CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Cet article propose un retour réflexif sur deux recherches menées entre 2013 et 2017 autour de l’émergence et de la diffusion de Our Walmart (OWM) et Fight for $15 (FF15), mouvements sociaux amorcés aux États-Unis par deux grands syndicats des travailleurs des services – United Food and Commercial Workers (UFCW) et Service Employees International Union (SEIU) – dans les emplois à bas salaire. Visant initialement le distributeur Walmart et les principales multinationales de la restauration rapide, ces mobilisations locales coordonnées à l’échelle nationale se sont diffusées à partir de 2012 dans la plupart des grandes métropoles nord-américaines autour de deux revendications centrales : le doublement du salaire minimum fédéral et le droit à la représentation des salariés dans leur entreprise. Ces mouvements, qui se poursuivent depuis, se caractérisent par leur grande échelle, leur inscription dans un temps long et par une série de victoires inédites face à des multinationales comptant parmi les plus grands employeurs privés au monde.

2Ces succès s’appuient sur des stratégies de labor organizing ou organisation des inorganisés (Béroud, 2009) postures inspirées de l’organisation communautaire (Talpin, 2016). Alors que le taux de syndicalisation est au plus bas depuis un siècle, cinq syndicats promeuvent à partir du milieu des années 2000 l’organisation des franges du salariat difficiles à atteindre par les stratégies légalistes traditionnelles (Milkman & Voss, 2004 ; Tait, 2005) en s’appuyant sur la participation active de leur base d’adhérents et sur celle des travailleurs eux-mêmes. Pour des syndicats comme UFCW et SEIU comptant plus d’un million de membres chacun, l’organizing constitue la voie d’un renouveau du syndicalisme de mouvement social et solidaire (Freeman & Rogers, 2002) visant l’ensemble des travailleurs. Face à des multinationales paradigmatiques des services à bas salaire connues pour leurs pratiques antisyndicales (Lichtenstein, 2009 ; Royle, 2010), cette stratégie consiste, par le biais de militants syndicaux locaux (organizers) à former les travailleurs à l’auto-organisation tout en favorisant les alliances avec des associations, communautés et élus afin d’exercer une pression interne et externe sur les entreprises. En visant ces multinationales, il s’agit ainsi de parvenir progressivement à créer une dynamique plus large poussant à l’amélioration générale des conditions d’emploi et de travail à partir des grandes industries de main-d’œuvre à bas salaire.

3Comment observer à chaud de telles mobilisations à la durée incertaine, entre contextes hostiles et mobilisations locales coordonnées à l’échelle nationale ? L’enquête ethnographique employée ici comme méthode principale de suivi des mobilisations autour de conflits du travail, et non seulement au travail, invite à une analyse élargie en termes d’acteurs, d’espaces et de temporalités sociales au‑delà de l’entreprise. Il s’agit, d’une part, d’appréhender dans toute leur épaisseur les rapports sociaux de domination qui se produisent et se reproduisent aujourd’hui dans le travail et l’emploi à bas salaire dans des économies mondialisées comme les possibilités de leur mise en visibilité par des luttes locales coordonnées à grande échelle. D’autre part, ces deux recherches menées autour de mobilisations à chaud s’inscrivent dans des temporalités longues, incertaines et fragmentées, qu’il s’agisse des conditions de recherche – deux contrats postdoctoraux – comme de poursuite des mouvements eux-mêmes, notamment en raison du coût élevé de ces stratégies de labor organizing[1]. Elles interrogent ainsi les modalités du suivi de ces mouvements dans la durée comme l’adaptation de l’enquête en fonction de leurs transformations structurelles et de leurs caractéristiques locales. Enfin, cette approche ethnographique invite plus largement à revenir sur ses modalités d’usage, ses ajustements et sa complémentarité avec d’autres outils (Arborio et al., 2008). L’analyse des matériaux accorde ici une place centrale à la situation d’enquête et à ses effets (Schwartz, 1993), aux modalités d’accès aux terrains et aux modes d’observation (Soulé, 2007) et prête par ailleurs attention aux relations d’interdépendance entre les enquêtés, ainsi qu’aux scènes sociales sur lesquelles ces derniers agissent et s’expriment (Weber, 1989).

4L’article reviendra d’abord sur les principaux obstacles et opportunités conduisant à privilégier une approche multi-située à partir de différentes entrées, terrains, temporalités, angles et outils d’analyse. Considérant les conflits du travail et leurs mobilisations comme un continuum d’espaces et de pratiques, ces recherches se sont d’abord appuyées sur des objets et des méthodologies familières avant de s’ouvrir à de nouveaux acteurs autour d’une ethnographie du travail d’organizer dans deux bastions syndicaux des services. L’article s’attache ensuite plus en détail à l’ethnographie des mobilisations au long cours, c’est‑à-dire la confrontation à l’inconnu et à l’imprévu. Face à la diffusion de ces campagnes, il revient sur les implications de leurs réajustements structurels comme de leurs ajustements locaux sur la posture de recherche. Nous verrons à travers le suivi de ces mouvements dans deux États conservateurs du Sud marqués par une faible présence syndicale qu’une ethnographie tous azimuts des mobilisations des bas salaires a conduit à questionner la position du chercheur en tant qu’outsider face aux rapports sociaux de classe, de genre et raciaux traversant les services à bas salaire. L’article s’intéresse enfin aux difficultés liées à la distance à ces terrains dans l’observation à chaud de ces mobilisations dans la durée. Nous verrons ainsi comment le suivi de ces mobilisations longues et lointaines peut s’appuyer sur un éventail de dispositifs et d’outils contribuant, en complément de la pratique ethnographique, à préparer les terrains, effectuer des allers-retours, des veilles et à mieux inscrire les dynamiques des mobilisations dans des échelles et des temporalités plus larges.

Observer les conflits du travail et leurs mobilisations en milieu hostile par une approche multi-située

5En novembre et décembre 2012, pour la première fois en cinquante ans d’existence, le distributeur Walmart fait face à des mobilisations à l’échelle nationale (voir Encadré). Ces mobilisations font l’objet d’une première recherche menée entre 2013 et 2014 à la suite d’une thèse en sociologie du travail portant sur le consentement au travail dans une grande distribution française alors en pleine remise en question de son modèle commercial hérité du fordisme (Hocquelet, 2012). Cette recherche débute autour du distributeur originaire de l’Arkansas en tentant de répondre à deux questions : pourquoi des travailleurs se mobilisent‑ils à l’échelle nationale pour la première fois en cinquante ans d’existance du distributeur et pourquoi cela fonctionne-t‑il cette fois-ci ?

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OUR Walmart et Fight for $15 deux mouvements au succès inédit dans les emplois à bas salaire
Cet article s’appuie sur deux recherches menées sur une période de cinq ans, de 2013 à 2017, dans le cadre de deux contrats postdoctoraux. Ces dernières sont consacrées au suivi de deux mouvements connexes illustrant des expérimentations syndicales et associatives d’organisation des inorganisés apparues en 2012 dans les principales métropoles étasuniennes : Organization United for Respect at Walmart / Our Walmart (« Unis pour le Respect chez Walmart/ Notre Walmart ») et Fight for $15 (« La lutte pour les 15 dollars ») autour des emplois à bas salaires des services.
Le 23 novembre 2012, journée de soldes au lendemain de Thanksgiving (Black Friday) lors de laquelle le leader mondial de la grande distribution Walmart, qui emploie 1 travailleur sur 100 aux États-Unis, enregistre son plus important chiffre d’affaires de l’année, plus de 400 employés accompagnés d’un millier de membres de diverses associations et syndicats se mobilisent pour manifester dans 100 villes et 46 États. Ces actions sont menées par l’association d’employés Our Walmart alors financée par le principal syndicat des travailleurs du commerce et de l’agro-alimentaire, UFCW (1,3 million de membres). OWM réclame de la direction une amélioration des conditions de travail et d’emploi : davantage d’heures de travail – la plupart des employés travaillent à temps partiel –, des horaires prévisibles – les Supercenters, équivalent des hypermarchés français, sont généralement ouverts jour et nuit sans interruption et les employés peuvent voir leurs horaires modifiés sans délai de prévenance – et de meilleurs salaires – la plupart des employés perçoivent moins de dix dollars de l’heure pour un salaire annuel moyen correspondant à moins de 75 % du salaire moyen dans la branche. Si les clients connaissent la firme pour ses prix bas, ses employés, les « associés » (associates), sont davantage coutumiers des faibles salaires, d’un accès coûteux à une couverture santé et d’un dialogue inexistant avec la direction leur préférant les menaces et représailles.
Quelques jours plus tard, des actions similaires se déroulent à New York autour des principales multinationales de la restauration rapide – McDonald’s, KFC et Burger King, constituant les principaux employeurs d’une branche qui emploie 10 % de la population active américaine –, organisées sur le même modèle par une association, Fight for $15, principalement financée par le plus grand syndicat des employés des services, SEIU (1,9 million de membres). Depuis 2012, ces manifestations visant principalement une revalorisation du salaire minimum à 15 dollars de l’heure dans les emplois peu rémunérés des services – contre un salaire minimum fédéral de 7,25 dollars – et revendiquant le droit à une représentation collective se sont multipliées dans plus de 300 villes aux États-Unis, une trentaine de pays et étendues notamment aux aides à domiciles, employés des aéroports, salariés de la grande distribution et d’Amazon, et employés contractuels de l’enseignement supérieur. Si l’objectif d’un salaire minimum horaire fédéral de 15 dollars de l’heure n’a pas été atteint, plus de 20 millions de travailleurs occupant des emplois à bas salaire ont depuis le début de ces mouvements bénéficié d’une revalorisation du salaire minimum par une série de lois et décrets votés par des municipalités progressistes – Seattle, San Francisco, New York –, États – New York, Maryland, Illinois, Massachusetts, Connecticut… – et entreprises privées – Walmart, Ikea, Marshalls, Target, Gap, Amazon… – comme du secteur public faisant de OWM – devenu indépendant du syndicat UFCW en 2015 – et de FF15 deux des succès majeurs du mouvement ouvrier nord-américain au cours de ces cinquante dernières années.

7Par-delà les nombreux critères concourant à l’improbabilité de ces mobilisations (Collovald & Mathieu, 2009), ces deux recherches menées successivement autour de mouvements des travailleurs des multinationales à bas salaires des services se sont tour à tour focalisées sur les conditions de leur émergence, de leur diffusion et de leur succès. Elles articulent sociologie du travail et des mobilisations autour de conflits du travail locaux coordonnés à grande échelle dans des environnements particulièrement hostiles. Les conflits du travail renvoient ici aux configurations sociales au cours desquelles a été mise en cause la légitimité des actions productives, managériales et financières des dirigeants de ces multinationales, comme aux tentatives à la fois internes et externes visant à transformer le travail qui opposent les détenteurs de la force de travail à ceux des moyens de production (Quijoux, 2019). L’hostilité y revêt plusieurs dimensions qui touchent d’abord les salariés tout en influençant les conditions de l’enquête : secteurs et entreprises peu ou pas syndiqués, terrains peu accessibles car sensibles, à l’accès contrôlé voire fermés, principe de l’employment at will permettant de licencier un salarié sans avoir à avancer de justification, turnover élevé et surveillance renforcée des salariés face aux craintes suscitées par les premières mobilisations. Dans ce cadre, le risque de représailles managériales pour les salariés interrogés représente un facteur dissuasif majeur, qu’il s’agisse de tentatives de syndicalisation comme de simples échanges autour des actions alors menées par OWM. L’expulsion d’un Supercenter Walmart de la banlieue de Chicago par le responsable de la sécurité après avoir abordé un manager en rayon lors d’un terrain de thèse en 2010 confirmera rapidement cette hostilité et les difficultés d’accès aux salariés sur leur lieu de travail avant même la mise en place de dispositifs d’espionnage de la maind’œuvre (Hocquelet, 2016). En dépit de cette conjonction de contraintes rendant peu accessible le lieu de travail, l’éventail des revendications portées par OWM invitait néanmoins à questionner le rôle des transformations du procès de travail dans l’émergence de ces mobilisations. En effet, OWM insiste par son nom – Notre Walmart/Organisation Unie pour le Respect chez Walmart – sur une réappropriation de l’enseigne par les salariés tout en réclamant la considération des dirigeants, marquant une rupture entre le « nous » des travailleurs et de leurs soutiens divers, et le « eux » renvoyant au management et à la direction de l’entreprise.

8C’est ainsi qu’afin d’éclairer les conditions de déclenchement comme de la large diffusion de ces mobilisations, une approche multi-située s’est imposée. Alors que les objets de l’ethnographie sont davantage conçus dans des espaces discontinus et fragmentés à l’heure de la mondialisation (Baby-Collin & Cortes, 2019), cette dernière implique un mouvement permanent autour du pistage d’individus, d’objets et d’intrigues (Marcus, 1995, 2002). L’approche multi-située renvoie d’abord au croisement de deux angles d’approche, l’un focalisé sur les dynamiques et pratiques récentes des multinationales à bas salaire en matière de travail et d’emploi et l’autre sur celles des syndicats et associations en matière d’organizing afin d’en saisir le rôle dans l’articulation entre subjectivation individuelle et collective, local et global (Pleyers & Brieg, 2016). La taille des multinationales visées, la répartition de la main-d’œuvre dans des milliers d’établissements sur tout le territoire, le droit du travail fortement contrasté d’un État à l’autre, invitent à une approche de l’ethnographie multi-sites plus classique autour de ces mobilisations étudiées dans différents contextes. Ces recherches se focalisent ainsi chacune autour de deux grandes métropoles étasuniennes, dans deux bastions syndicaux du Nord pour OWM et dans deux foyers de mobilisations du Sud pour FF15, tout en s’appuyant sur une variété de terrains annexes autour d’objets interreliés.

9Cette première recherche débute en s’appuyant sur une analyse des transformations du travail à partir de terrains de thèse peu exploités réalisés en 2010 lors d’un court séjour à Chicago, Miami et Los Angeles. Ces villes ont été choisies, d’une part, en raison de la forte concentration de magasins Wallmart et de quelques mobilisations locales et tentatives d’organisation des « associés » – nom donné par l’enseigne à ses salariés – survenues au cours des années 2000. Une vingtaine d’entretiens conduits auprès de salariés et cadres syndicaux locaux, une revue de presse et de littérature et une analyse d’échanges sur un forum en ligne rassemblant alors des milliers d’employés de l’enseigne permettent de voir se diffuser les principes de la distribution au plus juste (lean retailing) dans les grandes surfaces : aplanissement hiérarchique, développement du temps partiel y compris chez les managers, de la polyvalence entre services et rayons, politiques RH visant une réduction de l’ancienneté moyenne. Elle s’appuie ensuite sur de nouveaux terrains menés dans les aires métropolitaines de Los Angeles et Chicago, deux bastions syndicaux des services constituant par ailleurs des épicentres des mobilisations OWM. Les entrées sur ces terrains combinent des prises de contact en amont avec des cadres syndicaux et chercheurs locaux ainsi qu’un démarchage direct et clandestin des employés en magasin ponctué de tentatives infructueuses et d’échanges parfois plus ouverts avec des managers. Lors de séjours d’une durée de quatre semaines réalisés en avril et en novembre 2013 – un choix lié à la fois au budget de recherche et à la saisonnalité des mobilisations –, une trentaine d’entretiens sont menés avec des salariés travaillant le plus souvent à temps partiel et occupant les emplois les plus répandus : travaillant en caisse, en réserve, dans les rayons, à la vente ou déchargeant les camions. Tous travaillent dans des Supercenters, qui constituent le principal format de magasins du distributeur. Ainsi à défaut de parvenir à être embauché pour quelques semaines en magasin afin de réaliser des observations participantes similaires à celles pratiquées en cours de thèse, poursuivre l’analyse des transformations organisationnelles passe par l’entrecroisement d’entretiens, d’archives internes obtenues par des salariés, des délégués syndicaux, des chercheurs et par une revue de presse. Ce recueil de données variées issues de sources diversifiées permettra de reconstituer une chronologie de quinze ans de restructurations discrètes au sein de ces grandes surfaces.

10Cette approche multi-située s’appuie par ailleurs sur une ethnographie du travail syndical et para-syndical à chaud autour de l’organisation des inorganisés complétée par des entretiens biographiques avec les organizers locaux. Elle vise un rapprochement entre sociologie du travail et des mobilisations (Giraud, 2009), appréhendé comme un continuum d’espaces et de pratiques dont il s’agit de reconstituer les logiques et modalités d’articulation. Sur chaque terrain, une dizaine de jours seront ainsi consacrés à suivre la préparation et le déroulement des mobilisations, à suivre le travail quotidien des organizers pendant leurs déplacements et rencontres avec les différents soutiens des mobilisations – associations, communautés, congrégations, syndicalistes, juristes, universitaires, salariés d’industries voisines. Lors de la première phase du mouvement OWM alors affilié à UFCW, de 2012 à 2015, comme tout au long de la trajectoire de FF15, les deux mouvements s’appuient sur des organizers locaux répartis en équipes de deux à six personnes investissant des aires métropolitaines considérées comme mobilisables : des régions, villes, quartiers et magasins où les salariés, soutiens associatifs et communautaires alentours mais aussi les élus susceptibles d’organiser les magasins et de faire pression sur les municipalités, comtés, États et au niveau fédéral afin que des conventions d’entreprises (dans le cas d’OWM) et décrets visant l’augmentation du salaire minimum (dans celui de FF15) soient votés.

11Les organizers locaux qui occupent un rôle charnière dans ces mobilisations sont ainsi au centre de cette approche multi-située gravitant autour des nombreux acteurs présents. À l’instar des employés rencontrés, les organizers des deux mouvements sont majoritairement Noirs et Latinos, anciens délégués syndicaux venant d’industries racisées – agro-alimentaires, construction, services –, souvent mobiles d’un État et d’une campagne d’organizing à l’autre – des campagnes le plus souvent locales et durant quelques mois –, ex-organisateurs communautaires au sein de quartiers populaires environnants ou anciens étudiants militants pour les plus jeunes, tous rémunérés par les antennes locales ou nationales des syndicats. Ces derniers sont épaulés par des organizers des centres d’aide aux travailleurs voisins souvent financés par ces mêmes syndicats et par des syndicats « alliés », c’est‑à-dire acceptant mutuellement d’allouer une partie de leurs ressources lors des actions menées – pour assurer un soutien logistique ou venir grossir les rangs des cortèges. Cette variété d’acteurs présents dans ces mobilisations en fait un « auvent cosmopolite » (Anderson, 2011), liant civilité et participation à la vie citoyenne auquel il est relativement aisé d’accéder, d’interroger les participants et de prendre des photographies constituant autant de repères d’acteurs, d’actions et de rhétoriques qui ne sont pas nécessairement familiers (Piette, 2007) et dont il s’agit, progressivement, de reconstituer la liturgie.

12La multiplication des terrains d’observation et de suivi de ces mobilisations lointaines, dans un payx étranger et dans des industries fortement racisées soulève par ailleurs la question de la langue qui tout en s’avérant parfois être un obstacle – des lacunes en espagnol ont occasionné quelques difficultés en Floride et dans une moindre mesure en Californie en tentant d’interroger des employés latinos –, a pu par ailleurs faciliter l’entrée sur certains terrains et instaurer davantage de confiance avec les enquêtés. Parler français a, par exemple, joué un rôle majeur en Floride, où certains employés haïtiens passaient rapidement de l’anglais au français à la fois par commodité pour les plus âgés et préférant ne pas être compris par leurs managers. À Chicago, la rencontre d’un organizer togolais ancien délégué syndical dans une industrie de découpe et d’emballage de viande fortement racisée a permis d’échanger de manière privilégiée, le plus souvent en français, sur le contenu du travail quotidien des organizers ainsi que sur les contradictions qui traversent alors OWM. Enfin, accueillir un chercheur français a parfois été l’occasion pour les organizers et quelques salariés de mobiliser l’image d’Épinal d’une France révolutionnaire et contestataire dont l’un de ses ressortissants assiste à la naissance du mouvement OWM, mais aussi de solliciter son expérience de recherche dans la grande distribution française à titre comparatif lors de réunions du mouvement. Ce travail de mise en récit comme de sollicitation des organizers souligne ainsi leur capacité à émuler les salariés présents lors des réunions comme, plus concrètement, à tirer parti des spécificités réelles et supposées de chaque personne en présence.

13De cette approche multi-située des mobilisations OWM émergent deux pôles d’acteurs, d’actions et rhétoriques (Hocquelet, 2014). Renvoyant à l’influence des trajectoires des organizers, des militants et des salariés présents dans les mobilisations, ces deux pôles du mouvement restent le plus souvent parallèles et peu perméables, à la fois pour des raisons historiques (de Leon, 2016) et en raison d’approches différenciées de la part d’UFCW autour de groupes de salariés : entre un mouvement ouvrier essentiellement blanc et un mouvement des droits civiques rassemblant majoritairement Noirs et Latinos. Cette division reflète à la fois la division du travail chez Walmart et plus largement dans les industries de main-d’œuvre à bas salaires, les tensions nées de la rencontre entre salariés « tombés » dans la grande distribution à la suite de la crise de 2008 et ceux qui ne peuvent en sortir, en particulier les minorités ethno-raciales faisant face à un « plancher collant » (Thomas-Breitfeld et al., 2015), mais aussi la division du travail d’organizing, entre permanents issus du mouvement syndical et organizers issus des communautés noires et latinas environnantes. Ce n’est que dans la poursuite d’une seconde recherche, menée dans le Sud dès 2015 autour des réajustements et évolutions de ces mobilisations qu’apparaîtra un nouveau pôle, établissant autant de possibles passerelles que de ruptures avec les deux premiers.

Entre réajustement des campagnes et des postures : une ethnographie tous azimuts

14Enquêter « à chaud » implique de pouvoir adapter la méthodologie aux évolutions et réajustements des mobilisations en cours. Cette seconde partie interroge ainsi ce que ces réajustements des mobilisations et plus largement l’imprévu font à leur observation à chaud autour d’une seconde recherche débutée au printemps 2015 dans deux États du Sud régis par le droit de non-affiliation (dits Right-to-Work) [2] ayant pour effet d’affaiblir la présence et l’influence des organisations syndicales au niveau local (Kesselman, 2014). Alors qu’OWM connaît un arrêt brutal de ses financements syndicaux, la focale de cette seconde recherche est élargie au mouvement Fight for $15 soutenu par le syndicat SEIU, mouvement qui, en trois ans, s’est diffusé de la restauration rapide à l’ensemble des bas salaires en s’appuyant sur une organisation très proche de celle d’OWM.

15En visant l’obtention des 15 dollars de l’heure contre un salaire minimum fédéral de 7,25 dollars n’ayant pas évolué depuis 2009, les mobilisations FF15 invitent à se focaliser plus largement sur les principaux enjeux que cristallise ce mouvement des travailleurs à bas salaire. En 2016, 42 % de la main-d’œuvre étasunienne soit 64 millions de salariés sont rémunérés moins de 15 dollars de l’heure. Ces emplois sont concentrés dans les grandes industries de main-d’œuvre des services et tout au long de la chaîne agro-alimentaire et sont principalement occupés par des femmes et des travailleurs non blancs – plus de la moitié des travailleurs noirs et latinos touchent moins de 15 dollars de l’heure contre 36 % des travailleurs blancs [3]. Par ailleurs, ces emplois à bas salaire font écho à la crise de l’emploi qui touche les Noirs depuis plusieurs décennies (Thomas-Breitfeld et al., 2015). Malgré la signature du Civil Rights Act en 1964 interdisant la discrimination raciale au travail et dans l’emploi, et un taux de diplômés de l’université quatre fois supérieur à 1970, le taux de chômage des Noirs représente au moins le double du taux de chômage des Blancs depuis cinquante ans. Il existe ainsi une corrélation directe entre surreprésentation des femmes et des Noirs dans un emploi ou un secteur, et bas salaire. Comme le soulignent Thomas-Breitfeld et ses collègues (2015), les femmes noires occupant des emplois entre contact avec les clients (frontline jobs) et management de proximité dans les services à forte intensité de main-d’œuvre peu valorisés socialement – hôtellerie, restauration, grande distribution – sont particulièrement exposées au quotidien au double fardeau du racisme et du sexisme. Les violations du droit du travail relevées et combattues par FF15 dans les services découlent directement de ces constats. Alors que plus du tiers des plaintes pour harcèlement sexuel viennent du secteur de la restauration [4], le mouvement en a fait, avec le vol d’heures de travail (wage theft), l’un de ses principaux combats en 2015 et 2016, inscrivant les mobilisations des emplois à bas salaire au croisement des dominations de classe, de genre et de race dans les services.

16Pour cette seconde recherche focalisée sur le mouvement FF15, les terrains ont été réalisés dans deux principaux États du Sud où les mobilisations sont alors fréquentes en dépit de nombreux obstacles : la Floride, autour des métropoles de Miami et de Tampa, ainsi que la Louisiane dans les villes de la Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge. Rapidement, l’absence d’antennes syndicales locales permanentes sur place pousse à un élargissement de l’éventail de terrains liés aux mobilisations. Au-delà d’entretiens menés avec les employés investis dans le mouvement et des organizers FF15, elle accorde davantage de place aux associations et militants dont le rôle s’avère central dans les États régis par les lois Right to Work. Comme à Chicago avec OWM, le suivi de ce mouvement et des acteurs qui y sont impliqués à l’échelle locale constituera la toile de fond de terrains cherchant à saisir la complexité de ce mouvement, la conjonction d’inégalités qu’il met en visibilité comme ses contradictions internes. FF15 est alors un mouvement déjà très structuré et autour duquel gravitent de nombreux observateurs. Le suivi du mouvement trois ans après son apparition se caractérise par une certaine méfiance et de grandes précautions de la part des organizers. Dans un contexte où les critiques émanant du syndicalisme solidaire ont rapidement dénoncé l’influence de SEIU, de sa structure bureaucratique et de son agenda politique sur un mouvement qui s’affiche comme horizontal, participatif et partant des travailleurs [5], la visibilité du rôle dans l’organisation de FF15 comme l’accès à la direction de l’organizing de SEIU s’avèrent limités, contrairement à la recherche autour d’OWM menée lors des premiers mois de diffusion du mouvement. En Floride, les premières entrées sur le terrain passent alors par les organizers d’OWM qui préfèrent alors renvoyer vers les organizers FF15 plutôt que de répondre aux sollicitations dans une période où, coupé de ses financements syndicaux – le syndicat évoquant de faibles retours sur investissement –, le mouvement visant le géant de la grande distribution cherche à poursuivre sa stratégie d’organizing à moindres frais. Une dizaine d’entretiens sont conduits à Tampa et à Miami avec des organizers et « leaders » du mouvement FF15, nom donné par les premiers aux employés capables d’organiser leur lieu de travail. Pour la première fois, ces entretiens se font en présence d’un organizer ou avec son accord. Cette méfiance a priori, comme l’amorce de certains de ces entretiens où il est nécessaire de se départir d’un discours identique au contenu d’interviews déjà données par ces leaders, souligne l’attention particulière accordée par l’encadrement syndical du mouvement à la communication comme à la structuration de la parole des salariés autour d’histoires poignantes et spectaculaires (compelling stories).

17Ce terrain, et davantage encore le suivant conduit à la Nouvelle-Orléans en avril 2016, est l’occasion de pratiquer une ethnographie tous azimuts. Centrée sur les acteurs présents localement dans les mobilisations, cette ethnographie vise à comprendre le rôle des ressources d’autochtonie (Retière, 2003) dans la diffusion de ces mobilisations dans les États du Sud. L’entrée adoptée consiste à nouveau à pister les mobilisations en s’adressant directement à ces acteurs en amont des terrains. Afin de contourner les restrictions imposées par FF15 dans sa communication se limitant à la parole des organizers et de quelques leaders sélectionnés tout en empêchant tout accès à la direction de campagne, une approche concentrique autour des mobilisations observées est privilégiée. En Floride, des entretiens sont conduits avec un prêtre anarchiste participant à la Poors People Campaign et aux actions FF15 à Tampa, avec des syndicalistes de différentes industries prenant part aux mobilisations, avec la directrice d’un centre d’aide aux travailleurs assurant notamment un soutien logistique aux mobilisations OWM à Miami. En Louisiane, plusieurs membres d’associations communautaires et chapitres locaux d’organisations antiracistes, féministes et intersectionnelles auxquels certains employés-leaders et organizers FF15 appartiennent sont interrogés. J’obtiens des informations sur le déroulement des prochaines actions locales par le biais d’un avocat spécialiste du droit du travail rencontré à la Nouvelle-Orléans à la suite d’un entretien avec un ancien organizer communautaire. La journée nationale d’action du 15 avril 2016 me donne l’occasion de suivre des leaders et organizers FF15 dans leurs actions, de participer à un déjeuner et un debriefing avec les membres du mouvement au sein d’une église universaliste. Ces douze heures de mobilisations (6 h-18 h) reflètent l’éventail des actions et thématiques auxquelles renvoie FF15 : tôt dans la matinée, des débauchages d’employés et une manifestation brève contre les bas salaires ont lieu au sein et autour de deux fast-foods, puis une mobilisation se déroule devant le tribunal et le commissariat de la ville, dénonçant les disparités raciales au sein du système judiciaire américain et leurs liens avec les bas salaires avant une mobilisation se déroulant dans l’après-midi sur un trajet d’un peu plus d’un kilomètre allant de Congo Square [6] dans le quartier de Tremé jusqu’à un McDonald’s situé sur Canal Street, artère principale de la ville.

18Les terrains s’avèrent plus difficiles d’accès face à des interlocuteurs institutionnels moins nombreux et plus difficilement identifiables. Les négociations sont plus âpres car les moyens d’organiser les travailleurs dépendent davantage du tissu associatif local en place et de ressources syndicales plus faibles. Tout au long de ces terrains, la présence de nouveaux acteurs est systématiquement mise à profit. Ainsi, observer les mobilisations et échanger avec leurs acteurs passe notamment par la participation à la logistique de l’organizing – aller chercher ou raccompagner des employés entre leur domicile et le lieu où se déroulent les actions –, à des interviews sur les mobilisation autour de Walmart avec des syndicalistes et militants interrogés pour leur site internet ou leur émission de radio. Les organizers, un ou deux dans chaque ville du Sud enquêtée, fournissent fréquemment un soutien au jour le jour aux employés mobilisés pour la plupart en grande difficulté économique – en apportant des vivres à leur domicile lors de leurs visites régulières ou plus ponctuellement, en payant, par exemple, pour la chambre d’hôtel d’un employé dont la maison a pris feu. Ils s’appuient par ailleurs sur l’investissement des employés leaders qui, au‑delà de leur rôle de figure des mobilisations, sont pour certains membres d’un comité national. Ce National Organizing Comittee réunit tous les deux mois environ une trentaine de leaders locaux – principalement des femmes noires, âgées de 19 à 65 ans. Ces leaders viennent des principales villes où le mouvement s’est diffusé et fournissent un travail proche de celui observé chez les organizers OWM – partage d’informations sur les actions les plus populaires menées localement, sur les approches utilisées pour approcher et convaincre d’autres employés de rejoindre le mouvement, élaboration et planification d’actions communes à l’échelle régionale ou nationale. Ainsi, en dehors de la préparation des actions et mobilisations locales, les journées des organizers rencontrées sont davantage marquées par l’imprévu et s’appuient sur un capital d’autochtonie (Retière, 2003) qui se révèle central pour maintenir des liens plus étroits entre acteurs locaux, employés-leaders, organizers investis dans des campagnes et syndicats proches, militants associatifs, et ce dans des temporalités qui relèvent le plus souvent de l’urgence et de l’ajustement. Il en va de même pour cette seconde recherche où les circonstances ont guidé cette approche au long cours (Marcus, 2002). Interrogeant d’abord les mobilisations OWM sous l’angle des transformations du travail, sa focale s’est élargie à l’ensemble des bas salaires, reliant conditions de travail, d’emploi, inégalités et rapports aux inégalités et rapports de domination.

19Ces terrains menés dans les États du Sud conduisent à suivre et à interroger des employés, organizers, militants, principalement noirs et latinos, aux parcours variés mais occupant le plus souvent des positions subalternes au sein des entreprises visées mais aussi des syndicats à l’initiative de ces mouvements [7]. Leurs trajectoires sociales et professionnelles entremêlent de nombreux empêchements où s’articulent inégalités de classes, raciales, de genre et sexuelles. Elles s’inscrivent par ailleurs dans des aires géographiques et culturelles ainsi que dans des cadres politiques nationaux et locaux ayant contribué à la reproduction de ces inégalités et rapports de domination. Les difficultés liées à l’entrée sur ces terrains conduisent rapidement à questionner les effets liés à la présence d’un chercheur, identifié a minima comme un jeune homme blanc, étranger, pour mieux comprendre les accès et obstacles rencontrés. En effet, d’une part, ces mobilisations dénoncent notamment des organisations du travail discriminantes voire racistes et des organisations syndicales bureaucratiques faisant largement fi des disparités raciales dans le travail et l’emploi. D’autre part, cette présence en tant que chercheur en sciences sociales est loin d’être une position neutre socialement et racialement dans un pays où au‑delà de frais de scolarité particulièrement coûteux, les études supérieures se déroulent dans un cadre où les minorités raciales représentent une très faible proportion des étudiants et font face à un personnel enseignant principalement blanc qui mobilise le plus souvent des cadres d’analyse contribuant à euphémiser voire à nier les rapports sociaux de race (Warren & Kleisath, 2019).

20Ainsi, devant les possibilités de mise à distance liées à la position sociale apparente d’un chercheur blanc dans ce contexte nord-américain, resituer systématiquement et sommairement, en amont des entretiens et observations réalisés d’où le chercheur parle, entre trajectoire sociale et de recherche depuis le contexte français constitue une étape nécessaire. En amont d’entretiens longs, intimes et revenant sur des évènements souvent éprouvants vécus par les enquêtés, dévoiler sa propre démarche, sa trajectoire et ses liens à l’objet de recherche – élevé par une mère ayant travaillé pendant trente ans en tant que cheffe de rayon dans un supermarché tout en habitant dans des quartiers populaires de la banlieue parisienne – tout en précisant le contexte socio-économique de réalisation de son parcours universitaire – en insistant sur la quasi-gratuité des études supérieures dans le système universitaire français au cours des années 2000, par contraste avec le contexte nord-américain – est une manière de réduire la dissymétrie liée à la distance sociale mais aussi raciale et de genre présente a priori dans la situation d’entretien dans un tel contexte rendant cette dernière peu amène de prime abord. Il en va de même pour l’apparence comme le style vestimentaire (Wilkinson, 2016) lorsqu’ils constituent un écart aux normes de la blanchité hétéronormée américaine – petite taille, silhouette mince, cheveux mi-longs, vêtements ajustés, gestuelle et voix discrètes –, ainsi qu’à l’image que peuvent se faire les enquêtés d’un chercheur – style décontracté et prises de contact informelles – assimilé le plus souvent et a priori aux soutiens des mobilisations issus des classes moyennes blanches. Dans ce contexte, il ne s’agissait pas tant de faire oublier sa couleur de peau que de marquer un écart explicite à la blanchité dominante et normative. En resituant la trajectoire sociale du chercheur et le cheminement de sa démarche de recherche face à des acteurs interrogés dans leur propre trajectoire personnelle, professionnelle et militante mais aussi dans les formes d’assignation auxquelles ils font face, il s’agissait de faire que les enquêtés se sentent légitimés à être ce qu’ils sont face à un sociologue ne feignant pas d’annuler la distance sociale mais tentant de se situer en pensée à la place que l’enquêté occupe dans l’espace social (Bourdieu, 1993). Par ailleurs, être perçu le plus souvent comme un outsider étranger désirant connaître le contexte socio-économique local et interroger l’articulation des rapports de race et de genre dans les organisations et mobilisations nord-américaines étudiées, permet d’observer et d’entendre les principales critiques formulées à l’égard d’un travail et d’un militantisme qui n’y échappent pas. La plupart des employés, des organizers et des militants rencontrés prendront le temps de revenir en détail sur des situations vécues à partir de leurs propres expériences d’étrangers à la blanchité américaine, en tant qu’hégémonie sociale, culturelle et politique et à ses catégorisations et classements ethno-raciaux (Ezekiel, 2002 ; Cervulle, 2012).

21Ainsi, cette seconde recherche conduite dans le Sud en 2015 et 2016 a mis en exergue l’apparition d’un nouveau pôle d’acteurs, d’actions et rhétorique renvoyant à la multiplication des mouvements féministes noirs intersectionnels radicaux (Jackson, 2016) qui entendent embrasser la triple oppression – capitalisme, racisme, patriarcat – à travers une réflexion permanente sur les effets de ces dominations conjointes – un racisme qui ne se limite pas aux violences policières envers les hommes noirs mais interroge les logiques structurelles qui conduisent de nombreux Noirs de l’école à la prison, à l’invisibilisation des femmes et trans dans les mouvements contre les violences policières et les crimes envers les Noirs et racisés, à une sous-représentation des femmes et LGBTQ dans des mobilisations autour des thématiques du travail et de l’emploi, de la justice et de la police, alors qu’elles et ils sont le plus souvent les premier·e·s concerné·e·s. FF15 s’est saisi de cette approche intersectionnelle radicale comme l’illustrent les actions menées devant le tribunal pénal de la Nouvelle-Orléans et un commissariat de la ville lors de la journée d’action internationale du mois d’avril 2016 pour dénoncer les crimes policiers visant régulièrement de jeunes noir·e·s et faire le parallèle entre les conditions de vie et d’emploi de ces dernier·e·s au quotidien, mais aussi lors de la première convention nationale FF15 qui s’est déroulée en Virginie autour du thème de la justice sociale et raciale. Comme l’explique alors Kendall Fells, organizer national, à une chaîne de télévision locale : « Aujourd’hui, si vous regardez ce qui se passe dans tout le pays, vous verrez que nous combattons toujours l’héritage de l’esclavage et le racisme de différentes manières. Par exemple, les salaires des familles noires et latinas sont plus bas à cause de la discrimination à l’embauche, des écoles sous-financées et d’un système judiciaire biaisé. » Cette même convention s’est achevée par une « Marche sur Richmond », remontant la très controversée Monument Avenue dans l’ancienne capitale des États confédérés où figurent plusieurs statuts de « héros confédérés » et par la prise de parole de leaders, de la présidente du syndicat SEIU Mary Kay Henry, et du Révérend militant William Barber II tentant de raviver la Poor Peoples Campaign démarrée en 1967 par Martin Luther King Jr. autour d’un mouvement multiracial interpellant les élus face au développement du chômage et des problèmes de logement.

22À partir d’une position d’outsider à la fois décentré et privilégié, ces terrains ont débuté autour d’une posture attentive mais peu équipée quant à l’appréhension située des questions raciales sur ces terrains d’enquête. Afin de combler ces lacunes, l’appui sur les cadres mêmes de ces mouvements a permis de questionner à chaud les implications de l’identité du chercheur sur ces terrains (Fleming, 2017 ; Beaman, 2019). Se déroulant sous le second mandat présidentiel de Barack Obama, particulièrement marqué par la multiplication des violences policières, de crimes racistes et par l’émergence de mouvements intersectionnels radicaux, ces terrains ont été l’occasion de découvrir tout un pan de littérature critique appliquée aux races – féminisme noir, Critical Race Studies, Whiteness Studies – mais aussi des débats plus anciens entre W. E. B. Du Bois et Booker T. Washington autour de la posture à adopter face aux injustices sociales et raciales touchant les Noirs aux États-Unis. Encore très peu diffusée et audible dans le champ académique français (de Leon, 2018), elles invitent à réexaminer ces terrains sous un prisme éclairant les questions de classe, de race et de genre de manière articulée (Hocquelet, 2019), une approche qui s’avère centrale pour comprendre les enjeux des mobilisations en cours dans les grandes industries de main-d’œuvre à bas salaire dans une économie globale.

Autour de l’enquête à chaud : saisir à distance l’espace et les dynamiques des mouvements sociaux

23À l’écart des terrains, l’enquête à chaud autour de mobilisations lointaines laisse par ailleurs place à la question de leur suivi à distance comme dans la durée. Ce dernier s’est ici appuyé sur un éventail d’outils et de dispositifs contribuant, en complément de l’ethnographie des mobilisations, à préparer les terrains, effectuer des allers-retours et à mieux inscrire leurs dynamiques dans des échelles et des temporalités plus larges et ainsi à mieux comprendre l’espace des mouvements sociaux observés (Mathieu, 2012), qu’il s’agisse des formes d’interdépendance entre mouvements, d’autonomie relative face au champ politique et de compétences spécialisées des acteurs.

24Avançant à tâtons sur des terrains peu familiers, la prise de photographies permet d’abord, dès la première recherche, d’identifier les acteurs, actions et rhétoriques présentes (Hocquelet, 2015). Elle sert de repères et permet d’identifier au cours comme entre les terrains, l’espace matériel des mobilisations (Combes et al., 2011) et ses luttes politiques. En complément des procédés classiques, elle permet de rendre compte de choses inhabituelles (Becker, 1974) comme dans ce cas de la liturgie de l’organizing – locaux, vocabulaire de l’auto-organisation, paroles, écrits des organizers démarchant les travailleurs directement ou par téléphone – comme des mobilisations étasuniennes pour un chercheur étranger – faible nombre de travailleurs parmi les participants, manifestations d’une journée, droit de propriété empêchant les manifestants d’empiéter sur le lieu de travail, présence de policiers et cadres des entreprises côte à côte filmant et veillant à ce que les manifestants n’empiètent pas sur le parking et n’obstruent pas l’entrée des magasins, prières collectives avant les actions, désobéissance civile et arrestations de prêtres, conférences de presse en pleine rue. En tant qu’objets visuels médiatiques s’appuyant sur des employés devenant figures et voix des mobilisations, autour d’actions se déroulant principalement dans des lieux publics, les mouvements OWM et FF15 se prêtent particulièrement à l’usage de la photographie. La présence de nombreux individus peu identifiables se servant de téléphones, d’appareils photo, de magnétophones ou de caméras pour saisir les événements – aussi bien journalistes que manifestants – fait qu’au‑delà des précautions d’usage – demander en amont l’autorisation aux organizers et employés suivis depuis plusieurs jours – permet d’opérer sans véritablement être perçu comme un observateur. Il s’agit alors de photographier les différents acteurs en présence, leurs rôles et postures mais aussi de s’intéresser aux angles morts des manifestations – aspects non évoqués par la presse et les publications en ligne liées à ces mouvements –, loin de la Protest Event Analysis consistant à s’appuyer sur des données de presse ou de police : employés restant en retrait lors de mobilisations, journaliste ayant des difficultés à trouver un associé à interviewer parmi les manifestants, surveillance policière et tentative de contact des managers avec les employés selon le principe d’une résolution à l’amiable, en tête à tête, débauchage d’employés sur le lieu de travail par des leaders.. Ici, la photographie ne se suffit pas à elle-même mais se consacre à un moment pour prendre des repères liés aux routines de ces mobilisations, relever des évènements plus singuliers, imprévus et parfois incompris. En complément d’une posture ethnographique et d’entretiens, l’usage de la photographie lors des actions participe au repérage à chaud comme en décalé des spécificités et régularités des terrains. En cela, elle est une alliée précieuse du travail d’enquête et d’écriture sociologique. En effet, parler de mobilisations de et autour des employés dans les industries de main-d’œuvre à bas salaire peut donner l’impression d’actions et d’acteurs homogènes, ce qui est loin d’être le cas ici. La photographie part dans cette démarche du studium, étude et repérage des acteurs, des scènes, des slogans, des mobilisations, tableau d’une scène politique, pour laisser parfois filtrer à travers des détails non relevés sur le moment ou relevés sans être compris, le punctum, potentiel contenu dans l’actuel. Ce punctum vient casser, déranger le studium dans des détails qui peuvent venir bousculer le général dans le particulier (Barthes, 1980) et faire l’objet par la suite de nouvelles interrogations réinvesties lors notamment des entretiens.

25L’approche multi-située de ces mobilisations présente par ailleurs de nombreuses opportunités d’ouverture de la recherche vers des acteurs et mondes sociaux permettant de resituer le cadre historique, social et politique local et national autour d’objets lointains. En parallèle de terrains principaux ou lors de courts séjours à l’occasion de conférences, il s’agit ainsi de partir à la rencontre d’organisations et de chercheurs spécialistes des industries à bas salaire et des relations professionnelles, d’assister à des évènements et mobilisations connexes afin de mieux comprendre la circulation des idées et rhétoriques, les relations entre acteurs comme les contradictions internes à ces mouvements inter-reliés (Baby-Collin & Cortes, 2019). À New York, ville faisant figure d’exception nationale en matière de taux de syndicalisation, les initiatives de la Retail, Wholesale and Department Store Union (RWDSU), division semi-autonome d’UFCW, et celle du Retail Action Project (RAP), centre d’aide aux travailleurs du commerce, suivies en décembre 2013, soulignent les approches contrastées de deux organisations sur le paysage local de la grande distribution. Autour de Montréal et Québec en mai 2015, la rencontre de délégués syndicaux des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC, affilié à UFCW), d’anciens salariés de Walmart ainsi que de l’avocat ayant représenté les employés du Supercentre de Jonquière (Saguenay) dans un litige majeur ayant opposé TUAC à Walmart pendant près de dix ans et deux passages devant la Cour suprême canadienne (suite à la fermeture du magasin après l’obtention d’une accréditation syndicale) ont permis de revenir en détail sur les stratégies anti-syndicales du distributeur face à des approches traditionnelles. À Montreuil, en janvier 2016, le suivi de la visite d’une quinzaine d’employés américains des fast-food, leaders de FF15 au siège de la CGT au cours de leur tour du monde visant à échanger sur leurs actions avec de nombreux syndicats – des actions similaires seront initiées dans une trentaine de pays – permet d’y observer la réception de l’organizing, les questions et doutes suscités, comme les liens entre syndicats en actes. À la Nouvelle-Orléans, en avril 2016, une rencontre avec le fondateur d’Acorn [8] et ancien stratège des campagnes de la SEIU visant Walmart dans le Sud pendant les années 2000 permet de revenir sur les difficultés rencontrées alors. À Chicago, en avril 2016, participer à la Labor Notes Conférence, réunion bi-annuelle organisée par la revue éponyme autour des innovations stratégiques liées au labor organizing accueillant notamment une délégation FF15 venant du Japon comme de nombreux collectifs nord-américains organisés sans syndicat permet de mieux appréhender l’éventail de pratiques regroupées sous cette dénomination. À Richmond en Virginie, ancienne capitale des États confédérés, assister clandestinement en août 2016 à la première rencontre nationale du mouvement FF15, réunissant plus de 2000 employés leaders et organizers mais aussi de nombreux soutiens syndicaux, associatifs et religieux autour de conférences et d’une manifestation sur le thème de la justice sociale et raciale constitue alors une opportunité unique d’échanger avec des salariés et organizers venant de tout le pays. Cette dernière rencontre sera par ailleurs l’occasion de voir une vingtaine d’organizers FF15 manifester en pleine conférence, réclamant pour eux-mêmes le droit de se syndiquer comme leurs collègues permanents du syndicat. Ils seront défendus par une partie des employés leaders soulignant un combat proche du leur lorsque d’autres dénonceront le fait d’organiser une telle mobilisation au cours de cette première rencontre nationale se servant de l’événement rassemblant des employés plus précaires comme d’une tribune pour leurs propres revendications. Ces deux recherches sont par ailleurs l’occasion d’observer de nombreuses actions et manifestations participant d’une même constellation d’acteurs syndicaux et militants progressistes, locaux et nationaux, se joignant en tant qu’« alliés » d’un large mouvement ouvrier aux mobilisations OWM et FF15 : manifestation des enseignants à Chicago en avril 2016, actions menées par le Planned Parenthood autour du droit à l’avortement auprès des membres du Sénat de Louisiane à Bâton Rouge, réunions de quartier et messes en l’honneur des travailleurs à la Nouvelle-Orléans, Chicago et Miami, éclairant à chaque fois l’objet de recherche sous un nouvel angle, retraçant les relations complexes entre syndicats, associations, communautés, chercheurs autour des travailleurs à bas salaire et de leurs conditions de vie.

26Enfin, au‑delà d’échanges réguliers avec des organizers et employés leaders des mouvements rencontrés sur place et de la réalisation d’entretiens exploratoires et complémentaires conduits par téléphone ou en visioconférence, en amont ou en aval des terrains réalisés, ces mobilisations du travail se sont particulièrement bien prêtées à une veille à distance permettant d’en avoir une lecture dynamique. Les mouvements OWM et FF15 se caractérisent en effet, compte tenu de leur portée et de leur rattachement initial à deux grands syndicats, par une longue durée et une visibilité atypique pour des campagnes de labor organizing. La planification d’un calendrier de mobilisation et d’audioconférences stratégiques régulières, coordonnées à l’échelle nationale et accessibles à distance pour les salariés et soutiens, via des newsletters fréquentes, comme leur présence sur les réseaux sociaux sous des formes et registres divers et sur des sites locaux et nationaux, renvoie à la centralité du numérique dans ces mobilisations. En complément de l’observation à chaud des mobilisations, l’analyse des dynamiques d’appropriation et d’usage des technologies numériques et réseaux sociaux par ces mouvements entre 2015 et 2017 – période charnière pour les deux mouvements, entre succès de FF15, renouveau indépendant d’OWM et élection de Donald Trump – souligne dans le cas de FF15 un support de cadrage rhétorique majeur et dans celui d’OWM, un outil devenu central dans sa stratégie d’organizing une fois le mouvement devenu indépendant du syndicat. D’un côté, OWM est parvenu, indépendamment du syndicat UFCW, à poursuivre son ambition initiale en promouvant la co-construction d’une solidarité professionnelle en s’appuyant sur les TIC pour bâtir un réseau collaboratif de travailleurs. Par le biais du crowdsourcing – enquêtes et sollicitations diverses –, OWM s’est spécialisé dans le développement d’une solidarité au travail à partir de la centralisation de la parole même des employés du distributeur, fournissant à la fois des outils favorisant leur expression, et produisant des rapports de synthèse et d’analyse rendant visibles ces problématiques auprès des soutiens et élus. Baptisé United for Respect depuis 2019, le mouvement entend aujourd’hui appliquer ce modèle à l’ensemble des enseignes de la grande distribution face à la crise qu’elle traverse entre développement du e-commerce et remise en question d’un modèle commercial hérité du fordisme. De l’autre, FF15 s’est diffusé autour d’une lutte des bas salaires intersectorielle dont les thématiques s’avèrent, de fait, plus larges. En s’appuyant en premier lieu sur des mobilisations locales autour de réseaux d’organizers, d’employés et de soutiens, FF15 a fait de sa communication en ligne le relais d’une convergence des luttes à bas salaire et d’une solidarité citoyenne (Hocquelet & Pasquier, 2017). Tout en reposant sur une approche bureaucratique de l’organizing proche de celle pratiquée par OWM lorsque le mouvement était soutenu par UFCW, les observations réalisées dans les États du Sud soulignent qu’un tel mouvement national, même centralisé et descendant, peut constituer un support de diffusion de revendications locales, particulièrement pour des populations doublement invisibilisées par les grandes institutions syndicales et associatives.

27En mobilisant une diversité d’échelles, de points d’entrée et de temporalités, cette ethnographie des conflits du travail a progressivement glissé du lieu de travail, difficilement accessible et où l’expression des salariés s’est le plus souvent avérée verrouillée, vers le suivi du travail syndical et militant d’organisation des inorganisés. À la fois inspiré, soutenu et nourri, non sans tensions, par l’influence d’une constellation d’acteurs, ce dernier a joué un rôle central de catalyse de la conflictualité dans ces mouvements. Si l’exercice réflexif rend difficile une restitution exhaustive, une série de dynamiques majeures illustre ce qui constitue in fine une recherche au long cours portant sur deux mouvements connexes participant d’une même séquence de mobilisations après la crise des subprimes en 2008. Suivies à chaud au cours de leurs premières années, ces mobilisations lointaines à grande échelle ont été questionnées en rapport à l’ordre social et politique qui les englobe, qu’elles reproduisent (Combes et al., 2011) et qu’elles tentent aussi parfois de bousculer. Elles ont par ailleurs été questionnées sous l’angle d’approches empiriques parmi les plus familières d’abord, puis les plus adaptées au contexte rencontré. Le suivi de telles mobilisations autour des multinationales des services, principales industries de main-d’œuvre à bas salaire nous a invité à une approche ethnographique où se sont entrecroisées différentes dynamiques majeures. Théoriquement comme empiriquement, ces recherches ont d’abord impliqué des allers-retours entre lointain et familier. Elles nous ont invité à penser l’articulation des temporalités de la recherche et des mobilisations. Par ailleurs, ces séquences ethnographiques soulignent l’importance de la prise en compte des conditions de vie, trajectoires et expériences des salariés impliqués dans ces mobilisations – diversité des lieux d’enquête, rapports sociaux de classe, genre, race et sexualité – ainsi que les caractéristiques locales et globales de ces mouvements par une enquête multi-située. Enfin, ce voyage au long cours souligne les implications et opportunités de cette démarche en matière d’ajustements et d’expérimentations méthodologiques – complémentarité des méthodes de recueil de données, ré-interrogation de ses terrains – à la fois liées aux obstacles empiriques, aux conditions même d’exercice de la recherche et des outils de catalyse de la conflictualité mobilisés par ces mouvements.

Notes

  • [1]
    L’accès public aux dépenses des grandes organisations syndicales souligne que, depuis 2012, SEIU aurait dépensé entre 10 et 20 millions de dollars par an dans le mouvement Fight for ''15$ pour un total s’élevant à près de 100 millions de dollars en 2018.
  • [2]
    Majoritairement situés dans le Sud, le Centre et l’Ouest conservateurs, ces États, au nombre de 25 en 2015 contre 28 en 2020, ont remplacé le traditionnel monopole syndical anglo-saxon et ses cotisations prélevées chez l’ensemble des salariés par une adhésion individuelle volontaire.
  • [3]
    « Fight for $15 Impact Report : Raises for 22 Million Workers, 10 ''Million Going to $15, et What a $15 Minimum Wage Means for Women and Workers of Color », National Employment Law Project (NELP), Policy Briefs, décembre 2016.
  • [4]
    « The Glass Floor: Sexual Harassment in the Restaurant Industry », ROC (Restaurant Opportunity Center) United, Forward Together New York, ROC United, 2014.
  • [5]
    Gupta A., « Fight For 15 Confidential: How did the biggest-ever mobilization of fast-food workers come about, and what is its endgame? », In These Times, 11 novembre 2013.
  • [6]
    Congo Square était au xviiie siècle le marché aux esclaves et, à partir du xixe siècle, le lieu de congrégation des Noirs libres, à la suite de la révolution haïtienne.
  • [7]
    À titre d’exemple, le premier congrès national FF15 se déroulant en 2016 à Richmond en Virginie, sera interrompu par une vingtaine d’organizers soutenus par des employés leaders, réclamant à leur employeur, le syndicat SEIU, le droit de se syndiquer comme des délégués syndicaux à part entière. Cette mobilisation dans la mobilisation souligne la sous-traitance du travail syndical d’organisation d’employés racisés par des organizers racisés demeurant eux-mêmes en marge des conditions de travail et d’emploi des permanents syndicaux.
  • [8]
    Association of Community Organizations for Reform Now, orientée vers un soutien plus général aux ménages à faible revenu et fondée en 1970.
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Mathieu Hocquelet
Chargé d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications
Cereq, 10 place de la Joliette, CS 21321, 13567 Marseille cedex, France
Mis en ligne sur Cairn.info le 29/09/2020
https://doi.org/10.3917/socio.113.0277
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