, sans tenir compte des évolutions des mouvements, au niveau national et international, de leurs spécificités et de leur inscription dans un contexte qui est aussi local et national. S’il ne peut être provoqué, ce surgissement de l’inattendu peut être suscité, notamment en ne se cramponnant pas à son protocole de recherche et en laissant une place à l’aléatoire, aux rencontres imprévues, aux situations et à d’autres lieux d’enquête. Je prendrai ici un exemple plus ancien, celui du Forum social mondial 2004 qui a réuni plus de 120 000 altermondialistes à Mumbai, en Inde. J’avais minutieusement planifié chaque heure des deux premières journées de cet immense rassemblement à partir d’une étude méticuleuse du programme de l’événement et de mes hypothèses de recherche. Je passais d’un atelier à l’autre afin d’entendre un maximum de débats suivant une grille thématique préétablie. Mon impression était alors que les thèmes discutés lors de ce forum ne différaient guère des forums précédents au Brésil. Le troisième jour, après avoir parcouru le site à la recherche de deux ateliers annulés, je suis parti écouter ce qui se disait dans les tentes voisines. Au hasard des ateliers, j’ai découvert des thématiques qui n’étaient pas présentes dans l’altermondialisme « vu d’Europe » : les spiritualités, des expériences de développement local, les luttes contre la construction des barrages. Autant de thèmes absents de mon cadre d’analyse et qui allaient prendre une importance croissante dans les mouvements altermondialistes et écologistes au cours des années suivantes grâce à la place croissante accordées aux acteurs du Sud. C’est là que se trouvait l’intérêt de ce forum à Mumbai et non dans la répétition des discours de militants cosmopolites à propos des thématiques que je suivais systématiquement depuis plusieurs années.

D’une recherche multi-située à un mouvement global

20Les entretiens avec des activistes de différents pays et les pratiques de l’ethnographie « transnationale », notamment lorsqu’elles reposent sur une démarche engagée (Juris & Khasnebish, 2015), questionnent la conception du « global » comme distant, universel et abstrait et montre comment ce « global » est produit et vécu par des acteurs (Abélès, 2008 ; Friedman, 2004) et dans des mouvements qui ont à la fois des dimensions locales, nationales, régionales et globales. En retour, cette dimension globale questionne la pratique de l’ethnographie comme une méthode enracinée localement. Elle pose également des questions épistémologiques, auxquelles chaque courant de recherche et chaque chercheur apporte ses réponses, explicites ou implicites. Comment passe-t‑on d’observations ethnographiques et d’entretiens avec des acteurs qui sont toujours situés dans un lieu particulier à l’analyse d’un mouvement global ? (Pleyers, 2013).

21La dimension globale des mouvements est produite par des acteurs de différents pays et régions, sans pour autant qu’aucun acteur ne se réduise à cette dimension globale. Pointer certaines dimensions globales d’un mouvement ne doit pas conduire à le soustraire aux dynamiques et spécificités locales et nationales. Il ne s’agit pas d’homogénéiser les acteurs et les mouvements nationaux, mais de tenter de saisir les significations et les défis communs qui façonnent ces acteurs et la façon dont ils cherchent à transformer la société. C’est sur cette base que s’établit un dialogue heuristique entre l’analyse d’un mouvement global et celle du mouvement local ou national.

22Le séjour de recherche à Santiago m’a permis de développer une analyse spécifique sur la révolte qui a émergé en 2019 en m’appuyant à la fois sur mes analyses de mouvements similaires dans d’autres pays, sur ce que j’ai pu apprendre lors de mes séjours antérieurs au Chili et sur la lecture des travaux de collègues, doctorant·e·s et étudiant·e·s sur les mouvements qui ont marqué la décennie dans ce pays. D’un autre côté, ce que j’ai vu et entendu au Chili me permet de mieux comprendre des luttes en cours dans d’autres pays et les dimensions globales qu’ils partagent, notamment en attirant mon attention sur certaines évolutions des mouvements sociaux contemporains qui dépassent le cadre national. Les mouvements de 2019 ne sont pas les mêmes que ceux de 2011.

23S’intéresser à un mouvement global ou à une vague globale de mouvements ne signifie pas une analyse exhaustive de toutes les luttes qui surgissent à un moment aux différents endroits du globe, pas plus que l’analyse d’un mouvement national n’exige d’étudier la dynamique propre à chacune des villes du territoire sans exception. Ce qui justifie de mener des recherches de terrain dans différents pays au cours d’une même recherche n’est donc pas forcément l’entreprise d’une comparaison internationale mais la volonté de faire varier les contextes, les acteurs et les situations observés afin d’en retirer des éléments communs qui permettent de mieux comprendre à la fois certaines dimensions partagées d’un mouvement et d’éclairer chacune de ces luttes particulières à l’aune de caractéristiques d’un mouvement global qu’elles incarnent en partie, autant qu’elles contribuent à le produire.

24Alors que les mobilisations sont souvent étudiées dans leurs spécificités nationales et que les perspectives comparatives se centrent avant tout sur des cas nationaux, je m’inscris dans une perspective qui s’oppose au « nationalisme méthodologique [5] » et s’appuie sur des catégories transnationales pour comprendre ces mouvements (Anheier et al., 2001-2012). L’objectif n’est pas de développer une démarche strictement comparative mais de tenter de dégager, au‑delà de la diversité des lieux et des contextes nationaux, les logiques structurelles communes qui unissent ces acteurs au sein d’un même mouvement, ce dernier constituant une catégorie heuristique plutôt qu’un acteur empirique.

25Cette perspective s’appuie sur des données de terrain récoltées sur différents sites pour comprendre les structures de l’expérience, les cultures activistes et les enjeux des mobilisations contemporaines dans différents contextes. Les pratiques circulent et se diffusent au‑delà des frontières. Le vécu des activistes, leur expérience et leurs revendications résonnent d’un pays à l’autre. Les cultures activistes et les visions du monde, les enjeux et les utopies du mouvement ne s’arrêtent pas aux frontières. Cela ne conduit pas à homogénéiser les mouvements, mais à construire des catégories d’analyse qui dépassent les frontières.

26Le rapport au politique dans les mouvements contemporains n’est pas univoque mais au contraire multiple, incarné dans différentes cultures militantes qu’il convient de distinguer au sein d’une occupation, d’une manifestation ou d’un mouvement national ou international. Le concept de culture activiste évite par exemple d’homogénéiser ce rapport au politique parmi les militants d’un mouvement national tout en proposant une analyse globale. Par « culture activiste », j’entends un ensemble cohérent de visions du monde, de la démocratie, de l’objectif du mouvement et des pratiques en accord avec ces perspectives (Escobar, 1992 ; Pleyers, 2011). Les jeunes des quartiers populaires des banlieues parisiennes qui se retrouvent de temps à autre à Nuit Debout partagent une culture activiste et une vision du monde qui est bien plus proche des jeunes des favelas qui manifestaient contre les violences policières à Rio en 2013 que des jeunes « alter-activistes » au haut capital scolaire et culturel qui occupaient la place de la République à côté d’eux en 2016 ou manifestaient à Rio en 2013.

27C’est à travers des similitudes, des pratiques, des visions du monde et des conceptions du mouvement partagées par une partie des acteurs de luttes dans différents pays que l’on parviendra à mieux comprendre les ressorts et la cohérence de cette culture activiste et les éléments structurels de ce mouvement, communs aux acteurs de ces différents lieux. La multiplication des recherches de terrain dans différentes localités – « multi-sites » (Gille, 2001) – est alors un outil pour dépasser les dichotomies entre le local et le global, entre l’expérience personnelle et le mouvement social, entre l’unité et la diversité du mouvement.

Éthique, engagement et posture

28L’éthique et l’engagement s’incarnent pour moi, avant tout, dans une posture qui est à la fois personnelle et sociologique. Celle‑ci fonde le rapport aux acteurs qui, comme l’ensemble de la démarche, tient à la fois d’une sociologie compréhensive et d’une sociologie globale.

29L’approche compréhensive vise à comprendre les significations en jeu dans les pratiques militantes, les mouvements et l’expérience des activistes. Elle s’appuie sur la réflexivité et l’auto-analyse des acteurs qui forment le matériel – et non le résultat – de l’analyse. Cette approche vise à comprendre les valeurs, les représentations et les significations que les acteurs sociaux donnent au mouvement et aux enjeux qu’ils pointent et à appréhender la manière dont ils les vivent lors des rassemblements mais aussi dans leur vie quotidienne.

30Max Weber (1998 [1919], p. 113) considérait que, si nous sommes à la hauteur de notre tâche en tant que savants, nous pouvons aider l’individu à se rendre compte du sens de ses propres actes. La recherche compréhensive est alors une contribution du chercheur à une meilleure compréhension de la société et au mouvement lui-même, participant au processus de réflexivité aux côtés d’activistes et d’autres chercheurs. Les mouvements sociaux étant des producteurs de savoir et de connaissance, la position du chercheur n’est pas en surplomb mais dans un dialogue constructif à partir d’une position et d’une posture différente, qui repose sur des cadres d’analyse par ailleurs en partie partagés [6]. Expliquer les résultats de la recherche dans un dialogue avec les acteurs fait dès lors partie de l’éthique de la recherche.

31L’objectif d’une sociologie globale n’est pas de se substituer aux analyses locales ou nationales mais d’entrer en dialogue avec elles. En ce sens, lire et entrer dans un dialogue avec des chercheurs davantage ancrés au niveau national pour leur champ de recherche ou cadre d’analyse sont des éléments essentiels de la démarche. Ce projet de sociologie globale ne peut être dissocié de pratiques de publication, que ce soit pour faciliter la publication des travaux de chercheurs de différents pays et régions du monde, ou en publiant les résultats de l’analyse dans la langue et les revues du pays concerné.

32Dans une discipline profondément marquée par le tournant décolonial [7], ce projet de sociologie globale pose la question de la légitimité d’un sociologue « du Nord » à formuler une analyse de mouvements et d’enjeux sociaux dans un pays dont il a une connaissance forcément plus limitée que les chercheurs nationaux. Cela ne doit pas conduire à abandonner le projet d’une sociologie globale, mais exige une remise en question de notre propre façon de voir et de comprendre le monde, de nos catégories d’analyse par des chercheurs et des acteurs d’autres régions du monde sur la base d’un « dialogue interculturel » (Fornet-Betancourt, 2011). Une perspective globale mais « non hégémonique » (Dufoix & Macé, 2019) requiert de reconnaître sa propre « positionationalité » (Dussel, 1996), en tant que chercheur situé et formé dans des pays dominants. Elle exige de reconnaître les limites de ses propres connaissances et de s’ouvrir à la rencontre de différentes formes de savoir (Sousa Santos, 2019) et invite à plus de modestie, en évitant d’universaliser les résultats de ses recherches et ses concepts d’émancipation pour prendre en compte la diversité sans pour autant renoncer à une perspective globale. Ce dialogue interculturel s’ancre dans une volonté de s’exposer au risque – et à l’espoir – « de perdre une partie de ses certitudes et d’apprendre de l’autre » (Mbembe, 2017). Dans cette perspective, une ouverture à l’autre qui est à la fois personnelle, sociologique et culturelle est la condition d’un dialogue interculturel qui se fonde sur une philosophie de la rencontre et de l’échange, prenant en compte la réflexivité des acteurs comme du chercheur, plutôt que sur l’extraction de données pour comprendre un « objet de recherche ».

33La sociologie est plurielle et la quête d’une meilleure compréhension des mouvements contemporains est un sport collectif. Si cette approche qui accorde toute leur importance aux dimensions globales des mouvements sociaux peut y contribuer, le résultat ne peut être qu’une analyse parmi d’autres, comme l’expliquait Paul Feyerabend (1979). Elle offre une perspective qui éclaire certains aspects des mouvements contemporains, à partir d’une démarche compréhensive et d’une perspective globale qui pointent des caractéristiques, des visions du monde, des enjeux et des défis partagés par des acteurs qui, sur différents continents, poursuivent des idéaux de justice sociale, de démocratie et de dignité.

Notes

  • [1]
    Pour une autre approche, voir par exemple les travaux de Johanna Siméant (2009) et sa synthèse de la « transnationalisation de l’action collective » ou l’ouvrage de Donatella della Porta et Sydney Tarrow (2005) dont le cadre d’analyse se focalise sur les réseaux, circulations et diffusions transnationales entre différents mouvements nationaux.
  • [2]
    Voir par exemple (Juris & Khasnebish, 2013 ; Abelès, 2008).
  • [3]
    Il est important de comprendre la culture et l’histoire nationales, ce que permettent dans une certaine mesure les séjours successifs et les lectures. Cependant, travaillant sur différents pays, ils ne me permettent pas de les connaître aussi bien que les chercheurs locaux ou qui consacrent l’essentiel de leurs recherches à un pays en particulier.
  • [4]
    Une révolte citoyenne d’une grande ampleur a, par exemple, eu lieu en Équateur en septembre 2019, quelques semaines avant la révolte chilienne.
  • [5]
    Le concept de « nationalisme méthodologique » ne vise pas à nier l’importance de l’échelle nationale mais critique le fait que l’État-Nation est généralement considéré comme le cadre principal de l’analyse ou l’unité de comparaison alors qu’il n’est qu’une des échelles d’action et que des catégories d’analyses – qui se construisent à d’autres niveaux, notamment transnational – sont souvent plus pertinentes pour aborder les phénomènes sociaux. Voir par exemple (Beck, 2006).
  • [6]
    Au contraire des sciences exactes, les sciences sociales doivent intégrer leur propre impact sur leur « objet » d’étude. C’est ce qu’Anthony Giddens (1984, p. 20) appelle la « double herméneutique » : « Les concepts des sciences sociales ne sont pas produits à propos d’“objets” d’étude indépendants, qui se poursuivent indépendamment des concepts établis. Les “résultats” des sciences sociales deviennent très souvent partie intégrante du monde qu’elles décrivent. »
  • [7]
    Le « tournant décolonial » se réfère à un ensemble de perspectives critiques qui place la colonialité au cœur de la modernité, dénonce la colonialité du savoir euro-centré et intègre les épistémologies, formes de savoirs, cosmovisions et penseurs du Sud global ainsi que des acteurs subalternes ou issus de minorités.
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Geoffrey Pleyers
Maître de recherche FNRS et professeur à l’université catholique de Louvain (Belgique), vice-président de l’Association internationale de sociologie
CriDIS/Iacchos, place des Doyens 1/L2.01.06, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique
Mis en ligne sur Cairn.info le 29/09/2020
https://doi.org/10.3917/socio.113.0305
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