CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Bien que les États-Unis comptent actuellement la classe moyenne noire la plus nombreuse de l’histoire du pays, de robustes mécanismes d’exclusion sociale systématique continuent de façonner le quotidien des Américains pauvres – et noirs [1]. Le décès de jeunes hommes noirs sous les tirs des policiers, dont Trayvon Martin en 2012 et Michael Brown en 2014, ainsi que la publication d’images et de vidéos illustrant la violence policière envers les citoyens noirs ont provoqué une vive opposition au racisme structurel qui façonne le système policier et judiciaire américain. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la réforme de la prison promue par le président Barack Obama et le mouvement Black Lives Matter[2] ainsi que les recherches récentes sur l’incarcération et l’État pénal dont participe l’ouvrage d’Alice Goffman, On the Run. L’enquête ethnographique d’A. Goffman sur les manières dont le système de « hyper- policing », de contrôle policier intense, influence la vie quotidienne des habitants des quartiers pauvres américains aboutit à un paradoxe marquant : au lieu de produire des quartiers plus sûrs comme il le prétend, le système engendre de nouvelles formes de délinquance et fragilise la sécurité publique tout comme les liens sociaux que les habitants entretiennent avec leurs proches.

2 La publication du livre au printemps 2014 a initialement suscité une réception enthousiaste débordant le public universitaire et propulsant son auteur au rang d’intellectuelle publique. Le succès commercial du livre3 et les 1,3 millions spectateurs de sa Ted Talk 4 témoignent d’un rare succès auprès du grand public pour un livre de sociologie. Or, l’ouvrage est aujourd’hui le sujet d’une controverse. Les critiques et les défenseurs du livre ont débattu de la crédibilité d’Alice Goffman en tant que sociologue et de la scientificité de la méthode ethnographique mais aussi de la responsabilité collective de la communauté des chercheurs en sciences sociales sur la qualité des recherches publiées. Après une présentation de l’enquête empirique et des principaux arguments d’Alice Goffman, cet article discute des enjeux de la controverse qui engagent directement la portée politique des sciences sociales : qui peut produire des savoirs sur quoi, et avec quelle crédibilité ?

Une enquête par immersion totale

3 Alice Goffman a réalisé son enquête de terrain, pendant six ans, dans un quartier défavorisé de Philadelphie qu’elle nomme la « 6th Street », selon la tradition ethnographique de l’École de Chicago qui lui a été transmise par ses professeurs, figures illustres de l’ethnographie urbaine américaine comme David Grazian, Elijah Anderson et Mitchell Duneier pendant ses études de sociologie à l’University of Pennsylvania, puis à Princeton University. De ce fait, l’immersion totale dans le terrain, l’alignement du chercheur avec l’expérience vécue des enquêtés, la méthode d’observation participante, la formation progressive et inductive de la question de recherche et la formation de propos généraux à partir d’un cas étudié en détail caractérisent la pratique de l’enquête ainsi que le mode d’écriture.  [3][4]

4 Il s’agit d’une enquête ethnographique de longue haleine dont l’originalité a été attribuée par ses admirateurs à la capacité d’A. Goffman d’allier les approches ethnographique et longitudinale ainsi que la description minutieuse de la vie quotidienne de ses enquêtés sous l’emprise du contrôle. Après avoir préparé une première enquête dans le cadre d’un séminaire sur la démarche ethnographique à l’University of Pennsylvania, elle devient tuteur scolaire d’Aisha, une adolescente habitant le quartier. En décembre 2002, un an après le début de l’enquête dans le quartier, Aisha présente A. Goffman à son cousin Mike. Cette rencontre entre deux personnes, âgées d’une vingtaine d’année, l’une étudiante d’une université d’élites et l’autre en situation de décrochage scolaire, fut décisive pour l’enquête. Alice Goffman note dans l’ouvrage : « Mike et ses amis étaient un mystère. Ils avaient des boulots quelconques mais aussi des revenus dont ils ne parlaient pas. Ils se faisaient arrêter par la police, rentraient à la maison sous caution et rendaient des visites à leurs conseillers de probation. Ils se battaient, leurs voitures se faisaient voler ou saisir par la police. Tout était chaotique et confus [5] » (p. 225). Vraisemblablement fascinée par « le chaos et la confusion », A. Goffman a décidé d’écarter sa problématique de recherche initiale articulée autour des expériences féminines de la pauvreté urbaine au profit de l’étude du groupe d’amis de Mike qu’elle nomme les « 6th Street Boys ».

5 Fille du grand sociologue américain dont elle porte le patronyme, Alice Goffman se montre digne des conseils de son père en ce qui concerne l’observation participante [6], la méthode d’enquête qui selon ce dernier consiste à « se soumettre, à soumettre son corps et sa personnalité, sa situation sociale intime, aux éventualités qui s’imposent à un groupe d’individus [les enquêtés] afin d’être capables de pénétrer – dans le sens physique et écologique – les réponses qu’ils apportent à leur situation sociale7 » (Goffman E., 1989, p. 125). La jeune sociologue s’immerge ainsi totalement dans ce milieu, ce qui fut possible grâce à son « adoption » par Mike comme une petite sœur ou cousine. Participant aux activités quotidiennes des jeunes hommes, elle apprend à parler l’argot local, à jouer aux jeux vidéo, à boire des alcools forts, à fuir la police dans la nuit de Philadelphie et abandonne toute une partie de sa vie, comme le suivi des médias ou le contact avec ses amis, afin de s’approcher au maximum de l’expérience d’un homme en fuite ou d’une femme proche de l’un d’entre eux. Ce protocole d’enquête met A. Goffman dans la position unique d’observer directement les interactions entre les habitants du quartier et les forces de l’ordre, les pratiques du travail policier et de la subversion du système de contrôle par les habitants tout en démontrant en détail comment ces derniers se représentent le système qui façonne leur quotidien. Si l’on a donc tendance à croire au récit de l’ethnographe, par moment romanesque, c’est parce qu’elle réussit à se construire une autorité ethnographique « expérientielle » (Clifford, 1983) fondée sur l’acquisition par le chercheur d’une connaissance fine de la vie quotidienne des personnes étudiées à travers sa présence prolongée dans le quartier.

6 Bien qu’on admire l’engagement personnel d’A. Goffman auprès de ces enquêtés, on souhaiterait en savoir plus de son rapport au phénomène étudié et aux enquêtés. Alice Goffman ne saisit pas l’occasion de réfléchir, en profondeur, aux relations de pouvoir structurant le milieu étudié ni à son rôle de producteur de savoirs en tant que jeune femme blanche issue d’une famille aisée et célèbre au sein d’un milieu pauvre, racialisé et masculin ce qui nous permet d’apprécier pleinement les dynamiques des rapports de terrains ainsi que le point de vue depuis lequel elle restitue ses résultats. D’un côté, A. Goffman nous confie dans l’annexe méthodologique de l’ouvrage sa volonté d’essayer de « devenir une mouche sur le mur », d’intervenir au minimum sur les actions qu’elle observe sans que cela soit toujours possible à cause de l’aspect exceptionnel de sa présence dans le milieu étudié. D’un autre côté, elle semble suivre au pied de la lettre les enseignements de son père selon lequel la qualité de l’enquête dépendrait de la capacité du chercheur à s’accorder au milieu des enquêtés et à développer une attitude empathique envers eux à travers le partage du quotidien, autrement dit, « parce que tu as subi les mêmes galères  [7]qu’eux [8] » (Goffman E., 1989, p. 125). Ce rapport quasi naturaliste à la production des données et l’investissement émotionnel fort de l’ethnographe au milieu enquêté se confirment dans la manière, très organique, dont l’enquête de terrain s’est close. Alice Goffman conclut : « je n’avais pas autant la sensation de quitter les “6th Street Boys” que d’être quittée par eux [9] » (p. 207). À la fin de l’enquête, un des hommes étudiés a été tué, un s’est suicidé, quatre ont été incarcérés et un a quitté le quartier – ce bilan reflète de façon saisissante les taux de mortalité et d’incarcération très élevés des hommes noirs aux États-Unis.

La mise en récit de la fuite

7 L’ouvrage s’ouvre sur une vignette ethnographique qui illustre la violence et l’injustice qui, selon l’analyse d’A. Goffman, structurent la vie des jeunes hommes dans le quartier étudié : Alex, battu par un inconnu, tente de ramasser ses dents tombées de sa bouche sur le trottoir et refuse de se rendre à l’hôpital par crainte d’y être arrêté par la police – parce qu’il est actuellement en fuite. La vignette qui contribue à donner un ton journalistique, voire sensationnaliste, au livre se poursuit par une préface et une introduction présentant le contexte social américain ainsi que la négociation de l’entrée sur le terrain de l’ethnographe. Alice Goffman saute les étapes de discussion de la construction de l’objet et de la présentation des données empiriques et n’expose que très rapidement les débat théoriques et thématiques auxquels son propos participe – ce qui reflète le caractère naturaliste de son enquête et la stratégie de restitution des interactions et des pratiques appuyée sur une description « épaisse » (Geertz, 1973). Par la suite, le livre se lit comme un « récit critique » (van Maanen, 1988), consistant en la démonstration de l’imbrication des scènes microsociologiques dans le contexte politique et historique plus général présenté dans l’introduction.

8 Le premier chapitre du livre présente les « 6th Street boys », les sept hommes dont A. Goffman analyse les vies rythmées par des périodes de liberté, de fuite et d’incarcération. Habitués depuis l’enfance à voir les policiers scruter et malmener leurs proches, une méfiance envers la police s’installe tôt chez les garçons à qui leurs ainés transmettent l’art de la fuite. Le chapitre deux décrit effectivement les savoir-faire permettant aux jeunes recherchés par la police de se cacher dans le quartier. Bien que typiquement dépeinte comme une poursuite solitaire, A. Goffman nous montre qu’il s’agit en réalité d’un accomplissement collectif : sa réussite dépend moins de la ruse individuelle que de la mobilisation efficace des solidarités locales. Mais s’agit-il véritablement d’une compétence sans laquelle l’on ne saurait survivre dans le quartier ? La description de l’art de la fuite est fine et convaincante mais puisqu’A. Goffman n’évalue pas la position de son échantillon au sein de la population locale totale la question sur son étendue reste irrésolue.

9 Les chapitres trois, quatre et six présentent les analyses les plus novatrices de l’enquête d’A. Goffman. Ces trois chapitres décrivent les modes d’adaptation des habitants du quartier au système de contrôle de la criminalité et produisent une analyse dialectique des interactions entre les protagonistes des deux côtés de la loi. Alice Goffman commence par une description détaillée des techniques policières d’intimidation ayant pour cible surtout les mères et les compagnes des hommes recherchés. Variant de la présentation de fausses preuves à des menaces d’éviction ou de déplacement des enfants, ces techniques sèment la suspicion et induisent une souffrance psychologique non seulement pour le fugitif mais pour tout son entourage intime. L’étude des stratégies policières est complétée par une analyse des tactiques par lesquelles les habitants du quartier peuvent – à l’occasion – utiliser le régime répressif à leurs propres fins (voir de Certeau, 1980). En réponse aux technologies modernes de contrôle émerge localement un « marché des protections et des privilèges ». Certains acteurs locaux gagnent leur vie en fournissant des fausses pièces d’identité et plaques d’immatriculations aux fugitifs ou encore de l’urine sans traces de narcotiques à ceux qui sont mis en liberté surveillée. Les hommes peuvent se laisser arrêter et utiliser la prison comme refuge s’ils sont trop mêlés à des conflits locaux. Les femmes jouent de la menace de dénonciation afin de forcer les hommes à s’accorder à leurs projets, notamment familiaux. Cette analyse minutieuse des appropriations du système de « hyper-policing » « par le bas » est en effet un atout majeur de l’ouvrage et permet de compenser son principal défaut, à savoir l’identification de l’institution pénale comme l’unique source des maux dans la vie des « 6th Street Boys » et l’interprétation « mono-causale » (Portilla, 2016) qui en résulte.

10 Le chapitre cinq se concentre sur les processus de construction d’une identité positive et de relations sociales durables dans un contexte de précarité légale, économique et sociale. Il y est essentiel de savoir situer les autres dans une économie de don particulière dont la protection est la monnaie. Ainsi Miss Linda, toxicomane éloignée de la figure conventionnelle du bon parent, se construit une réputation de bonne mère par une présence infaillible auprès de ses trois fils lors de leurs fuites, leurs procès et leur incarcération. Néanmoins, comme l’identité positive se construit par l’apport de protection, il est nécessaire de fournir des preuves de son engagement envers ses proches. Par exemple, au moment de la naissance de son premier enfant, Chuck, délinquant récidiviste, décide de ne pas se rendre à l’hôpital car il est recherché par la police. Ce faisant, il risque de perdre la solidarité de la mère de l’enfant qui estime que le danger d’être arrêté à l’hôpital est inférieur à l’importance de la présence du père auprès du nouveau né. Elle évalue négativement l’engagement de Chuck, faisant douter ce dernier quant à la protection future qu’elle pourra lui offrir. Contrairement aux recherches antérieures, A. Goffman montre que le fait de « cafter» est courant et même anticipé car, d’une part, les habitants de la « 6th Street » ont intégré une bonne partie des normes morales de la société dominante et, d’autre part, car la protection ne repose pas seulement sur des liens sociaux forts. Le « réseau piégeur » constitué, d’une part, par le système de contrôle et, d’autre part, par l’économie locale de protection pousse ainsi les jeunes hommes dans une insécurité légale et sociale toujours plus importante.

11 Le chapitre sept met en place un jeu de miroir entre les expériences des « 6th Street Boys » et les habitants « propres [10] » du quartier. Mobilisant l’exemple de quatre personnes « propres », A. Goffman présente les principales stratégies pour éviter les ennuis légaux : le retrait de l’espace public du quartier, la création d’un espace personnel « propre » au sein d’un foyer délinquant et la minimisation des contacts avec les membres délinquants de la famille. Bien que plausibles, il manque à ces analyses la profondeur ethnographique qui marque l’ouvrage et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il soit rédigé en anticipation des critiques. On le regrette car l’étude des cas « propres » semble présenter une piste heuristique pour comprendre les déterminants de l’évitement de la délinquance qui serait nécessaire pour envisager des solutions politiques plus justes et plus efficaces aux problèmes rencontrés par les « 6th Street Boys » et leur entourage.

L’ethnograph(i)e et ses publics

12 « Je ne m’attendais pas à ce que ce livre soit lu par quiconque » affirme A. Goffman dans un entretien de presse [11]. Le constat étonne, surtout venant d’une chercheure engagée, suscitant l’intérêt par son héritage familial et ayant décroché avant même de finir l’enquête un contrat de publication chez la maison d’édition la plus renommée qui soit dans le domaine de la sociologie urbaine, la Chicago University Press. Bien que l’auteur ne puisse anticiper tous les publics qui émergent autour de son livre, les seules négociations avec son éditeur l’obligent à imaginer un certain public. On the Run est compact, l’écriture fluide et le récit progresse sans que l’auteure ne mobilise de jargon professionnel ou de dialogue avec des recherches précédentes potentiellement difficile à suivre par des non spécialistes. Elle fait preuve d’un véritable talent de popularisation, à savoir la capacité de rendre accessible les savoirs ethnographiques à de larges publics contemporains (Fassin, 2013, pp. 625-626). On devine ainsi chez la sociologue une vocation à pratiquer « l’ethnographie publique [12] », à communiquer ses résultats de recherche à des publics différents et à prendre part au débat politique. La réussite de cette stratégie, matérialisée en un livre hybride qui n’est ni véritablement sociologique ni journalistique, a pourtant coûté à A. Goffman des critiques en provenance de trois publics formés de sociologues, de journalistes et de professionnels du droit mesurant, chacun à leur manière, la véracité des recherches ethnographiques.

13 La réception de On the Run montre des fractures importantes au sein du public universitaire, notamment des sociologues. La communauté sociologique américaine, incarnée par l’Association américaine de sociologie (ASA), a initialement réservé une réception élogieuse à la recherche entreprise par A. Goffman. En 2009, l’association lui a décerné le prix du meilleur article de la section sur la sociologie urbaine pour son article paru dans l’American Sociological Review (ASR), ainsi que le prix de la meilleure thèse soutenue en 2011. On the Run, le livre, fut également salué en tant que futur « classique ethnographique » par nombre de spécialistes confirmés des inégalités sociales, urbaines et raciales (Jencks, 2014 ; Jerolmack, 2014). Cette célébration de l’ouvrage par ses pairs – et celle d’Alice Goffman – n’a pourtant pas été unanime. Les forums internet qui rassemblent des chercheurs en sciences sociales, ainsi que les bruits de couloir et l’avalanche de commentaires publiés sur Twitter suite au panel organisé lors du congrès annuel de l’ASA à San Francisco, en 2014, autour du livre dévoilent des critiques virulentes concernant la démarche empirique et éditoriale d’A. Goffman, le traitement préférentiel dont elle bénéficierait en tant que « fille de » lui permettant de transgresser des règles communes (Lewis-Kraus, 2016). Le compte rendu publié dans l’American Journal of Sociology (AJS) par Victor M. Rios (2015) – membre du panel de l’ASA (2014) et ethnographe de la délinquance juvénile – ne gratifie A. Goffman d’autre vertu que d’être une sensationnaliste avec une belle plume et l’accuse de perpétuer des stéréotypes racialisés sur les enquêtés noirs, caricaturés par l’ethnographe blanche. Il reflète ces remises en questions des mérites d’A. Goffman par ses pairs, notamment par les autres jeunes chercheurs qui travaillent sur le même thème, mais avec une moindre notoriété [13].

14 L’avis partagé des sociologues sur les mérites de On the Run met en évidence les différents critères de l’évaluation de la recherche qualitative. Si le courage de la jeune sociologue d’aborder une question politique brulante, si son immersion dans un monde difficilement pénétrable et sa description détaillée de la vie quotidienne dans ces quartiers ont suscité l’admiration des collègues, le livre a toutefois été la cible de sévères critiques. Ce débat interne à la sociologie montre bel et bien que, malgré des efforts pour définir des critères communs d’évaluation de la recherche qualitative, les justifications de la qualité continuent à diverger. On the Run ne satisfait effectivement que de manière partielle aux critères communs identifiés par un groupe interdisciplinaire de chercheurs « qualitativistes » soulignant l’importance, par exemple, de se positionner par rapport à la littérature existante, d’expliciter l’articulation entre la théorie et les données empiriques, de justifier la construction et la nature de l’échantillon, d’examiner des explications alternatives et d’évaluer les montées en généralité possibles (Lamont & White, 2008). Parmi les critiques, Patrick Sharkey (2014) a pointé la faible correspondance entre la question de recherche et l’échantillon d’A. Goffman et ainsi l’impossibilité d’établir des liens causaux entre les variables d’intérêt, à savoir le système de contrôle de la criminalité et l’évolution des trajectoires individuelles. Sans réfléchir aux limitations de son échantillon singulier, qui consiste en des criminels actifs, et sans montrer comment les facteurs structurels interviennent au niveau de l’explication des trajectoires divergentes des jeunes, A. Goffman risque effectivement de totaliser et généraliser ses données de manière hâtive. William Julius Wilson (2014), l’un des auteurs les plus respectés des études des inégalités raciales et urbaines, a regretté qu’A. Goffman se borne à la description des effets présumés du système de contrôle sur la vie quotidienne, sans poser la question de la causalité et tenter de formuler des propos théoriques ou conceptuels plus généraux à partir de ses données.

15 Le deuxième public, formé par des professeurs et d’autres professionnels du droit, intervient dans la controverse au printemps 2015, suite à l’envoi à une centaine de sociologues d’un rapport anonyme de cinquante pages détaillant les erreurs dans l’enquête et dans le livre d’A. Goffman. La faculté de sociologie de l’université de Wisconsin-Madison, où A. Goffman est désormais assistant-professeur, invalide rapidement ce rapport. Néanmoins, quinze jour plus tard, Steven Lubet, professeur de droit à Northwestern University, reproche à A. Goffman trois péchés dans un article de presse acerbe Ethics on the Run. Les premières réflexions de S. Lubet ne s’écartent pas des critiques déjà formulés par des sociologues sur les manquements méthodologiques de l’enquête menée par A. Goffman, si ce n’est en insistant sur les incohérences dans la restitution chronologique des événements. Selon ce professeur, ce point remettrait en cause la crédibilité de l’analyse d’A. Goffman. Steven Lubet tente, deuxièmement, de démonter la plausibilité des pratiques policières décrites par l’auteure, notamment la routine policière du contrôle des registres hospitaliers afin d’arrêter des « fugitifs », en mobilisant ses propres contacts au sein du système policier dénigrant ces observations. Pour S. Lubet, l’immersion si totale d’A. Goffman dans son terrain l’aurait rendu crédule face aux propos de ses enquêtés. Bien que ces accusations touchent des points fragiles de la démarche ethnographique, à savoir la sélection et la restitution systématiques des données significatives dans la totalité des matériaux et les effets des rapports de terrain sur la nature des savoirs produits, les sociologues et notamment les ethnographes se sont mobilisés en défense de la méthode et de ses imperfections tout comme de ses points forts uniques comme la capacité de s’aligner avec la perspective des individus et groupes dominés.

16 Enfin, S. Lubet finit sa liste de critiques en demandant à ce qu’A. Goffman soit accusée de complot pour meurtre. Dans l’annexe méthodologique du livre, A. Goffman confesse, en effet, avoir souhaité la mort du tueur de Chuck, un de ses informateurs clés. Elle décrit candidement sa sortie dans le quartier à la recherche du présumé tueur, elle au volant dans la voiture, Mike au guet sur la place du copilote. Les intentions vindicatives de Mike, armé, prêt à s’en prendre à un homme devant un fast food local ne cessent qu’au dernier moment lorsqu’il identifie l’homme comme n’étant pas celui que lui et l’ethnographe cherchaient. L’extrait ne témoigne pas uniquement du profond attachement émotionnel de la sociologue au groupe étudié, dont les biais mériteraient d’être discutés, mais aussi de l’existence des frontières légales et morales auxquelles sont confrontés les chercheurs qui enquêtent dans des milieux délinquants. Faute de produire une réflexion sur ces points, A. Goffman subit une avalanche de critiques qui vont de la qualité de son enquête ethnographique à l’évaluation de la véracité de ses propos face aux normes institutionnelles et légales. Dans sa lettre de réponse [14] à S. Lubet, elle répond en contredisant la description des événements fournie dans On the Run selon laquelle elle souhaitait effectivement que la sortie nocturne aboutisse à une vengeance. Elle explique avoir été tout du long consciente de l’aspect « rituel » de la sortie. Plutôt que de convaincre les critiques sur la spécificité de la méthode ethnographique, qu’elle défend de manière générale dans la lettre, cette explication a contribué à des évaluations toujours moins favorables de la méthode et de sa pratiquante. En s’attardant davantage sur l’évaluation du rôle de la subjectivité dans la recherche ethnographique A. Goffman aurait pu faciliter l’entente entre les sociologues et les spécialistes du droit.

17 Le public journalistique partage avec les deux premiers publics la question de la véracité de la représentation de la « 6th Street » que nous livre A. Goffman. Mais si les sociologues évaluent la véracité de ses arguments à la lumière du processus empirique, analytique et interprétatif qui fonde la réalisation d’une recherche, et si les professeurs de droit mesurent cette véracité en fonction du respect des normes procédurales, éthiques et légales et de la résonance des thèses avancées avec les pratiques institutionnelles officielles, les journalistes l’ont poursuivie selon la culture du « fact-checking ». Les journalistes se sont attachés à identifier le quartier de Philadelphia où s’est déroulée l’enquête ainsi qu’à s’entretenir avec les enquêtés d’A. Goffman. Ainsi, à l’été 2015, le journaliste Jesse Singal (2015) arpente les rues de Philadelphie, avec une photo­graphie d’A. Goffman dans une main et une boîte de donuts dans l’autre, et parvient effectivement à identifier le quartier où elle a réalisé sa recherche. Bien que les enquêtés d’A. Goffman qu’il a pu interviewer confirment la justesse de ses analyses, cette démarche révèle une profonde incompréhension de la part du journaliste des principes déontologiques, dont l’anonymat et la confidentialité, qui rendent possible la production des savoirs ethnographiques, notamment sur des milieux délinquants [15]. Par peur que son journal de terrain puisse être utilisé pour identifier et persécuter certains de ses enquêtés, A. Goffman a effectivement fini par détruire toutes ses données empiriques sauf deux carnets de notes datant de 2003 qu’elle a confié à Gideon Lewis-Kraus, un journaliste du New York Times, lors de leurs entretiens répétés. Ceux-ci ont aboutis à ce qu’A. Goffman présente ses informateurs au journaliste dans le quartier étudié et à la reconnaissance publique par un article de presse de la véracité de ses arguments.

Les hiérarchies de crédibilité

18 L’article intitulé « Who’s side are we on ? » de Howard Becker nous invite à ne pas nous limiter à porter un jugement sur les biais de la recherche mais à prendre en compte les conditions sociales de la production d’une accusation de biais. Puisqu’aucune recherche ne se produit sans que des valeurs personnelles et politiques n’interviennent au cours de sa production, selon H. Becker (1967, p. 240) « la question n’est pas de savoir si on se place d’un côté ou d’un autre puisque nous le faisons inévitablement, mais plutôt de quel côté on se place [16] ». Chaque milieu que nous pouvons étudier incorpore ainsi une « hiérarchie de crédibilité » qui dote les dominants du pouvoir de définir la réalité et les dominés de l’obligation de s’y conformer. Typiquement, un chercheur qui s’aligne sur l’expérience vécue des individus et des groupes déviants est confronté à des accusations de biais en leur faveur. Ce type d’accusations aurait moins à voir avec les sensibilités personnelles, politiques et intellectuelles du chercheur qu’avec les structures sociales sous-jacentes à tout objet d’étude, et la position occupée par le groupe étudié au sein d’une hiérarchie sociale particulière. Ainsi, toute recherche qui pénètre le monde des subordonnés, c’est-à-dire s’aligne avec ceux qui souffrent d’un déficit de crédibilité structurel, et communique au grand public une version alternative sur le fonctionnement de ce monde est par nature critique et sujet à des critiques car elle remet en cause l’ordre social établi. [17]

19 L’alignement d’A. Goffman avec les dominés du système de contrôle de la criminalité, quel que soit le contenu des arguments mis en avant, est, de manière inhérente, susceptible de provoquer des réactions hostiles chez ceux qui sont en position de définir la réalité de ce système. En analysant l’État pénal depuis le point de vue des dominés et en refusant ainsi d’accepter la hiérarchie des crédibilités, A. Goffman jette un trouble sur l’ordre établi. L’aversion affichée par les spécialistes de droit impliqués dans le débat quant à certaines techniques policières décrites par A. Goffman, comme la vérification des registres des patients et des visiteurs hospitaliers à la recherche des hommes en fuite, et le fait qu’ils mobilisent leur sources internes aux institutions concernées pour les invalider, ne fait que confirmer qu’ils s’alignent avec les dominants du système critiqué. Puisque les pratiques analysées par A. Goffman jettent un discrédit profond sur le système judiciaire la mobilisation de ses spécialistes, au-delà de la volonté d’examiner le bien-fondé de l’analyse sociologique, peut se comprendre comme une tentative de préserver l’ordre établi de l’État pénal. Qui plus est, la virulence du débat sur l’évaluation de la qualité des recherches ethnographiques entre les professeurs de droit et les sociologues peut être interprétée comme une concurrence entre deux disciplines. Paul Campos (2015), professeur de droit, étend effectivement sa critique de l’enquête d’A. Goffman à toute la communauté des sciences sociales et à ses pratiques de production, d’évaluation et de récompense des recherches : « Alice Goffman est le produit d’un système qui récompense aveuglement le type de travail qu’elle a entrepris même si elle a pu commettre dans ce cadre des crimes graves et des fautes déontologiques graves17». Les sociologues, de leur côté, affirment la supériorité de leur discipline, en terme de potentiel critique, se devant notamment d’aller de l’intérieur à la découverte d’un monde jadis inconnu et étiqueté comme moralement corrompu – une des justifications classiques de la démarche ethnographique et de sa portée politique (Katz, 2012).

20 Le débat sur On the Run montre alors que, non seulement les informateurs, mais aussi les disciplines, les méthodes et les chercheurs individuels peuvent être projetés dans une hiérarchie de crédibilité. Universitaires et journalistes ont pu remettre en question la légitimité d’A. Goffman d’étudier un quartier noir et pauvre : une jeune femme blanche et privilégiée peut-elle prétendre rendre audible ces enquêtés dont elle se différencie selon de multiples attributs ? Les enjeux relatifs à la politique de la représentation sont forts parce que les enquêtés d’A. Goffman ne se situent pas seulement en bas d’une hiérarchie morale, mais aussi des hiérarchies économique, sociale et raciale propres à la société américaine. La critique de V. M. Rios (2015) concernant la représentation stéréotypée des jeunes hommes noirs et pauvres par A. Goffman a trouvé un écho chez des citoyens engagés. Deux bloggeurs afro-américains, ont effectivement accusé A. Goffman d’exploiter des quartiers noirs comme vivier de recherches « moralisatrices » et de reproduire des représentations pathologiques de ces espaces et de leurs habitants (Sharpe, 2014). Ils lui ont aussi reproché de manquer de légitimité pour produire des savoirs sur la population minoritaire dont elle ne fait pas partie : « [Le] quartier de Philadelphie qu’elle a baptisé la 6th Street n’est pas le sien et ce n’est pas à elle d’en faire une jungle qu’il faudrait interpréter [18] » (Betts, 2014). Ces voix réactivent la discussion ancienne sur les problèmes éthiques liés à la réalisation des « slum ethnographies » qui interroge la légitimité d’un observateur extérieur à représenter une communauté marginalisée avec justesse (Fischer, 2014 ; Wacquant, 2002).

21 Par ailleurs, le contexte universitaire étasunien où les universitaires noirs ont été historiquement écartés des processus de production des connaissances scientifiques ainsi que du récit dominant sur la tradition sociologique américaine (voir Bhambra, 2014) amplifie la dissymétrie d’attention reçue par A. Goffman en comparaison d’autres chercheurs qui travaillent sur des thèmes proches et appartiennent à des minorités raciales [19]. Cette observation permet l’interprétation inverse de la crédibilité d’A. Goffman. Plutôt que d’un déficit de crédibilité,

22 A. Goffman ne jouirait-elle pas d’une autorité morale particulière face à un public d’Américains blancs, issu des classes moyennes, précisément en tant que chercheure blanche et fille d’un grand sociologue, présumée objective car distanciée par rapport à l’objet ?

Notes

  • [1]
    Pour se renseigner en français sur l’évolution des formes d’inégalités raciales aux États-Unis, ainsi que sur les recherches récentes sur ce thème, on peut se référer aux comptes rendus de François Bonnet et Clément Théry (2014) et Nicolas Duvoux (2013).
  • [2]
    Pour plus d’information : http://blacklivesmatter.com/.
  • [3]
    Le livre figurait sur la liste du New York Times des cinquante livres les plus influents de l’année 2014. Après la vente de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, la Chicago University Press a cédé les droits de reproduction de l’ouvrage à la maison d’édition généraliste, Picador, qui en a tiré une deuxième édition en 2015.
  • [4]
    Il s’agit des conférences invitées et diffusées en ligne par une organisation privée à but non lucratif qui cherche à « promouvoir les idées novatrices » dans le domaine des technologies, de la société et des arts : www.ted.com.
  • [5]
    « Mike and his friends were a mystery. They sort of had jobs, but they also seemed to have income they didn’t speak about. They were getting arrested and coming home on bail and visiting their probation officers. They got into fights; their cars were stolen or seized by the police. It was all confusion and chaos ».
  • [6]
    Bien qu’Erving Goffman soit décédé lorqu’elle avait seulement un an, Alice Goffman explique dans l’annexe méthodologique de son livre que l’héritage intellectuel de son père l’a « poussé à aller plus loin dans l’enquête que ne le font peut-être les autres » (p. 230).
  • [7]
    « Subjecting yourself, your own body and your own personality, and your own social situation, to the set of contingencies that play upon a set of individuals, so that you can physically and ecologically penetrate their circle of response to their social situation ».
  • [8]
    « Because you’ve been taking the same crap they’ve been taking ».
  • [9]
    « It didn’t feel like I was leaving the 6th Street Boys as much as the 6th Street Boys had left me ».
  • [10]
    Aux habitants dirty (sales) qui doivent craindre les contacts avec la police s’opposent les habitants clean (propres), c’est-à-dire ceux dont le casier judiciaire est vierge.
  • [11]
    « I never expected anybody to read this book » (Hugues, 2015).
  • [12]
    Didier Fassin (2013, p. 628) définie l’ethnographie publique en tant que « principe de communiquer à des publics multiples les résultats de la recherche ethnographique, analysés sous la lumière de la pensée critique, afin que ces derniers puissent être appréhendés, appropriés, débattus, contestés et utilisés. On s’attend à ce que ce type de conversation entre l’ethnographe et ses publics génère une circulation de savoirs, de réflexion et d’action susceptibles de contribuer à la transformation des représentations et des expériences du monde empirique » (la traduction proposée est la nôtre).
  • [13]
    Victor M. Rios, ancien délinquant juvénile d’origine hispanique, est l’auteur de Punished. Policing the Lives of Black and Latino Boys (2011) qui
    malgré son actualité politique et sa bonne réception chez les universitaires n’a pas connu un succès comparable à On the Run auprès du grand public.
  • [14]
    Ce document est disponible en ligne sur le site de l’université de Wisconsin-Madison : http://www.ssc.wisc.edu/soc/faculty/docs/goffman/A% 20Reply%20to%20Professor%20Lubet.pdf.
  • [15]
    Ce point fait écho en France aux interrogations récentes des chercheurs en sciences sociales concernant la loi de novembre 2015 relative au renseignement et susceptible de toucher les enquêtes au sein des milieux déviants, voire criminels (voir Mohammed, 2015).
  • [16]
    « The question is not whether we take sides, since we inevitably do, but rather whose side are we on ».
  • [17]
    « Alice Goffman is a product of system that uncritically rewards the kind of things she was doing, even when those things may have included engaging in serious crimes, or serious academic misconduct ».
  • [18]
    « But the Philadelphia neighborhood she has christened 6th Street is not her home, and it is not her job to turn it into a jungle that needs interpreting ».
  • [19]
    Outre l’ouvrage de Victor M. Rios déjà cité, les livres de Waverly Duck (2015) et Randol Contreras (2014), deux sociologues noirs, analysent également l’ordre social des quartiers ségrégués. Bien que reconnus par le public universitaires, ils n’ont pourtant pas connu un succès public équivalent à
    On the Run. On peut faire un parallèle, par exemple, avec le succès auprès du grand public du livre de Gunnar Myrdal, The American Dilemma, dans lequel le scientifique suédois renommé vise à faire prendre conscience aux Américains des injustices raciales.
Français

La publication de l’ouvrage d’Alice Goffman On the Run. Fugitive Life in an American City au printemps 2014 a initialement suscité une réception enthousiaste débordant le public universitaire et propulsant son auteur au rang d’intellectuelle publique, avec un rare succès auprès du grand public pour un livre de sociologie. L’enquête ethnographique d’Alice Goffman montre que le système de « hyper‑policing », de contrôle policier intense, au lieu de produire des quartiers plus sûrs comme il le prétend, engendre de nouvelles formes de délinquance et fragilise la sécurité publique tout comme les liens sociaux que les habitants entretiennent avec leurs proches. Or, l’ouvrage est aujourd’hui le sujet d’une controverse. Les critiques et les défenseurs du livre ont débattu de la crédibilité d’Alice Goffman en tant que sociologue et de la scientificité de la méthode ethnographique, mais aussi de la responsabilité collective de la communauté des chercheurs en sciences sociales sur la qualité des recherches publiées. Après une présentation de l’enquête empirique et des principaux arguments d’Alice Goffman, cet article discute des enjeux de la controverse qui engagent directement la portée politique des sciences sociales: qui peut produire des savoirs sur quoi, et avec quelle crédibilité ?

Mots-clés

  • controverse
  • sciences sociales
  • méthode ethnographique
  • scientificité
  • Alice Goffman

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Linda Haapajärvi
Doctorante de l’EHESS, membre de l’équipe ERIS du CMH
ERIS, Centre Maurice Halbwach (CNRS‑EHESS‑ENS), 48 boulevard Jourdan, 75014 Paris, France
linda.haapajarvi@ehess.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 05/10/2016
https://doi.org/10.3917/socio.073.0301
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