CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Les politiques que l'on désigne depuis le début des années 2000 en France comme participant de l'« ouverture sociale des grandes écoles » accordent divers avantages à de jeunes lycéens issus de groupes défavorisés afin de faciliter leur accès aux filières d'excellence de l'enseignement supérieur. Pour analyser ces initiatives, il convient tout d'abord de les rapporter au problème public qu'elles visent explicitement à traiter, celui que représente la faible proportion d'étudiants d'origine populaire et immigrée dans les filières en question. Prendre pour objet l'expérimentation de nouvelles façons d'accroître la participation de ces groupes permet alors de mieux cerner le rôle de gatekeepers de l'accès aux positions d'élite que jouent les établissements où sont concentrées lesdites filières (Karen, 1990). Pour mieux comprendre le sens de ces initiatives, il convient néanmoins de les réinscrire aussi dans le cadre des politiques scolaires en faveur de l'égalité prenant appui sur une discrimination positive territoriale et sur une transformation des modes de travail dans les établissements d'enseignement, dont les Zones d'éducation prioritaires (ZEP) constituent l'exemple paradigmatique. En effet, si les grandes écoles ont répondu à l'accusation de clôture faite à leur encontre par des initiatives visant à rehausser leur statut institutionnel (Podolny, 2005), elles l'ont fait aussi dans l'optique de préserver et renforcer leur légitimité sociale et politique (Meyer et Rowan, 1977).

2 L'adoption de cette double perspective, institutionnelle et politique, permet de renouveler l'analyse du rôle social des établissements d'enseignement supérieur d'élite. Dans la continuité des travaux que nous avons menés sur d'autres groupes sociaux et d'autres types d'établissements (van Zanten, 2001, 2009), il s'agit premièrement d'analyser les stratégies de monopolisation ou de partage limité de différentes ressources des groupes sociaux dominants telles qu'elles sont mises en  uvre non seulement en direction mais aussi à l'intérieur d'institutions d'enseignement (Collins, 1979 ; Murphy, 1988). Les initiatives en matière d'ouverture sociale des grandes écoles sont dès lors conçues comme des actions organisées visant à concilier la préservation de leurs intérêts institutionnels et la prise en compte des pressions émanant de leur environnement social, économique et politique (DiMaggio et Powell, 1983 ; Karabel, 1984). Dans la lignée de nos travaux antérieurs sur les politiques d'éducation (van Zanten, 2004, 2008), il s'agit, d'autre part, d'analyser les grandes écoles comme des nouveaux acteurs du champ éducatif dont l'irruption aurait été facilitée par les impasses de l'action étatique et d'examiner leur contribution à l'évolution de l'action publique tant du point de vue de ses finalités que des instruments mobilisés et des réseaux de décision concernés (Lascoumes et Le Galès, 2004 ; Duran, 2010).

3 La démarche suivie est comparative. Deux dispositifs ­ le programme « Conventions Éducation Prioritaire » (CEP) mis en place par Sciences Po en 2001 et le programme « Pourquoi Pas Moi ? » (PQPM) créé par l'École Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales (ESSEC) en 2002 ­, choisis pour le caractère emblématique de leurs modalités contrastées d'intervention, sont l'objet principal de notre étude. Les interprétations avancées se fondent néanmoins sur une enquête relative à l'ensemble des politiques d'ouverture sociale dont participent ces deux dispositifs, qui a été menée entre 2007 et 2010 [1]. Elle comprend des entretiens (n=151) avec les acteurs qui coordonnent ces programmes (n=29), avec les responsables d'entreprises et les représentants des autorités nationales, académiques et régionales qui les financent ou les encadrent (n=37), avec les proviseurs des lycées, les enseignants et les tuteurs qui les mettent en  uvre (n=45) et avec des élèves qui en bénéficient (n=40) ; des observations (colloques, séminaires et réunions sur ce thème, jurys d'admission et d'admissibilité de Sciences Po, séances de tutorat des deux programmes, journées d'accueil, visites et remises de prix organisées par les deux établissements) ; enfin, l'analyse de données statistiques et de nombreux rapports et documents. Elle comprend aussi un travail ethnographique en cours dans deux lycées ­ l'un bénéficiant des deux dispositifs, l'autre conventionné avec Sciences Po exclusivement.

DIVERSIFIER LES ÉLITES : DES MODÈLES AUX EFFETS

Des modèles originaux

4 Les politiques d'ouverture sociale constituent avant tout des réponses aux critiques concernant la clôture sociale et ethnique des grandes écoles. Ces critiques se fondent sur des enquêtes mettant en évidence un rétrécissement de la base sociale de recrutement des

5 classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et des grandes écoles dans les années 1980 après la relative démocratisation intervenue pour les générations nées entre les années 1930 et 1960, en même temps que des écarts croissants avec des premiers cycles universitaires qui se sont, pendant la même période, largement ouverts (Euriat et Thélot, 1995 ; Albouy et Wanecq, 2003). Elles s'appuient aussi sur l'émergence de nouvelles revendications d'égalité et de reconnaissance de la part d'une nouvelle « beurgeoisie » (Wihtol de Wenden et Leveau, 2007) et l'apparition, parmi les responsables de grandes firmes et les spécialistes des ressources humaines, de nouvelles rhétoriques mettant l'accent sur les effets positifs en termes de productivité et d'image d'une meilleure représentation des populations issues de l'immigration dans l'entreprise (Bereni, 2009). La coalescence de ces deux types d'analyses a été favorisée par le travail cognitif et politique de think tanks, de groupes parlementaires et de divers entrepreneurs politiques [2] qui ont recours tantôt à la notion de « diversité », à laquelle sont particulièrement réceptifs les acteurs du monde économique, tantôt à celle d'« égalité de chances », qui trouve plus d'écho dans le monde scolaire et universitaire [3]. Leur publicisation a été facilitée par l'intense mobilisation médiatique autour de ces thèmes qui rencontrent un large écho auprès de l'opinion publique. Ce sont néanmoins les initiatives de Sciences Po en 2001, puis de l'Essec en 2002, qui ont joué le rôle le plus central dans le passage de l'objectivation ou la dénonciation à la problématisation, donnant ainsi raison aux travaux qui soulignent que l'apparition d'un problème public est concomitante à la proposition d'une solution (Widalsky, 1979 ; Gusfield, 2009).

6 Les dispositifs proposés par les deux institutions comportent des différences significatives (Allouch et Buisson-Fenet, 2008), régulièrement montées en épingle, mais aussi de nombreuses similitudes, minimisées dans le discours de leurs promoteurs et des médias et sur lesquelles nous insisterons davantage. Du fait notamment de son implantation dans le Quartier Latin et du profil de ses étudiants, l'image de Sciences Po a longtemps été celle de l'établissement bourgeois par excellence (Garrigou, 2001), et c'est entre autres à la suite d'une étude montrant que 81 % desdits étudiants avaient des parents cadres, membres des professions intellectuelles supérieures, chefs d'entreprise ou enseignants que son directeur Richard Descoings a décidé de créer les CEP [4] (Muxel et al., 2004). Comme beaucoup d'écoles de commerce, l'ESSEC a traîné une réputation  d'école « de fils à papa » au moins jusqu'aux années cinquante et fut longtemps d'autant plus sélective financièrement qu'elle n'a bénéficié d'aucune subvention consulaire jusqu'en 1981. Si son alignement progressif sur le modèle classique des grandes écoles dans la période de l'après-guerre a contribué à y réduire la surreprésentation des milieux patronaux, cette réduction s'est opérée principalement au bénéfice des professions libérales, des cadres et des enseignants (Languille, 1997).

7 Les deux établissements se situant nettement, bien que de façon différente, dans le pôle des écoles du pouvoir (Bourdieu, 1989), la précocité et l'importance de leurs initiatives s'expliquent aussi par leur grande réactivité aux sollicitations des milieux économiques et politiques. En proposant une nouvelle voie de recrutement réservée aux élèves de lycées défavorisés, Sciences Po a pris acte des pressions en faveur d'une « diversité » susceptible d'irriguer rapidement les sphères du pouvoir émanant de son environnement professionnel composé de professionnels de la politique mais aussi de responsables d'entreprise puisque, nonobstant le cliché d'après lequel l'établissement serait d'abord l'« antichambre de l'ENA », 80 % des diplômés s'orientent actuellement vers le secteur privé. À travers son programme de tutorat en direction de lycéens de milieux populaires et immigrés, l'ESSEC prenait elle aussi en compte les attentes des entreprises vers lesquelles s'orientent la majorité de ses étudiants à la fin de leurs études et avec lesquelles elle a établi de multiples partenariats financiers et pédagogiques. Toutefois en lien avec son projet social initial ­ la moralisation du monde des affaires ­ et avec le contenu de ses programmes de formation, elle a choisi de répondre à leurs demandes de développement de leur responsabilité sociale par une extension des méthodes managériales au-delà de la sphère entrepreneuriale.

8 Les caractéristiques distinctives des deux dispositifs s'expliquent davantage par le mode d'insertion de chaque institution dans le champ des établissements d'enseignement supérieur d'excellence et par leur organisation interne. Désireuse de rehausser son statut au plan national et international, Sciences Po a fait un choix audacieux vis-à-vis de son environnement institutionnel, mais relativement aisé à mettre en place en raison de l'autonomie dont bénéficie l'établissement en matière de sélection des étudiants grâce à un statut spécifique habilement négocié avec l'État dans la période de l'après-guerre (Eymeri, 2001). Contrairement aux très grandes écoles ­ dont, à strictement parler, il ne fait pas partie ­, l'établissement n'est pas contraint par le respect des règles des concours ni par des liens endogamiques avec les CPGE. Plus proche dans ce domaine des universités d'élite privées américaines qui ont pu s'adapter à l'évolution des demandes en provenance de leur environnement social et politique grâce à leur maîtrise et à la souplesse de leurs procédures de recrutement (Karabel, 2005), il avait une grande liberté pour créer, à travers les CEP, une nouvelle voie d'accès dont l'insertion institutionnelle était facilitée par le fait que l'établissement, au début des années 2000, se caractérisait déjà par une pluralité de modes de recrutement : l'examen d'entrée, l'admission, après sélection par un jury, des détenteurs d'une mention « très bien » au baccalauréat, et l'entrée sur dossier pour les étrangers.

9 Le choix d'un ambitieux programme de tutorat par l'ESSEC, lui, s'explique par la triple volonté de ses promoteurs de proposer un modèle différent de Sciences Po, de rehausser le statut de l'ESSEC parmi les grandes écoles de commerce en la dotant d'un avantage compétitif vis-à-vis de ses principaux concurrents et de conforter son insertion dans l'environnement institutionnel des grandes écoles (Lazuech, 1999) ainsi que dans la Conférence des Grandes Écoles à la présidence de laquelle a accédé Pierre Tapie, directeur de l'ESSEC, en juin 2009. Reposant sur une action socialisatrice structurée en direction des étudiants issus de milieux modestes, le dispositif s'inscrit en outre dans la tradition catholique de l'établissement qui a toujours accordé une grande importance à la formation au sens large des étudiants, ainsi que dans une perspective d'ingénierie sociale, reflétée notamment par la Chaire d'entrepreneuriat social dans le cadre de laquelle le projet PQPM a été conçu.

Des effets quantitatifs modestes...

10 D'un point de vue quantitatif, l'élargissement de la participation apparaît limitée, les programmes mis en  uvre par Sciences Po et l'ESSEC ne concernant directement qu'un petit nombre d'individus. Les CEP ont ainsi permis de recruter 603 nouveaux étudiants à Sciences Po entre 2001 et 2009. C'est loin d'être négligeable, mais l'effectif en question n'a jamais représenté plus de 6 % de l'ensemble des élèves de l'établissement, car non seulement le nombre d'élèves recrutés par cette voie a toujours été faible, bien qu'en constante augmentation (17 entrées en 2001 contre 126 en 2009), mais les

11 effectifs globaux de Sciences Po ont connu une très forte croissance pendant la même période. C'est d'ailleurs l'expansion de l'établissement qui a permis d'accroître sensiblement les recrutements par la voie CEP sans donner l'impression que ces élèves se verraient octroyer des places au détriment d'autres plus méritants, diminuant ainsi le risque de contestation que rencontrent les politiques de discrimination positive individuelles (Sabbagh, 2007 ; Calvès, 2008). De son côté, l'ESSEC, qui ne cherche pas à diversifier son propre recrutement mais à favoriser l'accès de lycéens défavorisés aux filières sélectives de l'enseignement supérieur, fait état de 287 élèves bénéficiant ou ayant bénéficié du dispositif entre janvier 2003 et janvier 2009, auxquels on peut aussi ajouter 32 élèves de collège faisant l'objet d'un suivi plus léger. Dans son cas, le petit nombre d'élèves concernés est le fruit de contraintes moins sociales que pédagogiques, matérielles et financières : le caractère intensif du programme, qui mobilise beaucoup de tuteurs et de salles de l'ESSEC, rend son extension délicate.

12 Ces dispositifs sont-ils par ailleurs efficaces par rapport à l'objectif d'améliorer les parcours de ces étudiants dans les filières d'élite ? Selon un des responsables du programme de Sciences Po, la moitié des élèves CEP rencontrent des difficultés dans une ou plusieurs matières au cours du premier semestre suivant leur arrivée, les statistiques montrant que 16 % en moyenne redoublent leur première année ou bénéficient d'un aménagement de leur scolarité en deuxième année, cette proportion étant plus faible parmi les promotions plus récentes (11 % pour les élèves entrés en 2005 ou après). Si leur progression ultérieure ne se distingue pas nettement de celle des autres élèves, à l'exception des abandons (11 sur les 125 étudiants des quatre premières promotions ayant répondu à l'enquête officielle), il n'est pas possible d'indiquer à ce stade de la recherche ce qui tient à une intériorisation progressive des attentes de l'institution et ce qui relève du fonctionnement de cette dernière qui, comme la plupart des établissements d'enseignement supérieur d'excellence français, fait preuve d'une plus grande exigence académique à l'entrée que lors du passage des étudiants d'une année à la suivante. L'examen des parcours professionnels des quatre premières promotions fait ensuite apparaître que, parmi ceux qui n'ont pas décroché en cours de route, 56 % ont un emploi, principalement dans le secteur privé (banques et institutions financières, entreprises, médias) alors que 34 % poursuivent des études et 10 % sont au chômage. Comme le notent les responsables d'une évaluation en cours confiée à l'École d'économie de Paris, bien que bénéficiant d'un bien meilleur parcours professionnel que s'ils n'avaient pas fréquenté Sciences Po, ces élèves apparaissent désavantagés lors de l'entrée dans le monde du travail par rapport à leurs camarades de promotion, en raison notamment de leur faible capital social.

13 Quant au dispositif de l'ESSEC, comme le montre le graphique ci-dessous, jusqu'à présent peu d'abandons et de redoublements sont intervenus parmi ces bénéficiaires. Selon toutefois que l'on considère que l'objectif du programme est la poursuite des études en CPGE-GE, dans l'ensemble des filières sélectives ou, plus largement encore, dans l'enseignement supérieur quel qu'il soit, on pourra conclure que les objectifs de PQPM ont été atteints à moitié, aux deux tiers ou en quasi totalité [5].

tableau im1

14 Si, à l'instar des responsables des deux établissements, l'on compare le profil socio-économique et « ethnique » des bénéficiaires de ces politiques à celui du public habituel des filières d'élite, l'écart est tout à fait net. Ainsi, si à Sciences Po les jeunes dont les parents sont chefs d'entreprise ou cadres ou exercent des professions intellectuelles supérieures représentaient 64 % de l'ensemble en 2007, on a pu constater une progression de 3 % à 10,1 % du pourcentage d'enfants d'ouvriers et d'employés entre 1997 et 2007, due en grande partie à la procédure CEP, de loin la plus « démocratique » devant la procédure internationale, puis la procédure « mention très bien » et, enfin, la procédure « examen d'entrée ». Cette dernière est la plus sélective socialement du fait du contenu des épreuves et du rôle que jouent des préparations privées coûteuses dans la réussite, mais surtout de la diminution croissante du ratio candidats/admis [6]. Toutefois, si l'on se focalise exclusivement sur les élèves recrutés par la procédure CEP, on constate, comme le montre le graphique ci-dessous, que le poids des catégories défavorisées (ouvriers et employés) oscille entre 51,5 % et 68 %, avec une moyenne de 58,3 % entre 2001 et 2008 (58 % en 2009). Et si les trois quarts de ces élèves (79 %) sont actuellement boursiers, c'est en partie parce que les critères d'attribution des bourses ont été assouplis en 2008, ce qui a permis à des familles aux revenus relativement modestes mais pas très défavorisées de bénéficier de bourses de niveau 0 ou 1 (24 % des élèves CEP boursiers recrutés en 2009).

tableau im2

15 Il en va de même dans le programme PQPM. Une enquête en cours fondée sur l'exploitation de questionnaires remplis par 177 jeunes ayant bénéficié du dispositif entre 2003 et 2009 montre que la moitié des élèves ont des pères relevant de la catégorie « ouvriers » (14 % ouvriers non qualifiés et 37 % ouvriers qualifiés) et 13 % de parents « employés ». Plus d'un tiers ont cependant des pères artisans ou commerçants (14 %), exerçant des professions intermédiaires (17 %) ou cadres (3 %) [7]. Quoique sensiblement différent de celui des effectifs des deux établissements, ainsi que de la population d'élèves des grandes écoles dans lesquelles 62 % des élèves ont des pères cadres ou exerçant des professions intellectuelles supérieures, le profil socio-économique de l'ensemble des bénéficiaires des programmes de Sciences Po et de l'ESSEC demeure donc remarquablement hétérogène.
La situation est cependant différente pour ce qui est de la proportion d'élèves d'origine immigrée. D'après le bilan de la procédure CEP réalisé par l'institution en 2008, 2/3 des bénéficiaires du programme ont au moins un parent né hors de France, en grande majorité en Afrique (84 %). Quant au programme de l'ESSEC, il fait état de 75 % d'élèves ayant un père né à l'étranger (25 % au Maghreb, 17 % dans d'autres pays d'Afrique, 24 % en Asie et 9 % dans d'autres pays européens). Ainsi, alors même que leurs promoteurs se défendent d'avoir eu recours à tout ciblage de type « ethnique » et se sont toujours abstenus de présenter leur démarche comme relevant de la lutte contre les discriminations en fonction de l'origine ou la couleur de la peau, les deux dispositifs semblent davantage orientés vers les  enfants d'immigrés que vers les classes populaires.

... mais un infléchissement politique significatif

16 Si jusqu'à présent ces politiques ont eu des effets modestes sur la diversification des filières d'excellence de l'enseignement supérieur, elles ont très sensiblement contribué à infléchir les cibles et partant les finalités de la discrimination positive dans l'enseignement scolaire. Les deux dispositifs ont en effet introduit des changements majeurs quant au profil des bénéficiaires d'un traitement préférentiel, vu l'attention centrale désormais accordée, non pas, comme au début de la politique des ZEP, à l'action massive en direction des élèves issus de milieux populaires (Rochex, 2008), mais à des interventions « sur mesure » auprès d'un nombre d'élèves limité. La lutte contre les inégalités est ainsi remplacée par la promotion individuelle, la visée fortement contestée d'une égalisation des résultats entre groupes sociaux s'effaçant au profit d'une conception renouvelée de l'égalité des chances caractérisée par un objectif compensatoire à l'égard d'un groupe réduit de bénéficiaires (Savidan, 2007).
Les politiques de Sciences Po et de l'ESSEC ont aussi contribué à modifier la définition de ce qu'est un élève « socialement désavantagé ». L'hétérogénéité sociale de l'ensemble des bénéficiaires des dispositifs évoquée plus haut s'explique en partie par le fait qu'ils s'adressent à des lycéens des filières générales, alors qu'un important écrémage social a déjà eu lieu lors de la sortie du collège, souvent prolongé par des choix d'orientation en première. Elle s'explique également par le choix des deux institutions de recruter des élèves défavorisés non par un appel à candidatures, mais en fonction de leur rattachement à un petit nombre d'établissements qui, classés comme défavorisés, ne sont pas pour autant des « ghettos » sociaux ou ethniques. Ce choix, qui conduit à permettre à de « faux ZEP », c'est-à-dire à des élèves des classes moyennes scolarisés dans ces établissements (Buisson-Fenet et Landrier, 2008), d'avoir accès aux dispositifs obéit à des raisons pratiques ­ il facilite l'activité de prospection engagée en lui fixant un cadre ­ mais aussi sociales et politiques. En procédant ainsi, les deux institutions, et notamment Sciences Po, pouvaient à la fois espérer limiter les protestations des catégories intermédiaires « coincées » entre des classes supérieures avantagées par leurs ressources économiques, culturelles et sociales et des classes populaires ciblées pour des actions compensatoires et marquer leur différence par rapport au modèle de promotion individuelle incarné par l'affirmative action en vigueur dans les universités américaines, qui joue en France un rôle de repoussoir (Sabbagh, 2006).
La présence de ces « faux ZEP » est tantôt minimisée par le recours à des catégories floues, tantôt justifiée en invoquant l'argument d'une même « misère de position », moins liée aux ressources initiales des individus qu'aux contraintes auxquelles ils se heurtent dans leur environnement (Bourdieu, 1995). Par la voix de son directeur, Sciences Po met ainsi clairement en avant une définition du « désavantage » dans laquelle l'accent se déplace des inégalités liées à l'appartenance à un groupe situé au bas de la hiérarchie sociale vers des inégalités liées au lieu de résidence et de scolarisation :
On est toujours le bourgeois de quelqu'un. Et le parent pauvre d'un autre. À Creutzwald, à Vénissieux, à Pointe-Noire, à Vitry, à Saint-Denis, qui sont les « bourgeois » ? Un vétérinaire qui n'a pas renoncé à faire fonctionner son cabinet malgré les agressions ? Un fonctionnaire territorial qui donne un visage au service public ? Un professeur qui y croit encore ? Et si leurs enfants vont au lycée de leur secteur, s'ils n'ont pas cherché à contourner la carte scolaire, s'ils contribuent à maintenir la mixité sociale à l'école, faut-il leur reprocher de gagner un peu mieux leur vie que d'autres parents d'élèves, d'être à l'abri du chômage ? (...). La réponse finalement apportée fut ancrée dans la réflexion politique : repousser de bons candidats au motif que leur vie familiale n'était, au moins financièrement, pas trop difficile aurait été une terrible reconnaissance implicite de l'intérêt de la ségrégation sociale et territoriale. Or le dispositif adopté avait été conçu pour démontrer le contraire. C'eût été envoyer un signe décourageant aux parents luttant pour la mixité sociale, aux professeurs s'acharnant à vouloir une école de qualité pour tous, aux élus locaux menant une politique équilibrée de logement. [8]
Il faut en outre souligner que les deux dispositifs, en recrutant un pourcentage très significatif d'élèves issus de l'immigration, se donnent les moyens de désamorcer les critiques d'une ouverture sociale a minima en arguant d'un effort de diversification correspondant aux attentes des groupes ethniques défavorisés, ainsi qu'à celles des responsables d'entreprise ou politiques qui soutiennent leur action.
Le nombre non négligeable d'élèves des classes moyennes parmi les bénéficiaires s'explique aussi, et probablement davantage, par la sélectivité scolaire des deux programmes. En raison du manque d'informations précises sur le profil scolaire des élèves à l'entrée dans le programme de l'ESSEC ­ à l'exception de l'absence totale de redoublants, alors que dans les six lycées de l'Académie de Versailles inclus dans le dispositif 15 % des élèves ont deux ans de retard ou plus [9] ­, il est difficile de distinguer, à partir des données scolaires à la sortie, ce qui est dû à leurs trajectoires antérieures et ce qui pourrait relever d'un effet PQPM. Leurs résultats témoignent néanmoins du fait qu'il s'agit dans l'ensemble d'assez bons élèves : 95 % des 77 élèves déjà hors programme en 2007 avaient obtenu leur bac en trois ans, dont 46 % avec une mention « assez bien » et 32 % avec une mention « passable ». [10] Ces élèves sont néanmoins loin de posséder les caractéristiques des élèves des classes préparatoires, parmi lesquels on trouve 15 % de détenteurs d'une mention « très bien » et 34 % d'une mention « bien » [11]. La cible du programme est composée de bons élèves, mais pas nécessairement d'élèves « excellents », à la fois parce que ces derniers sont peu nombreux dans les établissements concernés et parce qu'il serait alors difficile de mettre en évidence sa « valeur pédagogique ajoutée ».
Quant à la procédure CEP, des critères de type académique interviennent à toutes les étapes de la sélection, qui est rude puisque en moyenne seulement 15 % des candidats voient leurs efforts couronnés de succès. Si l'on se tient aux mentions au baccalauréat, les élèves recrutés sont encore meilleurs que ceux du programme PQPM puisque, parmi les 126 étudiants de la promotion 2009, 37 avaient obtenu une mention « très bien », 45 une mention « bien » et 35 une mention « assez bien », ce qui n'est guère surprenant : alors que le dispositif PQPM n'affecte pas le fonctionnement de l'ESSEC, Sciences Po a tout intérêt à ne pas admettre des élèves dont les résultats seraient trop nettement inférieurs à ceux de son public habituel.
Or, si les responsables des deux programmes peuvent en toute bonne foi souligner que ces bons résultats sont des conditions nécessaires pour que les élèves puissent en tirer un réel profit, lesdites conditions ne sont pas socialement neutres. On sait en effet, d'une part, que les élèves de milieu populaire rencontrent plus de difficultés d'apprentissage, d'autre part, que les professeurs, le plus souvent de façon implicite, intègrent les caractéristiques sociales des élèves dans l'estimation de leur capacité à mener à bien des carrières scolaires longues (Duru-Bellat, 2002). Ceci réduit la probabilité que des élèves de milieu très défavorisé soient perçus comme des destinataires idéaux de ces programmes. Le choix de bons élèves contribue par ailleurs à disqualifier encore davantage le travail enseignant en direction des élèves en difficulté et à stigmatiser l'échec de ces derniers car il contribue à enraciner l'idée que « si l'on veut, on peut », c'est-à-dire que la réussite est avant tout affaire de motivation et d'effort, point de vue que les approches managériales des deux institutions contribuent aussi à conforter.

DES INNOVATIONS MANAGÉRIALES AU SERVICE DE LA DISCRIMINATION POSITIVE ET D'UNE NOUVELLE GOUVERNANCE

Détecter un potentiel, faire du coaching

17 C'est en prenant appui sur une expertise managériale présumée moins présente parmi les acteurs du système d'enseignement que Sciences Po et l'ESSEC ont investi le champ de l'éducation. Les deux institutions mettent ainsi l'accent sur leur capacité à détecter des lycéens dotés d'un « potentiel ». Cette notion, importée de l'univers de la gestion des ressources humaines, est parfois utilisée par les professeurs des classes préparatoires, mais dans un sens encore proche de celui du mérite scolaire dans la mesure où il s'agit de repérer des élèves dont les bons résultats ne seraient pas seulement liés à un acharnement au travail et qui laissent donc espérer une marge de progression satisfaisante. C'est encore plutôt dans ce sens que la notion est mobilisée dans la procédure de sélection des bénéficiaires du programme de l'ESSEC, qui combine un travail de prospective par les enseignants, la prise en compte des notes et du contenu d'une lettre de motivation rédigée par les élèves intéressés et des entretiens individuels menés par un responsable du programme. Le but de cette procédure est en effet moins de repérer des « talents » nouveaux que des étudiants prometteurs, sérieux et motivés.
Les différents intervenants du programme de Sciences Po mobilisent une définition plus composite de la notion de « potentiel », que manifeste le recours à des épreuves moins scolaires, notamment la préparation et la présentation à l'oral d'un dossier de presse. Les entretiens et les observations effectués dans deux lycées conventionnés montrent que lors de la préparation de ce dossier, les enseignants insistent plutôt sur des critères scolaires : la motivation, le sérieux, la rigueur. En revanche, et comme le montre l'extrait ci-dessous, les jurys d'admissibilité internes (composés du proviseur, d'un ou deux enseignants, parfois d'un inspecteur, et d'une « personnalité extérieure ») combinent dans l'évaluation de la présentation du candidat la prise en compte de critères scolaires et celle de capacités d'ouverture, d'échange, d'adaptation aux situations nouvelles et de mise en scène de soi qu'ils associent au profil typique de l'étudiant de Sciences Po.
Les jurys d'admission à Sciences Po (dans lesquels siègent généralement un représentant de l'institution, un universitaire, un membre de la haute fonction publique, un cadre d'entreprise et une personnalité invitée) sont loin de négliger les résultats scolaires des candidats ­ qui sont par ailleurs tenus d'obtenir leur baccalauréat à la première session ­, mais accordent une plus grande importance à la détection des « talents » et à la « prise de risque », comme dans les entretiens d'embauche des cadres du privé. On demande d'ailleurs fréquemment aux représentants des entreprises présents s'ils recruteraient un tel profil dans cinq ans. Comme nous avons pu le constater lors d'une observation participante à un de ces jurys en 2008, l'entretien s'oppose aussi bien sur la forme ­ poignée de main avec les membres du jury, autoprésentation de ces derniers et bienveillance affichée à l'égard du candidat ­ que sur le fond ­ le candidat doit commenter une image qui lui est remise sur place et répondre à des questions élaborées dans l'instant­ au caractère impersonnel et préréglé des examens et des concours. L'individu évalué doit mettre en avant ce qu'il est plus que ce qu'il sait, les évaluateurs valorisant moins les acquis scolaires que « la vivacité d'esprit », « la distance par rapport à soi », le « tempérament » ou encore « l'intelligence des réalités » [12]. Or ces critères d'appréciation jouent à l'avantage de ceux que Brown et Hesketh (2004) appellent les players ­ les bons stratèges qui s'adaptent aux attentes des recruteurs ­ et au détriment des purists, qui épousent fortement l'idéal méritocratique.

OBSERVATION DE LA DÉLIBÉRATION À LA FIN DE L'ORAL D'ADMISSIBILITÉ D'UNE ÉLÈVE AU LYCÉE R. EN 2009

Le jury est composé d'un inspecteur pédagogique régional (IPR), du proviseur, d'un professeur de l'établissement (PE), d'un professeur d'un autre établissement (PAL) et d'un représentant de la mairie (RM)
PAL : On a 10 minutes.
PE : Il y a une maîtrise de l'expression orale. Elle prend le temps de la réflexion. Les questions posées étaient très délicates et très personnelles. Peu d'élèves auraient pu y répondre. Elle est très réfléchie même si elle a eu des passages à vide. Le document n'était pas évident.
PAL : D'autant plus qu'à Sciences Po les documents sont encore plus déstabilisants. Je trouve qu'elle est tout à fait apte à mener une conversation réfléchie. Son dossier était construit. Mais j'ai une réserve : son orthographe était la moins bonne (et de loin) de tous les dossiers. Repérer ça, c'est une des fonctions de tous les écrits et de la note de synthèse personnelle.
Proviseur : Et elle est venue sans son dossier.
PAL : Elle est venue les mains libres. C'est très brillant ce qu'elle a fait. Elle a des qualités qui sont typiques de ce qui est demandé dans cette procédure.
RM : Une jeune fille devant un jury de cinq personnes dont quatre hommes. Je connais beaucoup de personnes qui auraient cafouillé.
PAL : Et son thème est très délicat [il s'agit d'un dossier sur la religion]. On peut mettre tout ça en avant, des qualités qui peuvent la faire déclarer admissible. J'ai beaucoup apprécié le temps de réflexion. Elle a su parler d'elle très bien et très simplement.
PE : L'épreuve est difficile car elle est a-scolaire.
IPR : Au CAPES, à l'agrégation, bien des candidats s'effondrent.
PE : On a un écrit très difficile ici.
PAL : C'est l'objet de la procédure (avec emphase). Avec le concours écrit on passe à côté de certains talents et on était en présence de quelqu'un qui a du talent. C'est ce que Descoings dit tout le temps.
Proviseur : À la fin, elle était sincère et elle a une personnalité solide.
PAL : Elle va souffrir à Sciences Po et surtout en éco/maths. C'est globalement une bonne élève ?
PE : Je ne la connais pas, mais je pense que oui.
PAL : Ça n'intervient pas dans la décision.
Proviseur : Bien sûr.
L'élève est déclarée admissible. Elle ne sera pas admise à Sciences Po.

18 L'offre éducative de chaque programme repose aussi sur une action personnalisée auprès des bénéficiaires qui s'inspire du modèle du coaching dans le monde de l'entreprise et vise notamment à lever « l'autocensure » des jeunes issus des milieux défavorisés. Cohérent avec l'orientation individualiste des politiques d'ouverture sociale, mais aussi avec l'héritage catholique de l'ESSEC et son modèle de formation au management, qui privilégie la diffusion de modes de gestion inspirés du nouveau capitalisme « à visage humain » (Boltanski et Chiapello, 1999), cette forme d'intervention est au c ur du programme PQPM, dont le nom lui-même a beaucoup contribué à populariser la notion d'autocensure et dont la clé de voûte est le tutorat. Pilier de ces nouvelles modalités d'ingénierie sociale, ce dernier est intégré à la formation des étudiants de l'ESSEC qui participent aux activités de la Chaire d'entrepreneuriat social et qui sont recrutés sur la base de leur charisme, de leur motivation et de leur engagement :

19 Et sur quels critères vous les sélectionnez ? L'expérience associative...

20 Pas plus que ça... (en fait une forte proportion, de l'ordre de 40 % de ceux que nous avons interviewés ont fait du scoutisme dans leur jeunesse) ; la motivation. On voit bien qu'il y en a qui ne savent pas trop ce qu'ils cherchent. Le dynamisme, ça joue beaucoup parce qu'on sait que les lycéens, mine de rien, faut les booster, parce qu'ils viennent trois heures par semaine. Donc il faut qu'ils aient envie de venir, donc les profs... Oh là, gros lapsus ! Les tuteurs doivent être enthousiastes (rires), sinon, ça ne peut pas marcher. Donc, c'est important, même s'il y en a qui sont plus timides et on ne peut pas non plus prendre que les grandes gueules. C'est vraiment plus de l'enthousiasme. Si je vois qu'ils ont l'air sérieux et rigoureux. Au contraire, s'il y en a un qui n'est pas venu à l'entretien, qui ne m'a pas prévenue, on se dit bon... ce n'est pas pour autant que je ne vais pas le prendre mais je me méfie un peu plus : Est-ce qu'il va être sérieux ? Il y en a certains qui m'intéressent dans leur motivation, dans ce qu'ils pouvaient apporter, ils ont des idées...On sent que ça leur tient à c ur et du coup le contact va bien passer. Il y a aussi le relationnel bien sûr. (Coordinatrice du programme PQPM)

21 L'action de ces étudiants auprès des lycéens comporte systématiquement une dimension de socialisation, tout en évitant d'adopter des formes trop proches du soutien scolaire pour ne pas entrer en conflit avec le monde enseignant. Les tuteurs, qui bénéficient d'un entraînement à l'animation de groupes et d'échanges informels de supports et de techniques entre pairs, assurent en binôme, auprès de petits groupes de lycéens qui s'engagent à participer au dispositif de la seconde à la terminale, des interventions formelles de trois heures par semaine pour les aider notamment à améliorer leur expression orale et favoriser leur ouverture sur l'actualité, la culture et le monde de l'entreprise. Cependant, le programme, qui vise explicitement leur « métamorphose » intellectuelle et sociale, s'appuie aussi sur un tutorat plus informel, celui que les étudiants de l'ESSEC ­ en cela assimilables à des « grands frères » ­ mettent en  uvre durant les cours mais aussi à l'extérieur en mobilisant tantôt des éléments de leur identité sociale qui les rapprochent de leur public ­ comme leur appartenance générationnelle ­, tantôt d'autres liés à leur rattachement à l'univers des grandes écoles, des classes supérieures et des cadres d'entreprise pour susciter des phénomènes d'identification, provoquer des envies et élever les aspirations (Allouch et van Zanten, 2008).

22 Le coaching est plus léger et à vocation plus instrumentale dans le programme CEP. Dans une autre optique managériale, plus proche de la sociologie des organisations, Sciences Po compte davantage sur les effets de contexte pour favoriser une acculturation rapide des nouveaux venus aux attentes et aux pratiques de l'institution. Le rôle le plus important revient aux enseignants et aux autres personnels des lycées pourvoyeurs qui accompagnent les élèves pour leur permettre de faire face aux épreuves de sélection. À cela s'ajoute, pour les candidats admis, un tutorat facultatif, à caractère principalement instrumental (aide à la confection des emplois du temps, conseils en matière de lectures ou de choix professionnels...), pris en charge par des professeurs, des membres de la direction de l'établissement et des responsables d'entreprises. Plus récemment, confronté aux difficultés scolaires des élèves en début de scolarité, aux sollicitations des entreprises et aux pressions d'un contexte institutionnel caractérisé par la large diffusion du tutorat de type PQPM dans les filières d'élite de l'enseignement supérieur, Sciences Po a néanmoins étendu son offre de coaching, en proposant pendant le premier semestre trois nouveaux ateliers orientés vers la maîtrise des codes culturels, l'acquisition rapide d'une méthodologie de travail et la familiarisation avec différents univers professionnels.

Dynamiser des lycées défavorisés par de nouveaux enchaînements institutionnels

23 Pour comprendre le rôle des deux dispositifs dans l'émergence de nouveaux modes de gouvernance du système éducatif, il convient aussi d'examiner les répercussions de l'action exercée sur les établissements d'enseignement secondaire à travers les partenariats. Outre leurs fonctions pratiques et politiques évoquées supra, ces partenariats créent de nouveaux liens de confiance dont le rôle principal est de réduire l'incertitude dans un cadre organisationnel inédit (Luhmann, 2006). Du côté des promoteurs des politiques d'ouverture sociale, ils permettent de mieux « filtrer » les élèves, c'est-à-dire de limiter les risques d'avoir à faire à des candidats trop éloignés des profils attendus, risques beaucoup plus importants dans le cas de Sciences Po qui vise leur intégration, que dans le cas de l'ESSEC, qui entend principalement améliorer leur orientation. En ciblant des lycées et en faisant en sorte que leur personnel se porte dans une certaine mesure garant des chances de réussite des élèves, les responsables de Sciences Po réduisent à la fois les coûts de la sélection et ceux de l'accompagnement des admis à l'intérieur de l'institution. L'écho rencontré par le dispositif contribue en outre à limiter le travail requis par le choix des établissements partenaires. Après avoir sélectionné les premiers lycées conventionnés à l'issue d'une activité de prospection, les responsables des CEP se contentent aujourd'hui de faire le tri parmi les nouvelles propositions qui affluent en conséquence de la popularité du programme (12 nouveaux lycées se sont portés candidats en 2010), en pariant sur la socialisation informelle des chefs d'établissement et des enseignants impliqués pour obtenir des élèves à même de s'intégrer sans difficulté excessive dans l'institution.

24 Du côté des lycées et des lycéens, les avantages des CEP, qui peuvent être analysés comme des « chartes » (Meyer, 1970) dotant un petit groupe d'établissements défavorisés d'une nouvelle licence et d'un nouveau mandat pour faire émerger de futures élites, présentent un caractère évident. Comme on l'a vu, les enfants des milieux populaires ou issus de l'immigration ont beaucoup plus de chances d'être recrutés par cette voie que par les autres voies d'entrée à Sciences Po, bénéficiant ainsi de ce que le sociologue américain R. Turner (1960) nomme une « mobilité par parrainage » : une mobilité sociale fondée sur l'existence de dispositifs institutionnels favorisant l'accès aux formations et aux emplois les plus convoités, par contraste avec l'idéal type d'une mobilité sociale fondée sur la libre compétition interindividuelle. Quant aux lycées, ils gagnent en prestige et en attractivité grâce à l'association avec un partenaire de statut supérieur (Podolny, 2005), association dont les bénéfices mutuels augmentent avec le temps. En effet, si les variations entre établissements concernant le nombre d'élèves admis à Sciences Po s'expliquent en partie par leur taille et par le poids des filières générales, l'ancienneté dans le dispositif joue aussi un rôle important. Plus elle est grande, plus les chances de réussite s'élèvent grâce à la fois à l'accroissement de la confiance de Sciences Po à l'égard des « produits » des lycées et à l'apprentissage de « bonnes pratiques » en matière de coaching et de détection du « potentiel » des élèves de la part des établissements [13].

25 Mais les partenariats institutionnels avec les établissements remplissent aussi une autre fonction : celle de contrer les critiques relatives au petit nombre d'élèves concernés par chaque dispositif et au fait qu'il ne s'agisse pas nécessairement d'élèves défavorisés. À travers leurs nouveaux liens, Sciences Po et l'ESSEC s'annexent en quelque sorte le « capital » d'élèves et d'image de chacun des lycées qui font partie du programme. Ceci est à l'avantage de Sciences Po, qui a opté pour une stratégie extensive, c'est-à-dire une préparation légère dans un grand nombre de lycées (74 en 2009-10) répartis sur plusieurs académies, ce qui lui permet de se prévaloir d'une action à caractère national. Le choix de ces lycées, situés dans des territoires concentrant des difficultés et accueillant en moyenne 45.5 % d'élèves « défavorisés » au sens que le Ministère de l'éducation nationale donne à ce terme [14] ­ lycées dont un tiers bénéficie de différents dispositifs compensatoires (zone prévention violence, zone urbaine sensible, zone d'éducation prioritaire ou réseau ambition réussite) ­, lui permet aussi de revendiquer la sensibilisation d'un grand nombre d'élèves relevant de l'éducation prioritaire. En raison notamment de la nature de son programme, qui implique que les élèves des lycées se rendent régulièrement sur le campus de l'école, l'ESSEC, pour sa part, recrute seulement dans 7 lycées de l'Académie de Versailles (6 dans le département du Val d'Oise et 1 dans les Yvelines). Si globalement il s'agit d'établissements moins défavorisés que ceux des conventions Sciences Po (on trouve 24,5 % d'élèves de catégories défavorisées dans les 6 lycées PQPM en 2007-2008 contre 22,4 % dans l'ensemble de l'académie de Versailles) l'ESSEC, via des actions d'information en direction d'un « deuxième cercle » de lycées locaux, entend néanmoins s'adresser, à une population plus vaste que celle des seuls bénéficiaires directs du dispositif.

26 Les deux programmes soulignent les effets positifs de cette « sensibilisation », dont certains, comme l'augmentation des orientations en CPGE et des taux de réussite au baccalauréat, pourraient faire l'objet d'une mesure précise en tenant compte néanmoins à la fois des grandes variations observées d'une année sur l'autre en matière de réussite et d'orientation dans les établissements (Duru-Bellat, Mingat, 1988) et des parcours ultérieurs effectifs des élèves dans l'enseignement supérieur. D'autres effets, plus qualitatifs (l'accroissement de la confiance en soi, la réhabilitation du travail et de l'effort, l'émergence de nouveaux centres d'intérêt chez les élèves, l'augmentation de la confiance dans l'institution de la part des familles), sont plus difficiles à estimer. Quand on interroge les jeunes eux-mêmes, on constate un relatif scepticisme quant aux effets d'entraînement du dispositif : les bénéficiaires du programme ESSEC qui pensent que PQPM n'a pas eu d'impact positif sur leurs copains sont deux fois plus nombreux que ceux qui soutiennent l'inverse [15]. Il est également possible, que ces dispositifs produisent des effets contrastés chez les élèves : d'un côté, une élévation des aspirations et des formes diverses de mobilisation liées au surcroît d'attention portée à l'établissement ; de l'autre, une conscience plus aiguë des inégalités (Oberti, Sanselme, Voisin, 2009 ; Pasquali, 2010).

27 En choisissant de procéder par de nouveaux enchaînements institutionnels les deux programmes ont également fait le pari d'une mobilisation du corps enseignant, pari gagné en grande partie grâce aux nouveaux objectifs et moyens d'action en matière de discrimination positive. Par opposition aux objectifs ambitieux mais on ne peut plus vagues de l'éducation prioritaire ­ la réussite de tous les élèves des milieux défavorisés ­, la visée des deux programmes et de l'ensemble des actions d'ouverture sociale ­ aider un petit nombre d'élèves à accéder aux filières d'élite et à y réussir leur scolarité ­ est perçue comme nettement plus réaliste par les enseignants. Comparé à la difficulté et à la pénibilité du travail de longue haleine auquel ils doivent se livrer dans les établissements défavorisés pour améliorer les résultats des élèves en difficulté, le coaching de bons élèves en lien avec les responsables de Sciences Po et de l'ESSEC apparaît aussi particulièrement gratifiant. En outre, les enseignants et les chefs d'établissement bénéficient dans ce cadre du prestige des deux institutions, de la médiatisation des dispositifs, de l'argent des entreprises et même de possibilités de carrière par le biais de détachements et de promotions. Les tensions entre enseignants au sein des établissements suscitées par ces dispositifs ne doivent toutefois pas être minorées. Elles correspondent à des oppositions d'ordre idéologique, une partie des professeurs refusant la pénétration, via les programmes de Sciences Po et de l'ESSEC, « du grand capital » dans le service public d'enseignement, mais aussi à de nouvelles formes de concurrence entre enseignants pour l'accès aux nouvelles ressources matérielles et symboliques associées à ces dispositifs sélectifs.

28 Les enseignants occupent cependant une place plus importante dans le cadre des CEP que de PQPM en raison du mode de construction et des caractéristiques du dispositif. Les professeurs des premiers lycées pressentis pour en faire partie, associés à un groupe de réflexion, ont en effet joué un rôle significatif dans la conception même du programme. C'est une enseignante qui a eu l'idée de la revue de presse pour évaluer de façon moins scolaire le « potentiel » des élèves et c'est sous la pression des enseignants que la première phase d'admissibilité a été totalement déléguée aux établissements. Grâce à ce découpage en deux phases, les professeurs des lycées défavorisés contrôlent pour une large part la sélection et le coaching de futurs membres des élites, ce qui les fait renouer avec une des dimensions symboliques de leur métier à laquelle ils sont les plus attachés et qu'ils ont vu se déliter avec la massification de l'enseignement secondaire. Vis-à-vis de Sciences Po, ils apparaissent et se perçoivent eux-mêmes comme de véritables partenaires :

29 Il y a une responsabilité pour les équipes enseignantes, qui est déjà de sélectionner, mais à partir d'une épreuve qui est ouverte à tous. C'est-à-dire qu'ils ont une responsabilité (...) Ils n'ont pas un rôle administratif. Ils sont partie prenante du dispositif, ce qui permet de faire le parallèle avec les instituteurs de la Troisième République qui pouvaient repérer les élèves pour les proposer pour des bourses de l'enseignement secondaire. Il y a vraiment ça. L'enseignant du lycée est réinvesti d'une mission. Et pour Sciences Po, c'est aussi descendre de son piédestal : c'est accepter que les enseignants des lycées puissent participer à la sélection. Et ça c'est important aussi, philosophiquement et psychologiquement. C'est dire qu'on va les sélectionner ensemble, un peu main dans la main (Entretien no 2 avec le coordonnateur du programme CEP jusqu'en 2008).

30 Ce sont ces liens étroits avec le corps enseignant qui ont permis à Sciences Po, à la suite des émeutes urbaines de 2005, de lancer une « expérimentation » sur quatre, puis huit lycées CEP, dont six en Seine-Saint-Denis et deux dans le département de la Moselle, impliquant une intervention beaucoup plus poussée dans le domaine pédagogique.

« Moderniser » l'action éducative à l'échelle locale, influer sur les choix politiques à l'échelle nationale

31 Les programmes de Sciences Po et de l'ESSEC peuvent aussi être analysés du point de vue de leur contribution à la transition, au sein du système éducatif, d'un mode de gestion bureaucratique (fondé sur la hiérarchie, la segmentation des tâches et des activités, la routine et le contrôle de conformité) à un mode post-bureaucratique (fondé sur la compétence, l'articulation des domaines d'action, l'innovation et l'évaluation par les résultats) en vue d'une plus grande efficacité du service public (Duran, 2010). L'Éducation nationale a joué un rôle pionnier dans l'administration française concernant l'introduction d'instruments contractuels relevant de ce second mode de gestion au tournant des années 1980 (Gaudin, 2007 ; Bezès, 2009) à travers la politique des ZEP, qui a d'abord fait une large place à la notion de « projet de zone », puis à celle de « contrat de réussite » et de « contrat éducatif local » (CEL). Ces dispositifs n'ont cependant, pas pu jouer pleinement leur rôle en raison du poids de la hiérarchie et de la faible légitimité de l'innovation, du caractère flou des objectifs et des responsabilités associés aux projets et aux contrats et de l'absence d'accompagnement et d'évaluation (Glasman, 1999 ; Lorcerie, 1999 ; Robert, 2009). En revanche, Sciences Po et l'ESSEC, profitant de leur position d'extériorité et prenant appui sur leurs compétences en management, ont mieux su encourager l'expérimentation, susciter l'engagement des professionnels de l'éducation et formaliser les responsabilités de chacun par le biais de conventions. L'absence d'un élément central ­ l'évaluation ­ empêche néanmoins de conclure à un véritable renouveau des outils des politiques publiques d'éducation, aucun des deux programmes ne s'étant encore doté d'un dispositif permettant de mesurer pleinement l'impact de son action [16].

32 La rénovation du service public par la diffusion des principes post-bureaucratiques du nouveau management public repose aussi sur le développement de nouveaux partenariats public-privé. Contrairement à l'Angleterre où l'on observe depuis les années 1980 une participation massive du secteur privé dans le financement et la gestion du système d'enseignement public (Ball, 2008), en France jusqu'à présent la très grande méfiance des professeurs et de l'administration de l'éducation à l'égard d'acteurs ne dépendant pas directement de l'État a donné à ce processus un caractère étroitement limité. Or, malgré les résistances évoquées plus haut, il est clair que les dispositifs CEP et PQPM ont beaucoup contribué à légitimer l'intervention des entreprises dans les lycées, grâce au rôle de médiation joué par les responsables des deux programmes et à leur capacité à susciter des investissements financiers conséquents de la part de ces nouveaux acteurs dans un contexte de perte de confiance dans la capacité de l'État à agir efficacement dans le domaine éducatif. Les entreprises, qui ont vu dans ces dispositifs un moyen de se faire mieux connaître d'éventuels futurs employés et de mettre en avant leur utilité sociale, y participent de trois façons. La première, et la plus importante, est le mécénat. Plusieurs grandes firmes (Accenture, GDF-Suez, l'Oréal, Véolia...) contribuent au financement de bourses d'études dans les deux programmes, ainsi que de voyages dans des pays lointains (depuis 2007 dans le cadre de la politique des lycées expérimentaux de Sciences Po), de courts séjours linguistiques à l'étranger (depuis 2009 dans le cadre de PQPM) et de diverses activités culturelles. La seconde relève de la gestion des ressources humaines et de l'application des techniques de management : participation à la sélection des candidats à Sciences Po, à la formation des bénéficiaires du programme PQPM via des expériences de shadowing [17] et à différentes formes de « parrainage » dans les deux dispositifs. Enfin, la troisième relève de la communication et de la promotion de leur activité par l'intermédiaire de conférences, d'animations et de visites d'entreprise.

33 Le fait que l'ESSEC comme Sciences Po, à des degrés divers, aient choisi de privilégier une approche individualiste, mais sur une base territoriale, les a conduites également à se rapprocher des administrations et des collectivités locales. Dans le cas de l'ESSEC, dont l'action est largement financée par la Délégation interministérielle à la ville (DIV), des relations assez denses se sont nouées avec le conseil général et la préfecture, un peu moins avec l'Inspection académique, car le fonctionnement de PQPM n'exige pas de coopération étroite avec les autorités éducatives locales. Quant au dispositif CEP, s'il se présente comme un programme national, les 9 académies métropolitaines et les 3 académies d'Outre-Mer où se trouvent les lycées conventionnés ont été choisies après l'accord des recteurs et parfois des conseils régionaux pour apporter un soutien financier aux établissements et aux élèves. La relation de Sciences Po avec les autorités locales est particulièrement intense à Créteil, où se trouvaient 19 des 62 lycées en 2008, 6 ayant aussi le statut de « lycée expérimental ». Toutefois, si ces différents dispositifs sont aujourd'hui bien intégrés dans les deux Académies de Versailles et de Créteil, il n'en serait pas moins prématuré d'évoquer l'émergence d'un nouveau réseau de politiques publiques à l'échelle régionale, car alors que les autorités éducatives locales voudraient faire rentrer ces initiatives dans un cadre leur permettant de reprendre la main sur la sélection des lycées partenaires et le suivi des actions, l'ESSEC comme Sciences Po redoutent que ces tentatives de normalisation ne leur fassent perdre de l'autonomie et de la visibilité.

34 Au-delà, les deux dispositifs ont aussi et surtout pour ambition de jouer un rôle central en infléchissant les choix politiques à l'échelle nationale. Du côté de l'ESSEC, on a parié sur deux éléments, la conformité du programme aux modes de recrutement des grandes écoles et sa reproductibilité, notamment via des formes de « partenariat » avec des lycées défavorisés moins ambitieuses que le dispositif originel, ce qui lui a permis de faire de nombreux émules. Plus de 50 grandes écoles appartenant à la Conférence des grandes écoles ont adopté un programme de ce type, l'ESSEC ayant participé à la création dans son sein d'un « Groupe d'ouverture sociale », piloté par l'ancienne responsable de PQPM, et dont le but est de constituer un réseau de grandes écoles partenaires, de diffuser des « bonnes pratiques » et de devenir un interlocuteur clé pour l'État. Du reste, ce dernier s'est largement inspiré du modèle de tutorat de l'ESSEC pour la rédaction de la Charte pour l'égalité des chances dans l'accès aux formations d'excellence en 2005 et, surtout, en novembre 2008, pour le lancement des « Cordées de la réussite » destinées à favoriser des partenariats entre des établissements d'enseignement supérieur et des lycées situés dans des quartiers prioritaires.

35 Cependant, l'essaimage et l'influence nationale de l'initiative PQPM marquent aussi la fin du monopole symbolique de l'ESSEC en matière de tutorat étudiant. Les initiatives émanant de grandes écoles, de CPGE, d'universités et d'associations diverses prolifèrent désormais de manière décentralisée sans se réclamer toujours du label « PQPM » et l'État, bien qu'étant intervenu tardivement, se pose en principal garant de ces actions depuis 2008, en les encadrant par des circulaires, des labels comme les « cordées » et aussi, récemment, par des évaluations émanant du Haut commissariat à la Jeunesse et des ministères de l'enseignement supérieur et de l'éducation. L'ESSEC compte néanmoins sur son expertise en matière d'ingénierie sociale, maintenant amplement reconnue, pour préserver son statut et maintenir sa légitimité. Elle entend jouer un rôle de think tank en la matière et a créé à cette fin, en janvier 2010, un nouvel Institut de l'Innovation et de l'Entrepreneuriat social associant des entreprises, des chercheurs et des praticiens.

36 Les CEP, qui ont fait l'objet d'une très forte médiatisation, ont, elles, beaucoup contribué à redorer l'image de Sciences Po auprès d'une partie des milieux d'affaires et de la classe politique ainsi que des lycées défavorisés, qui ont été très nombreux à se porter candidats à une convention depuis 2001. Reste que le dispositif, très contesté par les grandes écoles, n'a pas fait des émules en France, contrairement à celui de l'ESSEC alors que son extension conduit Sciences Po à se poser la question de son intérêt et de sa capacité à l'encadrer durablement. Il pourrait en revanche connaître une postérité internationale, puisque l'Université de Santiago du Chili met en place actuellement un programme similaire à celui des CEP. Son succès se mesure aussi, sur un plan différent de celui du dispositif ESSEC, à l'aune de sa place dans le débat public sur l'enseignement supérieur ainsi que par différentes formes de reconnaissance du nouveau statut de son directeur comme personnalité du monde pédagogique, à laquelle le Président de la République a commandé un rapport officiel sur la réforme du lycée en 2009 et dont le nom a plusieurs fois circulé comme possible Ministre de l'éducation.

CONCLUSION

37 Critiquées pour leur élitisme social, les grandes écoles ont élaboré des programmes d'action visant à recruter des élèves provenant de milieux peu représentés dans les filières d'excellence du système d'enseignement supérieur français, ou du moins à capter leur attention. La diversification ainsi accomplie reste néanmoins modeste en raison de la conception même de ces programmes. L'objectif poursuivi est en effet de faire bénéficier un petit nombre d'élèves d'un « parrainage institutionnel » qui, sans être équivalent à celui dont tirent profit les élèves dont toute ou une grande partie de la carrière scolaire se déroule dans des établissements concentrant d'importantes ressources sociales et pédagogiques et ayant construit des enchaînements institutionnels avec des établissements de niveau inférieur et supérieur hautement favorables au développement de parcours d'excellence (van Zanten, 2009b), permet de réduire les écarts dans les chances d'accès aux plus hauts niveaux scolaires. A cela, il faut ajouter que les conditions d'accès à ce parrainage interdisent de le réserver exclusivement à des élèves des milieux populaires ­ même si des jeunes issus de l'immigration en sont largement bénéficiaires ­ et privilégient le sous-ensemble des lycéens issus de ces milieux qui connaît le moins de difficultés scolaires. Certes, il n'est pas impossible que grâce à leur pénétration au sein d'un nombre non négligeable d'établissements et de territoires défavorisés, à l'essaimage auprès d'autres grandes écoles et à leur médiatisation les effets positifs des deux dispositifs analysés en détail ici sur l'élévation des aspirations et le choix d'études longues par des jeunes peu familiers du monde des grandes écoles soient plus importants. Toutefois, cet impact diffus des programmes est non seulement difficile à évaluer mais pourrait s'accompagner d'effets pervers, notamment en termes de déception de la part de jeunes n'ayant pas les compétences intellectuelles et sociales nécessaires pour satisfaire leurs nouvelles ambitions et de tensions entre les bénéficiaires de ces politiques et les autres élèves au sein des établissements d'enseignement secondaire ou supérieur.

38 Malgré la taille réduite du groupe d'élèves pris en charge et le caractère expérimental et tâtonnant des innovations proposées, ces politiques ont néanmoins modifié le statut des deux établissements d'enseignement supérieur concernés, qui s'est trouvé nettement renforcé au sein de leur environnement institutionnel à l'échelle nationale, voire internationale. Surtout, dans la perspective que nous avons privilégiée ici, elles ont considérablement transformé le paysage des politiques publiques d'éducation sur plusieurs plans. Bien que par le choix de développer des liens privilégiés avec des lycées plutôt que de solliciter des candidatures spontanées d'élèves ces programmes s'inscrivent dans la continuité de la discrimination positive « à la française » ­ avec une même focalisation sur les territoires de banlieue ­ (Morel, 2002 ; Doytcheva, 2007), ils ont considérablement renforcé la sélectivité du ciblage des bénéficiaires. Développés dans un contexte de crise du modèle de lutte contre les inégalités promu par l'éducation prioritaire, qui explique l'accueil globalement très positif dont ils ont bénéficié auprès de l'opinion publique, du monde enseignant et de l'État, ils en ont profondément altéré le sens.

39 Grâce à leur indépendance relative vis-à-vis de l'État, à leur capacité à lever des fonds et à leur expertise managériale, les grandes écoles ont aussi contribué à changer les modes de conduite des politiques d'éducation en donnant davantage de consistance à une régulation à dominante contractuelle restée jusque-là largement symbolique, en légitimant des partenariats entre le secteur public et le secteur privé longtemps considérés avec une profonde méfiance par les acteurs de l'éducation et en favorisant une approche expérimentale et bottom up du traitement des problèmes publics. L'institutionnalisation de ce processus reste néanmoins inachevée. D'un côté, les promoteurs de ces dispositifs ne poursuivent pas nécessairement leur pérennisation en même temps qu'ils n'ont pas cherché à s'impliquer pleinement dans des réseaux de décision locaux ou nationaux par peur de limiter leur autonomie de décision. De l'autre, la reprise en main par l'État actuellement en cours ne semble aller de pair ni avec un renouvellement des modes d'engagement des acteurs de terrain, ni avec une évolution en profondeur des modalités de coordination ou de généralisation des actions au sein du système éducatif. Il paraît donc pour le moins prématuré d'en attendre une évolution significative de la capacité de l'action publique à prendre en charge les problèmes d'éducation.

40 Agnès van Zanten

41 Sciences Po (OSC), CNRS

42 agnes.vanzanten@sciences-po.fr

Notes

  • [1]
    Cette enquête est placée sous notre direction et bénéficie de la participation d'A. Allouch, H. Buisson-Fenet et M. Le Gouvello. Elle s'inscrit dans un projet plus vaste sur la formation des élites et est soutenue financièrement par l'Agence Nationale de la Recherche et la Fondation de France.
  • [2]
    Voir notamment Institut Montaigne 2006 Ouvrir les grandes écoles à la diversité, Paris : Institut Montaigne, Y. Sabeg, L. Méhaignerie 2006 Les oubliés de l'égalité des chances. Paris : Hachette et J. Legendre, Y. Bodin 2006-2007 Diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles : mettre fin à une forme de « délit d'initié », Les Rapports du Sénat, no 441.
  • [3]
    On notera que ces deux termes ont été accolés pour définir les fonctions de Yazid Sabeg, un des principaux artisans de la mise en relation de ces deux courants, nommé « Commissaire à la Diversité et à l'Égalité des Chances » par Nicolas Sarkozy en décembre 2008.
  • [4]
    M. Cheurfa, V. Tiberj, « Le concours d'entrée à Sciences Po : inégalités d'accès et inégalités sociales », in Conventions ZEP. L'Excellence dans la diversité, Note de synthèse, 1999.
  • [5]
    T. Sibieude, F. Louveaux, C. Dardelet, Une grande école : pourquoi pas moi ? Bilan d'étape, janvier 2003-janvier 2008, ESSEC, 2008, p. 19-20. Chaire d'entrepreneuriat social « 48 h pour l'égalité des chances. Synthèse des travaux », Paris, ESSEC, 2009, p. 9. Ces deux documents peuvent être consultés sur le site : www.pourquoipasmoi.essec.fr
  • [6]
    C. Riou, V. Tiberj, « Biais sociaux et procédure de recrutement, l'exemple de l'examen d'entrée à Sciences Po. 1re année ­ Septembre 2002. Conclusions d'enquête ». Ce document peut être consulté sur le site : www.cevipof.msh-paris.fr/publications/notes_etudes/scpo2003.pdf.
  • [7]
    Froment Ch. (de), André K. « L'évaluation du programme “Pourquoi pas moi ?” sous l'angle des capabilités », Colloque ESSEC IIES, La place de la réussite scolaire dans l'égalité des chances, 28 mai 2010.
  • [8]
    R. Descoings, 2007 Sciences Po. De la Courneuve à Shanghai. Paris : Presses de Sciences Po., p. 378-379.
  • [9]
    Données IPES 2008-2009.
  • [10]
    T. Sibieude et al., Une grande école : pourquoi pas moi ?, op. cit., p. 20.
  • [11]
    Sources : Ministère de l'Éducation nationale, Repères et références statistiques, année 2005-2006 et Conférence des grandes écoles, note de juin 2005 consultable sur le site www.cge.asso.fr
  • [12]
    R. Descoings, op. cit. ; C. Delhay, 2006 Promotion ZEP. Des quartiers à Sciences Po. Paris : Hachette Littératures, p. 22.
  • [13]
    En 2008, parmi les 9 établissements qui ont réussi à faire admettre entre 4 et 7 élèves, on en trouve 3 qui font partie du dispositif depuis 2001, 2 depuis 2002 et 1 depuis 2004. En revanche, parmi les 21 lycées pour lesquels le nombre d'élèves admis est de 0 ou 1, on trouve 3 établissements nouveaux, 7 qui font partie du dispositif depuis 2007 et 8 depuis 2006. Ces chiffres ont été calculés à partir des données fournies dans Convention Éducation Prioritaire, Candidats admis depuis 2001, par lycée, 12/1/2007.
  • [14]
    La catégorie « défavorisés » du MEN comprend les ouvriers qualifiés, les ouvriers non qualifiés, les ouvriers agricoles, les retraités employés ou ouvriers, les chômeurs et les personnes sans activité professionnelle.
  • [15]
    T. Sibieude, F. Louveaux, C. Dardelet, Une grande école : pourquoi pas moi ? op. cit, p. 28.
  • [16]
    Des projets d'évaluation sont cependant en cours dans chaque institution.
  • [17]
    Littéralement, « filature » de certains cadres ou hauts responsables pour mieux saisir les différentes dimensions de leur activité professionnelle.
Français

Résumé

Les politiques que l'on désigne comme participant de l'« ouverture sociale des grandes écoles » accordent divers avantages à de jeunes issus de groupes défavorisés afin de faciliter leur accès aux filières d'excellence de l'enseignement supérieur. Cet article s'intéresse plus particulièrement aux programmes « Conventions Éducation Prioritaire » de Sciences Po et « Pourquoi Pas Moi ? » de l'ESSEC. Dans le but de mieux cerner les visées et les effets globaux de ces dispositifs, le mode d'analyse adopté combine deux perspectives complémentaires. La première consiste à rapporter les phénomènes observés au problème public auquel ces politiques cherchent explicitement à répondre, celui de la diversification des établissements d'élite. La seconde, à les analyser en tant qu'innovations managériales susceptibles de transformer les instruments de la discrimination positive et les modes de gouvernance du système éducatif.

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Agnès van Zanten
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Mis en ligne sur Cairn.info le 17/09/2010
https://doi.org/10.3917/soco.079.0069
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