« Les vrais dessinateurs à la plume sont des improvisateurs. En apparence plus superficiels que les peintres, ils s’approchent pourtant en réalité bien plus près de la vie. La vie nous apparaît désormais fluide, brute, triomphante et possédée. »Alfred Kublin, Le travail du dessinateur, Paris, Allia, 2015, p. 72
« Je ne sais pas d’art qui puisse engager plus d’intelligence que le dessin. »Paul Valéry, Degas, danse, dessin, Paris, Gallimard, 1965, p. 137
Introduction [1]
1Dire d’une bande dessinée qu’elle est dessinée relève manifestement de la lapalissade, mais ce n’est cependant peut-être qu’une apparence. Car à souligner que tout est dessiné dans une bande dessinée, n’est-ce pas mettre en exergue l’une des caractéristiques essentielles de la bande dessinée, à savoir le dessin justement ? N’est-ce pas mettre en évidence ce qui, à force d’être une évidence, est littéralement oublié ? Or, le dessin est l’un des mal-aimés de l’histoire de l’art : l’Occident n’a-t-il pas toujours valorisé la peinture comme art le plus noble ? Le dessin ne relèverait-il pas ainsi de l’enseignement, de la répétition, de l’apprentissage académique ou de l’amont, de l’esquisse, de la projection rapide le plus souvent, de l’idée brute, à peine dégrossie avant son aboutissement dans la peinture ? Ainsi, le dessin ne serait-il pas véritablement noble et donc premier, privilégié, mais seulement second, roturier en quelque sorte. Comme la bande dessinée repose pour l’essentiel sur le dessin comme mode d’expression, elle ne peut guère en sortir valorisée.
2 Penser la peinture est un exercice gratifiant, alors que penser le dessin reste relativement marginal. Exercice marginal, y compris, semble-t-il, dans les théories de la bande dessinée [2]. Or, on s’est beaucoup intéressé, et à juste titre, au dispositif de la bande dessinée (planches, cases et récit pour reprendre le triptyque de Benoît Peeters), mais guère au dessin en tant que tel, à la notable exception près de Philippe Marion et de son concept de « graphiation », qui renvoie cependant plus encore au sujet et à un style peut être qu’au dessin lui-même. Or, un Töpffer, à l’orée même de la naissance de la bande dessinée, s’était fortement focalisé sur le dessin dont il avait théorisé toute la puissance d’expression et de création. En effet, soulignait-il,
Une chose curieuse, c’est que, de ces trois moyens [trait, relief et couleur], le trait, que je signale comme le plus excellent, est le seul des trois qui soit conventionnel, qui n’existe pas dans la nature, qui disparaisse dans l’imitation complète […], il est celui des trois qui dit le plus rapidement les choses les plus claires à notre intelligence et qui lui rappelle le plus spontanément les objets [3].
4Il ajoutait volontiers que l’on peut « créer à volonté des figures, des têtes, tant mal dessinées que l’on voudra mais ayant, à ne pouvoir s’y tromper, une expression déterminée [4] ». Il nous faudrait, donc, en quelque sorte, renouer avec cette perspective afin de réhabiliter le dessin [5], le trait, la ligne, comme objet légitime de la théorie de la bande dessinée [6]. L’exercice ne peut s’inscrire que dans le temps long, mais il est nécessaire pour penser la bande dessinée dans ce qu’elle montre, mieux comprendre comment elle le montre et comment cela intervient dans le récit lui-même. La bande dessinée est (avant toute chose) un art du trait, y compris dans le trait de la case (et jusque dans son absence même). Or, n’est-ce pas dans le difficile travail de la mise en scène de l’humour que le trait nous dévoile le mieux en quoi il constitue l’outil fondamental de « l’écriture » (ici les guillemets signent une métaphore) graphique de la bande dessinée ? N’est-ce pas à travers l’humour qu’il nous montre en quoi il participe de la manière de raconter des histoires sur le mode singulier (mais non exclusif) du gag ? Cet article voudrait ainsi revenir sur ces questions.
5Car l’humour en bande dessinée passe volontiers par le gag (soit autonome, soit inclus dans un récit plus vaste). Le plus souvent en un strip ou en une planche, il produit une histoire supposée drôle ou qui, à tout le moins, prête à sourire. C’est une question de scénario, de mécanique du récit, qui permet de le construire : quelque chose qui ne devrait pas se nouer se noue à moins que quelque chose se noue qui se dénoue subitement et crée ce que l’on appelle une chute. À l’instar, par exemple, de ce gag dans lequel Prunelle, qui voulait éviter qu’un vase chinois ne tombe sous la main de Gaston, en vient, après que ce dernier l’a profondément agacé, à s’en saisir et à le briser de rage [7] : retournement, ironie du sort qui amène celui qui veut contourner un problème à l’engendrer lui-même. Mais l’humour en bande dessinée, en deçà ou au-delà de la logique du gag en tant que tel, repose aussi sur le dessin, sur ce que l’on peut appeler un véritable trait d’humour. Comme il y a une ironie du sort, il y a – comme je l’ai montré ailleurs –, une ironie de l’objet [8] et il en irait aussi d’une ironie du trait, d’une véritable ironie graphique. Les choses se renversent, se tortillent, s’enroulent, font des nœuds ou font retour et cela se voit parce que le trait le donne à voir. Franquin en est l’un des maîtres : son coup de crayon (mais aussi de pinceau ou de plume) n’est pas neutre en l’affaire. Pas plus qu’il ne l’est chez Marion Montaigne ou Christophe Blain. Je voudrais montrer ici, sur le corpus a priori quelque peu arbitraire de ces trois auteurs [9], que le dessin est porteur lui aussi, en tant que tel, c’est-à-dire au-delà ou en deçà même du scénario, d’une aptitude à produire de l’humour notamment grâce à une logique de l’ironie qui lui est propre. Chacun de ces trois auteurs permettra d’en décliner une version différente.
6L’exercice n’est pas forcément simple : car il nous faut qualifier un trait, ou plutôt des traits, afin de montrer en quoi ils font apparaître véritablement une logique qui participe de l’esprit d’une œuvre, de son ton, de son style, mais aussi de sa manière de raconter une histoire. La méthode, dès lors, va se replier dans l’écriture elle-même, car c’est de la manière dont on va pouvoir restituer verbalement ce que le trait fait que ce qu’il fait va, justement, être mis en évidence. Exercice de traduction qui donne à entendre par les mots ce que le trait donne à voir. Si une compréhension du trait s’en dégage, c’est parce que les mots vont en quelque sorte ralentir ce que le dessin projette dans toute sa vivacité. Autrement dit, la compréhension ne sera pas un acte qui ira au-delà du dessin, comme pour en révéler le sens caché, mais bien dans un en deçà du dessin, qui permet de prêter attention à ce qui nous échappe lorsque nous sommes emportés par sa dynamique. À la suite de Pierre Fresnault-Deruelle, qui parle d’intelligence graphique à propos de Tintin [10], il va nous falloir décrire ce que l’on peut appeler une intelligence du trait. Après la notion d’énonciation typographique avancée par Roger Laufer [11], Emmanuël Souchier introduisit celle d’énonciation éditoriale [12]. Ne faut-il pas parler ici d’énonciation graphique [13] pour dire de ce qui se dit non pas avec mais dans le trait, ce qui se dit non à travers mais par le dessin, la graphiation au sens de Philippe Marion [14] ? Or, le trait, même apparemment statique relève toujours d’une dynamique, comme si l’outil graphique (plume, pinceau, crayon, stylo, etc.), « motorisé » par la main et le geste (même sur tablette graphique), produisait un vecteur, une logistique et, au fond, une physique, ou plus précisément une sémio-physique du trait. Ce qui permettrait peut-être de caractériser le style en bande dessinée, à tout le moins pour le dessinateur, et en l’occurrence, sous condition de spécifications, un style humoristique (parmi d’autres possibles). Ce qui caractériserait peut être également une modalité proprement bédéique de raconter des histoires en images, comme si le dessin parvenait parfois, voire souvent et notamment dans le registre de l’humour, à littéralement subjuguer le scénario. Hypothèses de travail que cet article se propose d’explorer à travers, rappelons-le, trois auteurs, André Franquin, Marion Montaigne et Christophe Blain.
Le trait chez Franquin [15] : une physique ironique du tourbillon ?
7Franquin a longtemps travaillé avec un trait plutôt rigide, voire raide… et ses personnages, à commencer par le premier Gaston [16], l’étaient tout autant. Quelque chose de guindé, de coincé, de tendu, de gauche tant ils étaient tenus par des droites, quelque chose d’une orthopédie les habitait, les structurait et les amenait à fonctionner un peu comme des marionnettes de bois. Puis ils sont devenus, tout à l’opposé, des marionnettes sinon de chiffon du moins de caoutchouc, souples, rondes… et singulièrement ce Gaston qui oscille entre l’ironie du sort et le retour des choses [17] : l’ironie du sort qu’il incarne puisqu’il ne peut être question que des contrats soient signés aux éditions Dupuis sans que Gaston ou ses animaux ne déclenchent, comme malgré eux [18], ce retour des choses, ce retournement des choses qui sape tous les efforts consentis par Prunelle (et De Mesmaeker) pour que les choses, justement, se passent « normalement », c’est-à-dire sans catastrophe. Le trait de Franquin n’est pas seulement au service de cette ironie et de ce retour, il les simule véritablement à travers son exceptionnelle aptitude à s’enrouler, à se dérouler, à rebondir, se nouer, etc.
8Le chat de Gaston est assez souvent le vecteur de cette ironie du sort, qui empêche la signature des contrats. Le chat incarne une sorte de logique du jeu, mais d’un jeu qui se donne tout entier, qui va jusqu’au bout, que rien ou presque n’arrête (si ce n’est parfois Lebrac, mais ce n’est pas sans effort). Le dessin du chat – tout à l’inverse de celui que Geluck choisira pour le sien, massif et immobile – est tout en rondeur, tout en souplesse, tout en courbes : son corps s’enroule sur lui-même, chaque membre est mobile et joue son propre rôle ; le corps se vrille, la queue en l’air s’agite, alors même que le bassin vient d’opérer une torsion autour de la tête et que les pattes cherchent à attraper le ruban adhésif qui bientôt les colle, puis aux feuilles et lorsque le chat, excité et apeuré tout en même temps, jaillit pour se défaire de la ribambelle de papiers qui l’assaille, il fonce à travers les bureaux comme un missile et vient perturber la signature qui semblait se profiler, mettant hors de lui une nouvelle fois De Mesmaeker (Ill. 1) [19]. Le trait idéographique du mouvement qui accompagne chaque geste de chaque membre du chat ou de sa trajectoire globale renforce l’impression de mouvement qui se dégage irrésistiblement de ces images : ce trait, dans le bureau de Prunelle, en vient même à former une double boucle, l’une petite et l’autre générale. Tout le gag repose sur ce dérapage, cette sortie de route que produit et provoque le chat : vecteur devenu « fou », incontrôlable, il (re)présente l’irruption de l’aléa dans le processus supposé bien huilé de la relation professionnelle. Et le trait dit précisément cela : il dit cette vertu de la force de la vrille, de la puissance du tourbillon. Car le dessin de Franquin met justement en scène cette logique du tourbillon qui crée une force qui se déchaîne et que l’on ne peut plus retenir – du moins pas dans l’immédiat. Le chat virevolte, son corps se déporte et revient, le rouleau se déploie tout en flottant jusqu’à ce qu’il se tende : la vrille crée le tourbillon qui propulse l’objet (gomme, ruban ou chat, voire humains) dans une nouvelle vrille qui crée un nouveau tourbillon, etc. Il en va d’une sorte de physique sémiotique dans laquelle le dessin entre tourbillons et tensions suscite tout un jeu de forces (ce qui bouscule, déplace, projette, etc.) et de contre-forces (ce qui est planté, ce qui résiste, etc.) qui anime les objets qui, à leur tour, entrent dans une espèce de danse dans laquelle, bientôt, sont entraînés les protagonistes humains de la situation.
Ill. 1 – Le chat de Gaston : un tourbillon graphique

Ill. 1 – Le chat de Gaston : un tourbillon graphique
9La pensée du tourbillon est ancienne [20]. Ainsi, comme le souligne Georges Didi-Huberman, « Michel Serres [a montré] dans son livre sur la physique de Lucrèce, [que] le clinanem, occasion génératrice de toute chose, commence lui-même par engendrer un événement de “turbulence” (turbulancia) ou de “trouble” (turba) ou de tourbillon (turbo) [21] ». On peut faire, semble-t-il, remonter la pensée visuelle du tourbillon à la Renaissance, avec les dessins de dynamique des fluides de Léonard (à l’instar de ses dessins du déluge de la Royal Library [22], Ill. 2) mais également avec le Printemps de Sandro Botticelli, car dans son œuvre, à en croire Georges Didi-Huberman à la suite d’Aby Warburg, « c’est […] une même morphologie qui se trouve à l’œuvre, tant sur le plan psychique (émoi, désir, tourment) que sur le plan physique (turbulence, vent, tourmente) ». Il ajoute : « Comment ne pas voir, dès lors, que la nécessaire “transition” entre ces deux ordres devait être assumée, dans un tableau, par la création d’événements de turbulence figurale [23] ? » Il n’est peut-être pas excessif de penser que c’est, d’une certaine manière, un jeu similaire qui se rejoue parfois dans l’œuvre de Franquin, et singulièrement dans Gaston.
Ill. 2 – Léonard de Vinci, Le Déluge, une dynamique graphique des fluides

Ill. 2 – Léonard de Vinci, Le Déluge, une dynamique graphique des fluides
10Physique par le dessin, physique qui se donne à voir dans le dessin, comme les volutes de fumée étaient données à voir par le travail de mise en évidence photographique d’un E. J. Marey [24]. Cette physique du mouvement produite par le dessin n’est pas forcément réaliste. Ce n’est pas ce qui importe ici, elle est vraisemblable ou plutôt, elle n’a d’autre objectif que de donner à voir le mouvement lui-même. Autrement dit, elle n’est vraisemblable que dans l’espace de la diégèse elle-même, c’est-à-dire la logique du gag, puisqu’elle porte un jeu de forces et contre-forces qui s’opposent et s’affrontent (le souple contre le raide, le prévisible contre l’imprévisible, etc.). Elle retourne également ce qui est au travail contre lui-même, à l’instar de ce jeu de fil dans lequel le chat en vient à s’enfermer ou à être enfermé, pris à son propre jeu, qui le dépasse et le piège. Enfin, elle suscite cet objet qui se retourne contre celui qui l’utilise, à l’image de ce téléphone muni d’un cordon si souple qu’il transforme l’appareil en une sorte de projectile qui finit par mettre KO un Prunelle dont la colère éclate en jurons… qui ne peuvent que frapper les oreilles ô combien sensibles de De Mesmaeker. Franquin a ainsi su développer dans son trait même une physique singulière faite de vrilles, de tourbillons et de projectiles qui travaille le gag et produit le gag, directement d’une certaine manière, sans scénario ad hoc parfois. Ou, pour dire les choses autrement, c’est la dynamique même de cette physique qui, dans son déploiement sémiotique et ironique (les retours et retournements) en vient à former un récit. Un récit qui est dans le trait, parce que ses rebondissements ne sont que ceux-là mêmes que donne à voir et met en scène le trait.
11 On peut, en définitive, discerner cinq niveaux de trait dans les gags de Gaston qui nous retiennent ici : le trait qui donne lieu au décor, décor parfois mis à mal par le jeu violent des forces qui se déchaînent ; le trait qui dessine le personnage, lequel se retrouve souvent déstabilisé, vacillant, désarticulé ; le trait de ce que j’ai envie d’appeler « l’objet logistique » (qui assure/assume un déplacement et que je distingue ici du décor dont il est partie prenante au départ de l’action), bobine de fil ou cordon souple, entre tension et retour, gomme, balle ou système de transport, qui transforme un objet plutôt posé en un véritable projectile (un téléphone par exemple) ; le trait idéographique qui, non seulement souligne mais surtout donne véritablement à voir les mouvements de l’objet et des protagonistes ainsi que leurs résultats (des étoiles qui gravitent autour du personnage assommé ou les lignes de l’onde d’un choc, par exemple) dans une logique qui sanctionne l’exagération généralisée des attitudes des protagonistes (que ce soit Prunelle ou le chat) ; enfin, le trait qui donne forme aux cris, jurons et autres bruits, eux-mêmes dessinés, qui accompagnent et sonorisent la scène. C’est bien le tricotage de ces cinq types de trait, dans le même style rond et souple, qui rend la scène si dynamique, si agitée, si débordante de vie [25] et produit au final un gag purement visuel, c’est-à-dire purement graphique.
Le trait (trash) chez Montaigne : une biophysique ironique du déchirement du corps ?
12Le trait de Marion Montaigne dans Tu mourras moins bête n’est pas sans rappeler celui de Reiser, rapide, vif, incisif, il ressemble à une sorte d’écriture graphique [26]. Ce trait est souvent éclaté comme l’est le sujet abordé par l’auteur : un corps, par exemple, qui explose sous l’impact d’un tir puissant. Le trait se répand alors comme les viscères, le sang, etc. Bref, il en va d’un trait qui est isomorphe à ce qu’il montre et notamment lorsque ce qu’il donne à voir est déchiqueté, démantibulé, cassé, brisé, explosé, disséminé, etc. Autrement dit, le trait du trash possède une sorte de vertu ironique puisqu’il est lui-même trash, lui-même discontinu, réparti, éclaté, mais aussi agglutiné, amoncelé, grouillant, quand il n’est pas rature, rayure, zébrure, etc. Comme si le trash faisait retour dans le trait pour le déconstruire et le mettre au service de sa cause.
13Le trait de Marion Montaigne n’est pas forcément toujours le même selon ses travaux. Certes, il reste rapide, avec un côté presque brouillon au sens de saisi sur le vif dans une volonté de restituer la vie, le mouvement, l’action, le choc, bien loin du fini du cerne de la ligne claire. Mais il est un peu plus déconstruit dans les albums qui nous occupent (issus de son blog) que dans ses reportages pour la Revue dessinée ou son album de vulgarisation des travaux des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sur les riches. Bref, ce trait, tout en gardant son unité, possède également du « jeu », une marge de manœuvre interne qui lui permet de s’ajuster à son sujet et à son type d’humour : lorsqu’il s’agit de transcrire et de dénoncer les à-peu-près du cinéma dans un humour trash, alors ce trait s’abandonne à une sorte de déliquescence apparente, mais fortement maîtrisée néanmoins. Déliquescence joyeuse qui, dans son exagération même, rend supportable ce qu’elle donne à voir : en l’occurrence une destruction violente du corps par explosion, gangrène ou autres découpages. Montrées sur un mode réaliste ces images seraient tout simplement insupportables. À l’inverse, l’hyperbole visuelle [27] à travers laquelle Marion Montaigne les présente entraîne un paradoxal sourire, car justement, elle nous permet à la fois de tout voir et même de trop voir, de voir la « réalité » d’une certaine manière, mais amplifiée au point de sortir du réalisme. Autrement dit, elle nous présente ce qui se passerait réellement, comme type de conséquence (une balle dans une jambe n’est en rien anodin, au contraire de ce qui est souvent avancé dans les films), et non ce qui se passe au cinéma, mais sur un mode qui, lui, n’est pas réaliste, mais bien excessif ou bien trop crûment réaliste et nous sidère : le sourire ou le rire, dès lors, sont en fait des armes défensives que nous mobilisons face à ce qui nous a subjugué ou dégoûté.
14Or, le trait n’est en rien marginal en l’affaire. Car c’est bien lui qui permet à l’auteur de mettre en scène cette logique de l’excès [28] ou de la conséquence brute (le parachutiste néophyte projeté dans le réacteur de l’avion et broyé donc) : car ce trait ne cache rien, il exhibe les faits au plus près de ce qu’ils sont, c’est pourquoi il est lui-même déchiqueté lorsque le corps est déchiqueté. Marion Montaigne ne cache pas le corps en train d’être déchiré dans un espace intericonique, comme par fausse pudeur ; elle ne cache pas plus ce qu’elle donne à voir derrière un trait qui tricherait, en quelque sorte, et adoucirait ce qu’il prétend montrer dans une stratégie graphique d’euphémisation qui resterait bien en deçà de la violence du réel. Il en irait alors d’une divergence entre la réalité du trait lui-même (encore relativement lié et peu éclaté) et la réalité de ce qu’il révèle (beaucoup plus déchirée). Marion Montaigne fait, tout au contraire, le choix d’une stratégie graphique d’isomorphie, voire d’amplification dans laquelle le trait est soit à la hauteur de ce qu’il décrit (il n’atténue rien, mais ne gonfle rien non plus), soit dépasse largement ce qu’il décrit dans une exagération, un grandissement, non dans l’ordre de la taille mais dans celui des conséquences [29].
15Le trait de Marion Montaigne ne nie pas la violence du monde, tout au contraire il la jette au visage de son lecteur, sans ménagement. L’auteur propose une sorte de contrat de lecture implicite à son lecteur : s’il veut sortir du dessin moins naïf, et c’est bien pourquoi « il mourra moins bête », il doit accepter d’en payer le prix. En payer le prix, c’est justement accepter d’être rudoyé, d’être secoué, d’être choqué. Mission entièrement dévolue au trait : car Marion Montaigne pourrait tout aussi bien démonter l’artificialité des séries télévisées ou du cinéma sans convoquer une logique trash, notamment en disant avec des mots seulement ce qu’elle expose en dessin. Ainsi, elle aurait pu construire son dessin consacré à la jambe atteinte d’une balle en conservant son commentaire sur le fait que l’artère fémorale pourrait être touchée sans forcément introduire le dessin « trash » qui le montre (Ill. 3). On y perdait en humour, mais on y gagnait en sobriété. C’est donc bien le dessin qui est en jeu et même son trait, car Marion Montaigne aurait pu, là encore, adopter un trait relevant de la ligne claire qui aurait édulcoré l’état du blessé, alors que son propre trait désarticulé, non continu, tout en giclure, traduit parfaitement la désarticulation, la décomposition et l’éclatement du blessé. Autrement dit, il en va bien d’une ironie du trait qui fait retour dans son tracé lui-même pour transcrire l’état de dégradation physiologique, mais dans une exagération caricaturale qui agresse littéralement son lecteur (qui ne peut pas ne pas voir, sauf à refermer le livre), le provoque au point qu’il en vient à se défendre par le rire. Le lecteur sort indemne des gags de Gaston, il ne sort pas indemne des gags de Marion Montaigne. Il ne peut leur rester extérieur : il est impliqué, même malgré lui. Comme si le trait-giclure de Marion Montaigne, qui transcrit si bien le sang qui jaillit, maculait également son lecteur. Comme s’il giclait littéralement hors de la case, dans un mouvement ironique qui irait jusqu’à inclure le lecteur. Le rire, dès lors, est une manière pour ce même lecteur de mettre à nouveau de la distance entre lui et ce qu’il lit, ce qui lui permet à la fois d’accepter ce que porte sur le fond l’humour trash et qu’il n’aurait peut-être pas entendu autrement (c’est-à-dire à travers un procédé plus posé) tout en amortissant la violence du procédé (trash) à travers lequel ce fond est mis en scène.
Le trait chez Blain : une physique sociale de l’ironie (la noblesse d’État) ?
16Le trait continu, sinueux, mais en même temps ferme de Christophe Blain [30] suscite et donne à voir plus qu’il n’accompagne cette « noblesse » d’État dont parlait Bourdieu : une noblesse qui s’impose et en impose. Ce que le trait montre, littéralement, dans le personnage de Taillard de Vorms [31]. Mais ce trait manifeste en même temps une logique d’exposition, car le corps ample offert par le trait ondulant mais également serré de Blain, apparemment, mais apparemment seulement, désinvolte, sculpte un corps puissant qui occupe la place, la saisit et la sature quand il ne l’explose pas. Cependant, cette exposition du ministre n’est possible qu’à dépendre du travail, dans l’ombre, de son cabinet. Elle aboutit, paradoxalement, à isoler le ministre, qui ne parvient jamais à véritablement rencontrer l’autre, mais à l’interpeller seulement. Ce mode de fonctionnement n’apprécie fondamentalement que le même. Ainsi, Taillard de Vorms avoue-t-il, à propos de son alter ego américain : « heureusement qu’on l’a lui, avec lui au moins on se comprend », alors qu’ils partent chacun de leur côté, jumeaux dominant la foule, d’une foulée rapide et puissante, ce que véhicule parfaitement un trait qui les résume en une forme simple, rectangulaire, noircie d’un trait vif, qui fend un parterre aux figures mêlées, uniformément jaunes, à peine esquissées d’un cerne léger.
Ill. 3 – La giclure graphique

Ill. 3 – La giclure graphique
17 Au contraire de celui de Marion Montaigne, le trait ici n’est en rien discontinu, il n’est en rien « troué » ou en « pointillé », il n’est en rien saccadé, cassé, brisé, etc. Blain a adopté un trait plutôt tendu sans être rigide, un trait assez plein, net, qui délimite bien les choses et les êtres. C’est peut être parce que la violence, quoique bien réelle, n’est pas tant physique que psychologique ou plutôt relationnelle et « positionnelle » : étant donné un état du jeu des relations, il marque la position de tel ou tel protagoniste ; le jeu relatif et simultané des membres de l’équipe (et de l’environnement géopolitique mondial notamment) modifie les positions et donc les relations qui, à leur tour, influencent l’état du jeu qui, etc. La « psychologie » ou plutôt l’état psychologique des personnages n’est alors qu’un résultat (toujours éphémère) de ce rapport (toujours instable) entre relations et positions : enthousiasme, déprime, etc. Ce qui est vrai pour tous, sauf un : Taillard de Vorms. Inoxydable, celui-ci est d’abord mu par une vision intérieure, travaillée néanmoins de l’extérieur par des lectures et les événements de la scène mondiale. Ce qui signifie que la vision intérieure n’est pas totalement stabilisée, quand bien même tout ce qui nourrit cet homme en vient inévitablement à être métabolisé par cet esprit puissant et quelque peu autocentré, animé par une logique du panache qui caractérise ce que c’est que faire de la politique et guidé par une certaine idée de la France et de sa place dans le monde. Ce qui se traduit dans son comportement et donc son corps en action, car même lorsqu’il est assis, il semble agir encore. Ce que transcrit avec précision le trait de Christophe Blain.
18Car ce trait parvient à dire la noblesse, en ce sens qu’il dit la grandeur et la puissance noués dans une présence physique véritablement écrasante, mais altière. La grandeur s’impose par la haute taille de Taillard de Vorms et la puissance par celle de son déplacement notamment (à l’instar des « Vlon », claquements de portes qui l’accompagnent, Ill. 4). Les deux convergent et s’expriment par une gestuelle qui ponctue toute conversation, une gestuelle tout à la fois large, ample, précise, marquée (tchac/tchac…) qui souligne, tranche, porte, élève ou rabaisse ; bref, des gestes qui parlent, et ce, grâce à un trait qui est au service de cette gestuelle car il sait être lui-même à la fois ample (les bras et les mains ouvertes), souple, tendu, sec, ondulant, coupant, virevoltant, etc. [32]. Le geste de Taillard de Vorms n’est jamais petit ou mesquin, il est toujours marqué du sceau du grand : qu’il désigne, dénonce, souligne, etc., il est toujours entier et il semble toujours pleinement assumé par son auteur. Ce geste marque justement la noblesse dans sa manière sociale d’être : loin de toute hésitation ou du retrait, elle est absolument présente et d’une présence absolument évidente, comme, justement, quelque chose qui ne se discute pas, un droit inné d’être là, de bouger, d’évoluer, de s’exprimer. Noblesse d’État, à la fois noble par le nom (du moins le suppose-t-on ; Taillard de Vorms) et noble par l’inscription dans un milieu politico-administratif qui relève de la légitimité des grands corps de l’État plus que de celle de l’élection. N’est-ce pas, au fond, le roturier qui joue de manière privilégiée ce jeu de l’élection (la bien nommée) par le truchement de la concurrence démocratique, alors que le noble, lui, est déjà élu, élevé par nature culturelle, voire nature tout court ?
Ill. 4 – La dynamique graphique du pouvoir

Ill. 4 – La dynamique graphique du pouvoir
19Taillard de Vorms ne doute pas, ou si peu et surtout jamais de lui-même. Le trait dit cette certitude : cohérent, articulé, ample dans son tracé, assuré. Mais cette noblesse, comme toute noblesse, ne peut exister que par la présence de ces petites mains qui, dans la coulisse, assurent la logistique, informationnelle, relationnelle ou physique (transport, etc.), sans quoi tout s’effondre ou rien ne fonctionne. Ironie du grand qui ne tient que par le petit, qu’il ignore ou presque ou suppose bien évidemment « sous la main », disponible – ce que le dessin dit également, car l’anti-Taillard de Vorms, Arthur, est bousculé, assailli de dossiers, réfugié sur un bout de bureau, corvéable à toute heure et tous les jours, etc. Le trait montre ce statut, non qu’Arthur relèverait d’un trait fondamentalement différent, le style reste le même, tout au plus est-il en quelque sorte resserré, ramassé, moins travaillé, moins abouti, un peu plus simple, moins gras, plus familier si l’on veut, un cran en dessous, comme légèrement en retrait, en deçà. Arthur ne sera jamais un Minotaure, figure que prend « réellement » Taillard de Vorms dans cet album, jamais il ne s’enfoncera, rougeoyant, dans le noir profond de ce couloir, jamais il ne sera porté par ce trait qui le confond avec la puissance du mythe, un trait qui se déprend de la seule ligne pour envahir l’espace sous le coup de sa multiplication dans un puissant geste de remplissage [33]. Taillard de Vorms appartient à un autre monde, le trait le dit, Arthur appartient au nôtre, ce que le trait dit aussi, et leur différence irréfragable avec.
Conclusion : de l’ironie des choses
20Le trait d’humour ici est peut-être celui qui, d’une manière ou d’une autre – et nous en avons vu trois – parvient à porter l’ironie des choses ou plutôt à l’épouser véritablement, à y coller sans reste. Ironie des choses physiques et singulièrement de ces objets dont Gaston nous montre à l’envi que nous n’en maîtrisons pas forcément les conséquences directes ou latérales ; bref, les choses nous échappent, se dérobent, ce que le trait de Franquin porte en lui-même, semble-t-il, puisqu’il inscrit parfaitement sur la feuille le dérapage, la glissade, l’enchevêtrement, le débordement. Mais cette présentation et non pas re-présentation, de ce qui se noue ou de ce qui se libère, se projette ou explose passe par un trait qui est, lui, parfaitement contrôlé. Ironie des choses biologiques, des corps démembrés qui éclatent, éclaboussent, giclent, etc., et dont Marion Montaigne rend particulièrement bien compte à travers un dessin qui est lui-même travaillé de l’intérieur par cette logique de la déstructuration, de l’explosion, de la discontinuité, qu’elle donne alors à voir. Mais, là encore, ne nous y trompons pas : cette sorte d’écriture qui dit dans le haché/hachis de son tracé la dégradation, est parfaitement maîtrisée. Enfin, ironie des choses sociales, de cette grandeur que traduit à merveille l’économie de la grandeur graphique adoptée par Christophe Blain, qui donne, en effet, à voir la puissance, le lustre et l’excès, dans leur supposée évidence (celle qu’ils se donnent en tout cas), mais qui ne peut exister pratiquement sans une théorie de « petites mains » à la disponibilité sans faille.
21Le trait implique une physique parce qu’il est l’expression d’une logistique graphique liée à un vecteur (stylo, plume, etc.). Cette logistique participe de la mise en récit en bande dessinée. Croire, comme le disait Claude Brémond en 1968, que « la même aventure pourrait être racontée, sans déficit notable, par des moyens purement verbaux [34] », c’est refuser de prendre en compte la différence ou plutôt la singularité que porte le trait (ou ailleurs une mise en images par la photo) et surtout, c’est refuser de voir, à proprement parler, son apport dans la manière de raconter une histoire. Dessinée, peinte, cinématographiée ou photographiée, une histoire n’est pas la même (sinon, pourquoi récuserait-on à ce point le roman-photo ?) ? Et une histoire dessinée, dès lors qu’elle l’est par tel ou tel dessinateur, n’est jamais la même : sa structure narrative de base, telle que la saisissent le schéma actantiel et tel programme narratif, peut-être, mais l’histoire elle-même, dans toute sa richesse, c’est-à-dire celle que permet de déployer le média-support dans sa singularité, sûrement pas [35]. Cette sémio-physique graphique pèse considérablement à la fois sur ce qui, in fine, est raconté et sur la façon dont cela est raconté. Cette sémio-physique du trait habite véritablement ce que peut être le trait d’humour, au double sens d’un effet humoristique et du graphisme qui le porte [36].
Notes
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[1]
Albums analysés dans cet article : Christophe Blain et Abel Lanzac, Quai d’Orsay, Paris, Dargaud, 2 t., 2010-2011 ; André Franquin, Gaston. Intégrale, Paris, Dupuis, 2015 ; Marion Montaigne, Tu mourras moins bête, Roubaix, Ankama, t. 1, 2011.
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[2]
Cela dit, le lien que nous faisons entre dessin, tout court, c’est-à-dire le dessin « classique » et bande dessinée n’est pas forcément évident : un livre comme celui de Marco Bussagli, qui prétend apprendre à son lecteur Comment regarder le dessin (Paris, Hazan, 2012), n’accorde pas une seule ligne à la bande dessinée ; à l’inverse un dessinateur comme Alfred Kublin n’hésite pas à écrire, citant deux grands ancêtres de la bande dessinée : « la légèreté qui vient de la simplicité même de l’outil, nous démontre de façon précise et idéale l’unité de la sensation et de l’esprit qui, s’alliant tendrement à la matière, devient l’âme d’une création miniature. On n’en est pas loin en particulier avec ceux des artistes et qui sont enclins à la rêverie et utilisent volontiers et ces beaux instruments que sont les plumes de Rodolphe Töpffer, Wilhelm Busch […] dont les meilleurs œuvres suscitent dans un vaste cercle joie et réflexion » (Le travail du dessinateur, Paris, Allia, 2015, p. 70).
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[3]
Thierry Groensteen, Benoît Peeters, Töpffer. L’invention de la bande dessinée, Paris, Hermann, 1994, p. 31.
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[4]
Ibid., p. 196.
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[5]
Notons que des théoriciens de la bande dessinée qui viennent de la bande dessinée comme S. McCloud ou W. Eisner ne s’intéressent pas véritablement au trait de manière autonome. Eisner consacre ainsi un chapitre très court de son volume 2 au dessin et si ce dernier est omniprésent d’une certaine manière dans le volume 3 consacré aux personnages, c’est pour marquer par exemple une émotion (à l’instar de la haine, p. 66-67) qui est décrite abstraitement en tant que telle dans un texte et montrée à travers un dessin qui la met en scène, sans que l’auteur ne nous explique en quoi ce dessin, dans son trait, dit la haine ou la honte. Scott McCloud, de son côté, s’il parle de la ligne, c’est essentiellement pour interroger sa capacité à porter des émotions (chap. 5). Will Eisner, Les clés de la bande dessinée, Paris, Delcourt, volumes 2 et 3, 2010 et 2011. Mc Cloud, L’art invisible, Paris, Delcourt, 2007.
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[6]
Sur la question de la ligne et du trait, on lira avec profit Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (Bruxelles, Z/S, 2011) et, notamment le chap. 5.
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[7]
André Franquin, Gaston. Intégrale, op. cit., p. 460, gag 548.
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[8]
Pascal Robert, « De l’ironie de l’objet dans la bande dessinée franco-belge », Alliage, no 78.
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[9]
Corpus qui se trouvera peut-être légitimé en ce que tous les trois partagent véritablement une même capacité à produire des « traits d’humour ».
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[10]
Pierre Fresnault-Deruelle, « Hergé ou l’intelligence graphique », MEI, no 26, Paris, L’Harmattan, 2007, Poétique de la bande dessinée. En ligne : http://www.mei-info.com/wp-content/uploads/revue26/4MEI-26.pdf
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[11]
Roger Laufer, « L’énonciation typographique : hier et demain », Communication et Langages, no 68, 1986. DOI : 10.3406/colan.1986.1762.
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[12]
Emmanuël Souchier, « L’image du texte, pour une théorie de l’énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, no 6, 1998. DOI : 10.3917/cdm.006.0137.
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[13]
Jacques Neefs parle d’énonciation graphique à propos de l’écriture des manuscrits depuis 2007, c’est bien évidemment autre chose qui nous intéresse ici.
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[14]
Philippe Marion, Traces en cases, Louvain, Academia, 1993.
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[15]
Pour une approche bergsonienne de l’humour de Gaston par Franquin, on lira Henri Garric, « L’engendrement du gag dans Gaston Lagaffe de Franquin », dans id. L’engendrement des images en bande dessinée, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2013, p. 43-54.
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[16]
Voir André Franquin, Gaston. Intégrale, op. cit.
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[17]
Un Gaston qui va s’incarner dans un mannequin en latex qui l’imite à la perfection, au point d’ailleurs que l’on peut littéralement le confondre avec le vrai Gaston…
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[18]
Quoique… dirait peut-être le psychanalyste, spécialiste de l’acte manqué, ici fort bien réussi.
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[19]
André Franquin, Gaston. Intégrale, op. cit., p. 565, gag 640.
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[20]
Voir Georges Didi-Huberman, Ninfa Fluida, Paris, Gallimard, 2015 ; Daniel Arasse, Léonard de Vinci. Le rythme du monde, Paris, Hazan, 1997, p. 99 et suiv. et notamment les pages 101 et 107 où l’auteur parle du tourbillon chez Léonard.
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[21]
Ibid., p. 92-93.
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[22]
Daniel Arasse, Léonard de Vinci, Paris, Hazan, 2011, p. 114.
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[23]
Georges Didi-Huberman, Ninfa Fluida, op. cit., p. 93.
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[24]
Voir Georges Didi-Huberman, Laurent Mannoni, Mouvements de l’air, Paris, Gallimard, 2004.
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[25]
Ce qui fait irrésistiblement penser a cette réflexion de Paul Valéry : « Il arrive que ce dessin d’invention enivre l’exécutant, devienne une action forcenée qui se dévore elle-même, s’alimente, s’exaspère d’elle-même, un mouvement de fougue qui se hâte vers sa jouissance, vers la possession de ce qu’on veut voir » (Paul Valéry, Degas, danse, dessin, op. cit., p. 157).
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[26]
Voir Marion Montaigne, Tu mourras moins bête, Roubaix, Ankama, 2011, t. 1.
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[27]
Voir Pascal Robert, « Professeure Moustache contre les médias », Comicalités. Culture graphique : créations et représentations, mis en ligne le 2 septembre 2015. En ligne : http://comicalites.revues.org/2111
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[28]
Car, lorsqu’une artère est touchée, le sang gicle abondamment, mais nous ne le savons pas forcément ou n’avons pas forcément envie de le savoir.
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[29]
Voir Pascal Robert, « Professeure Moustache contre les médias », art. cité.
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[30]
Voir Christophe Blain, Abel Lanzac, Quai d’Orsay, Paris, Dargaud, 2010-2011, 2 vol.
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[31]
Voir Pascal Robert, « Le corps diplomatique : Quai d’Orsay et le corps-actant », dans I. Guillaume, A. Landot, I. Le Roy Ladurie, T. Martine (dir.), Les langages du corps dans la bande dessinée, Paris, L’Harmattan, 2015.
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[32]
Pascal Robert, « Le corps diplomatique : Quai d’Orsay et le corps-actant », dans Isabelle Guillaume, Aymeric Landot, Irène Le Roy Ladurie, Tristan Martine (dir.), Les Langages du corps dans la bande dessinée, Paris, L’Harmattan, 2015.
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[33]
Christophe Blain, Abel Lanzac, Quai d’Orsay, op. cit., vol. 2, p. 38.
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[34]
Voir Claude Brémond, « Pour une gestuaire des bandes dessinées », Langages, no 10, 1968, p. 94. DOI : 10.3406/lgge.1968.2552.
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[35]
Pascal Robert, La bande dessinée : une intelligence subversive, Lyon, Presses de l’Enssib, 2018.
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[36]
Cela dit, le trait d’humour n’est pas pour autant la seule solution pour mettre en scène l’ironie des choses, puisqu’il est également possible d’en prendre totalement le contre-pied : à l’instar du travail d’Hergé où l’ironie n’est plus dans le dessin lui-même, dans le trait, mais dans le scénario, et plus singulièrement dans les relations qu’il tresse entre les hommes et les objets, mais c’est, sinon une autre histoire, du moins un autre volet de ma réflexion sur la bande dessinée.