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Introduction

1Les travaux portant sur l’avancée en mixité des métiers « féminins » ou « masculins » (Couppié & Epiphane, 2008) occupent désormais une place à part entière en sciences sociales, aussi bien dans le champ de la sociologie du genre et des rapports sociaux de sexe que dans celui de la sociologie du travail et des professions (Laufer et al., 2003 ; Causer et al., 2007 ; Malochet, 2007 ; Guichard-Claudic et al., 2008). Ce type d’approche permet d’observer la force de l’ordre sexué dominant – fondé sur le double principe de différenciation et de hiérarchisation des sexes (Guillaumin, 1992 ; Kergoat, 2000) – ainsi que ses évolutions et recompositions contemporaines.

2En la matière, les métiers de l’encadrement sportif – entraîneur, moniteur, éducateur, etc. – constituent des analyseurs particulièrement pertinents (Mennesson, 2005 ; Chimot, 2004, 2008 ; Bacou, 2011), tant cet univers peut être globalement considéré, encore aujourd’hui, comme l’un des fiefs de la masculinité valorisant à la fois force physique, endurance, technicité, esprit de compétition, etc. (Elias & Dunning, 1994 ; Louveau, 2006). Les pouvoirs publics ont à ce titre entamé depuis deux décennies une démarche de promotion du « sport au féminin » (Dechavanne, 1992 ; Deydier, 2004 ; Reneaud, 2010), action dont la mise en œuvre se poursuit actuellement (André, 2011). Partant de ce point de vue, le cas des Conseillers Techniques Sportifs, agents de la Fonction Publique d’État placés auprès de fédérations sportives délégataires pour les soutenir dans leur développement (voir infra), apparaît particulièrement exemplaire, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’examiner les places respectives des femmes et des hommes au sein d’une même profession.

3À partir d’entretiens réalisés auprès de trente-trois Conseillers Techniques Sportifs, dont seize femmes (voir encadré méthodologique), la présente recherche se propose de comparer les conditions d’exercice du métier entre femmes et hommes, ainsi que d’analyser le regard qu’ils portent sur leur etthos professionnel et les contraintes associées à leur travail. Il s’agit plus spécifiquement d’aborder les relations entre conditions de travail et organisation de la vie familiale [1]. Si la thématique de la conjugaison genrée des métiers a déjà été abordée de différentes façons par plusieurs travaux portant sur les professions dites « supérieures » (Quemin, 1998 ; Marry, 2004 ; Mathieu-Fritz, 2004 ; Pruvost, 2007 ; Lapeyre & Robelet, 2007 ; Zolesio, 2009 ; Milewski, 2004, 2011), l’intérêt de cette recherche nous semble double : d’une part, présenter un métier méconnu de la Fonction Publique d’État [2] et relevant d’un secteur prônant une égalisation des parcours professionnels entre femmes et hommes à statut équivalent (Doniol-Shaw & Le Douarin, 2005) ; d’autre part, mieux appréhender les modes d’articulation entre travail et famille, aussi bien chez des femmes que chez des hommes, permettant de ne pas se limiter à la seule problématique de « femmes dans un métier d’hommes », dans la mesure où « les univers professionnel et privé ne sont pas étanches, ni pour les femmes, ni pour les hommes » (Pailhé & Solaz, 2010, p. 33).

4L’une des caractéristiques du métier de Conseiller Technique Sportif, dont la description sera présentée en première partie, est de conjuguer des conditions de travail attrayantes à un faisceau de contraintes fortes. Cette configuration conduit à la définition communément partagée par l’ensemble des Conseillers Techniques Sportifs d’une idéologie du dévouement (Pruvost, 2007), d’un ethos professionnel placés sous le signe d’une disponibilité inconditionnelle à l’égard du travail (Lapeyre, 2006 ; Lapeyre & Le Feuvre, 2009) et d’une contamination de la sphère familiale par la sphère professionnelle (Julhe, 2012). Néanmoins, cette idéologie du dévouement apparaît plus ou moins fortement incorporée selon le sexe des individus et le prestige des tâches qui leur sont attribuées. Nous souhaitons ainsi étudier finement la différenciation sexuée des conditions de possibilités d’un fort investissement dans le métier et ses effets sur la sphère domestique et réciproquement, les conditions du maintien d’une vie familiale subjectivement jugée satisfaisante et son impact sur la vie professionnelle.

5Chercher à mieux comprendre le déroulement des parcours professionnels renvoie ainsi en grande partie à tenter de mieux cerner ce qui se joue autour et au sein du couple. En ce sens, cette recherche permet d’appréhender dans un même groupe professionnel, les conditions de possibilité de reconfigurations du rapport au métier pour les représentants des deux sexes, ainsi que les évolutions de la mise sous tension des sphères familiale et professionnelle à travers les contrats sociaux de genre (Fouquet et al., 1999 ; Silvera, 2010). L’idée structurante du propos est donc que l’étude des trajectoires professionnelles et des rapports individuels au métier ne peut pleinement s’appréhender sans tenir compte des configurations conjugales et familiales (Pruvost, 2007, p. 95).

Méthodologie de la recherche

Cette enquête, qui prolonge la réalisation d’un contrat de recherche au périmètre plus vaste et financé par la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale d’Aquitaine (Honta & Julhe, 2011), a consisté à réaliser des entretiens auprès de 33 CTS affectés en Aquitaine ou Midi-Pyrénées. La représentation d’une large variété de disciplines sportives a été assurée : Athlétisme, Aviron, Canoë-Kayak, Football, Gymnastique, EPGV, Handball, Handisport, Judo, Karaté, Pelote Basque, Rugby, Surf, Tir. Parmi cet ensemble, 14 CTS dont 7 femmes, occupent des fonctions de niveau national, tandis que les 19 autres, dont 9 femmes, exercent leur mission à un niveau régional (voir tableau 1 de l’annexe électronique [3]). Ces entretiens, d’une durée moyenne d’une heure et quarante-cinq minutes, visaient à aborder quatre points principaux :
  1. Les trajectoires sociales des CTS, afin d’observer la manière dont se mêlent dans un premier temps parcours sportif et scolaire, puis la façon dont se déroule leur parcours professionnel ;
  2. L’explicitation du faisceau de tâches effectuées par les CTS, en distinguant les hiérarchisations implicites de légitimité et de valorisation entre activités, publics et lieux d’exercice professionnel ;
  3. La façon dont les CTS organisent leur vie familiale, au regard de leurs contraintes professionnelles : loisirs en famille, mode de garde des enfants, répartition du travail domestique, etc. ;
  4. Le rapport que les CTS entretiennent vis-à-vis de leur statut d’agent de la Fonction Publique d’État, de façon à rendre compte du point de vue qu’ils développent sur l’action de leur Ministère de tutelle et de ses services déconcentrés, ainsi que sur les différentes vagues de réformes et de modernisation de l’administration.
La retranscription intégrale de ces entretiens et leur analyse par la méthode thématique ont permis que soient livrés, au croisement d’éléments objectifs et subjectifs, le sens que les CTS accordent à leur travail ainsi que la façon dont ils perçoivent l’incidence que celui-ci peut avoir sur leur vie conjugale et parentale.

Un métier masculin dévoué à la “cause sportive”

6Dans la mesure où l’analyse des situations professionnelles consiste à associer la façon dont le travail s’impose aux individus et la manière dont ils le redéfinissent activement (Avril et al., 2010), l’objectif de cette première partie est d’éclairer non seulement la genèse de ce corps de la Fonction Publique d’État (FPE) et la définition officielle des fonctions dévolues aux Conseillers Techniques Sportifs (CTS), mais également d’appréhender la place respective des hommes et des femmes dans ce métier ainsi que le point de vue qu’ils et elles développent sur leur travail et son organisation.

Une activité de service public portée par la passion au travail

7En France, l’organisation et le développement des pratiques sportives associent étroitement l’action de l’État et celle des fédérations sportives agréées et délégataires de puissance publique [4]. Au plus fort du développement de l’État-Providence dans les années 1960, le sport de haut niveau et la production d’une élite sportive ont été élevés au rang de mission d’intérêt général. Ce modèle d’organisation apparaît à l’époque comme une « troisième voie » entre le sport étatisé des pays de l’Est et le sport privé du bloc anglo-américain (Defrance, 1994). Outre la construction sociale de ce qu’est l’élite sportive en France (Honta, 2002 ; Fleuriel, 2004), le contenu de cette politique publique prévoit également la constitution d’un réseau de structures d’entraînement majoritairement situées dans les établissements publics du Ministère chargé des sports. Depuis 1995, c’est sur le réseau des Pôles « France » et « Espoirs » que repose cette préparation. L’entraînement des athlètes y est placé sous la responsabilité d’un corps spécifique de fonctionnaires, recrutés sur concours [5] et cadres de la FPE : les CTS [6], dont les effectifs totaux s’élèvent à 1 689 agents pour l’année 2011 (voir tableau 2 de l’annexe électronique, http://sociologie.revues.org/1424).

8Pour les représentants de l’État, ces cadres sont perçus comme un moyen d’assurer la mise en cohérence entre les interventions publiques et celles du mouvement sportif. En effet, bien qu’agents de la FPE dépendant de l’autorité hiérarchique d’un Directeur Régional de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS), chefs des services déconcentrés du Ministère des Sports en région, les CTS sont également placés auprès d’une fédération sportive. Cette mise à disposition de personnels, qui constitue au niveau international une exception française en matière de gestion du sport, a d’emblée été vécue comme positive par les dirigeants des fédérations (Chifflet, 1988).

9S’agissant des missions assumées par les CTS, les textes officiels se contentent de les préciser très globalement. Leurs fonctions sont en effet susceptibles de porter sur la détection de la future élite sportive, l’encadrement et l’entraînement des sportifs et sportives de haut niveau, l’organisation du « double projet » – sportif et scolaire – de jeunes espoirs, la formation des candidats aux diplômes délivrés par le Ministère des Sports, ou encore le développement de la pratique sportive autour de thématiques prioritaires (e.g. sport et santé, sport et handicap, etc.) (Honta, 2007). Le décret de 2005 les concernant stipule que le contenu détaillé des tâches et les modalités d’intervention de chacun des agents doivent être spécifiés dans une lettre de mission. Cette dernière, de portée annuelle ou pluriannuelle, est établie par le chef de service, après avis de l’agent intéressé, et sur la base de propositions formulées par le Directeur Technique National (DTN). Un point essentiel reste par ailleurs de l’unique ressort du DTN : le niveau d’intervention du CTS. La déclinaison de ses missions peut en effet se réaliser entre un niveau « régional » (e.g. diriger l’équipe technique d’un pôle espoir, soutenir le développement d’une discipline sportive sur un territoire, etc.), conférant au CTS le titre de Conseiller Technique Régional (CTR), et un niveau « national » (e.g. entraîner une équipe de France, participer à la préparation olympique d’athlètes, etc.), cumulable avec des missions régionales et donnant accès au titre de Conseiller Technique National (CTN). Malgré la nomination sur concours, le mode de recrutement et de progression des CTS s’apparente donc à un système par cooptation « privilège rare dans l’administration » (Chimot & Schotté, 2006, p. 100). De plus, la distinction entre ces deux niveaux d’intervention correspond à une hiérarchisation du prestige professionnel :

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« Accompagner les gens quand ils sont sur de la sélection internationale, aux championnats d’Europe, aux championnats du monde… c’est quelque chose qui est très valorisant, qui est très plaisant, ça c’est sûr et certain […] c’est quelque chose d’intéressant, tout ce qui touche à l’international… c’est quelque chose qui nous plaît à tous, où personne ne rechigne à le faire. »
(Martial)

11Concernant l’exercice effectif de leur métier, tous les CTS interviewés insistent sur le caractère pléthorique de leurs missions et son corollaire, l’importance du volume de travail qu’ils effectuent et qui, selon eux, ne permet aucune comptabilisation officielle de ce dernier. Exercer le métier de CTS, dont les modes de régulation du temps de travail se rapprochent fortement de ceux des cadres du privé (Gadéa et al., 2011), revient bien souvent à « ne pas compter ses heures » et à « ne pas faire ça pour l’argent » [7]. Pour les interviewés le maître mot résumant cette forme de dénégation du caractère économique de leur activité est l’expression d’un rapport volontariste et expressif au travail, et au final d’une très forte « passion » pour le sport et le métier :

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« C’est un travail dans lequel on postule et puis après y’a toute cette passion qui rentre dedans, donc on est accroché, du coup y’a un investissement plus plus plus. »
(Nathalie)

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« J’ai pas envie que le boulot devienne ma vie… mais, vu que c’est une passion… ben ça fait partie entièrement de ma vie. Donc je le vois plus pour l’instant comme une passion que comme un travail. »
(Armand)

14Pour saisir au mieux cet aspect et sans méconnaître la difficulté à cerner la nature du rapport au travail à partir de récits subjectifs (Méda, 2010), il est nécessaire de rappeler qu’au-delà du concours obtenu, la poursuite de cette carrière est principalement le fruit d’un long processus de socialisation et d’acculturation au monde sportif comme pratiquant.e, puis compétiteur ou compétitrice, suivi du réajustement d’une vocation pour les métiers de l’encadrement des activités physiques. Par ailleurs, la mise en avant de la passion au travail a déjà pu être décrite comme l’une des caractéristiques essentielles des métiers de l’entraînement et de l’animation sportive (Bouhaouala & Chifflet, 2001 ; Chimot & Schotté, 2006 ; Julhe & Haschar-Noé, 2010). De façon générale, les CTS se caractérisent en fin de compte, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, par un ethos professionnel placé sous le signe d’une disponibilité inconditionnelle aux athlètes encadrés, ce qui implique, comme nous le verrons, un manque de disponibilité à l’égard de la famille et de la vie domestique. Toutefois, la population des CTS interviewés se révèle plus hétérogène qu’il n’y paraît au premier abord quant à la façon d’envisager le métier et notamment dans son rapport à la sphère familiale.

Une profession modelée par l’hégémonie masculine et la « virilitude »

15Le Ministère des Sports emploie à ce jour près de 1 700 CTS, représentant 47,6 % de ses agents [8]. Toutefois, même si le métier est en voie de féminisation – la part de femmes passant 10,8 % à 15,7 % au cours des dix dernières années (voir tableau 2 en annexe électronique) [9] – il s’agit, au sein de cette administration, de l’un des postes d’encadrement le moins féminisé (André, 2011). Malgré ce rapport démographique déséquilibré et tout comme dans d’autres métiers de la fonction publique anciennement « masculins », tel officier de police ou enseignant du supérieur, l’entrée des femmes et la négociation de leurs conditions d’accès ou d’exercice du métier ne sont plus aujourd’hui sujets de débat (Marry, 2003 ; Boussard et al., 2007, p. 75 ; Musselin & Pigeyre, 2008). Leurs compétences techniques et relationnelles sont en effet rarement remises en cause et les hommes CTS interviewés se refusent à apporter un jugement différencié sur le travail de leurs homologues. Néanmoins, l’absence de résistance explicite à l’augmentation progressive de la part de femmes dans la profession ne signifie pas pour autant féminisation des conditions d’exercice du métier. Comme le rappellent parfois les représentants du Ministère de tutelle, les femmes CTS sont enjointes à se conformer à l’ethos professionnel de la disponibilité totale envers les « missions » qui leurs sont confiées :

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« Le Directeur Technique National d’avant, il disait que de toute façon les femmes étaient pas faites pour être cadres techniques, c’était pas compatible… sauf si elles adoptaient un mode masculin. »
(Valérie)

17Les femmes CTS, notamment celles entrées en poste depuis peu, se sentent finalement dans l’obligation déontique de faire leurs preuves et se condamnent en quelque sorte à l’excellence :

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« Je me dis qu’à un moment donné (rires) c’est à nous aussi de leur montrer [aux hommes] qu’on est capable de faire les choses. C’est surtout ça, c’est qu’à un moment donné, il faut qu’ils nous fassent confiance et si on travaille avec eux, c’est de leur dire qu’on est capable de leur apporter des choses. […] C’est de montrer qu’on était capable, qu’on soit une femme ou un homme, d’avoir des postes à responsabilités, qu’on est capable de faire comme les hommes. »
(Aurore)

19Le métier de CTS semble donc, sur la thématique du genre, correspondre au modèle de la virilitude décrit par Le Feuvre (1999, 2007), i.e. un processus d’assimilation des femmes à la profession par leur adhésion relative à des modes de fonctionnement masculins. En outre, bien que les femmes CTS ne se perçoivent pas comme discriminées professionnellement, l’objectivation des places professionnelles fournie par la distinction entre CTR et CTN donne un aperçu de la hiérarchisation sexuée des tâches et des prestiges. Les femmes sont en effet moins présentes parmi les CTN qu’elles ne le sont parmi les CTR (voir tableau 3 en annexe électronique, http://sociologie.revues.org/1425). Si la progression de la place des femmes dans le métier est indéniable, il apparaît également que ce processus est plus important et plus rapide dans les postes relevant de missions « locales », l’arrivée des femmes rencontrant une plus grande inertie au niveau des missions plus prestigieuses, dites « nationales ». Sans qu’il soit possible, compte tenu des données dont nous disposons, de véritablement parler de « plafond de verre » (Buscato & Marry, 2009), il est certain que contrairement à l’exemple des commissaires de police, le métier de CTS ne suit pas une féminisation « par le haut », mais bien une forme plus courante de féminisation « par le bas » (Pruvost, 2007). Partant de là et considérant que la virilitude n’est jamais complète et univoque, l’hypothèse peut être posée d’une différenciation sexuée de la manière d’appréhender la trajectoire professionnelle mais également les relations entre exercice du métier et vie familiale.

L’ambition professionnelle et ses effets sur la sphère familiale

20Au-delà de la passion affichée pour le métier, deux tiers des CTS interviewés font explicitement référence à une « ambition professionnelle » :

« Il y a plusieurs manières de faire le boulot, et moi j’ai une vraie ambition de réussite […] Je veux avancer là-dedans, je suis passionné et ambitieux […] J’ai de l’ambition ça c’est clair, je souhaite avoir une vie professionnelle de qualité. »
(Mathieu)
« Avant le concours, j’avais peur de me lancer, parce que l’idée qu’on s’en fait c’est que c’est vachement élitiste d’être cadre technique. Moi, déjà m’inscrire au concours, oser dire au monde fédéral que j’ai l’ambition d’être cadre technique… […] Bon maintenant, je suis cadre technique, j’ai plus du tout cette image […] Je suis ambitieuse dans mon projet professionnel, j’ai envie d’évoluer, donc je fais en sorte de pouvoir faire du bon boulot. »
(Maude)
Si le discours de « l’ambition » se retrouve aussi bien chez des hommes (11/17) et des femmes (12/16), ce deuxième extrait d’entretien montre sans conteste la difficulté qu’il y aurait pour ces dernières à afficher publiquement leurs prétentions, illustrant la position de retrait relatif qu’elles occupent au sein de l’espace professionnel. Pour l’ensemble des CTS mentionnant cette « ambition », qui se caractérisent par leur passé de sportifs ou sportives de haut niveau (17/23) et le fait d’exercer auprès de leur fédération sportive d’origine, la poursuite de cet objectif a comme corollaire un engagement au travail particulièrement extensif et l’acceptation de nombreux sacrifices. Pour eux, mettre sur un pied d’égalité l’engagement professionnel et la vie familiale apparaît difficilement envisageable, l’un pouvant seulement se réaliser au détriment de l’autre. Placé.e.s face à une alternative constitutive d’un rapport unidimensionnel au travail (Méda, 2001) et décrite comme consubstantielle au sport de haut niveau, hommes et femmes ne font pas cependant les mêmes choix et surtout ne les réalisent pas dans les mêmes conditions. S’il y a lieu, la construction des positions professionnelles dépend notamment des contrats sociaux de genre fixés dans les couples (Silvera, 2010), résultant eux-mêmes d’arrangements conjugaux où les ressources différentielles de chaque partenaire et la façon dont chacun perçoit la distribution des statuts au sein de la famille jouent un rôle (Bertaux-Wiame, 2004 ; Le Douarin & Doniol-Shaw, 2008).

Des hommes subordonnant leur vie familiale à leur réussite professionnelle

21Plus de la moitié des hommes CTS rencontrés (11/17) déclare se consacrer pleinement à leur activité professionnelle et évoque l’importance de leur volume de travail, les horaires atypiques, les absences répétées du foyer, la poursuite des tâches professionnelles à domicile, etc. Face à ces contraintes, ils reconnaissent d’eux-mêmes la nécessité d’une configuration conjugale particulière pour assurer le maintien du couple et de l’unité familiale. Pour eux, la conjointe « idéale » est désignée comme ayant été sportive de haut niveau et/ou travaillant dans le secteur de l’animation ou de l’éducation sportive [10]. Selon eux, une union stable pourrait uniquement se réaliser dans le cadre de la connivence fournie par le partage d’une même « passion » :

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« J’ai la chance d’avoir une épouse qui a été très sportive, qui a fait aussi le sport-étude, donc elle comprend. Elle a je dirai un seuil de tolérance qui est plus qu’acceptable […] Elle est aussi éducatrice sportive, sur des activités de pleine nature, mais dans le privé. »
(Martial)

23Une conjointe disposant d’une bonne connaissance du milieu sportif est perçue comme un gage de compréhension, voire d’acceptation, des spécificités du métier et de l’engagement de tous les instants dont ces hommes font preuve. Par ailleurs, les hommes CTS font régulièrement référence à l’antériorité de leur investissement sportif par rapport à leur relation amoureuse. Leur compagne les aurait ainsi « toujours connu comme ça » ou aurait été « prévenue dès le départ », impliquant qu’elle « savait à quoi s’attendre » et « connaissait les risques du métier », autant de propos permettant à la fois de se justifier face au sociologue et de rendre compte des entraves faites à toute demande visant à modifier un investissement professionnel devenu trop envahissant avec le temps.

24Cette attente de compréhension peut également conduire à une subordination de la conjointe aux ambitions professionnelles des hommes CTS, celle-ci devant reformuler, mettre en attente, voire abandonner, sa propre carrière professionnelle pourtant stable ou rémunératrice, conduisant à créer une configuration conjugale de male breadwinner. Bien que les CTS soient cadres de la FPE, leur nomination, changement d’affectation et évolutions de carrière, résultent d’« opportunités » offertes par les DTN de leur fédération de rattachement lors de la redéfinition des lettres de mission (voir supra). À ce titre, la progression des CTS dans la hiérarchie des tâches renvoie moins au modèle de la progression à l’ancienneté, qu’à celui observé auprès des cadres bancaires (Bertaux-Wiame, 2006) et plus largement des cadres du privé qui se voient « encouragés à une certaine mobilité, gage d’une bonne adaptation aux besoins de l’entreprise. La capacité à la mobilité constitue aussi un critère d’évaluation du personnel » (Laufer & Fouquet, 2001, p. 258). Pour les hommes CTS, la justification auprès de leur conjointe de tels changements joue sur de possibles effets d’irréversibilité dans les choix de carrière et l’idée de pouvoir atteindre une situation « qui ne se représentera pas » :

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« Mon arrivée ici, c’est une opportunité qu’il y a eu sur la région, un collègue qui est parti. Il y a eu un appel d’offre… En parlant avec ma compagne, on s’est dit “tiens on n’a pas encore 30 ans, on n’a pas d’enfant, ça peut être intéressant […], si on tente pas maintenant, on va peut-être le regretter” […] ma femme a dû démissionner pour me suivre. Elle était ingénieur sécurité à la ville de X. […] Ici elle n’a pas encore retrouvé d’emploi. » [3 ans séparent cette démission de l’entretien]
(Marc)

26Chez les hommes CTS fortement engagés dans le métier, les configurations conjugales et professionnelles aboutissent donc à reproduire l’ordre sexué dominant et le modèle d’un ménage dépendant – sur le plan financier et de la mobilité – de l’activité professionnelle de l’homme. Par ailleurs, malgré la patience de leur compagne, 8 des 11 CTS de ce groupe concèdent avoir déjà subi reproches et remontrances pour les formes prises par leur engagement au travail. Contrairement à ce qui peut être observé dans d’autres professions, par exemple les cadres bancaires (Bertaux-Wiame, 2006), les sources d’agacements (Kaufmann, 2007) ne procèdent pas tant des absences répétées que de l’immixtion du travail dans le foyer et du brouillage qu’il induit quotidiennement dans les interactions conjugales (e.g. téléphone, e-mail, travaux à terminer, etc.) :

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« Ce sont les multiples coups de téléphones… que ma femme hait (rires) [imitant la voix de son épouse] “Ils peuvent pas t’appeler un autre jour, ils peuvent pas t’appeler à une autre heure, tu y as été toute la journée”. Donc voilà et je la comprends. Mais premièrement on aime ça et puis deuxièmement, c’est notre boulot, c’est un peu difficile de ne pas répondre […] je comprends pourquoi elle gueule et en même temps c’est plus fort que moi. »
(Arnaud)

28Cette dernière déclaration illustre pleinement un engagement professionnel perçu comme incontrôlé et incontrôlable par le maintien de sa présence mentale au foyer, qui participe pourtant à la définition du bonheur personnel, au risque que « l’identité individuelle » ne trouve plus à terme sa place dans le « moi conjugal » (Singly, 2003).

29Les difficultés affectives, mais surtout organisationnelles, peuvent encore s’accentuer avec l’arrivée des premiers enfants, qui, observée à l’échelle de l’ensemble de la population française, induit le plus souvent une renégociation des contrats sociaux de genre (Pailhé & Solaz, 2010). Or, pour les CTS, le temps consacré aux déplacements hors du foyer pour les entraînements, stages ou compétitions devient synonyme d’une impossibilité à redéfinir et rééquilibrer la division sexuée des rôles familiaux. À moins de pouvoir compter sur un fort soutien familial, la compagne d’un CTS animé par son engagement au travail est enjointe à assumer quasiment seule le travail domestique et la présence auprès du ou des enfants. Le sens de la formule de l’un des enquêtés est ici particulièrement parlant :

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« La naissance de mes gamins ça change quand même un peu la donne, parce que bon… je veux dire, quand avant je partais, elle avait toute sa disponibilité, maintenant quand je pars elle a surtout toute sa responsabilité. »
(Mathieu)

31La mise en tension progressive du couple, nourrie par une accumulation d’incartades à la norme de rapprochement et de solidarité entre conjoints, peut conduire à la désaffection et à la rupture conjugale. Sur ce point, la présentation d’un dernier cas d’homme CTS permet d’appréhender les processus de désagrégation à l’œuvre :

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« J’ai eu la chance pendant 15 ans de suivre des sélections nationales et l’équipe de France A, j’y suis resté 4 ans […] Pendant des années moi j’ai eu l’été deux semaines de vacances avec ma famille donc j’ai pas vu forcément beaucoup grandir mes garçons. Mais bon, je faisais un métier qui était tellement passionnant. Eux ils étaient contents de me voir quand ils me voyaient, et ils voyaient un papa qui était content de faire ce qu’il faisait. Mais bon, c’est pas une vie de famille facile […] On est séparé maintenant […] Tous les CTS, on a tous des vies familiales qui ont explosé. Et encore, moi ma femme elle a été relativement patiente parce que j’ai eu la chance de tomber sur quelqu’un qui était bien chez elle, qui était pas tout le temps en train de demander à partir en vacances ou autre. Mais à un moment donné, on a fini par avoir deux chemins différents, elle le sien, moi le mien […] ça fait déjà des années et des années qu’elle ne veut plus aller voir un match, parce que voilà, elle en a ras le bol… alors que moi c’est vrai que bon cette année je suis allé même pour mes vacances, j’ai pu prendre mes vacances en septembre et qu’est-ce que je fais… ben je suis allé à X voir le championnat du monde. »
(Bruno)

33Cet extrait résume bien la manière dont les hommes CTS affichent leurs ambitions professionnelles à travers un (sur) engagement au travail, vécu comme fondamental et pouvant amener à la séparation – 7 des 17 hommes CTS interviewés déclarant avoir déjà rompu avec une conjointe en raison de leur activité professionnelle. À la différence de périodes antérieures où le divorce n’était pas banalisé, le surinvestissement professionnel des hommes n’implique plus le maintien des femmes dans leur rôle conjugal. Loin de blâmer leur ex-conjointe, ces hommes préfèrent incriminer leur profession, signe d’une évolution des rapports sociaux de sexe. En définitive, comme l’indique l’un des enquêtés, « le mal de beaucoup de CTS, c’est que le métier bouffe leur vie ».

Des réussites féminines toujours incomplètes et sous conditions

34Parmi les enquêtées, 12 femmes sur 16 déclarent prétendre à des missions plus prestigieuses que celles qu’elles réalisent déjà ou avoir des ambitions professionnelles fortes. Cette proportion importante tend à corroborer l’idée d’engagements féminins réalisés selon le modèle de la virilitude, où les femmes mettent en avant, voire sur-jouent, des modes d’investissement professionnel en grande partie calqués, ici comme ailleurs, sur ceux des hommes (Laufer & Fouquet, 1999). Autrement dit, comme pour les hommes, le modèle de réussite proposé aux femmes CTS consiste à sacrifier volontairement une grande partie de leur vie hors du milieu sportif et du travail.

35Sur le plan conjugal, les situations des femmes CTS fortement investies dans le métier diffèrent néanmoins de celles des hommes. Celles-ci ne citent jamais l’importance d’avoir un conjoint au fait des codes du mouvement sportif, quand bien même quatre d’entre elles ont un compagnon travaillant dans ce domaine. Elles mettent au contraire en avant le risque de solitude que l’engagement dans ce métier fait peser sur elles, 6 des 16 interviewées étant célibataires :

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« Il y en a certaines qui sont dévouées corps et âmes et qui sont prêtes à travailler à n’importe quelle heure, on peut les avoir à toutes les heures du jour et de la nuit. Elles ne font que ça. Elles n’ont pas de vie de famille, pas d’enfant, pas d’amant ou alors je sais pas comment elles font pour le caser. »
(Valérie)

37Si les femmes CTS préfèrent évoquer ces reports de conjugalité (Bertaux-Wiame, 2006) de façon détournée en soulignant la situation d’« amies » et de « collègues », l’une des interviewées présente son propre cas, non sans ironie :

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« Moi j’ai pas de problème parce que j’ai pas de famille […] Je suis célibataire donc j’ai pas de souci […] J’ai pas d’obstacle (rires) […] Oui pour l’instant je suis seule ça me pose pas de problème […] Sinon je pense que ça doit être très problématique. »
(Anne-Marie)

39Ces situations de célibat prolongé rapprochent les femmes CTS du cas des enseignantes du secondaire en recherche d’ascension professionnelle (Jarty, 2009), des officiers de police (Pruvost, 2007, p. 95) et plus largement de l’ensemble des femmes cadres et ingénieures (Laufer & Fouquet, 2001, p. 256 ; Laufer & Pochic, 2004, p. 160). De la même manière, pour celles ayant un conjoint ou au moins un enfant (11/16), la réussite de leur parcours implique de retarder la prise de responsabilités importantes :

40

« J’ai eu le premier concours en 87 […] jusqu’en 98, j’encadrais les équipes de France juniors […] mon fils est né en 93, au bout d’un moment… c’est devenu très compliqué, enfin pour moi je voyais plus les autres enfants que le mien, vraiment ce n’était plus possible. À titre personnel, ce n’était pas possible, donc j’ai carrément explosé. J’ai eu l’opportunité de pouvoir avoir un poste de conseiller d’animation sportive sur la Direction Régionale […] je me suis régalée, j’ai profité de mon fils et au moins quand mon homme était là, j’étais là (rires). […] Maintenant [mon fils] est grand, donc voilà c’est en partie ce qui explique mon parcours. [Depuis peu] j’ai de nouveau des missions nationales sur les évaluations, les analyses vidéos, avec l’équipe de France jeune. »
(Stéphanie)

41Cet extrait illustre bien un profil de parcours professionnel en « M » tel que rencontré fréquemment en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore au Pays-Bas (Angeloff, 2006). L’activité s’accroît puis décline autour de la naissance du premier enfant, l’employeur offrant peu d’aide pour la prise en charge de ce dernier, pour ouvrir de nouvelles perspectives une fois la petite enfance passée.

42Lorsqu’elles sont en couple (10/16), les femmes CTS ayant de fortes ambitions professionnelles n’échappent finalement à ces ralentissements qu’à la condition de pouvoir s’appuyer sur la présence d’un conjoint qui accepte de soutenir la carrière de sa compagne, au détriment de la sienne si nécessaire, ce qui rejoint une nouvelle fois le modèle masculin de l’engagement intense au travail. Le cas de Laura est exemplaire de ce point de vue. Cette ancienne compétitrice de très haut niveau a rapidement obtenu de grandes responsabilités à la suite de l’arrêt de sa carrière sportive, tel l’entraînement d’équipe en préparation olympique. À ce propos, elle précise non sans fierté : « il y a très peu de femmes qui ont eu des missions que j’ai eues. » Malgré cela, elle déclare également ne pas avoir voulu postuler aux plus hautes distinctions auxquelles elle aurait pu prétendre et s’être imposé une limite :

43

« Je sais aussi sur quel poste je ne pourrai pas postuler. C’est-à-dire que le profil que j’avais, après il restait « deux échelons » : DTN adjoint chargé à un truc et DTN. On m’a proposé un poste très important, que je n’ai pas accepté. Parce que ça demandait d’être beaucoup présent sur Paris et ailleurs. J’étais partie en moyenne 15 jours par mois, c’est quand même énorme, mais ça aurait été une autre organisation, par rapport à mon enfant ça aurait peut être été un peu difficile. Voilà, par rapport à ça je connais mes freins. »
(Laura)

44La suite de l’entretien donne à voir le soutien important dont elle a bénéficié de la part de son conjoint, également CTS, tout d’abord lorsqu’elle était sportive de haut niveau puis en tant que CTS. Ce cas peut ainsi être assimilé au modèle du compagnon ressource (Le Douarin & Doniol-Shaw, 2008, p. 88), mais il faut également considérer qu’il s’agit là d’une forme particulière d’hypogamie, le conjoint de Laura disposant d’un moindre capital sportif qu’elle (nombre de titres, niveau de sélection, etc.). Comme cela a déjà pu être souligné par ailleurs : « les conjoints décident parfois de miser sur la carrière la plus prometteuse, que ce soit celle de l’homme ou, moins fréquemment, celle de la femme » (Pailhé & Solaz, 2009, p. 474). Cet élément apparaît essentiel à la compréhension de la présente trajectoire :

45

« J’ai la chance d’avoir un mari qui m’a accompagnée dans ma carrière de haut niveau, donc déjà qui s’est un peu effacé pour que je puisse faire ça. […] J’ai eu mon enfant en 2004 et mon mari aurait aimé avoir un enfant à partir de 1997. […] il ne m’a jamais reproché d’attendre. Moi, je lui avais dit “écoute, on fera un enfant après ma carrière” et il a accepté […] Je le vois sur des petits trucs simples, s’il ne partageait pas mes projets, il me ferait remarquer que je suis partie pendant 15 jours, que mon fils il était triste, et puis il renverrait aussi cette image négative à mon enfant, donc mon enfant il le vivrait mal. Alors que moi, il partage le projet, donc mon gamin quand je suis partie il sait que sa maman elle part et il n’est pas plus frustré que ça… »
(Laura)

46Néanmoins, bien que l’investissement du conjoint dans le travail domestique soit conséquent, il n’a pas dispensé Laura de l’intendance générale du foyer :

47

« J’ai un mari qui est vraiment hyper charmant, qui m’aide sur toutes les tâches annexes, mais franchement si j’étais un mec, pour l’investissement professionnel, moi j’ai l’impression que ça serait vraiment le pied quoi (rires). Parce que même s’il m’aide énormément, quand je suis en déplacement c’est lui qui prend le relais, mais par exemple avant de partir, je vais avoir à organiser toute la maison pour ne pas qu’il soit en difficulté. »
(Laura)

48Enfin, il est possible de noter que l’époux de Laura n’a pas totalement abandonné ses propres prétentions professionnelles, contrairement à ce qui a été observé concernant les conjointes des hommes CTS. Il peut maintenant y donner libre cours à la suite d’un jeu conjugal de don/contre-don :

49

« Il a tout le temps partagé mon projet, voilà, quitte à s’effacer un peu à un moment donné […] Là maintenant c’est lui qui a davantage de missions nationales… c’est moi qui le pousse aussi à prendre des missions nationales dans son domaine […] Il n’y a pas de raison que ce soit toujours moi… maintenant là, il s’éclate. »
(Laura)

50En définitive, malgré des similitudes avec les situations de subordination des conjointes aux ambitions professionnelles de leur compagnon, la configuration est ici différente. Le cas de cette CTS montre de manière ramassée comment la configuration conjugale la plus favorable à l’expression de l’ambition professionnelle est toujours marquée par une série de limitations, à la fois incorporées par l’individu et extérieures à la situation de travail. Si la réussite de plusieurs femmes CTS apparaît importante, elle ne reproduit pas de manière symétrique les modes de fonctionnement observés chez les hommes. Il s’agit alors d’observer la façon dont se réalise la mise en tension entre ambitions professionnelles et volonté d’établir ou de stabiliser la vie conjugale et parentale.

Différenciation sexuée des conditions et des effets d’un refus de priorité accordé au métier

51Tous les interviewés n’affichent pas leurs prétentions à se lancer dans la « course au prestige ». Plus encore, la moitié des CTS enquêtés (17/33) affirment leurs ambitions familiales et le refus de laisser le métier prendre une place prépondérante dans les rapports qui se tissent entre sphères de la vie sociale :

« Moi, je n’ai jamais été très ambitieux… pour ma vie, j’ai jamais été plus ambitieux que d’avoir un boulot qui me plaisait et une vie tranquille. »
(Hugo)
« J’ai pris ce poste là [CTR] et ce qui me fait plaisir c’est qu’on arrive à créer un peu les choses comme je souhaitais les voir évoluer. Après des ambitions… non… Je ne me planifie pas pour être ci ou ça… J’ai des missions qui me plaisent et je les gère en faisant grandir du mieux que je peux mes enfants. »
(Samia)
Au croisement des ambitions professionnelles et des ambitions familiales se crée un espace de tensions où la réussite au travail ne peut s’envisager au « prix de tous les sacrifices ». Là encore, femmes et hommes ne traitent pas de la même façon le souhait d’« avoir une vie personnelle épanouie », expression floue s’il en est (Vandelac et al., 1985) qui se traduit ici par la possibilité de partager des activités de loisir avec son conjoint et/ou ses enfants, de ne pas laisser le travail s’immiscer dans l’espace domestique tout en conservant une « passion » pour son métier. En la matière, les choix effectués par les femmes se révèlent davantage contraints que ceux des hommes et engendrent de plus grandes répercussions sur les trajectoires professionnelles, corroborant à nouveau que le modèle de la virilitude prime dans ce métier. A contrario, les velléités de certains hommes – dont les propriétés sociales sont très spécifiques au regard des autres CTS – à mieux équilibrer les rapports entre sphères professionnelle et familiale, pourraient laisser penser aux prémices d’une recomposition du rapport au métier.

Des femmes tiraillées entre famille et travail au risque de la rupture professionnelle

52Bien que la majorité des femmes CTS interviewées mentionnent les ambitions professionnelles qui sont les leurs (12/16), elles sont également nombreuses (10/16) à déclarer vouloir porter une plus grande attention à leur vie conjugale et familiale. Ces femmes se décrivent tiraillées entre leurs ambitions professionnelles, profondément incorporées tout au long de leur parcours sportif et de formation, également entretenues par le discours de leur institution de rattachement, et la force de rappel de ce que serait leur « destin de femme » – faisant du bloc idéel mère-épouse un état désirable et désiré (Le Feuvre, 1999 ; Jarty, 2009) – notamment mis en avant par leur entourage. Ces situations renverraient à peu de choses près aux crises dispositionnelles observées par Zolesio dans le cas des chirurgiennes (Zolesio, 2009, p. 126). Même si les questions se posent de manière différente selon l’âge de ces femmes et leur ancienneté dans le métier, force est de constater que, prises dans l’alternative, elles envisagent le plus souvent par anticipation de contenir leurs prétentions professionnelles ou ralentir leur évolution de carrière (voir supra). Plus rarement (6/16), cette torsion entre travail et hors travail peut également conduire celles qui aspirent à la « recherche d’équilibre » (Marry, 1995 ; Ferrand et al., 1996) à envisager de quitter le métier de CTS et à muter pour d’autres postes de la fonction publique, perçus comme plus favorables à la vie familiale (Jarty, 2009).

53Pour les plus jeunes des CTS formant ce groupe et celles n’ayant pas de conjoint (6/16), l’un des premiers enjeux est de construire et de stabiliser leur situation conjugale alors même que le travail en donnerait peu l’occasion :

54

« À l’heure actuelle, je suis célibataire (rires) et je commence vraiment à avoir peur de l’avenir parce que, ce n’est pas facile. […] ça me travaille énormément, parce que je ne sais pas qui peut accepter ça, parce que c’est hyper dur quoi. […] C’est un cercle vicieux parce que là, à l’heure actuelle vu que je suis célibataire, je peux me permettre de travailler un peu plus tard le soir, de travailler un peu plus le week-end, de-ci de-là, mais en attendant je ne prends pas du temps pour rencontrer du monde. Le jour où je rencontre quelqu’un, oui bien sûr que je vais le faire, je vais faire attention à mes horaires, mais en attendant, ce n’est pas possible. »
(Maude)

55Dans cet extrait, l’ambition professionnelle est présente mais subordonnée à l’éventualité de la vie conjugale. La diminution de l’engagement et la forme de la trajectoire professionnelle sont anticipées et tout se passe, pour cette CTS, comme si l’objectif était de monter le plus haut possible dans la hiérarchie professionnelle avant de donner un coup d’arrêt à ses prétentions pour se reporter sur le futur conjoint.

56Pour les femmes CTS en couple (10/16), la mise en tension procède avant tout de ce qu’elles ne rencontrent pas les mêmes facilités que leurs homologues hommes à faire accepter leurs ambitions professionnelles au conjoint. Elles s’inscrivent en effet dans un contexte d’interactions et de négociations conjugales propres aux couples à double carrière (Laufer & Pochic, 2004, p. 149). Si la perception d’« opportunités » et d’effets d’irréversibilités est la même, elles doivent en effet plus souvent y renoncer pour contenter un compagnon lui-même attaché à sa situation :

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« Quand j’ai eu le concours, on avait le choix sur un nombre limité de régions. Pour ma part c’était soit les Pays de la Loire, le Centre, le Rhône Alpes ou l’Aquitaine. Mon choix initial était les Pays de la Loire et mon mari m’a demandé de choisir l’Aquitaine parce qu’il fut un temps où il avait pour projet d’être moniteur de sport dans le milieu pénitencier et l’école est à Agen [en Aquitaine]… Et finalement, il ne l’a pas fait du tout (rires), il a complètement changé de voie. »
(Samia)

58Plus que les hommes, les femmes CTS acceptent de contenir leurs prétentions ou de ralentir leur évolution de carrière, conduisant à une « conciliation » travail-famille qui a tout l’air d’une concession. Les difficultés sont encore exacerbées pour celles ayant un ou plusieurs enfants (11/16), dans la mesure où déplacements fréquents et horaires extensibles les éloignent régulièrement de leurs proches. Les obstacles qu’elles rencontrent semblent toutefois démultipliés par rapport à ceux des hommes CTS car elles doivent simultanément faire face aux exigences professionnelles, aux responsabilités domestiques (Chabaud Rychter et al., 1985 ; Bozon, 2009) et enfin, aux fréquents rappels aux normes de genre émanant de leur environnement social (Mennesson, 2005). La naissance d’enfants, souvent repoussée, avive en effet des difficultés d’organisation de la vie domestique, d’autant que les femmes CTS ne peuvent généralement pas se décharger de ces tâches sur leur conjoint. Parvenir à assurer le gardiennage des enfants implique bien souvent des trésors d’ingéniosité :

59

« J’ai eu mon premier enfant en 97 et mon mari a été directeur des équipes de France de 97 à 2008 […] Donc on a eu 11 ans assez intenses. On avait une bonne nourrice, une nounou qui était vraiment disponible, elle pouvait me les garder le week-end, le soir, la nuit, voilà… mes parents qui venaient de Montpellier, mes beaux-parents qui venaient de Bretagne. Donc on a jonglé sur les plannings. »
(Valentine)

60Aux contingences matérielles s’ajoute une forme de pression sociale émanant aussi bien de la famille proche que de professionnels de la petite enfance, les femmes CTS étant rabattues vers leur rôle de mère et pointées du doigt pour les « manques affectifs » que feraient subir aux enfants les absences maternelles répétées et de longue durée :

61

« J’ai un gamin qui est très sociable et il y a eu une période où il ne voulait plus aller en crèche, aller chez la nourrice. Il n’y avait aucun problème, mais la demi-journée où il était en crèche, il se mettait à pleurer, tout ça. Donc convoquée chez la directrice, et la directrice qui me dit mais du tac au tac “Mais je pense, votre enfant, il a un problème parce que vous êtes souvent partie…”. […] Donc voilà, la culpabilité, elle vient plus du regard des autres… »
(Laura)

62Le progressif écartèlement entre obligations professionnelles et familiales qui suit l’arrivée successive des enfants peut également les conduire à envisager de quitter le métier de CTS. Ainsi, 6 des 16 femmes interviewées évoquent dans les entretiens une bifurcation de leur trajectoire professionnelle et prévoient de muter pour d’autres postes de la fonction publique. Maude indique notamment : « Moi je veux voir vivre, je veux voir grandir mon enfant. Je ne veux pas comme certaines collègues m’ont dit “je suis rentrée en mission nationale, mon gamin il avait 5 ans, un jour à 18 ans, je l’ai retrouvé, il est parti de la maison.” Ça je ne veux pas ». L’avenir professionnel est ici envisagé sous l’angle d’une reconversion volontaire (Négroni, 2007) qui permettrait d’accéder à un poste plus en adéquation avec leurs aspirations conjugales et familiales. Ce changement d’orientation ne se ferait pourtant pas sans regret :

63

« Je pense que si tout va bien je finirai CAS [11], parce que moi je veux pouvoir vraiment avoir une vie de famille, avoir des enfants, et puis être là pour eux, pour mon mari. Mais d’un autre côté c’est super frustrant. Mon ambition professionnelle fait que je n’ai vraiment pas envie de ça… Tant que je suis seule, je peux me dire “allez t’avances, t’avances, t’avances… tu ambitionnes des choses sur le plan professionnel” sauf que plus j’avance, plus je me coupe du monde extérieur et plus j’éloigne ce projet familial. »
(Maude)

64S’il apparaît que les femmes CTS peuvent globalement, et au même titre que les hommes, accéder aux fonctions les plus prestigieuses, pouvoir faire véritablement jeu égal avec leurs homologues et se maintenir durablement dans le métier se révèle particulièrement ardu. Un dernier cas permet d’analyser plus finement la conjonction et l’interaction des facteurs conduisant au désengagement et à la rupture professionnelle. Valérie – 46 ans, mère de trois enfants et CTS depuis plus de 15 ans – pose dès le début de l’entretien : « je suis sur le point d’arrêter mon activité… j’ai décidé de prendre ma retraite ». L’ensemble de son discours laisse transparaître l’enchaînement l’ayant poussée à cette décision. Valérie a débuté sa carrière sportive à l’âge de huit ans, pour devenir sportive de haut niveau à la fin de l’adolescence puis entrer « naturellement » dans une activité professionnelle en lien avec l’entraînement et le milieu fédéral. Dès cette époque, elle constate des difficultés à organiser travail et vie de couple, et subit une forme d’intermittence de la vie conjugale (Bertaux-Wiame, 2006), elle et son conjoint vivant alors à plus de 400 kilomètres l’un de l’autre :

65

« Pour moi ça a été éprouvant parce qu’en fait y’a des moments où je me demandais où j’habitais quand même, parce que là on essayait de construire quelque chose, mais en même temps j’étais jamais présente et bon lui il avait gardé un peu le rythme de vie qu’il avait auparavant. »
(Valérie)

66Bien que fortement impliquée dans son métier et assumant des missions nationales, Valérie souhaite à cette époque « ne pas tout sacrifier au travail » et projette de fonder une famille. Malgré une mutation géographique – pour une mission moins prestigieuse que celle remplie auparavant – lui permettant de se rapprocher du lieu de travail de son conjoint, les difficultés organisationnelles qu’elle rencontrait déjà augmentent avec la naissance de son premier enfant. Les obstacles implicites et surtout les rappels à la norme de disponibilité totale envers le métier émanent à la fois des instances fédérales et des services déconcentrés du Ministère de tutelle :

67

« À partir de l’arrivée des enfants ça a vraiment été compliqué à gérer […] Le DTN il avait écrit sur mon front que j’étais payée à élever mon enfant. […] Le directeur régional de l’époque m’avait dit : “vous savez madame, vous n’aurez pas vos mercredis, c’est un poste pour lequel je ne délivre jamais d’emploi à temps partiel”… et je lui avais dit : “mais pourquoi vous me dites ça, vous savez je suis cadre technique, je travaille le samedi, le dimanche, les soirées… donc j’aimerais comprendre, j’aimerais avoir mes mercredis de pris effectivement mais tout le reste de libre”. »
(Valérie)

68Dans ce contexte délicat, le conjoint n’apparaît pas avoir été un appui important. Ainsi, à la sphère professionnelle et au rôle de mère s’ajoute encore la gestion de l’économie domestique. Ce faisceau de difficultés cumulées entraîne un désengagement progressif au travail et la prise de conscience d’une forme d’aliénation, à la fois dans la vie professionnelle et familiale (Singly, 1987).

69

« J’ai entamé une psychothérapie à ce moment-là parce que c’était plus possible […] Je me suis dit “mais à quel moment j’existe, je suis là pour ramasser les culottes, les chaussettes et machin, donner à manger, prévoir, anticiper, travailler, faire, exécuter, être disponible pour mon mari, mais moi en tant que personne, qu’est-ce qui m’ouvre ? Qu’est ce que je vis en dehors de ça ? »
(Valérie)

70Cette réflexion débouche sur une remise en question de l’orientation professionnelle selon le modèle de désengagement, latence, bifurcation, réengagement, décrit par Négroni (2007). Ce processus s’inscrit par ailleurs dans l’opportunité donnée par la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) et l’entrée en vigueur de la réforme des retraites des agents de la fonction publique, qui incite certaines catégories de cadres d’État à prendre une retraite anticipée [12]. Au-delà de cette sortie du métier, Valérie envisage enfin une reprise d’études, ceci malgré les difficultés économiques que cela pourrait engendrer :

71

« Je me suis dit : “il y a assez peu de perspectives possibles”… Donc le mieux c’est de partir, de profiter de cette possibilité de retraite anticipée tant qu’il est temps […] là je prépare un examen qui devrait me permettre de rentrer en deuxième année de psychomotricité […] financièrement, je vais peut-être être en difficulté, je vais toucher 45 % de mon salaire. »
(Valérie)

72Même s’il ne peut être généralisé, cet exemple montre pleinement la manière dont les femmes en situation de métier inversé sont en quelque sorte condamnées à l’excellence en tous domaines et risquent ainsi l’épuisement (Marry, 2008, p. 304). Par ailleurs, tous les propos présentés dans cette section permettent de nuancer l’idée de comportements « d’auto-exclusion » ou « d’auto-élimination » expliqués par l’intériorisation du point de vue dominant (Malochet, 2007). C’est bien la conjonction des conditions de travail et des contrats sociaux de genre noués dans les couples qui explique en premier lieu les ralentissements et les sorties de carrière. La situation est néanmoins plus complexe dans le sens où cette modulation des rythmes de carrière n’est pas toujours vécue comme une dégradation de la valeur professionnelle, certains CTS, dont une part d’hommes, se prévalant de parvenir à « s’épanouir à la fois dans le travail et à la maison ».

Le vernis masculin des « barrières » entre travail et famille

73Dans un petit nombre de cas, des hommes CTS (7/17), notamment parmi les plus jeunes du corpus, indiquent avoir « pris conscience » des problèmes conjugaux et familiaux que l’intensité de l’engagement au travail peut causer. Cela fait suite aux remontrances récurrentes dont ils ont déjà fait l’objet de la part de leur conjointe, ou encore en réaction aux propos de collègues de générations plus anciennes faisant état d’un taux de divorces élevé dans la profession. Ils font ainsi part de leur désir de « voir grandir » leurs enfants et de conserver des « temps de loisirs en famille » :

74

« J’en prends conscience parce que je sais qu’il y a beaucoup de divorces, de séparations dans nos métiers… et puis qu’il y a beaucoup de choses personnelles encore à faire avec ma famille et l’arrivée de ma petite. J’ai envie de la voir grandir, donc faut réussir à filtrer tout ça. »
(Marc)

75Tout en restant impliqués dans leur travail et sans pour autant qu’il soit sûr que les ordres de priorité aient été profondément modifiés, ces hommes souhaitent parvenir à un meilleur agencement entre vies familiale et professionnelle, ou tout du moins mettent en avant sa nécessité. Selon qu’ils déclarent également avoir ou non de fortes « ambitions professionnelles », cette volonté à mieux équilibrer temps professionnel et familial s’exprime différemment.

76Pour les hommes CTS fortement investis dans la progression de leur carrière, dont nous rappelons qu’il s’agit avant tout d’anciens sportifs de haut niveau et dont les compagnes sont familières du mouvement sportif en tant que pratiquantes ou professionnelles du secteur (voir supra), l’une des manières d’articuler travail et famille consiste à tenter d’impliquer encore davantage leurs proches dans l’univers sportif et ainsi leur faire partager certains des aspects du métier jugés positivement : les déplacements sur des sites lointains et potentiellement touristiques. En effet, le départ pour des stages ou des compétitions en France ou à l’étranger peut donner l’occasion d’être poursuivi par « un week-end en amoureux » ou « des vacances en famille » permettant aux épouses ou aux enfants de visiter des lieux encore inconnus :

77

« Ça m’est arrivé d’avoir la chance de pouvoir faire coïncider les deux [famille et travail] j’estime être super passionné par mon boulot et avoir envie que les choses évoluent bien, mais c’est pas négociable de pas voir grandir ses enfants. Donc tous les moyens sont bons. Ça m’est arrivé de partir en tournoi, 15 jours à X et qu’ils viennent passer quatre jours à la fin. »
(Ludovic)

78De tels modes d’enrôlement sont absents du discours des femmes CTS. Plus intéressant encore est de constater que ce type de pratique est couramment soutenu par les services de tutelle :

79

« Ma compagne, elle n’est pas trop disponible pour venir avec moi en déplacement, à part si c’est un court weekend. Sinon oui c’est largement faisable de faire ça et on nous le conseille d’ailleurs. La DTN nous dit : “y’a pas de raisons que t’emmènes pas ta compagne”, sans que ça pêche sur le travail bien sûr, parce que c’est vrai que ça fait partie de l’équilibre d’un homme je pense que d’avoir ses enfants s’il en a et sa femme près de soi. »
(Armand)

80Ce procédé, qui demande une forte adaptation de l’emploi du temps de la compagne ou des enfants, est symptomatique de la façon dont les hommes CTS conçoivent la relation entre travail et famille. Face à ce qui est perçu comme une alternative, le choix est fait de ne pas limiter l’investissement au travail mais de prendre appui sur ce dernier pour raffermir le contact avec conjointe et enfants. Le métier reste ici en premier plan, la présence familiale étant simplement perçue comme un « bonus » et soumise au calendrier professionnel en marquant la fin d’une période intensive de travail.

81Le second cas de figure concerne les hommes CTS affichant moins que les autres leurs ambitions professionnelles. Ces derniers se caractérisent par des trajectoires spécifiques : moins souvent anciens sportifs de haut niveau, ils ont déjà connu d’autres expériences de travail au sein du Ministère comme Conseillers d’Animation Sportive avant d’accepter un poste de CTS ou exercent leur activité auprès d’une fédération qui n’est pas celle dont ils sont originaires. Ils souhaitent, quant à eux, limiter l’impact du métier sur la sphère domestique, plus particulièrement en supprimant les aspects les plus visibles de la présence mentale et matérielle du travail dans l’espace du foyer. Ériger ce que plusieurs interviewés nomment « des barrières » consiste prosaïquement à « ne pas ramener de travail à la maison », en laissant hors du domicile téléphone et ordinateur professionnels (Bozon, 2009) :

82

« On essaie de se débrouiller par rapport à mes horaires atypiques […] C’est très dur… mais je suis en train de changer (rires). Par exemple, maintenant le téléphone le soir, poum, je le coupe, tant pis. […] Quand je rentre le soir, je laisse le cartable, des fois je le laisse même dans la voiture comme ça au moins… L’ordinateur, là je me suis fait un peu violence je le laisse là, je rentre par exemple le mardi soir je suis chez moi, je m’occupe que des mômes et plus du boulot. »
(Georges)

83La poursuite de cette seconde modalité réclame des conditions particulières d’organisation du travail, notamment la mise à disposition d’un bureau par la structure sportive de rattachement, ce qui n’est pas envisageable dans toutes les disciplines, leurs moyens de fonctionnement étant très disparates et conduisant plusieurs CTS à « travailler quotidiennement à domicile ». Ces concessions à la vie familiale peuvent par ailleurs apparaître somme toute mineures et rester très relatives vis-à-vis du temps demandé par l’engagement dans le travail domestique. Malgré tout, des effets de génération semblent ici être à l’œuvre, à l’instar des jeunes médecins généralistes pour qui « concilier vie privée et vie professionnelle est dorénavant un souci partagé aussi bien par les hommes que par les femmes » (Lapeyre & Robelet, 2007, p. 19). Toutefois, de nouveaux éléments et l’apport d’une analyse longitudinale serait nécessaire pour statuer plus avant sur l’existence dans ce métier d’un processus d’émancipation des hommes vis-à-vis du travail ou d’un dépassement en cours des modèles de genre (Le Feuvre & Guillaume, 2007).

Conclusion

84Le cas des femmes et des hommes CTS montre dans quelle mesure le travail, lorsqu’il est rendu « flexible », peut placer la famille à « flux tendu », pour reprendre l’expression de Pailhé et Solaz (2009, p. 461). La présence mentale et matérielle du métier dans l’espace domestique, parfois éprouvante pour la constitution et la préservation de l’unité du couple, s’accompagne également de difficultés à organiser la vie familiale, plus particulièrement lorsque des enfants en bas âge sont présents. Si cette tendance s’observe de plus en plus dans l’ensemble des mondes du travail contemporains, la mise en tension du lien entre famille et travail se trouve sans doute exacerbée dans le cadre de métiers où l’ethos professionnel conduit à un engagement plein et entier à l’activité et à ses acteurs (Lapeyre, 2006 ; Lapeyre & Le Feuvre, 2009 ; Julhe & Haschar-Noé, 2010). Dans ce contexte et aussi bien pour les femmes que pour les hommes, il y a une incompatibilité structurelle à mener simultanément et avec la même intensité les vies professionnelle, conjugale et parentale. Toutefois, le cas des CTS renvoie également à des situations asymétriques entre les deux sexes, les femmes ayant davantage que les hommes à faire face à la responsabilité domestique au-delà de leur charge de travail, les obligeant plus fréquemment à arbitrer en défaveur du métier. Ce processus, déjà observé dans d’autres domaines de la fonction publique, peut conduire à des arrêts de carrière ou tout du moins à son ralentissement (Milewski, 2004, 2011 ; Doniol-Shaw & Le Douarin, 2005 ; Di Paola & Moulet, 2009). De plus, il apparaît que les femmes et les hommes CTS n’attribuent pas le même sens à ce que peut recouvrir la relation entre travail et famille. Aux premières le souhait d’une meilleure prise en compte des temps de la vie familiale dans l’aménagement des conditions de travail, aux seconds la concession de ne pas trop amener le travail à déborder dans l’espace domestique de manière à maintenir la « paix sociale » du ménage.

85Par delà toutes les négociations et transactions familiales, il est nécessaire de souligner l’importance de l’employeur en matière d’agencement des temps sociaux et de relation entre travail et famille, le Ministère des Sports dans le cas présent. Cela est d’autant plus vrai pour les métiers en voie de féminisation et marqués par le modèle de la virilitude (Le Feuvre, 1999, 2007). Alors même que le champ des possibles offert par la loi – encouragé de longue date par l’Union Européenne (Letablier, 2001 ; Muller, 2009) – semble s’étendre et aller dans le sens d’une meilleure articulation entre les sphères de la vie sociale pour les deux sexes – création du congé de paternité en 2002 ; création du crédit impôt famille en 2004 ; lancement en 2008 d’un Observatoire de la parentalité en entreprise ; etc. –, il n’est pas certain que l’État s’applique à lui-même les principes qu’il prône pour le secteur privé. Or, outre les aides financières aux modes de garde et les aménagements horaires, repenser l’organisation du travail dans son ensemble apparaît nécessaire à l’amélioration de l’agencement entre travail et famille. Comme l’indiquent Pailhé et Solaz (2009, p. 486), dont il est possible d’étendre le propos aux cadres de la FPE, il s’agit entre autres de rompre « avec certaines cultures d’entreprises, notamment françaises, qui font de la présence extensive au travail un signe de motivation ». Dans le monde de l’entreprise, l’amélioration des relations entre domaines de la vie, bien que relative, est perçue comme un facteur d’attractivité pour les salariés, de réduction de l’absentéisme, d’amélioration de la productivité, etc. Cependant, les services de l’État étant actuellement pris dans la dynamique de la RGPP et du New Public Management, lequel repose pourtant sur le développement de compétences tertiaires pouvant s’avérer propices au recrutement et à la carrière des femmes (Laufer & Muller, 2011, p. 135), il n’est pas certain qu’une meilleure attractivité soit recherchée. Restent l’accroissement de la productivité et l’amélioration du bien-être au travail. Sans cela, le risque est finalement de voir se tarir la « passion » pour le métier faute de conditions favorables à son déploiement et à son entretien. Ce risque est d’autant plus grand parmi les nouvelles générations d’agents, moins portées par « l’idéal du service public », d’autant plus que les hommes ont eux aussi des velléités à mieux articuler sphères professionnelle et familiale. Dans le cas des CTS, c’est « simplement » l’élite sportive française de demain qui est mise en jeu. Qu’en est-il dans d’autres domaines plus stratégiques de la Fonction Publique d’État ?

86On trouvera sur le site électronique de la revue des transcriptions d’entretiens :

87Annexe 4 : entretien avec Mathieu. http://sociologie.revues.org/1426

88Annexe 5 : entretien avec Laura. http://sociologie.revues.org/1427

89Annexe 6 : entretien avec Valérie. http://sociologie.revues.org/1428

90Annexe 7 : entretien avec Armand. http://sociologie.revues.org/1429

Notes

  • [*]
    Maître de conférences Laboratoire « LACES-VSTII » EA 4140 – Université Bordeaux Segalen – 3 ter place de la Victoire – Case 41 – 33076 Bordeaux cedex samuel.julhe@u-bordeaux2.fr
  • [**]
    Maître de conférences – Habilitée à Diriger des Recherches Laboratoire « LACES-VSTII » EA 4140 – Université Bordeaux Segalen – 3 ter place de la Victoire – Case 41 – 33076 Bordeaux cedex marina.honta@u-bordeaux2.fr
  • [1]
    L’expression usuelle de « conciliation famille-travail » ne va pas de soi, notamment en vue d’un usage analytique. La critique de la notion est double : d’une part, elle est bien souvent appliquée aux seules femmes, masquant ainsi les inégalités entre celles-ci et les hommes ; d’autre part, elle porte implicitement une connotation positive qui renvoie à l’état d’impensé toutes les difficultés rencontrées dans la gestion imbriquée des temps familiaux et professionnels (Pailhé & Solaz, 2010 ; Périvier & Silvéra, 2010).
  • [2]
    Partant du cas des commissaires priseurs, Alain Quemin (1998, p. 88) rappelle l’importance de s’intéresser aux professions dont la faiblesse des effectifs pourrait a priori faire reculer le sociologue, l’analyse du processus d’organisation de la rareté présentant en effet et plus généralement, un intérêt heuristique (Laufer & Pochic, 2004, p. 148).
  • [3]
    Sur le site de la revue : http://sociologie.revues.org/1423.
  • [4]
    Cf. Loi n°84-610 du 16 juillet 1984, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, modifiée par la Loi n°2003-708 du 1er août 2003.
  • [5]
    L’admissibilité à ce concours a pour pré requis la possession d’un diplôme de niveau II, dans le cas présent d’une licence en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ou d’un Brevet d’État d’Éducateur Sportif (BEES) du 2ème degré.
  • [6]
    Cf. Décrets n°85-720 du 10 juillet 1985 et n°2005-1718 du 28 décembre 2005 relatifs à l’exercice des missions de conseillers techniques sportifs auprès des fédérations sportives.
  • [7]
    Statutairement, les CTS effectuent 1 607 heures de travail annuel, mais 22 des 27 interviewés déclarent dépasser ce quota de 25 à 100 %. Comme tout agent de la FPE, les CTS sont rémunérés selon une grille indiciaire qui ne dépend pas de leur temps de travail réel. Selon la classe et l’échelon considérés, leur rémunération brute mensuelle s’élève entre 1 600 euros et un maximum de 3 600 euros.
  • [8]
    Cf. http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/presentation_programme_219__PLF_2011.pdf
  • [9]
    Pour la période antérieure au début des années 2000, l’obtention de données similaires semble plus difficile, la comptabilisation et la publication des taux de féminisation étant concomitantes de la mise à l’agenda politique de la thématique « femmes et sports ».
  • [10]
    Parmi les hommes interviewés, trois grands cas se distinguent sur le plan conjugal : 1) des situations d’homme « pourvoyeur » où la conjointe est au foyer (5/16) ; 2) des formes particulières d’endogamie où la conjointe exerce une profession liée au sport, comme professeure d’EPS, éducatrice sportive ou CTS (5/16) ; 3) des situations classiques d’homogamie où la conjointe est cadre (5/16). Un seul des hommes enquêtés se déclare célibataire.
  • [11]
    Les postes de Conseiller d’Animation Sportive (CAS), féminisés à hauteur de 27 %, relèvent du même corps que celui de CTS, mais concernent des activités réalisées au sein des services déconcentrés du Ministère des Sports. Les « horaires de bureau » et les « tâches administratives » qui les caractérisent en font une voie possible de mutation pour les CTS éprouvé.e.s par leur rythme de travail.
  • [12]
    Voir Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
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Français

Résumé

Les travaux portant sur l’avancée en mixité des activités professionnelles féminines ou masculines occupent désormais une place à part entière dans le champ de la sociologie. En la matière, les métiers de l’encadrement sportif constituent des analyseurs particulièrement pertinents tant l’univers sportif peut être globalement considéré, encore aujourd’hui, comme l’un des « fiefs de la masculinité ». Le cas du métier de Conseiller Technique Sportif (CTS) apparaît plus particulièrement exemplaire. À partir d’entretiens réalisés auprès de 33 CTS, hommes et femmes, l’article se propose de comparer leurs conditions respectives d’exercice du métier, ainsi que le regard qu’ils portent sur leur ethos professionnel et les contraintes qui y sont associées. Il s’agit plus spécifiquement d’analyser les relations entre rapport au travail et organisation de la vie familiale. Si les femmes CTS ne semblent pas rencontrer de résistance explicite de la part de leurs homologues masculins, tout indique cependant qu’elles sont amenées à s’auto-exclure des missions les plus prestigieuses, voire à entamer une reconversion professionnelle, pour parvenir à mener de front un métier vécu sur le mode de la passion et leur vie conjugale et maternelle. A contrario, les hommes s’avèrent moins marqués par ce type d’arbitrage, même si plusieurs éléments laissent entendre, parmi la jeune génération, une forte velléité de mieux articuler travail et famille.

Mots-clés

  • profession
  • avancée en mixité
  • division sexuée du travail
  • éthos professionnel
  • temps sociaux
  • articulation travail-famille

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Samuel Julhe [*]
  • [*]
    Maître de conférences Laboratoire « LACES-VSTII » EA 4140 – Université Bordeaux Segalen – 3 ter place de la Victoire – Case 41 – 33076 Bordeaux cedex samuel.julhe@u-bordeaux2.fr
Marina Honta [**]
  • [**]
    Maître de conférences – Habilitée à Diriger des Recherches Laboratoire « LACES-VSTII » EA 4140 – Université Bordeaux Segalen – 3 ter place de la Victoire – Case 41 – 33076 Bordeaux cedex marina.honta@u-bordeaux2.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/02/2013
https://doi.org/10.3917/socio.034.0341
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