CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Une dimension centrale de l'ordre colonial est la mise en œuvre de distinctions statutaires et légales entre les populations indigènes et les colons [1]. Dans l'Algérie coloniale, le statut des indigènes a connu d'importantes évolutions au cours des 132 années de colonisation, mais il a été marqué par leur maintien dans une position subalterne. Ce n'est que dans les cinq années précédant l'indépendance en 1962 que des dispositions égalitaires ont été prises pour assurer la pleine et entière citoyenneté de ceux alors dénommés « Français musulmans ». En particulier, et bien que juridiquement composé de départements français, le territoire algérien a vu la mise en place d'un régime dérogatoire, où nationalité et citoyenneté ne coïncident pas. Ce droit de la nationalité que Laure Blévis a pu qualifier de « monstruosité juridique » repose de fait sur une distinction entre indigènes et Européens, là où en métropole la césure s'établit entre Français et étrangers (Blévis, 2001). Les catégories pratiques et juridiques en cours dans l'Algérie coloniale identifient les « Européens », eux-mêmes distingués entre Français et étrangers, et les « indigènes », qualifiés également d'Arabes, de Berbères ou de Musulmans, de nationalité française mais sujets et non-citoyens, desquels seront détachés les « Israélites algériens » en 1870 après leur naturalisation collective (décret Crémieux). L'enjeu de la dénomination des populations n'est pas seulement leur affiliation juridico-administrative, à laquelle sont attachés droits et devoirs spécifiques, mais également leur place dans l'ordre colonial. Ces classements catégoriels suivent l'évolution politique du cadre colonial avec l'avènement de l'Union française en 1946 ; la loi du 20 septembre 1947 « portant statut organique de l'Algérie » ; la constitution de 1958 et les changements successifs durant le conflit armé, marqués par des tentatives de renforcer « l'assimilation » puis « l'intégration » des « Musulmans algériens » et des « Européens » jusqu'aux accords d'Évian et l'indépendance en 1962.

2Les préoccupations derrière ce régime spécifique de nationalité, la construction juridique de son édification et ses conséquences en Algérie ont fait l'objet de nombreux travaux (Blévis, 2000 et 2001 ; Saada, 2005 ; Weil, 2005) mais ses incidences en métropole commencent seulement à être étudiées. Or si le statut des indigènes n'est pas intégralement transféré de l'espace colonial à la métropole (où le cadre juridique ne reconnaît pas les distinctions fondées sur l'origine ethnique, la religion ou la race), il n'en va pas autant des catégories de population désignant les originaires d'Algérie par les institutions responsables de leur prise en charge sociale ou policière (Shepard, 2006b ; Spire, 2003 ; De Barros, 2003). L'émergence de la catégorie « Français Musulmans d'Algérie » est représentative de ce contexte : sans définition officielle, la catégorie s'impose dans le vocabulaire administratif et politique avant d'être reprise dans l'appareil statistique. Elle vise à distinguer parmi les « Français d'Algérie », ceux catégorisés comme « Européens » en Algérie et les anciens indigènes devenus citoyens depuis 1947. Ces distinctions opérantes dans la colonie sont maintenues en métropole au mépris de toute cohérence juridico-administrative. On peut s'interroger sur le sens de la continuité de l'ordre colonial en métropole : perversion du cadre républicain ou reflet de l'ambiguïté à garantir l'égalité des droits « sans distinction d'origine, de race ou de religion » (constitution de 1946) ?

3La question de la porosité entre l'espace colonial et la métropole a été traitée ces dernières années, non seulement dans les transferts entre les structures administratives et politiques de la colonie vers la métropole (Bancel et al., 2003 ; Saada, 2006), notamment dans le contrôle social, policier et militaire pendant la guerre d'indépendance (Barros, 2006 ; Blanchard, 2011), mais aussi dans l'importation des modes de gestion de la main-d'œuvre coloniale en métropole (Dornel, 1995) ou le reclassement des agents coloniaux et la réappropriation de leurs modes d'intervention dans le domaine de l'action sociale ou du logement (voir Politix, 2006 ; Bernardot, 2008 ; Hmed, 2006). C'est dans la filiation de ces études que nous proposons de nous intéresser aux recensements de la population en tant qu'équipements administratifs où la « greffe coloniale » peut être analysée dans ses logiques et ses modalités de mise en œuvre. En effet, la catégorisation des ressortissants de l'empire vivant en métropole a toujours posé des problèmes à l'administration statistique, problèmes qui se complexifient dans l'immédiat après-guerre avec les évolutions statutaires des sujets coloniaux devenus citoyens lors de la création de l'Union française, puis les décolonisations qui transforment la majorité de ces sujets en étrangers.

4Le recensement est un intéressant révélateur de ces importations et transformations qui perturbent l'ordre social et politique métropolitain. En incorporant la catégorie ad hoc de « Français Musulmans » et en inventant une méthode pour la produire et identifier les individus concernés, les recensements de 1954 et 1962 se présentent comme le reflet de la pénétration de l'ordre colonial en métropole et l'un des agents de cette pénétration, en contribuant à construire une catégorie distincte. L'enjeu de cet article est donc de mettre en évidence l'une des manifestations d'une gestion ethno-religieuse des populations coloniales à travers leur identification dans la statistique publique métropolitaine. La fiction d'une stricte séparation entre les deux espaces ne résiste pas à l'épreuve des faits.

5Après avoir rappelé les spécificités du statut des indigènes d'Algérie dans la colonie et en métropole, nous détaillons la construction des catégories par lesquelles ces sujets de l'empire sont appréhendés dans les recensements et les statistiques métropolitains jusqu'en 1954. Nous étudions ensuite en détail la mise en œuvre des recensements de 1954 et 1962 pour comprendre comment l'appareil statistique s'est départi de la règle juridique (le fait que les Français musulmans d'Algérie avaient la nationalité française) afin de répondre à la demande de l'administration (identifier les indigènes présents sur le sol français). À partir d'un travail d'archive des documents d'organisation du recensement, nous montrons les modalités pratiques de la catégorisation des populations venues d'Algérie coloniale, empruntant au registre ethno-religieux.

Des français pas comme les autres

6Le rapprochement progressif, mais jamais vraiment achevé, du statut juridique des populations indigènes et européennes en Algérie après la Seconde Guerre mondiale conduit à la situation paradoxale où les droits des Algériens diffèrent selon qu'ils résident dans la colonie ou en métropole (Spire, 2003). Cette situation vient s'ajouter aux préjugés et aux préoccupations politiques et économiques de l'administration française pour produire une politique de distinction des Nord-Africains.

Le statut des Algériens

7À l'issue de la conquête de l'Algérie (1830 à 1871) tous les indigènes qui y résident reçoivent la nationalité française, ne pouvant être ni étrangers ni dépourvus de nationalité (Blévis, 2001) [2]. Cependant cette nationalité est dissociée de la citoyenneté et les indigènes sont des sujets français, soumis au code de l'indigénat (1881) et par là privés des droits politiques et de certaines libertés publiques (Blévis, 2000). Le sénatus-consulte de 1865 entérine dans son article 1 la dissociation entre nationalité et citoyenneté : « L'indigène musulman est Français ; néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane », ce qui comporte de nombreuses implications dans le droit de la famille, la propriété, l'héritage (voir Le Genre humain, 1997). Le statut des différents groupes présents en Algérie ­ les indigènes, juifs ou musulmans, les immigrés français de la métropole et les immigrés venus d'autres pays européens ­ est progressivement codifié, mais son évolution au cours du temps maintient l'infériorité juridique des indigènes musulmans (Shepard 2006a, p. 20-35). Ainsi, le décret Crémieux de 1870 fait-il passer les indigènes juifs de sujets israélites à citoyens français, mais il exclut de cette naturalisation collective les indigènes musulmans (Weil, 2005, p. 341-344). Parallèlement, les immigrés européens établis en Algérie bénéficient des dispositions de la loi de 1889 pour acquérir la nationalité française tandis que seule une infime partie de la population musulmane obtient la citoyenneté française par ce biais : moins de 8 000 musulmans au total, en 1962 (Kateb, 2001). Les chiffres de naturalisation fournis par les annuaires statistiques de l'Algérie coloniale montrent le caractère ultra minoritaire de la procédure pour les indigènes. Ainsi, en 1937, sur les 337 naturalisations par décret qui ont été enregistrées, seules 29 concernent des indigènes algériens (8,6 %). Les chiffres sont encore plus faibles en 1938 : 35 indigènes naturalisés parmi les 571 naturalisations par décret, soit 6,1 % [3].

8Différentes tentatives ont pourtant tenté de faire évoluer, voire d'abolir, le statut de sujet indigène ­ comme par exemple le projet Blum-Violette de 1937 ­ mais elles se sont systématiquement heurtées à l'opposition des députés français d'Algérie à l'Assemblée nationale (Pervillé, 1997). À la proclamation de la Quatrième République, l'égalité entre les peuples d'outre-mer et la France est déclarée (1946) puis la loi organique du 20 septembre 1947 fixe les conditions par lesquelles s'exerce cette égalité de droits. L'article 2 de la loi de 1947 proclame « l'égalité effective entre tous les citoyens français » et assure que « tous les ressortissants de nationalité française des départements d'Algérie jouissent, sans distinction d'origine, de race, de langue ni de religion, des droits attachés à la qualité de citoyen », mais l'article 3 maintient la distinction de statut personnel (français ou musulman) avec pour conséquences principales de moindres droits politiques dans la colonie dont l'existence de deux collèges électoraux séparés (Girollet, 2014). Si en théorie le statut personnel n'implique pas d'inégalité de traitement entre « citoyens », en pratique les « Français Musulmans » sont toujours en position d'infériorité et leur intégration dans l'appareil administratif, politique et économique de la colonie ne sera pas assurée. Le nouveau statu quo après la seconde guerre mondiale maintient donc la contradiction inhérente au projet colonial : les anciens indigènes accèdent en théorie à la pleine citoyenneté mais conservent un statut personnel musulman (dans la terminologie, ils deviennent « Français Musulmans ») qui se traduit par une infériorité dans les faits.

9Pour autant, ces dispositions qui assurent le traitement différencié des Français Musulmans ne sont valables que dans l'espace colonial. Elles ne trouvent pas de correspondance sur le sol métropolitain : l'article 3 de la loi organique précise que les « citoyens qui n'ont pas expressément renoncé à leur statut personnel » jouissent de tous les droits attachés à la qualité de citoyens français quand ils résident en France métropolitaine. Ressortissants des départements d'outre-mer, ils bénéficient de la libre circulation, des droits politiques et des droits sociaux. Présents en métropole, les Français Musulmans sont en théorie des « Français comme les autres » et à ce titre ils entrent dans les dispositifs de droit commun : ils relèvent de l'administration sociale, peuvent se présenter à des concours de la fonction publique, etc. Ils peuvent s'inscrire sur les listes électorales en métropole, même s'il semble que peu d'entre eux aient fait ce choix (Shepard, 2006b ; Spire, 2003, p. 49).

10Cette indistinction théorique n'est cependant pas avérée en pratique, leur statut juridique pose problème et l'administration française n'a de cesse de les différencier (Cahiers Nord-Africains, 1955). Ils bénéficient d'une carte d'identité française mais le souci de les surveiller conduit l'administration à créer une structure spéciale pour instruire leurs demandes (Viet, 1998, p. 170-200). Leur droit aux allocations familiales est borné par un taux moindre versé par une caisse spécifique (Math, 1998). L'accès à l'aide sociale sert en partie à les surveiller et assurer le contrôle de cette population s'avère de plus en plus problématique à mesure que les opérations militaires gagnent en puissance en Algérie et débordent en métropole (House, 2004). Ils font l'objet d'un encadrement social spécifique, supervisé par le Fonds d'action sociale aux travailleurs musulmans, rattaché aux services du Premier ministre. La création du service des Affaires musulmanes et de l'action sociale (SAMAS) en 1958, rattaché au ministère de l'Intérieur mais combinant le Renseignement, le Contrôle et l'Action sociale témoigne de la spécialisation de l'intervention en direction d'une population dont l'attitude et les activités, au c ur de la guerre d'Algérie, intéressent les pouvoirs publics (Derder, 2001). Si leur entrée dans le droit commun empêche les services de police de leur consacrer une unité dédiée, la spécialisation de certains policiers révèle un système de surveillance spécifique (Blanchard, 2011).

L'arrivée des Algériens

11L'évolution du statut des indigènes algériens a des conséquences très concrètes sur leurs mouvements et leur présence en métropole. Jusqu'en 1946, les Algériens devaient s'identifier aux autorités à chaque changement de département (y compris à l'intérieur de l'Algérie) et leur circulation vers la métropole était contingentée (Massard-Guibaud, 1995 ; Kateb, 2001). Les transformations statutaires de 1946 et 1947 modifient profondément la situation, puisqu'ils confèrent aux Algériens la libre circulation, y compris entre la colonie et la métropole. Cela conduit à une migration importante, non anticipée, et qui provoque d'autant plus l'inquiétude des pouvoirs publics qu'elle s'accompagne d'une invisibilité statistique. Elle est surtout relativement intense dès la fin des années 1940, tirée par les besoins en main-d'œuvre de la reconstruction : assurés initialement par les prisonniers de guerre, les travaux de reconstruction doivent être pris en charge dans une politique volontariste d'immigration. L'économiste et démographe Alfred Sauvy détaille ainsi les besoins en immigration, puis développe un plaidoyer pour une immigration planifiée (Sauvy, 1950a ; 1950b). S'il ne se prononce pas spécifiquement contre l'immigration en provenance d'Afrique du Nord, il s'inquiète cependant de la perspective d'une émigration d'autant plus prévisible que les conditions économiques en Algérie ne sont pas favorables. L'organisme qu'il dirige, l'Institut national d'études démographies (Ined) a d'ailleurs multiplié les publications sur la « démographie nord-africaine » pour, entre autres, alerter les pouvoirs publics du potentiel migratoire que recèle l'Algérie pour la métropole (Escafré-Dublet et Kesztenbaum, 2011). Dans ce contexte de reconstruction, la mesure de l'activité économique constitue une motivation importante pour la réalisation du recensement de 1954 [4]. Cet argument sert également à justifier une attention spécifique portée aux musulmans d'Algérie présents en métropole : elle doit servir à alimenter le ministère du Travail en chiffres sur la population active, ainsi que l'informer sur la part des « Nord-Africains » parmi les chômeurs [5]. Cette attention est également motivée par l'augmentation des arrivées d'Algériens en métropole.

12En effet, les flux en provenance d'Algérie se développent rapidement entre 1946 et 1950, engageant les pouvoirs publics à multiplier les tentatives de dénombrement pour suivre au plus près l'installation d'une population qualifiée de « flottante » [6]. En complément des remontées d'informations venant des travailleurs sociaux et des services en charge du contrôle des Français Musulmans en métropole, deux enquêtes sont conduites par deux ministères directement intéressés par les migrations d'Algérie en métropole : le ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et le ministère de l'Intérieur. La dualité du traitement de l'immigration algérienne par les pouvoirs publics est bien illustrée par ces ministères. Le MSPP entreprend en 1951 un recensement des familles musulmanes, avec un intérêt pour « les ménages mixtes algériens-européens », tandis que le ministère de l'Intérieur commandite une « Enquête sociale sur la situation des musulmans originaires d'Algérie résidant en métropole » en 1953 (Cohen, 2013, p. 51-52). La fragilité des statistiques constituées dans ces enquêtes est relevée dans le Cahier de l'Ined consacré aux Algériens en France, mais l'expérience de la collecte des questionnaires sera réinvestie dans la réalisation du recensement (Ined, 1955). De fait, tous les acteurs publics s'intéressant aux Français Musulmans en métropole attendent du recensement de 1954 une connaissance précise de la population concernée, même si cette demande sociale n'apparaît pas, en tant que telle, dans les papiers de l'administration centrale de l'Insee.

Importation et conversion des catégories coloniales

13L'anthropologie coloniale fournit le cadre de représentation des migrants algériens en métropole. Cependant, les catégories utilisées en Algérie, qu'elles soient quasi juridiques avec la dichotomie européens/indigènes, puis européens/musulmans ou ethniques avec les distinctions entre Kabyles, Mzabites ou Arabes, ne trouvent pas de correspondance dans le contexte métropolitain (Kateb, 2001). La plupart des opérations de dénombrement ne reprennent pas les catégories ethniques de la statistique algérienne, mais se bornent à replacer les enquêtés dans leur douar et région d'origine, ce qui d'une certaine façon conduit à distinguer les Arabes des Berbères mais sans auto-identification de leur part. Ainsi, dans ses monographies consacrées à l'émigration en France des « musulmans d'Algérie », Rager (1950 ; 1956) contraste Berbères et Arabes, leur prêtant des qualités qui influenceraient leur adaptation en métropole. Ces catégories sont ensuite reprises dans les travaux de l'Ined, même si elles ne figurent pas dans les données statistiques collectées à propos des Français Musulmans en métropole (par exemple dans Chevalier, 1947).

14De fait, le questionnaire du recensement en métropole n'enregistre pas le statut des résidents dans l'empire colonial. Les questions posées portent sur le lieu de naissance et la nationalité, elle-même déclinée en 3 options : Français de naissance, naturalisé ou Français par acquisition (la formulation change au cours du XXe siècle) et étranger (Simon, 1998). La prise en compte des statuts coloniaux dans les recensements en métropole est un défi pour les services statistiques, qui est toutefois limité par la faiblesse des effectifs des originaires de l'empire colonial avant 1946. De manière générale, les citoyens des colonies sont catégorisés comme « Français de naissance » tandis que les sujets français (les indigènes d'Algérie en particulier) sont eux classés comme « étrangers ». La petite minorité de sujets français naturalisés est comptabilisée avec les naturalisés, soit 497 en 1931, 3319 en 1936 et 5810 en 1946.

15On trouve ainsi dans les tableaux présentant le détail des « étrangers présents en France » la mention d' « Africains, sujets français » dans les recensements de 1921, 1926, 1931 et 1936 (Tableau 1). Le tableau du recensement de 1946 regroupe l'ensemble des étrangers des « Pays d'outre-mer de l'Union française » ; celui de 1954 les « Musulmans originaires d'Algérie ». Seuls les tableaux de 1962 font apparaître les « Musulmans algériens » dans le détail des « Français de naissance ».

TABLEAU 1. Dénomination des sujets coloniaux présents en métropole (recensements 1921-1962) [7]

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TABLEAU 1. Dénomination des sujets coloniaux présents en métropole (recensements 1921-1962) [7]

16 La création de l'Union française qui constitue un pas supplémentaire vers la pleine citoyenneté, ne modifie pas fondamentalement les règles de classification. À un extrême les étrangers et ceux qui leur sont le plus proches, les ressortissants des « protectorats français » (Maroc et Tunisie) qui doivent obtenir une autorisation préalable avant leur départ et porter une carte d'identité dite de « protégé français » (Spire 2003, p. 50-51). Les ressortissants des États ou territoires associés (Indochine, Cameroun et Togo) bénéficient d'un statut plus favorable qui tend à se rapprocher de celui des ressortissants des territoires d'outre-mer (Madagascar, les Comores, les Établissements français de l'Inde, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon, l'Afrique occidentale française et l'Afrique équatoriale française). Ces derniers ont tous la nationalité française mais sont « citoyens de l'Union française » et non pas citoyens français. Enfin, les ressortissants des départements d'outre-mer (l'Algérie, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane) bénéficient de la nationalité et de la citoyenneté française. En théorie, rien ne les distingue plus des résidents des départements métropolitains.

17Pour le recensement de 1946, la situation qui s'applique est celle qui prévalait avant la guerre car la citoyenneté française a été accordée le 7 mai 1946 : comme le précise la publication du recensement, « les anciennes méthodes de classement ont été conservées » (Insee, 1949). Cependant, les transformations dans l'empire colonial ont sans doute brouillé la détermination du statut des ressortissants de l'Union française car « les promesses faites aux indigènes pendant la guerre avaient laissé entrevoir quelles seraient les solutions adoptées en ce qui concerne leur statut » et donc « il est très probable que de nombreux individus, anciennement considérés comme sujets français, se sont déclarés Français de naissance » (Insee, 1949, p. 311). Contrairement à la pratique antérieure, il n'y a pas eu de redressement pour le recensement de 1946 et les déclarations ont été retenues pour ce qu'elles étaient. En revanche, les « non-réponses ou les réponses insuffisantes » à la question de la nationalité ont été corrigées suivant les consignes de chiffrement de la direction de l'Insee en utilisant des informations sur le lieu de naissance, le nom et le domicile de la personne recensée (Insee, 1949, p. 312-313). Pour les originaires de l'Union française, les personnes avec un nom à consonance française ont été classées comme Françaises de naissance, celles avec un nom « à consonance européenne, mais non française », ou à « consonance indigène » ont été classées comme étrangères. On va voir que ce procédé de reclassement par recours à l'onomastique sera utilisé de manière plus systématique en 1954.

18Les rapports entre les Algériens présents en métropole et l'administration française relèvent d'un système à deux vitesses : officiellement français, différents en pratique. Leur identification par l'appareil statistique ne fait pas exception et apparaît même au c ur de ce dispositif de construction d'une identité spécifique à certains citoyens français. Pour l'Insee, il s'agit à la fois de répondre à ce qui est présenté comme une nécessité économique ­ connaître les secteurs dans lesquels se concentrent les travailleurs musulmans ­ et d'affirmer sa capacité à produire des données fiables.

Recenser des français pas comme les autres

19Identifier séparément les Français Musulmans d'Algérie dans le recensement de 1954 est une opération délicate qui doit être réalisée sans que soit modifié le bulletin du recensement. Il n'est pas envisageable d'introduire une question directe pour enregistrer une qualité, celle de « Français Musulmans », qui n'existe pas en droit. La stratégie suivie reprend des options indirectes déjà expérimentées.

L'invention des « Musulmans originaires d'Algérie »

20En 1954, tous les ressortissants de l'Union française sont légalement Français et classés comme tels dans le recensement en métropole. Cette règle simple n'est cependant pas adaptée aux préoccupations des pouvoirs publics qui veulent pouvoir retrouver la partition des originaires d'Algérie entre « Européens » et « Musulmans ». La catégorie « Musulmans originaires d'Algérie », qui fait écho à celle de « Français Musulmans d'Algérie », utilisée par l'administration, est créée à cette occasion et figure dans les tableaux des recensements. Ni étrangers ni Français comme les autres, les « Musulmans originaires d'Algérie », tels qu'ils sont désignés dans les tableaux des recensements, constituent donc une catégorie à part.

21Par ailleurs, l'usage du terme « Nord-Africains » est courant dans les documents de travail de l'Insee pour faire référence aux seuls Algériens ou à l'ensemble des migrants coloniaux d'Afrique du Nord. Cet usage traduit une continuité par rapport à la période précédente, fréquente dans l'administration métropolitaine (Barros, 2003, p. 84). Il présente également une continuité avec les pratiques en Algérie même où la statistique française oscille entre les termes, les classifications et les catégories (Kateb, 2001, p. 195-198). Cependant ces oscillations entre les termes, les classifications et les catégories témoignent d'une indétermination autour de la terminologie utilisée qui participe d'un processus plus diffus de classification ethnico-culturelle à l'intersection entre pratiques administratives et enjeux politiques liés à la décolonisation.

Les apparences d'une indistinction

22Dans la mesure où les Français musulmans d'Algérie sont désormais de nationalité et de citoyenneté françaises, les opérations de recensement de 1954 sont organisées de manière à ce qu'aucune distinction ne soit opérée pendant la collecte des informations ­ c'est-à-dire au moment du face-à-face avec l'agent recenseur. La différenciation est mise en œuvre lors du codage dans les directions régionales de l'Insee, à la demande de « plusieurs organismes » gouvernementaux. On ne trouve pas trace de revendications émanant de groupes d'intérêt représentant la société civile ou les Algériens eux-mêmes. Il s'agit donc bien d'une initiative institutionnelle portée par les pouvoirs publics et mise en œuvre par l'Insee. L'instruction suivante, transmise aux directions régionales de l'Insee chargées de réaliser les opérations de recensement, montre l'argument économique mis en avant pour justifier une distinction, tout en insistant sur la nécessité de ne rien laisser transparaître dans les interactions avec les intéressés :

23

Plusieurs organismes ayant demandé que les Algériens Musulmans (sic) fassent l'objet de tableaux particuliers, la Direction générale envisage la création d'une cartothèque spéciale centralisée après reproduction des cartes qui les concernent. Le code des Nationalités comportera un numéro particulier pour les Algériens Musulmans mais le tri de leurs bulletins se fera au moment du chiffrement en utilisant le nom et le lieu de naissance. En aucun cas les bulletins ne devront recevoir de mention spéciale au moment des opérations de recensement sur le terrain [8].

24Cette tension s'exprime de la même façon dans le choix des agents recenseurs. D'un côté, l'administration souhaite « que les opérations du recensement soient surveillées avec soin dans les zones à forte densité de Nord-Africains ». Pour l'Insee il s'agit d'une population difficile à recenser, du fait de ses conditions de vie particulières (« ceux qui n'ont pas d'emploi ou qui logent en hôtel dans des conditions plus ou moins régulières ») mais également à cause de la barrière supposée de la langue et de l'alphabétisation qui implique que les agents recenseurs doivent « naturellement remplir eux-mêmes les questionnaires ». Pour ces raisons, les agents recenseurs affectés aux districts qui comprennent beaucoup de Nord-Africains doivent être « parmi les meilleurs » [9].

25De l'autre côté, il faut éviter tout sentiment d'un traitement d'exception, et donc il n'est pas question d'affecter des agents spécifiquement au recensement des Nord-Africains ou de prendre un Nord-Africain pour les recenser. L'administration rejette cette option car, suivant un préjugé culturaliste, elle pense que les Nord-Africains ne sont pas qualifiés et risquent d'introduire un biais dans les résultats :

26

Sauf des cas plutôt rares il y a peu de Nord-Africains qui soient techniquement aptes à remplir ces fonctions [d'enquêteur].
Alors qu'il lui est déjà trop souvent difficile de se défaire de son complexe Nord-Africain, choisir un Nord-Africain pour recenser des Nord-Africains ne ferait qu'accentuer sa tendance à réagir comme tel ; le résultat serait en général médiocre [10].

27L'option retenue n'est donc pas d'avoir recours à des personnes issues du groupe des Nord-Africains, comme c'est le cas dans certaines enquêtes sur les immigrés italiens ou polonais à la même période (Escafré-Dublet et Kesztenbaum, 2011) et l'administration conseille aux maires de « faire recenser ces catégories de population par des agents recenseurs les connaissant bien (par exemple, les Contrôleurs de la main-d'œuvre nord-africaine) et parlant arabe » et de « demander le concours d'organisations d'action sociale en faveur des Nord-Africains [11] ». En effet, les associations d'aide aux Nord-Africains, représentent le relais de l'action sociale menée par l'État en direction de ces ressortissants de droit commun (Lyons, 2013, p. 8). Pour l'administration, qui considère qu'elles ont un contact privilégié avec les Nord-Africains, elles constituent des alliés naturels pour conduire des opérations de collecte d'informations qui ne doivent pas être perçues comme un contrôle policier, malgré le contexte d'intensification de la surveillance lié à la guerre d'Algérie.

Le déroulement des opérations

28L'administration centrale de l'Insee a pris soin d'organiser des opérations de publicité pour annoncer le recensement, qui ne doivent pas « négliger les travailleurs nord-africains [12] ». En outre, elle est en liaison avec le ministère du Travail pour s'assurer la collaboration des contrôleurs de la main-d'œuvre (une trentaine dans toute la France, dont sept dans le département de la Seine) et fait diffuser une information concernant le recensement dans le cadre d'une émission de radio en langue arabe dans les jours qui précèdent les opérations de collecte [13]. Cependant, malgré les précautions prises par l'administration centrale de l'Insee et les instructions données aux directions régionales chargées de superviser les opérations, il semble que les agents recenseurs aient eu du mal à atteindre les « Nord-Africains », notamment parce qu'ils ont eu des difficultés à se départir d'une logique de contrôle dans leurs interactions avec eux [14]. Ceux recrutés parmi des personnes considérées comme ayant l'habitude d'être en contact avec des Nord-Africains et « parlant l'arabe » étaient des anciens militaires (« l'agent recenseur était un sous-officier de carrière qui avait presque toujours servi dans des régiments de Nord-Africains ») ou des inspecteurs du travail habitués à la main-d'œuvre nord-africaine [15]. Le recours à ces personnels inscrit les opérations du recensement dans un ensemble de pratiques de prise en charge des populations venues des colonies que l'on retrouve dans le logement (Hmed, 2006) ou le recrutement de la main-d'œuvre étrangère (Pitti, 2006).

29D'autre part, les agents recenseurs ont souvent une proximité avec des fonctions répressives, ce qui donne à l'ensemble des opérations une allure de contrôle plus que de recensement. Le vocabulaire employé par les directeurs régionaux à l'origine des rapports d'exécution en est également le reflet : ils évoquent la nécessité de « saisir » ces populations et les difficultés apportées par « une catégorie de recensables qui n'a déjà que trop tendance à se dérober aux contrôles » [16]. La direction de Nancy s'est livrée à une véritable opération policière que le directeur général de l'Insee n'a pas manqué de souligner de plusieurs points d'exclamations, en marge du rapport :

30

Il existe dans certaines grandes villes une population flottante composée d'étrangers et de Nord-Africains sans domicile fixe et extrêmement instable. À Metz, cette population vit dans d'anciennes casemates et quelques terrains vagues, dans d'anciens wagons réformés, etc. Le 20 mai a eu lieu une série d'opérations de police ; 3 000 individus ont ainsi été recensés, identifiés et un certain nombre, arrêtés [17].

31Le directeur de l'Insee est donc confronté au contexte de surveillance des Français musulmans et des pratiques de comptage des Français musulmans par les services de police (Blanchard 2011 : 157). Il indique ainsi que les évaluations « dignes de foi » du nombre de Français musulmans viennent du ministère de l'Intérieur [18] et l'administration reprend plus volontiers les chiffres du ministère de l'Intérieur qui s'appuient sur les données transmises par les préfectures, les compagnies aériennes et maritimes pour parvenir au chiffre de 235 000 en 1954 (Lyons 2013). Certaines opérations de recensement sont considérées comme de véritables rafles (Blanchard, 2011, p. 157). In fine le déroulé des opérations de recensement à l'égard des Français musulmans s'est trouvé entouré d'une culture institutionnelle davantage apparentée à celle du contrôle policier que de la collecte de données.

32Pour toucher une population a priori difficile à recenser, l'Insee reprend à son compte une approche issue de pratiques administratives et de contrôle policier. Il n'en reste pas moins que les Français musulmans ont été formellement classés comme Français dans leurs échanges avec les agents recenseurs, l'opération de distinction ayant eu lieu à l'étape suivante de codage des résultats tirés du recensement.

Le codage des « musulmans originaires d'Algérie »

33En 1954, le codage représente une innovation qui va de pair avec la mécanisation de l'appareil statistique français. En 1946, le seul comptage des individus représentait déjà un défi, compte tenu de la complexité des situations de nombreuses personnes affectées par le conflit et qualifiées de façon générique de « personnes déplacées » : prisonniers, alliés, déportés, etc. et l'identification des coloniaux ne fait pas partie des préoccupations qui transparaissent des documents de travail de l'Insee (Rohrbasser et Rossman, 2015) [19]. Le recensement de 1954 se veut plus ambitieux en termes de description de l'appareil économique français. Un codage fin des activités est établi au niveau de la direction générale de l'Insee et transmis aux directions régionales qui sont chargées de transformer les réponses apportées sur les bulletins individuels, en chiffres, à l'aide d'un matériel mécanique adapté. Seul le recensement de 1962 permettra un traitement informatisé, mais le recensement de 1954 marque déjà un saut qualitatif par rapport à celui de 1946.

34Le codage des musulmans originaires d'Algérie se situe à l'intersection entre cette mécanisation du recensement ­ les moyens mis en œuvre pour le chiffrage des données permettent d'investir cette étape pour réaliser un codage spécifique ­ et une certaine continuité avec les pratiques statistiques d'identification des migrants coloniaux.

La méthode onomastique

35Alors que les originaires d'Algérie sont notés « Français » sur leur bulletin de recensement, conformément aux instructions reçues, les agents en charge du chiffrement sont invités à reconstituer la partition en vigueur en Algérie en utilisant les noms et prénoms des personnes recensées, mobilisant pour cela des listes produites par la statistique algérienne. Le recours à ces listes est explicitement mentionné dans les documents méthodologiques relatifs aux recensements de 1954 (Insee, 1960, p. 14) et de 1962 (Insee, 1965, p. 15). Les « personnes nées en Algérie ayant à la fois un nom et un prénom à consonance ‟arabe ou berbère” sont ainsi classées en ‟musulmans originaires d'Algérie” et ceux qui ont ‟un prénom chrétien ou israélite” en ‟Français de naissance originaires d'Algérie” ». Le même principe sera appliqué en 1962, alors que l'Algérie vient d'accéder à l'indépendance. La date de référence du recensement est fixée au 7 mars 1962, et les accords d'Évian sont officiellement signés le 18 mars 1962, mais n'entrent en application que plus tard. Cependant, les changements intervenus dans les catégories en vigueur au moment du recensement et celles qui s'appliquent lors de la publication des résultats (de 1964 à 1965) mettent l'institution devant une codification impossible, puisqu'il s'agit de restituer une division par nationalité qui n'existe plus dans les faits lors du remplissage du questionnaire. Comme en 1954, le code distingue les Français des Algériens selon le lieu de naissance et la consonance arabe ou berbère de ses noms et prénoms : « On classera en 01 : ‟Français musulmans d'Algérie” les personnes nées en Algérie qui ont à la fois un nom et un prénom à consonance arabe ou berbère [20] ». Une copie de ces listes figure dans les archives du recensement de 1968 où la méthode a été utilisée une dernière fois (Couto, 2014, p. 72 et sq, annexes).

36La méthode elle-même n'est pas nouvelle et semble avoir été mise en œuvre au recensement de 1921 selon Singer-Kerel, citée par Massard-Guilbaut (1995 : 24) :

37

On ne classera [dans la catégorie « Africains, sujets et protégés français »] que les indigènes sujets ou protégés français dont le nom indique suffisamment l'origine. Au contraire les individus de race européenne, citoyens français, sont classés comme Français alors même qu'ils seraient nés dans une colonie ou un pays de protectorat. Elle a également été utilisée lors du recensement de 1946, mais uniquement pour corriger les non-réponses ou les « réponses douteuses ou contradictoires » à la question sur la nationalité. Enfin, dès le début des années 1950, la méthode onomastique est mentionnée explicitement par Alfred Sauvy au sujet d'un article qui lui semble fournir une estimation excessive du nombre de « Nord-Africains » en France en l'établissant à 350 000. Selon lui, « Seul un recensement général de la population métropolitaine, dépouillé à la fois suivant les noms et le lieu de naissance pourrait trancher cette controverse statistique », ce qui montre que l'on a très tôt recherché des solutions techniques au problème d'identification des « Français musulmans » (Sauvy, 1952, p. 173).

Le chiffrage

38Concrètement, les bulletins sont divisés en deux parties : une partie gauche remplie par l'agent recenseur où aucun signe ne permet de distinguer les Français musulmans du reste des Français, et une partie droite sur laquelle est apposé un code chiffré qui, lui, permet de les distinguer (Figure 1 page suivante).

39Dans la partie gauche du bulletin individuel remplie par l'agent recenseur, l'état civil des personnes est renseigné selon une double modalité : la nationalité (question 5) et le lieu de naissance (question 4). La réponse à la question sur le lieu de naissance est ouverte et combine deux modalités : soit la commune et le département de naissance (pour les Français), soit le pays de naissance (pour les étrangers). Dans la partie gauche du bulletin, les Français musulmans d'Algérie sont identifiés comme Français de naissance.

40Le chiffrement consiste à attribuer un code chiffré dans la partie droite du bulletin. Le code 01 est attribué aux « Français musulmans d'Afrique du Nord » dans la case N, pour les distinguer des Français de naissance (codés 0), des étrangers (codés 1) et des naturalisés (codés 2) [21].

FIGURE 1. Extrait du bulletin individuel du recensement de 1954.

tableau im2

FIGURE 1. Extrait du bulletin individuel du recensement de 1954.

Les contours d'une catégorie

41Le choix d'une procédure de codage a posteriori évite de s'en remettre au classement que pourraient opérer les agents recenseurs à partir de l'apparence physique de l'individu recensé. Elle se distingue de la méthode de l'identification qui était, par exemple, pratiquée dans le recensement américain où les agents recenseurs classaient la race des enquêtés, avant que l'auto-déclaration s'impose lors du recensement de 1970 (Schor, 2009, p. 33-42 et 333).

42La procédure de codage est mise en œuvre au niveau des directions régionales de l'Insee par des « chiffreuses » [22]. L'utilisation du code 01 pour les Français musulmans d'Afrique du Nord ne semble pas avoir causé de difficultés particulières. Un rapport d'un inspecteur général de l'Insee sur le déroulement des opérations de chiffrement à la direction régionale de Bordeaux et à celle de Lille mentionne essentiellement des incertitudes sur le codage des professions [23]. Cela confirme que, pour l'administration, l'identification des musulmans originaires d'Algérie va de soi et s'inscrit dans un univers de compréhension établi.

43On remarque en outre que la procédure de codage choisie participe d'un processus de construction des Français musulmans d'Algérie comme différents non pas tant d'un point de vue de l'appartenance religieuse, comme pourrait le laisser entendre l'utilisation du qualificatif de « musulman », mais plus d'un point de vue ethnique et culturel. En effet, il n'y a aucun questionnement portant sur la religion et nulle part n'est évoquée la possibilité de poser une question sur l'appartenance à la religion musulmane. Des questions sur la religion ont déjà été posées dans le recensement français mais, après leur introduction en 1851, elles sont supprimées, réintroduites puis supprimées à nouveau, définitivement cette fois, en 1876 (Schor et Spire, 2005, p. 107-108). Pour autant des exceptions existent : une note du 5 mars 1954 adressée à la direction régionale de Strasbourg donne accord pour qu'elle soit demandée en Alsace et en Lorraine avec la mention « réponse facultative » [24]. L'information recueillie dans cette région aurait pu être utilisée pour identifier les Algériens ou même, à l'extrême, pour tester la validité de la méthode onomastique. Il n'en est rien et l'identification des Français musulmans d'Algérie à partir de la consonance du nom et du lieu de naissance est appliquée à toute la France, y compris à l'Alsace et la Lorraine.

Conclusion

44Le régime de citoyenneté dérogatoire appliqué en Algérie distinguant les sujets des citoyens, puis des citoyens aux droits politiques inférieurs, est l'une des marques de l'ordre colonial français et se retrouve sous différentes formes dans les autres colonies (Saada, 2005). Cette distinction s'est matérialisée dans l'appareil statistique de l'Algérie coloniale par des catégorisations explicitement ethno-religieuses jusqu'à l'indépendance en 1962. Ces statuts et catégorisations administratives n'avaient en revanche pas de correspondance juridique en métropole. Le paradoxe est que l'égalisation des statuts (certes inachevée) prévue par l'ordonnance du 7 mars 1944 du comité de libération nationale, puis la création de l'Union française en 1946 et enfin la loi organique de l'Algérie en 1947 s'est accompagnée d'un renforcement de l'identification des « Français musulmans » en métropole.

45Le principal acquis concret dans le cadre des révisions du statut des « Français musulmans », ainsi que les qualifie déjà l'ordonnance du Comité Français de Libération Nationale, est l'accès à la libre circulation. Dans le contexte de la reconstruction, l'intensification des migrations transporte le « problème nord-africain » vers la métropole, suscitant inquiétudes et mobilisation des pouvoirs publics pour contrôler et encadrer cette population regardée avec méfiance (Escafré-Dublet et Kesztenbaum, 2011). À la fin des années 1940, le nombre d'originaires d'Algérie en métropole reste malaisé à établir, mais la présence visible de ces hommes, pour l'essentiel, vivant dans des conditions sociales difficiles focalise l'attention des services de l'État. La collecte d'information pour connaître et par là même contrôler leurs activités et déplacements devient une préoccupation constante. L'appareil statistique n'est cependant pas adapté au suivi de ces Français si « visiblement différents » et pourtant indiscernables des autres en métropole. Les solutions suivies pour remédier à cette invisibilité statistique ont consisté à faire des enquêtes reproduisant les méthodes employées en Algérie, au point de confier la réalisation de l'une d'entre elles, au début des années 1950, à l'anthropologue colonial et orientaliste Robert Montagne. Mais il s'agissait d'enquêtes ponctuelles, souvent monographiques, qui ne livraient pas une connaissance systématique d'une population en croissance rapide.

46La réalisation du recensement de la population en 1954 a fourni l'occasion d'appréhender la situation des Français musulmans sur une plus grande échelle, à la réserve près qu'ils n'étaient pas plus identifiés ici que dans les statistiques officielles de l'emploi. De plus leur type d'habitat dans les interstices et marges des grandes villes rendait probable leur sous-enregistrement. En réponse à ces difficultés l'Insee a développé une stratégie pour améliorer la couverture de cette population, et a effectué une opération de chiffrement sur la base des noms et prénoms des originaires d'Algérie pour reconstituer la catégorie des Français musulmans. Cette catégorie ethno-religieuse en rupture apparente avec la pratique d'une classification par la nationalité des populations vivant en métropole reflète l'importation d'une approche proprement coloniale (Simon, 1998). Incidemment, les Africains originaires de l'AEF et l'AOF sont eux enregistrés comme Français de naissance sans qu'un codage supplémentaire soit mis en œuvre pour les distinguer. On peut penser que c'est le nombre grandissant des Français musulmans qui préoccupe les autorités. De fait, leur catégorisation est conservée pour le recensement de 1962 réalisé un peu avant les accords d'Évian, mais dont l'exploitation et le codage sont postérieurs à l'indépendance effective de l'Algérie. À un moment où la question de la citoyenneté des Algériens présents en métropole ne devait plus se poser, est maintenu le codage effectué à partir de la consonance des noms. Les Algériens présents sur le territoire qui se sont déclarés Français « avant l'indépendance » sont donc identifiés, dans les fiches mécanographiques et, par la suite, dans les tableaux publiés après l'indépendance comme Algériens. Ce codage spécifique est réalisé en dépit de l'ordonnance du 21 juillet 1962 qui indiquait que les Français musulmans d'Algérie en France, « pouvaient se faire reconnaître la nationalité française » (Massicot, 1986). S'il est vrai que la très grande majorité des Algériens présents en France optent pour la nationalité algérienne, ceux qui avaient choisi la nationalité française ­ en particulier les anciens supplétifs de l'armée française, les harkis ­ continuent à être recensés comme des musulmans originaires d'Algérie. Le même processus et la même distinction sont maintenus au recensement suivant, en 1968, puisque l'Insee construit à cette occasion 7 catégories de nationalités parmi les populations habitant en Algérie au 1er janvier 1962 (Scioldo-Zürcher, 2010, p. 206-207). Enfin, c'est dans l'armée française que la distinction entre Européens et musulmans est maintenue le plus longtemps. En effet, jusqu'en 1974, le ministère des Armées fait parvenir à l'Insee un décompte mensuel de ses effectifs où sont distingués les « Français de souche européenne » des « Français de souche nord-africaine » [25].

47Le retour sur ce moment où la statistique publique a officiellement construit des catégories ethno-religieuses permet d'interroger les motivations et les méthodes suivies pour identifier les « Français musulmans ». Il met en évidence l'importation des catégories coloniales en contexte métropolitain, mais surtout la force d'inertie de cette dynamique de catégorisation que l'indépendance et la décolonisation n'ont pas immédiatement stoppée. Il invite également à replacer dans la moyenne durée l'ethnicisation récente des populations immigrées, en montrant le caractère exceptionnel du traitement des sujets coloniaux, dont les traces se retrouvent encore aujourd'hui. En effet, les débats actuels sur les dynamiques d'ethnicisation et de racialisation des populations issues de l'immigration coloniale font écho aux représentations sociales des Algériens en métropole durant les années 1950 (Simon, 2008). Traitant de la condition des travailleurs algériens en métropole dans un ouvrage publié en 1956, Andrée Michel démontre les transpositions du racisme colonial en métropole entre « deux groupes ethniques, l'un européen, l'autre nord-africain ». Préfaçant l'ouvrage, Pierre Laroque, haut fonctionnaire d'État, en résume le principal résultat ; « s'il est une conclusion qui se dégage de manière aveuglante de l'étude de Madame Michel, c'est que la discrimination entre travailleurs européens et travailleurs algériens est partout, dans les conditions d'emploi, dans l'embauche, dans les affectations, dans les promotions professionnelles, dans les conditions d'existence, l'habitat, l'alimentation, dans les attitudes d'une fraction considérable de la population européenne » (Michel, 1956, p. 4). Cette approche n'est pas reprise par les contemporains d'Andrée Michel de manière significative. Elle annonçait pourtant ce que les marcheurs pour l'égalité de 1983 dénonceront à leur tour, à savoir que les structures d'inégalité de l'ordre colonial avaient suivi les anciens sujets dans leurs migrations et s'étaient implantées en métropole.

Notes

  • [1]
    Par ordre colonial nous entendons un système de hiérarchies et de positions spécifique à l'espace colonisé.
  • [2]
    Laure Blévis, relevant « l'impossibilité de trouver un mot pour qualifier le statut (politique ou national) des indigènes », détaille : « On ne peut leur donner le nom d'étrangers, ce serait reconnaître l'existence d'une nationalité algérienne, et par là même la réalité de l'occupation coloniale : telle est alors l'impasse de l'idéologie coloniale que le droit ou les juristes ne peuvent surmonter » (2001, p. 566).
  • [3]
    Annuaire statistique de l'Algérie, 1937-1938, Office National de Statistique, Gouvernorat général, Alger.
  • [4]
    Note de Louis Closon, directeur de l'Insee à Monsieur le secrétaire d'État aux Affaires Économiques, 13 janvier 1951 (CAEF, B58372).
  • [5]
    La création d'une cartothèque spéciale comprenant un lot de cartes portant sur les « Nord-Africains » à destination du ministère du Travail mentionne la nécessité de faire figurer ces informations dans les cartes représentant les chômeurs (« Complément à l'Instruction de Perforation de la cartothèque Sondage au 1/20e », travail n. 328, Paris, le 12 janvier 1955, CAEF, H1211).
  • [6]
    Définition et méthodes de recensement de la population de 1954 (CAEF, H1207).
  • [7]
    Les étrangers et les naturalisés sont présentés séparément pour les recensements de 1931, 1936 et 1946.
  • [8]
    Instruction relative au recensement des Nord-Africains, Insee DG, 20 avril 1954 (CAEF, H1210).
  • [9]
    Ibid.
  • [10]
    Ibid.
  • [11]
    « Instruction aux maires, recensement de 1954 » (CAEF, H1207).
  • [12]
    « Publicité en faveur du recensement de la population expérience de 1954, non daté, page 5 » (CAEF, H1207).
  • [13]
    Notes au ministère du Travail pour faire une publicité en direction des Nord-Africains, 1er et 16 avril 1954 (CAEF, H1207).
  • [14]
    Le terme est systématiquement employé dans les rapports des directeurs régionaux remis au directeur de l'Insee (CAEF, H1214 : dossier « Rapports des directeurs régionaux relatifs à la note 330/20 RP concernant les rapports d'exécution du recensement »).
  • [15]
    Compte rendu d'exécution du recensement, Nancy, 20 juin 1954 (CAEF, H1214), Clermont-Ferrand, 21 juillet 1954 (CAEF, H1214) et Rouen, 28 juillet 1954 (CAEF, H1214).
  • [16]
    Compte rendu d'exécution du recensement, Dijon, juillet 1954 (CAEF, H1214) et Marseille, 23 juillet 1954 (CAEF, H1214).
  • [17]
    Compte rendu d'exécution du recensement, Nancy, 30 juin 1954 (CAEF, H1214).
  • [18]
    CAEF, H1207 : Définitions et méthodes de recensement de la population de 1954, 12 mai 1958.
  • [19]
    Note d'instruction générale concernant l'exploitation du recensement général de la population du 10 mars 1946 (CAEF, B58372).
  • [20]
    Chiffrement et constitution de la cartothèque, 28 janvier 1963 : 37 (CAEF, B58372).
  • [21]
    Projet de dessin de carte pour le bulletin individuel, 17 décembre 1953, Insee DG, p. 3 (CAEF, H1207).
  • [22]
    Alors qu'une note portant sur la sélection des agents recenseurs mentionne la préférence de l'administration à voir des hommes recrutés plutôt que des femmes pour les opérations de collecte des informations (CAEF, H1214 : Note rédigé par M. Lagrange, 22 juin 1955), les étapes de chiffrement et de vérification semblent avoir été essentiellement conduites par des femmes. Les rapports d'exécution mentionnent successivement « des chiffreuses » et des « vérifieuses » (CAEF, 58373 : Note très confidentielle de M. Barbier sur le Recensement des directions régionales de Lille et Bordeaux, 24 mars 1955).
  • [23]
    Comptes rendus de mission des inspecteurs de l'Insee dans les directions régionales, mars 1955 (CAEF, 1212).
  • [24]
    CAEF, H1210 : Questions particulière à l'Alsace et la Lorraine, 5 mars 1954.
  • [25]
    Effectifs des armées 1950-1970 (CAEF, B58372).
Français

Résumé

Entre 1947 et 1962, le statut des indigènes musulmans de l'Algérie coloniale connaît des modifications importantes et se rapproche progressivement de celui des « Français d'Algérie ». En particulier les Algériens présents en France métropolitaine ne se distinguent pas, en théorie au moins, des métropolitains. Dans les faits, pourtant, la présence en métropole de ces populations, coloniales et migrantes, nourrit les inquiétudes des pouvoirs publics et les expose à un ensemble de traitements spécifiques, le plus souvent discriminatoires. Cela nécessite de distinguer et d'identifier les Algériens présents en France, qualifiés de « Français Musulmans d'Algérie », en dérogation à la loi et au cadre égalitaire métropolitain. Cet article explore les déterminants et les mécanismes de cette distinction à partir d'une étude détaillée des opérations de recensement de 1954. Il montre comment le contexte colonial influence l'élaboration et la mise en œuvre du recensement et conduit l'administration métropolitaine à fabriquer une procédure d'identification des Algériens en rupture avec ses usages habituels.

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Angéline Escafré-Dublet
Angéline Escafré-Dublet
Lyon 2 ­ Ined
angeline.escafre-dublet@univ-lyon2.fr
Lionel Kesztenbaum
Lionel Kesztenbaum
Ined
lionel.kesztenbaum@ined.fr
Patrick Simon
Patrick Simon
Ined
simon@ined.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/07/2018
https://doi.org/10.3917/soco.110.0035
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