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Introduction

1Ces dernières années, les scientifiques ont été priés de sortir de leur tour d’ivoire pour présenter leurs recherches à un public plus large que la seule communauté scientifique et, ce faisant, instaurer un dialogue avec la société. Cette demande adressée aux scientifiques est très présente dans le discours des administrations du monde académique au niveau local, national et international (par exemple, plan stratégique de l’Université de Lausanne (unil) [1], Fonds national suisse (fns) [2], European Research Advisory Board de l’Union européenne [3]). Cette nouvelle requête adressée aux scientifiques élargit celle, plus ancienne, d’expertise pour des problèmes scientifiques, techniques ou sociaux qui émane, elle, principalement des instances politiques (Roqueplo, 1999). Cependant, à la différence de l’expertise, la demande d’engagement [4] n’est pas réservée à des scientifiques reconnus et habilités par l’instance, mais est destinée à l’ensemble des scientifiques.

2De nombreuses découvertes scientifiques influencent, directement et indirectement, la vie quotidienne de la population et certains développements (énergie nucléaire, organismes génétiquement modifiés, nanotechnologies) sont devenus l’objet de controverses et de débat public. Par conséquent, l’engagement des scientifiques est proposé comme solution pour construire une confiance et une compréhension mutuelles (Bauer, Allum & Miller, 2007 ; Stilgoe & Wilsdon, 2008). Cette demande s’inscrit peu à peu dans les pratiques scientifiques, qui ne se limitent plus à la seule production des connaissances nouvelles mais qui intègrent les « activités sociales (diffusion publique du savoir, participation aux débats citoyens, engagement culturel) » (Levy-Leblond, 2007, p. 34). Dans ce contexte, « il échoit aux scientifiques de comprendre comment la science peut être mieux perçue en s’appliquant à communiquer avec le public pour que la confiance de celui-ci, au-delà des pressions du marché et du pouvoir politique et au-delà des bulletins de victoire prématurément transmis par les médias, soit préservée et maintenue » (Nowotny, Scott et Gibbons, 2003, p. 1).

3En Suisse, l’acuité de cette demande d’engagement doit beaucoup à la votation du 7 juin 1998 sur le génie génétique qui a souligné la nécessité de réintégrer la science [5] dans la société en montrant, d’un côté, la fragilité de son assise sociale (l’issue du vote pouvait être la quasi-cessation de l’ingénierie biotechnique et des recherches associées en Suisse) mais aussi, de l’autre, la force de la mobilisation des scientifiques qui ont réussi à inverser l’opinion publique encore majoritairement défavorable envers les biotechnologies en avril 1998 (Bonfadelli et Dahinden, 2002 ; Crettaz von Roten et Alvarez, 2005). Ainsi, à l’issue du vote [6], le futur président du Conseil suisse de la science et de la technologie se réjouissait du résultat mais relevait, toutefois, que le conflit entre opposants et tenants des biotechnologies n’avait pas été résolu et que les scientifiques ne devaient par retourner dans leurs laboratoires, mais continuer le dialogue avec la société (Schatz, 1998). En raison de la démocratie directe suisse qui amène la population à voter à intervalle régulier sur des thèmes scientifiques, la Suisse illustre une certaine convergence européenne vers des procédures participatives de décision sur plusieurs développements scientifiques (biotechnologies, nanotechnologies, etc.).

4Cette demande d’engagement s’est matérialisée en Suisse par la création de la Fondation Science et Cité et la réalisation de plusieurs éditions du festival du même nom (2001, 2005, 2009) [7], la généralisation des portes ouvertes dans les universités, la création de cafés scientifiques et de la nuit des chercheurs [8] ou encore l’apparition de rubriques régulières offertes aux scientifiques dans les médias (par exemple, dans le quotidien romand Le Temps). Si ces manifestations connaissent un succès populaire, elles n’échappent cependant pas à certaines complications d’organisation : mobilisation difficile des scientifiques dans certaines disciplines, décalage entre la rhétorique des organisateurs et celle des chercheurs (Moeschler, Crettaz von Roten & Leresche, 2006 ; pour l’étranger, Felt & Müller, 2003).
L’objectif de notre recherche était d’étudier comment les scientifiques se représentent leur relation avec la société et de cerner leurs pratiques d’engagement envers la société. Quel est le niveau de pratiques d’engagement des scientifiques ? Selon quelles caractéristiques personnelles et professionnelles le niveau d’engagement dépend-il ? Quel est le poids des perceptions dans les pratiques ? Voilà quelques unes des questions que nous avons considérées pour essayer de mieux comprendre les relations entre les scientifiques et la société. À l’étranger, des recherches empiriques sur l’engagement des scientifiques ont vu le jour depuis le début des années 2000, mais aucune étude n’avait été réalisée en Suisse. Cette première recherche suisse en la matière a porté sur les scientifiques de l’Université de Lausanne (unil) [9].
Notre problématique se situe au carrefour de la sociologie des sciences et de la sociologie de la communication scientifique. Nous allons commencer par passer en revue quelques réflexions théoriques de ces deux domaines et les hypothèses qui ont présidé à la conceptualisation de cette recherche ; nous présenterons ensuite la base empirique et les variables utilisées dans les analyses statistiques. La partie principale de l’article sera consacrée aux résultats empiriques de notre étude : premièrement les pratiques d’engagement des scientifiques, deuxièmement les facteurs explicatifs de l’engagement et, finalement, le lien entre perceptions et pratiques d’engagement.

Théorie et hypothèses

5La question des relations entre les scientifiques et la société est intimement liée à celle du rôle que l’on attribue aux chercheurs en général, dont l’évolution a été largement étudiée. Ben-David (1971) a retracé l’émergence et la stabilisation du rôle moderne du scientifique, qui s’est détaché notamment des fonctions religieuse ou morale. De fait, le rôle du chercheur moderne a toujours été partagé entre distance et proximité à la société. Rier (2003) évoque l’existence d’une double conception du scientifique s’appuyant soit sur la neutralité objective de la science et dégageant le scientifique de ses responsabilités (le chercheur n’étant pas responsable des éventuelles utilisations néfastes de ses recherches), soit sur l’image opposée mettant l’accent sur la responsabilité du chercheur. D’un autre côté, l’analyse de l’évolution du lien entre l’État et la science dans le monde occidental montre le passage d’un financement étatique large en vertu du lien postulé avec le bien commun de la société et sans contrepartie demandée aux scientifiques à un financement de la recherche réduit, privilégiant les applications et, plus précisément, celles légitimes aux yeux de la société (Benninghoff & Leresche, 2003) ; par conséquent, les scientifiques doivent venir présenter, convaincre, justifier leurs recherches auprès de la population. Latour (1993) attribue aux scientifiques la charge de la démonstration sociale : le scientifique doit démontrer l’intérêt et la valeur de sa recherche à la société dans le cadre de son activité principale, signifiant par là qu’il a conscience de l’inscription sociale de son activité. En définitive, le nouveau contrat entre la science et la société exige que les scientifiques produisent une science « socialement robuste (traduction) » (Gibbons, 1999, p. 82).

Modèles de relation science-société

6S’intéressant à ce qu’il appelle le « rôle des profanes dans l’élaboration et la dissémination des connaissances scientifiques », Callon (1999, p. 35) distingue, de manière synthétique, différents modèles de relation science-société selon le type de séparation entre la science et la société. Le modèle de l’instruction publique, basé sur l’idée d’un déficit d’information à combler dans la population, définit la science comme une institution séparée dont les membres — les scientifiques — ont la tâche d’informer le profane pour rétablir la confiance. Le modèle du débat public, reconnaissant une complémentarité entre savoirs scientifiques et profanes et, donc, une proximité entre la science et la société, postule une communication bidirectionnelle entre les chercheurs et la Cité et un débat qui se limite cependant à une prise en compte de certaines préoccupations du public par les chercheurs. Le modèle de la coproduction des savoirs, surmontant les limites entre science et société, associe « activement les profanes à l’élaboration des connaissances les concernant » (ibid., p. 46) — apprentissage collectif croisé — et implique la possibilité pour les citoyens d’influer sur les choix techniques et scientifiques [10]. Pour Callon (1999, p. 51), « il n’y a aucune raison pour qu’un modèle supplante définitivement les autres », les trois modèles coexistent donc selon des degrés distincts dans les différents contextes. Ces trois modèles de relation ont leur équivalent dans la littérature sur la communication scientifique (Gregory et Miller, 1998). Dans ce champ d’études, Irwin (2008) constate également que des problèmes structurels et institutionnels induisent non pas une évolution linéaire d’un modèle de communication à un autre, mais une évolution circulaire.

La notion d’engagement

7L’évolution des rapports entre science et société a vu apparaître de nouveaux types d’activités que peuvent entreprendre les scientifiques à l’intention de la société : aux modalités d’information (conférences, articles dans des magazines de vulgarisation, interview dans les médias) sont venus s’ajouter des modalités de dialogue (cafés scientifiques ou boutiques de sciences), de décision (procédures participatives telles que les conférences de consensus) et d’intégration de la société dans la recherche (collectifs de patients) (Boy, 1999 ; Bonneuil, 2004). Pour désigner les activités liant la science et la société, certains auteurs continuent à utiliser le terme d’activités de vulgarisation ou de communication scientifique. Ce n’est pas l’idéal à nos yeux, car ces termes sont associés à l’un ou l’autre des modèles de relation science-société, or les trois modèles coexistent. Il faut donc utiliser un terme plus général qui peut englober des activités issues des trois modèles, nous proposons celui d’activités de public engagement apparu dans les années 2000 (House of Lords, 2000 ; Wynne, 2006). Pour le cadre d’activités liées à la recherche en cours, le terme se décline en upstream public engagement, à savoir l’engagement entrepris tôt dans le processus d’innovation (Wildson & Willis, 2004 ; Pidgeon & Rogers-Hayden, 2007 ; Stilgoer & Wildson, 2008).

Un engagement en hausse

8Les travaux théoriques sur les rapports entre chercheurs et société rapportent la complexité de cette relation et des demandes d’engagement adressées aux scientifiques. Mais quel est le niveau d’engagement effectif des scientifiques ? Si des enquêtes sur les attitudes de la population envers la science sont réalisées depuis les années 1970 de manière récurrente dans de très nombreux pays [11], le pendant sur les scientifiques dans leur relation à la société est beaucoup plus récent. Les rares recherches empiriques sur les scientifiques nous offrent, cependant, d’intéressants résultats [12].

9Les études empiriques ont principalement mesuré le taux de scientifiques actifs [13], qui varie selon les disciplines mais est plutôt en augmentation. En Grande-Bretagne, le taux d’actifs parmi les scientifiques des sciences exactes et techniques est passé de 56 % en 2000 (Wellcome Trust, 2001) à 74 % en 2006 (Royal Society, 2006). Une étude française sur l’ensemble des chercheurs du cnrs (Jensen et Croissant, 2007) montrait un taux d’actifs de 49 % sur trois ans et un nombre total d’activités en hausse de 26 % entre 2004 et 2006 ; cette étude relève également une structure pyramidale de l’engagement : un petit groupe de scientifiques (5 %) effectue la moitié des activités.

Des perceptions complexes

10Pour compléter ces résultats, certaines études ont analysé les avantages et les obstacles de l’engagement des scientifiques ou, plus généralement, la perception de l’engagement par ces derniers. Ces études ont montré que les principaux avantages sont la constitution d’un public plus informé et conscientisé, la contribution au débat public, le plaisir, etc. ; les principaux obstacles cités sont le manque de temps, de moyens, d’intérêt de la part du public, de compétences en la matière des scientifiques, l’absence de valorisation dans l’évaluation de la carrière et la dévalorisation aux yeux des pairs (Gascoigne & Metcalfe, 1997 ; Wellcome Trust, 2001 ; Royal Society, 2006). Une récente étude suédoise a montré que seule la moitié des scientifiques interrogés [14] pense que le public large est intéressé par leurs objets d’étude (52 %), mais avec des différences importantes entre domaines : en médecine, on pense davantage que le public s’intéresse à ses recherches, alors que c’est moins le cas dans les humanités et, de surcroît, dans les sciences sociales (Vetenskap & Allmänhet, 2003). Par ailleurs, la notion d’engagement n’est pas définie de manière univoque par les scientifiques. Une question ouverte sur l’image de l’engagement contenue dans l’enquête anglaise nous apprend que la majorité relative des scientifiques des sciences expérimentales se représente l’engagement essentiellement comme « informer, expliquer et promouvoir une compréhension publique de la science (traduction) » (34 %), alors que seuls 15 % incluent l’information sur les implications, la pertinence ou l’utilité de la science, 13 % l’écoute et la compréhension du public, les débats, et 13 % la communication et le dialogue avec le public (Royal Society, 2006, p. 22).
Au niveau des contenus de l’engagement, les vues divergent également : 86 % des scientifiques danois des sciences naturelles et techniques estiment qu’il s’agit de communiquer des nouvelles connaissances basées sur des recherches, 78 % de communiquer des connaissances sur l’utilisation possible de ces résultats, tandis que seuls 47 % ont mentionné la communication des scientific world-views et seuls 30 % des implications éthiques, sociales et politiques de la recherche (Nielsen, Kjaer & Dahlgaard, 2007).

Hypothèses

11Pour opérationnaliser le concept d’engagement, nous faisons l’hypothèse que les activités issues des trois modèles de Callon (1999) peuvent être simultanément réalisées par les scientifiques, qui passent ainsi d’un modèle à l’autre selon les situations. Notre échelle d’engagement sera par conséquent construite sur un large inventaire d’activités qui nourrissent la relation entre la science et la société.

12L’hypothèse de travail, sur laquelle reposent nos analyses, est double. Les contraintes qui pèsent sur le niveau d’engagement des scientifiques sont tout d’abord internes, propres au champ académique. Pour certains auteurs, la tradition scientifique, centrée sur les publications et la compétition, dresse des barrières à l’engagement en ne la valorisant pas : Kyvik (2005) rapporte qu’un tel engagement peut même compromettre la carrière académique. D’autres auteurs ont relevé comment la communauté scientifique exerce un contrôle social efficace en édictant des règles de comportement adéquat d’engagement (Gregory & Miller, 1998). Selon la tradition scientifique, le chercheur doit s’engager quand sa réputation est très établie, autrement dit, vers la fin de sa carrière professionnelle [15]. Il doit s’engager exclusivement sur son domaine spécifique d’expertise, sur des thèmes scientifiques sur lesquels il a développé des recherches et publié auparavant pour les pairs, et ne le faire que pour améliorer l’image publique de la science, en évitant les opinions extrêmes. De plus, des études sur la place des femmes dans le champ scientifique ont souligné les difficultés et barrières qu’elles rencontrent, par exemple la discrimination dans les procédures d’évaluation, de promotion, et d’allocation de ressources (Fox Keller, 1995 ; Wenneras & Wold, 1997) [16]. Or, la visibilité des scientifiques dans l’espace public tend à montrer la même structure pyramidale que la distribution des rétributions et des ressources par la communauté scientifique (Bucchi, 2002). Par conséquent, la plupart des études empiriques sur les scientifiques réalisées à ce jour soulignent des différences de niveaux d’engagement selon le sexe, le statut professionnel et l’âge : les scientifiques ayant des positions supérieures et établies ont tendance à être plus en contact avec la société. De fait, les plus âgés et les hommes ont tendance à plus s’engager. Ces études, portant sur des scientifiques de différentes disciplines, ont révélé le rôle des cultures disciplinaires : l’inscription des scientifiques dans les différents domaines de recherche joue un rôle dans leurs représentations et leurs pratiques en matière de relation science-société.

13D’autre part, le niveau d’engagement est partiellement influencé par des facteurs extérieurs propres au monde des médias. Ces derniers choisissent les sujets scientifiques traités et l’interlocuteur relatif en fonction de leurs critères : l’importance du sujet, l’existence d’un conflit ou d’une controverse, voire d’un élément de surprise, la proximité géographique, politique ou culturelle, la personnalité et la disponibilité de l’interlocuteur, etc. (Gregory & Miller, 1998 ; Peters et al., 2008). Pour illustrer l’influence des médias, une étude internationale récente (Peters et al., 2008) a montré que la fréquence de contacts avec les journalistes des chercheurs en biomédecine est clairement associée avec des fonctions de leadership. D’autres études ont révélé que les médias ont tendance à ignorer les travaux des femmes scientifiques (Kitzinger et al., 2008) ou à les représenter de manière stéréotypées (Steinke, 1997).

14S’interrogeant sur les motifs présidant à la communication des intellectuels et des scientifiques dans les médias, en particulier à la télévision, Bourdieu (1996, p. 30 et 31) estime que la télévision propose du fast-food culturel et donne essentiellement la parole à des fast-thinkers qui pensent par idées reçues : ces bons clients de la télévision sont dans le carnet d’adresse des journalistes, toujours disponibles à intervenir. Pour caractériser ces scientifiques, Bourdieu (ibid., p. 72) définit la loi de Jdanov : « plus un producteur culturel est autonome, riche en capital spécifique et exclusivement tourné vers le marché restreint sur lequel on n’a pour clients que ses propres concurrents, et plus il sera enclin à la résistance ». Cependant, une étude internationale sur les chercheurs en biomédecine a montré que la fréquence de contact avec les journalistes est clairement associée avec la productivité de la recherche mesurée par le nombre de publications pour les pairs (Peters et al., 2008).

15De notre côté, nous postulons que le niveau d’engagement des scientifiques sera lié à leur sexe, âge, statut et discipline, et que les scientifiques engagés seront plus performants scientifiquement. De plus, le niveau de sollicitations par les médias répondra également à des critères de sexe, âge, statut et discipline.
Finalement, les études empiriques réalisées à ce jour n’ont, en général, pas cherché à étudier le lien entre les perceptions et les pratiques : seule une étude anglaise a établi que plus un scientifique perçoit sa recherche comme ayant des implications sociales, plus il fait des activités de communication large (Wellcome Trust, 2001). Une dernière hypothèse établit que le choix de l’engagement des scientifiques s’effectue sur la base des représentations sous-jacentes de la relation science-société. Au-delà de la rhétorique des domaines spécialisés, les personnes réagissent a priori à des injonctions d’actes en fonction de leurs perceptions.

Données et méthode

16La recherche à la base de cet article a comporté deux phases : la première, qualitative, visait à recueillir des informations générales sur la problématique des relations entre les scientifiques et la société (14 entretiens semi-dirigés de membres de chaque faculté et quatre entretiens d’acteurs de la communication scientifique), pour nous permettre d’élaborer sur des bases solides le questionnaire de la seconde phase. Pour cette dernière, quantitative, un questionnaire on line a été élaboré et envoyé en octobre 2007.

17La population de cette recherche est celle des enseignants-chercheurs [17] de l’unil, à savoir toute personne qui poursuit, au moins pour une partie de son temps de travail, des activités de recherche et d’enseignement au niveau académique. Cette population se caractérise par une variété de statuts et de situations institutionnelles. La vision classique de l’enseignant-chercheur est chamboulée par l’évolution récente du marché du travail académique, à l’unil comme ailleurs, qui comprend : la multiplication des types de postes de professeurs, le financement externe accru, l’extension du nombre des chercheurs faisant partie du personnel administratif et technique, etc.

18Au final, 810 individus ont rempli le questionnaire, ce qui établit le taux de réponse à environ 30 % [18]. La comparaison du profil des répondants par sexe, statut, faculté et âge indique globalement une bonne représentativité des répondants. Cet article présente essentiellement les résultats quantitatifs de cette recherche [19].

Variables dépendantes

19Niveau d’engagement. Nous avons évalué l’engagement des enseignants-chercheurs sur la base de 17 activités destinées à un public large [20] sélectionnées sur la base de la littérature et des entretiens préalables. Pour chaque activité, les répondants devaient préciser le nombre de fois qu’ils l’avaient effectuée dans l’année académique 2006-2007 (0, 1 fois, 2-3 fois, 4 fois ou plus). Nous avons ensuite calculé pour chaque individu le nombre total d’activités d’engagement effectuées [21]. L’indice Alpha de Cronbach, qui mesure la consistance interne d’une échelle, atteint 0,814 ce qui indique un degré d’homogénéité supérieur à 0,8 et donc une échelle fiable (DeVellis, 2003).

20Niveau de sollicitations des journalistes. Les répondants devaient préciser le nombre de fois qu’ils avaient été sollicités par des journalistes dans l’année académique 2006-2007.

Variables indépendantes

21Variables sociodémographiques. En plus du sexe (codé 1 pour les hommes et 2 pour les femmes), nous avons inclus dans nos analyses l’âge recodé en quatre catégories : 20-29 ans, 30-44 ans, 45-59 ans et plus de 60 ans.

22Statut. Nous avons recensé tous les statuts universitaires, puis nous les avons regroupés en six classes selon le niveau hiérarchique, la stabilité du poste et/ou le type de personnel. Il s’agit des professeurs ordinaires, associés, titulaires, ad personam ou honoraires et des mer, que nous appellerons dans le texte po/mer ; des professeurs assistants, boursiers, invités, remplaçants ou suppléants et des maîtres assistants, notés pa/ma ; des chargés de cours et privat-docents, notés Chargés de cours/pd ; des assistants, premier-assistants, doctorants, notés Assistants/doctorants ; des chargés de recherche, chercheurs diplômés, chercheurs associés, chercheurs docteurs, notés Chargés de recherche/chercheurs ; des chefs de projets, d’unité, de section ou d’équipe, notés Chefs de projets/unité/section.

23Faculté. L’unil comporte sept facultés : la Théologie, le Droit, les Lettres, les Sciences sociales et politiques (ssp), les Hautes Études Commerciales (hec), les Géosciences et l’environnement (gse) et la Biologie et médecine (fbm).

24Perceptions. Les perceptions de la relation science-société ont été établies à l’aide de six items sur une échelle de Lickert en cinq points, à savoir des énoncés sur lesquels l’individu devait déterminer s’il était tout à fait d’accord, plutôt d’accord,…, ou pas du tout d’accord. Ces énoncés sont les suivants :

  • « Les scientifiques ont le devoir moral de communiquer avec un public non spécialiste sur les implications sociales et éthiques de leur recherche (Devoir) » ;
  • « Il est possible de faire un lien entre mes recherches et les préoccupations de tous les jours des gens (Lien) » ;
  • « Les objets de recherche se définissent par le biais d’enjeux scientifiques, la société n’intervient pas à ce stade (Objet) » ;
  • « Un chercheur dans mon domaine devrait pouvoir résumer de manière compréhensible ses travaux à un public non spécialiste (Résumer) » ;
  • « Concevoir des événements de communication sur un mode ludique est une bonne chose (Ludique) » ;
  • « Dans mon domaine, un scientifique qui communique beaucoup et est très présent dans l’espace public, risque d’être mal perçu par ses collègues (Collègues) ».
Méthode. Sur ces données, nous avons effectué des statistiques descriptives, des corrélations de Pearson, une analyse en cluster, des tests de Kolmogorov-Smirnov pour déterminer la distribution du nombre d’activités d’engagement et des modèles linéaires généralisés pour déterminer l’influence de différents facteurs sur le nombre d’activités d’engagement [22].

Résultats

Les pratiques d’engagement

25Les enseignants-chercheurs de l’unil s’engagent largement envers la société. Presque la moitié d’entre eux sont intervenus au moins une fois, dans l’année académique 2006-2007, dans le cadre d’une formation continue à l’extérieur de l’unil ou dans une conférence ou un cours public (47 %). De plus, 40 % des répondants ont au moins une fois rédigé un article dans un magazine scientifique grand public et 37 % ont été au moins une fois interviewé dans un quotidien ou magazine grand public. Cependant, certaines modalités d’engagement sont moins fréquentes : seuls 16 % ont participé aux portes ouvertes de l’unil, 14 % sont intervenus au moins une fois dans un café scientifique [23].

26Une analyse en cluster [24] définit trois types d’activités : la formation continue à l’extérieur de l’unil, l’information via une conférence ou les médias (interview, participation à une émission tv ou radio, rédaction d’un article pour grand public) et les activités plus novatrices (portes ouvertes, café scientifique, Internet, etc.). Cependant, le niveau de corrélation partielle et de cohérence interne de fréquences de ces activités (Kaiser-Mayer-Olkin 0,85 et Alpha de Cronbach 0,81) nous indiquent que les répondants entreprennent simultanément ces activités plutôt que ne se spécialisent dans l’une ou l’autre activité. Par conséquent, nous allons poursuivre nos analyses sur l’échelle d’engagement.

27Le nombre d’activités d’engagement par répondant s’étend de 0 à 41 activités et la moyenne est de 7,6 activités par an (Tableau 1). La moyenne varie toutefois sensiblement selon les groupes : les hommes, les po/mer, les membres de la faculté de Théologie et les 45-59 ans communiquent en moyenne plus que les autres catégories. De plus, la dispersion autour de la moyenne est importante (écart-type de 7,7 pour l’ensemble des répondants), confirmant une grande inégalité dans le volume de pratiques.

Tableau 1

Nombre d’activités dirigées vers un public non-spécialiste et de sollicitations des journalistes par sexe, âge, statut et faculté (moyenne et écart-type)

Tableau 1
Nbre d’activités Nbre de sollicitations Moyenne Écart-type Moyenne Écart-type Total 7.60 7.70 2.46 5.55 Hommes 8.85 8.30 3.09 6.37 Femmes 5.24 5.62 1.22 3.03 20-29 ans 3.34 4.00 0.42 0.91 30-44 ans 7.77 7.40 2.27 3.98 45-59 ans 11.53 8.70 4.71 8.97 60 ans et + 10.02 8.12 3.56 3.92 PO/MER 11.88 8.59 4.91 8.49 Chargés de cours/PD 10.67 8.26 3.87 4.64 PA/MA 9.0 7.79 3.05 5.27 Assistants/doctorants 4.29 5.37 0.68 1.69 Chefs de projets/unité/section 9.42 6.89 3.00 4.37 Chargés de recherche/chercheurs 5.32 4.84 0.91 1.31 Théologie 9.41 10.47 5.09 6.23 Droit 7.0 7.36 2.06 4.07 Lettres 8.22 7.79 2.28 8.24 SSP 7.19 7.31 3.14 5.94 HEC 7.82 7.84 2.85 5.11 GSE 6.85 5.63 1.28 1.96 FBM 7.69 8.01 2.24 4.21

Nombre d’activités dirigées vers un public non-spécialiste et de sollicitations des journalistes par sexe, âge, statut et faculté (moyenne et écart-type)

28La distribution du nombre total d’activités effectuées par les répondants, représentée dans le Graphique 1, confirme la grande hétérogénéité de pratiques. Les enseignants-chercheurs ont contribué de manière fortement inégale aux 6 186 activités enregistrées pour l’année académique 2006-2007. En effet, 12 % des répondants n’ont fait aucune activité d’engagement ; 25 % des répondants ont fait entre 1 et 3 activités, 42 % de 4 à 12 activités ; 21 % ont fait plus de 12 activités.

Graphique 1

Histogramme du nombre total d’activités dirigées vers un public non-spécialiste en 2006-2007

Graphique 1

Histogramme du nombre total d’activités dirigées vers un public non-spécialiste en 2006-2007

29En examinant la partie droite de la distribution, nos analyses révèlent une structure pyramidale de l’engagement : 20 % d’assidus en la matière ont effectué plus de la moitié (55 %) des activités dirigées vers un public non spécialiste.

30Finalement, le croisement de la fréquence d’activités adressées à un public non spécialiste et aux pairs montre une corrélation positive significative [25] : ce qui veut dire que plus on s’adresse à un public, plus on s’adresse à l’autre. En d’autres termes, le public non spécialiste croise des scientifiques performants.

31Si de telles différences de pratiques existent, on peut se demander si elles sont voulues ou en partie subies. La colonne 4 du Tableau 1 montre que ces variations sont, en grande partie, subies [26]. Précisément, les po/mer (4,9 sollicitations par des journalistes dans l’année écoulée) et les Chargés de cours/pd (3,9), suivis par les Chefs de projets/unité/section et les pa/ma (3), ont été beaucoup plus sollicités en moyenne que les Chargés de recherche/chercheurs (0,9) et les Assistants/doctorants (0,7). Le sexe joue également un rôle. En moyenne, les hommes (3,1) se font bien plus contacter par les journalistes que les femmes (1,2) et la part d’individus jamais sollicités par les journalistes est de 59 % chez les femmes contre 39 % chez les hommes. Il y a une interaction entre les deux effets, puisque la différence de sollicitations entre les hommes et les femmes diminue en fonction du niveau hiérarchique : parmi les po/mer, les hommes sont sollicités en moyenne 5,5 fois et les femmes 2,6 fois ; parmi les Chefs de projets/unité/section, les hommes sont sollicités en moyenne 3,8 fois et les femmes 1,6 fois alors que parmi les Assistants/doctorants et les Chargés de recherche/chercheurs, il n’y a presque pas de différences [27].

32Enfin, la propension à être sollicité par les médias diffère fortement selon les disciplines. Les membres de la faculté de Théologie sont davantage sollicités (5,1), suivis par ceux des facultés de ssp (3,1) et de hec (2,9). La toute nouvelle faculté des gse (qui est aussi la plus petite) n’a pas encore établi une relation forte avec les médias et est donc la faculté en moyenne la moins sollicitée (1,3).

Les facteurs explicatifs du niveau d’engagement

33Nous avons cherché à déterminer globalement ce qui expliquait ces différences de niveaux d’engagement à l’aide d’un modèle statistique multivarié. La variable mesurant le nombre d’activités de communication large ne suit pas une distribution de forme Normale mais de forme Binomiale négative [28], ce qui nous a amené à choisir un modèle linéaire généralisé (McCullagh & Nelder, 1989), qui permet de dégager les effets isolés de chaque facteur lorsque les autres facteurs ne varient pas.

34Premièrement, nous avons défini un modèle avec quatre effets simples (sexe, âge, statut et faculté). Le Tableau 2 (modèle I) permet de tester la significativité de chacun des facteurs en donnant la valeur de la statistique relative au test (Wald Chi-Square), le degré de liberté de la distribution Chi-Carré que suit cette statistique (df) et le résultat du test (p-valeur) : si la p-valeur est inférieure à 0,05 le facteur a un effet significatif, sinon le facteur n’a pas d’effet.

Tableau 2

Modélisation du nombre d’activités d’engagement large selon différents facteurs explicatifs

Tableau 2
Modèle I Modèle II Facteur Wald Chi-Square df p-valeur Wald Chi-Square df p-valeur Intercept 627.23 1 0.000 154.22 1 0.000 Sexe 9.06 1 0.000 6.18 1 0.013 Age 21.36 3 0.000 12.41 3 0.006 Statut 32.02 5 0.000 25.06 5 0.000 Faculté 10.77 6 0.096 12.54 6 0.051 Lien - 25.88 1 0.000 Objet - 2.95 1 0.086 Résumer - 6.01 1 0.014

Modélisation du nombre d’activités d’engagement large selon différents facteurs explicatifs

35Le Tableau 2 révèle qu’il y a un effet significatif du sexe, de l’âge et du statut sur le nombre d’activités destinées à un public large, mais pas de la faculté. Si l’on s’intéresse maintenant aux modalités significatives des facteurs, on observe que le fait d’être un homme, d’être plus âgé, d’être po/mer ou Chefs de projets/unité/section ou Chargés de recherche/chercheurs augmente le niveau d’engagement [29]. À l’exception de la faculté, notre hypothèse est vérifiée.

Les perceptions de l’engagement

36Avant de tester notre dernière hypothèse, nous allons présenter quelques résultats sur les perceptions de l’engagement des enseignants-chercheurs de l’unil. L’engagement envers un public non-spécialiste est perçu comme une tâche importante : 46 % des personnes interrogées considèrent qu’il est « très important » de communiquer avec un public non-spécialiste et 42 % l’estiment « assez important ». De plus (Tableau 3), les enseignants-chercheurs reconnaissent une obligation morale à s’engager : la grande majorité des répondants déclare que la communication des implications sociales et éthiques de leur recherche est un devoir (82 %). Cet engagement s’inscrit dans les liens existants entre la recherche et les préoccupations quotidiennes des gens : plus de deux tiers des enseignants-chercheurs font aisément cette connexion (70 %).

Tableau 3

Perceptions de l’engagement (en %, NSP en données manquantes)[30]

Tableau 3
Totald’accord Ni l’unni l’autre Total pas d’accord Les scientifiques ont le devoir moral de communiquer avec un public non-spécialiste sur les implications sociales et éthiques de leur recherche (Devoir). 82 12 6 Il est possible de faire un lien entre mes recherches et les préoccupations de tous les jours des gens (Lien). 70 14 17 Les objets de recherche se définissent par le biais d’enjeux scientifiques, la société n’intervient pas à ce stade (Objet). 28 20 53 Un chercheur dans mon domaine devrait pouvoir résumer de manière compréhensible ses travaux à un public non-spécialiste (Résumer). 88 7 5 Concevoir des événements de communication sur un mode ludique est une bonne chose (Ludique). 77 16 7 Dans mon domaine, un scientifique qui communique beaucoup et est très présent dans l’espace public, risque d’être mal perçu par ses collègues (Collègues). 27 21 52

Perceptions de l’engagement (en %, NSP en données manquantes)[30]

37En terme de modalité de relation avec le public, les scientifiques sont très largement prêts à traduire leurs résultats de manière compréhensible pour lui (88 %, le plus haut score de tous les énoncés), mais ils envisagent moins largement — quoique toujours majoritairement — que la société interagisse en amont de la production des connaissances, au moment de la définition des objets de recherche (53 % optent pour la vision de la science intégrant la société en amont, contre 28 % pour la vision autonome de la production scientifique). Ces premiers résultats dénotent une relation des scientifiques avec la société qui se situe très largement dans le modèle de l’instruction publique et moins fortement dans les modèles du débat et de la coproduction des savoirs. Ils illustrent également la coexistence des modèles de Callon.
Si l’engagement a un caractère de devoir, cela n’exclut cependant pas qu’il puisse revêtir une forme ludique : les trois quarts des enseignants-chercheurs y souscrivent (77 %). Finalement, nos résultats contredisent une éventuelle image dévalorisante de l’engagement : une majorité estime que, dans son domaine, les activités vers un public large ne sont pas mal perçues par les collègues (27 % mal perçues, contre 52 % pas mal perçues). Il semble donc que ce soit moins la valorisation horizontale qui pose problème mais la valorisation verticale, par la hiérarchie scientifique : 49 % des répondants souhaitent, parmi différentes mesures d’encouragement proposées, une prise en compte de l’engagement dans l’évaluation des dossiers de candidats dans l’université. Les trois mesures les plus préconisées par les enseignants-chercheurs sont une politique encore plus active au niveau de la faculté et de la direction de l’unil (respectivement 70 % et 63 %) ainsi que l’allocation de moyens financiers (66 %) [31].

Le lien entre perceptions et pratiques de l’engagement

38Pour tester ce lien, nous avons élaboré un nouveau modèle statistique multivarié introduisant les perceptions parmi les facteurs explicatifs des différences de niveau d’engagement (modèle II du Tableau 2) : plus précisément, nous avons choisi trois variables les plus corrélées au niveau d’engagement [32], à savoir le fait de pouvoir faire un lien entre la recherche et les préoccupations des gens (variable « Lien »), l’intégration de la société au moment de la définition des objets de recherche (variable « Objet ») et la possibilité de résumer pour un large public (variable « Résumer »).

39Les résultats du Tableau 2 indiquent cinq effets significatifs, à savoir le sexe, l’âge et le statut, ainsi que deux des variables mesurant les perceptions de l’engagement. Ces résultats confirment l’importance du statut et de l’âge pour comprendre les niveaux d’engagement des scientifiques envers la société. La significativité des facteurs relatifs aux perceptions indique que notre hypothèse principale est vérifiée : la possibilité de faire des liens et de résumer sont des facteurs explicatifs du niveau d’engagement.
Si l’on s’intéresse maintenant aux modalités significatives des facteurs, nous apprenons que le fait d’être un homme, d’âge moyen (30-44 ans et 45-60 ans), d’être un po/mer ou un Chargés de cours/pd augmente le niveau d’engagement. Au niveau des modalités des variables de perception significatives, le signe du coefficient de la covariable indique que plus on estime possible de faire des liens entre ses recherches et les préoccupations des gens ou plus on estime possible de résumer de manière compréhensible pour un large public, plus on fait des activités d’engagement [33].

Discussion et conclusion

40L’évolution de la science et de la société ainsi que les relations changeantes entre la recherche scientifique et les pouvoirs publics ont amené une plus grande demande d’engagement des scientifiques envers la société, perceptible entre autre dans le discours des administrations du monde académique. Désormais, l’engagement public est inscrit dans le cahier des charges des scientifiques dans certains pays comme la Suède et le Danemark. L’objectif de cette contribution était d’étudier comment les scientifiques se représentent leur relation avec la société, ainsi que de cerner leurs pratiques d’engagement envers la société. Notre étude de cas de l’Université de Lausanne montre que les scientifiques entendent et adhèrent largement à cette demande : l’importance, le devoir et la faisabilité de l’engagement semblent acquis pour une écrasante majorité des scientifiques (environ 80 % des répondants) et seuls 12 % des scientifiques n’ont effectué aucune activité d’engagement l’année précédant l’enquête. Ces résultats ne doivent cependant pas conduire à relâcher les efforts car 50 % des Suisses interrogés en 2005 estiment que les scientifiques font trop peu d’efforts pour informer le public sur leur travail (Crettaz von Roten, 2006).

41Le taux d’inactifs s’avère plutôt bas en comparaison avec les études empiriques étrangères. Cependant, la relative nouveauté des études empiriques sur ce versant de la relation science-société ne nous permet pas de disposer d’un corpus d’études totalement comparables, puisque chaque étude a ses propres limites : soit au niveau des disciplines scientifiques couvertes, soit au niveau du contexte (local ou national), soit au niveau de la taille des échantillons, voire du taux de réponse. Notre étude de cas, si elle est limitée à une institution académique, couvre les sciences exactes et sociales avec un taux de réponse satisfaisant pour une étude en sciences sociales. L’unil se distingue par sa politique particulièrement active en matière de relation science-société et d’upstream public engagement[34]. Les résultats de cette étude peuvent, en ce sens, être généralisés à toute institution du même genre ou servir de projection pour une institution souhaitant mettre en place une politique active en matière de relation science-société.

42Si le taux d’inactifs des enseignants-chercheurs de l’unil est bas, la mise en pratique de l’engagement laisse apparaître des niveaux d’engagement très variés : 20 % des scientifiques les plus actifs ont effectué 55 % des activités, ce qui indique une structure pyramidale de l’engagement, comme celle décrite dans l’étude française de Jensen et Croissant (2007). Nos analyses révèlent également des différences entre genres (les hommes sont plus actifs) et entre statuts (les po/mer font en moyenne le double des activités d’engagement des Assistants/doctorants), ainsi qu’une structure en U-inversé selon l’âge à l’instar de Jensen et Croissant (2007). Ces variations renvoient aux logiques propres au champ scientifique décrites dans la littérature et valident donc notre hypothèse. Cependant, la prépondérance de professeurs plutôt âgés dans les activités d’engagement non seulement frustre les jeunes scientifiques qui aimeraient s’engager [35], mais peut également avoir des liens avec la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques : si les jeunes ont besoin de modèles pour se projeter dans les carrières scientifiques, il n’est pas sûr qu’un professeur âgé remplisse au mieux cette tâche. Finalement, nos analyses montrent que les scientifiques de l’unil plus engagés sont plus performants scientifiquement, ce qui contredit la loi de Jdanov de Bourdieu (1996) et confirme les résultats de l’étude Jensen et al. (2008) utilisant toute une série d’indicateurs bibliométriques établis de la productivité scientifique.

43Le niveau d’engagement des scientifiques est partiellement voulu, mais aussi partiellement subi. En effet, la sollicitation par les journalistes varie fortement selon le statut et le sexe. En fait, la sollicitation par les journalistes semble suivre le phénomène classique du Matthiew effect (Merton, 1968), qui consiste à donner plus de crédit à un scientifique éminent qu’à un chercheur inconnu même si leur travail est équivalent ; en d’autres termes, plus le statut de l’enseignant-chercheur est élevé, plus il sera sollicité par les médias. Ce résultat est consistant avec l’étude de Peters et al. (2008) montrant que la fréquence de contact avec les journalistes des chercheurs en biomédecine est clairement associée avec des fonctions de leadership. De plus, les hommes se font plus contacter par les journalistes que les femmes. Cette différence peut s’expliquer par les différences de statut : les femmes sont bien moins représentées de manière générale parmi les hauts statuts universitaires (ofs, 2008), plus engagés on vient de le voir. Néanmoins, la différence de sollicitations entre les hommes et les femmes ayant un même statut élevé reste importante, ce qui indique qu’au Matthiew effect s’ajoute certainement le Matilda effect, à savoir la sous-évaluation, voire l’ignorance, du travail scientifique féminin (Rossiter, 1993). Ces variations confirment notre hypothèse sur le rôle des pratiques en vigueur dans le monde des médias, c’est-à-dire la tendance de certains journalistes à recourir systématiquement aux scientifiques figurant dans leur carnet d’adresse — les « bons clients » des médias, à la fois disponibles, acceptant de parler de tout et de prendre des positions simples et claires — sans se donner la peine de chercher la personne la plus pertinente pour la thématique qu’ils souhaitent traiter (Bourdieu, 1996).

44Nos analyses mettent également en évidence des logiques spécifiques aux disciplines : la Théologie se distingue par la moyenne du niveau d’engagement et du nombre de sollicitations par les journalistes la plus élevée. Ce résultat s’explique certainement par la longue tradition de communication envers le grand public des membres de la Théologie [36] mais aussi par la situation institutionnelle délicate de cette faculté : le nombre d’étudiants inscrits en première année est faible (une centaine) et n’a pas augmenté ces dernières années à l’inverse des autres facultés or une partie des ressources des facultés est liée au nombre d’étudiants. L’engagement y est donc vraisemblablement investi d’une fonction de visibilité permettant d’assurer la survie de la faculté. À l’inverse, la faculté des Géosciences et de l’environnement, créée en 2003, est la faculté en moyenne la moins active envers un large public et la moins sollicitée par les journalistes. Elle illustre le fait que la construction d’une relation entre des scientifiques et la société ou les médias prend un certain temps, et par conséquent qu’une politique d’engagement mise en place ne peut avoir des résultats à court terme.

45Notre analyse multivariée montre un effet simultané du sexe, de l’âge et du statut sur le nombre d’activités de communication large, mais pas de la faculté. L’effet séparé du statut et de l’âge est en contradiction avec l’étude française de Jensen et Croissant (2007) où le statut était le facteur le plus pertinent et l’âge devenait très peu significatif quand les autres variables explicatives étaient incluses dans le modèle. Cette dernière étude relevait aussi des effets des disciplines (et des laboratoires), une tendance que l’on ne retrouve pas dans notre étude de cas ; il faut toutefois signaler que le cnrs comprend toutes les disciplines scientifiques alors que l’unil a transféré les sciences exactes telles que les mathématiques, la physique et la chimie à l’École polytechnique fédérale de Lausanne dévolue aux sciences exactes et techniques.

46En plus de l’apport pour la première fois en Suisse d’un inventaire chiffré de l’engagement des scientifiques, l’originalité de notre étude est de lier les perceptions et les pratiques d’engagement. Notre analyse multivariée montre que les perceptions expliquent en partie les différences de niveau d’engagement. Plus précisément, la proximité sociétale de la thématique de recherche et la possibilité de résumer les résultats sont des facteurs explicatifs significatifs de l’engagement, alors que la vision sociétale de la définition des objets de recherche n’intervient pas. Ces résultats nous encouragent à affiner la compréhension des représentations de l’engagement à l’aide d’études spécifiques ultérieures.
Plus généralement, les résultats de ces analyses multivariées impliquent, premièrement, que modifier les pratiques d’engagement des scientifiques est un travail de longue haleine qui implique d’agir au niveau des perceptions de l’engagement. Secondement, la significativité de l’âge en plus du statut pose des questions, entre autres, sur les perceptions moins favorables de l’engagement des jeunes scientifiques. Ces différences indiquent soit un phénomène de classe d’âge (en continuant à travailler dans le monde académique, les jeunes scientifiques vont progressivement avoir des attitudes plus positives envers l’engagement et donc le niveau d’engagement global des scientifiques ne va pas changer), soit un phénomène de génération (les scientifiques qui ont aujourd’hui 20-29 ans, ont moins foi dans l’engagement envers la société et donc le niveau d’engagement global des scientifiques va décroître). À ce stade, nous ne pouvons trancher entre ces deux explications, mais seulement encourager à répliquer ce genre d’études dans le temps.
Finalement, les enseignants-chercheurs de l’unil situent le problème de l’engagement plus au niveau de la valorisation verticale, par la hiérarchie scientifique, que de la valorisation horizontale, par les pairs. Ils rejoignent donc l’avis des scientifiques français selon lesquels les activités de vulgarisation ne sont pas suffisamment prises en compte pour l’évaluation de la carrière (Boy, 2007), et des scientifiques anglais selon lesquels l’engagement n’a pas d’effets positifs sur la carrière (Royal Society, 2006). Cependant, à l’inverse des présupposés émis par les scientifiques, une analyse de Phillips et al. (1991) révèle l’effet indirect de la communication dans les médias sur la carrière en médecine : un article scientifique mentionné dans la presse de qualité reçoit 78 % de citations scientifiques en plus, ceci indépendamment de la qualité de la recherche. Selon cette étude, la communication dans les médias amène une augmentation du science citation index du scientifique, qui a lui un effet positif sur la carrière. De même, l’étude de Jensen et al. (2008) a montré que les activités de dissémination ne sont pas mauvaises pour la carrière, mais qu’elles ont un faible effet positif, plus marqué dans les sciences de la vie. De telles études, ainsi que plus généralement la multiplication des recherches sur l’engagement des scientifiques, auront certainement des effets constructifs sur l’image de l’engagement dans le monde académique et sur sa mise en œuvre.

Notes

  • [*]
    Cheffe d’unité de recherches, sociologie des sciences, Observatoire science, politique et société, Université de Lausanne — fabienne.crettazvonroten@unil.ch
  • [**]
    Chercheur associé, sociologie de la culture, Observatoire Science, Politique et Société, Université de Lausanne — Observatoire science, politique et société, Université de Lausanne, ssp — Bâtiment Vidy – 1015 Lausanne, Suisse — Olivier. Moeschler@unil.ch
  • [1]
    Le plan stratégique de l’Université de Lausanne (unil) est disponible à l’url http://www.unil.ch/central/page12869_fr.html.
  • [2]
    La communication à l’attention d’un large public fait partie des exigences du Fonds national pour les projets qu’il finance : http://www.snf.ch/E/services/lay/Pages/default.aspx.
  • [3]
    Voir leur rapport : http://ec.europa.eu/research/erab/pdf/eurab_07_013_june_%202007_en.pdf
  • [4]
    Dans la suite de cet article, nous entendons par engagement l’ensemble des activités d’information, de dialogue, etc., destinées à un large public. Cette notion sera développée dans « La notion d’engagement ».
  • [5]
    Dans cet article, le mot science se réfère à tous les domaines de recherche, qu’ils relèvent des sciences exactes ou humaines.
  • [6]
    Les Suisses ont refusé à 66,7 % de contraindre la recherche génétique.
  • [7]
  • [8]
    Voir http://ec.europa.eu/research/researchersineurope/events/researchersnight08/index_en.htm.
  • [9]
    Elle a été financée par la fondation Anthropos (unil) entre mai 2007 et avril 2008.
  • [10]
    On pense par exemple au rôle des collectifs de patients dans certaines recherches médicales.
  • [11]
    Pour la Suisse, voir, entre autres, Crettaz von Roten (2006).
  • [12]
    L’hétérogénéité de la population étudiée dans ces études (toutes les disciplines, les sciences exactes et techniques, certains domaines médicaux,
    etc.) ne permet pas de comparer directement les résultats, mais ces recherches donnent une première estimation.
  • [13]
    Par actif nous entendons, dans cet article, un scientifique qui a réalisé au moins une activité dirigée vers un public large, indépendamment de ses activités de communication envers les pairs ou de ses activités d’enseignement dans sa faculté.
  • [14]
    Issus de la médecine et des sciences sociales et humaines.
  • [15]
    Latour (1993) estime que former des chercheurs en les mettant d’emblée au contact avec la société est contreproductif car cela plonge les jeunes scientifiques dans une incertitude et une complexité non compatibles avec leur travail en laboratoire.
  • [16]
    Si la proportion des femmes dans l’éducation tertiaire a significativement augmenté, il y a toujours une proportion inférieure de femmes ayant obtenu un titre de docteur (45 % dans eu-27), de femmes chercheurs (30 %), et de rares femmes professeurs (20 % de position académique grade A) (Commission européenne, 2009).
  • [17]
    Pour simplifier le texte et la lecture, tous les mots se référant à des personnes sont au masculin.
  • [18]
    Pour la composition de l’échantillon, voir la documentation de la version électronique de l’article (annexes électroniques consultables en ligne sur http://sociologie.revues.org/217).
  • [19]
    Le rapport complet se trouve sur le site Internet de l’Observatoire science, politique et société à l’url www.unil.ch/osps. Il contient, en particulier, la grille d’entretien de la partie qualitative et le questionnaire de la partie quantitative, voir dans la documentation de la version électronique de l’article (annexes électroniques).
  • [20]
    Dans notre étude, l’expression les activités destinées à un public large désigne toutes les activités d’information, de dialogue, etc. dirigées vers un public non spécialiste, donc vers des destinataires autres que les pairs de son propre domaine. Voir l’annexe 1 pour la liste précise des 17 activités (annexes électroniques).
  • [21]
    Nous avons pris la valeur 2,5 pour la classe « 2-3 fois » et 4 pour la classe « 4 fois ou plus », ce qui peut engendrer une légère sous-évaluation du nombre total d’activités.
  • [22]
    Ces analyses ont été réalisées à l’aide de spss 15.
  • [23]
    Le détail au niveau des différents types d’activités est disponible dans la documentation de la version électronique de l’article (annexes électroniques).
  • [24]
    Il s’agit d’une analyse en cluster hiérarchique avec une méthode Between-linkage et une distance euclidienne au carré.
  • [25]
    Si l’on prend la somme sur quatre activités principales dirigées vers les pairs (articles dans des revues expertisées, chapitres de livres, livres, interventions dans des colloques scientifiques) comme indicateur de la communication envers les pairs, la corrélation de Pearson est de 0,50.
  • [26]
    Au niveau global, la corrélation entre le nombre total d’activités dirigées vers un public large et le nombre de sollicitations par les médias est de 0,56. En d’autres termes, 31 % de la variation du niveau d’engagement est expliqué par le niveau de sollicitations par les journalistes.
  • [27]
    Parmi les Assistants/doctorants, les hommes ont une moyenne de 0,8 et les femmes de 0,6 ; parmi les Chargés de recherche/chercheurs, les hommes ont une moyenne de 0,9 et les femmes de 1,0.
  • [28]
    Le test de Kolmogorov-Smirnov a rejeté l’hypothèse d’une distribution Normale, mais a accepté l’hypothèse d’une distribution Binomiale négative au seuil de 0,95 (cette distribution s’appliquant à une variable entière, nous avons au préalable arrondi les valeurs à l’unité).
  • [29]
    L’estimation des coefficients significatifs est de 0,26 pour les hommes, de 0,45 pour la classe d’âge 60 ans et plus, de 0,63 pour la classe d’âge 45-59 ans, de 0,48 pour la classe d’âge 30-44 ans, de 0,61 pour les po/mer, de 0,58 pour les Chargés de cours/pd et de 0,57 pour les Chefs de projets/unité/section. Pour l’ensemble des coefficients, voir le Tableau 4 de la documentation de la version électronique de l’article (annexes électroniques).
  • [30]
    Le détail des perceptions de l’engagement selon les caractéristiques sociodémographiques est disponible dans la documentation de la version électronique (annexes électroniques).
  • [31]
    À cet effet, certains auteurs suggèrent d’assigner directement un certain pourcentage du montant alloué à une recherche aux activités d’engagement public (Wilsdon et Willis, 2004).
  • [32]
    Les corrélations entre niveau d’engagement et perceptions sont toutes significatives, sauf celle avec la variable Ludique.
  • [33]
    L’estimation des coefficients significatifs est de 0,23 pour les hommes, de 0,37 pour la classe d’âge 30-44 ans, de 0,52 pour la classe d’âge 45-59 ans, de 0,58 pour les po/mer, de 0,48 pour les Chargés de cours/pd, de 0,20 pour la variable Lien, et de 0,13 pour la variable Résumer. Pour l’ensemble des coefficients, voir le Tableau 4 de la documentation de la version électronique de l’article (annexes électroniques).
  • [34]
    Pour sa mise en œuvre, voir par exemple http://www.unil.ch/nanopublic.
  • [35]
    Lors de nos entretiens, réalisés tant auprès de scientifiques avancés dans leur carrière que de jeunes scientifiques, nous avons souvent enregistré une frustration parmi les jeunes chercheurs qui aimeraient s’engager mais qui n’ont pas l’opportunité de le faire.
  • [36]
    L’un des membres de la faculté interviewé argumentait du caractère public de la Théologie en citant ses trois publics selon le théologien D. Tracey : la communauté scientifique, l’Église et la société (Christian Century, 1981, 1, p. 350-356).
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Français

Résumé

Objet. — Face à la demande pressante d’engagement des scientifiques envers la société, le versant « scientifique » de la relation science-société devint un objet d’étude au croisement de la sociologie des sciences et de la sociologie de la communication scientifique. Cet article analyse comment les scientifiques se représentent leurs relations avec la société et cerne leurs pratiques ainsi que le poids des perceptions dans les pratiques. Méthode. — Cet article porte sur les résultats d’une enquête réalisée en 2007 auprès de 810 scientifiques de l’Université de Lausanne (Suisse) qui comporte sept facultés des sciences humaines et naturelles. Le questionnaire comportait 36 questions relatives aux perceptions de l’engagement, au niveau d’engagement, aux motivations et barrières à l’engagement, aux incitations et aux caractéristiques sociodémographiques. Résultats — L’inventaire des activités d’engagement des scientifiques est positif bien que contrasté : seule une minorité n’a mené aucune activité d’engagement (12 %), mais une minorité d’assidus (20 %) a entrepris plus de la moitié des activités d’engagement (55 %). Le niveau d’engagement varie selon le sexe, l’âge et le statut des scientifiques. Des variations similaires sont constatées au niveau du choix des scientifiques sollicités par les journalistes. Les scientifiques engagés sont également plus actifs envers leurs pairs. L’analyse des représentations des répondants montre une vision globalement sociétale de la science et une inscription de l’engagement dans une visée informative plutôt que dialogique. L’hypothèse d’un lien entre les perceptions et les pratiques des scientifiques est vérifiée par un modèle linéaire généralisé. Conclusion. — Ces résultats, et plus largement la multiplication des recherches sur l’engagement des scientifiques, peuvent certainement avoir des effets constructifs sur l’image de l’engagement dans le monde académique et sur sa mise en œuvre.
Annexes électroniques consultables en ligne sur http://sociologie.revues.org/217

Mots-clés

  • engagement des scientifiques
  • pratiques d’engagement
  • facteurs explicatifs

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Fabienne Crettaz von Roten [*]
  • [*]
    Cheffe d’unité de recherches, sociologie des sciences, Observatoire science, politique et société, Université de Lausanne — fabienne.crettazvonroten@unil.ch
Olivier Moeschler [**]
  • [**]
    Chercheur associé, sociologie de la culture, Observatoire Science, Politique et Société, Université de Lausanne — Observatoire science, politique et société, Université de Lausanne, ssp — Bâtiment Vidy – 1015 Lausanne, Suisse — Olivier. Moeschler@unil.ch
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Mis en ligne sur Cairn.info le 21/04/2010
https://doi.org/10.3917/socio.001.0045
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