Cet article porte sur la manière dont la sociologie, comme discipline académique d'enseignement, est travaillée dans les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE).
Situées dans le pôle professionnalisant de l'enseignement supérieur, les ESPE sont confrontées structurellement aux demandes du champ politique (notamment du ministère de l'Éducation nationale) et des experts pédagogiques déclarés, mais aussi des familles d'enfants scolarisés et des syndicats enseignants. Les savoirs sociologiques ne sont pas étanches à ces demandes et sont soumis à des rapports de forces propres à cette position.
Contre l'idée d'une fabrication autonome des savoirs qui s'appuierait sur des logiques intrinsèques (les savoirs diffusés seraient fondés sur des logiques objectives attestant leur pertinence), nous montrons d'abord que les savoirs sociologiques diffusés en ESPE sont en partie contingents, produits par des logiques hétéronomes aux savoirs qui dépendent des rapports de forces et des acteurs en présence (David, 2017). Dans le prolongement des travaux interrogeant l'autonomie et ses effets dans divers espaces que sont le droit européen (Vauchez, 2008), le champ économique (Lebaron, 1997) ou encore le journalisme (Lafarge, 2019), nous montrons aussi que la sociologie enseignée en ESPE dispose d'une faible autonomie, se traduisant notamment par une capacité relative à définir ses propres contenus, à les imposer dans l'offre de formation et à défendre ses frontières, c'est-à-dire à préserver ses objets des tentatives d'appropriation par d'autres disciplines…