1En conclusion de son « Appréciation sociologique du bolchevisme », Marcel Mauss exhortait l’analyse politique à se détacher de la métaphysique et à « lâcher dans la mesure nécessaire ces mots en “isme” : capitalisme, libéralisme et autres, et tout ce substantialisme ratiocinant. En tout cas, poursuivait-il, il faut que le philosophe, le sociologue, le moraliste, laissent à d’autres la responsabilité de ces formules tranchantes et tranchées et de ces concepts mal faits tout chargés de passion » (Mauss, 1997, p. 565). Force est de constater que ses conseils n’ont guère été systématiquement suivis pour rendre compte des régimes communistes. À l’instar du « totalitarisme », toute une série de notions et de cadres d’analyse ont en effet été forgés dans la perspective scolastique de la quête d’une « essence » ou du « principe » qui les spécifierait, les luttes à prétention scientifique pour la bonne définition de ces régimes formant trop souvent le pendant négatif des luttes – proprement politiques – pour la définition du « bon régime ».
2La caractérisation « bureaucratique » des régimes communistes est au cœur de « ce substantialisme ratiocinant ». Cette (dis)qualification s’est progressivement imposée, selon des logiques et des circuits où la politique se mêle souvent à l’analyse (1). Sans même parler de son caractère dénonciateur, incitant au jugement moral plus qu’à l’analyse, cette spécification « bureaucratique » est trop générale et trop unilatérale pour être pleinement satisfaisante. Elle simplifie en effet tout un système complexe de relations de pouvoir et de pratiques, et tend à réserver aux régimes communistes des modes de fonctionnement administratifs qui ne leur sont pas nécessairement spécifiques. On voudrait ici transformer cette qualification usée par des usages multiples en question de recherche : éviter « l’effet bulldozer » d’une notion qui tend à aplanir la réalité sociale, mais prendre au sérieux les questions qu’elle pose, en l’espèce celles de la spécificité du fonctionnement des administrations et de leur rôle dans les sociétés communistes. C’est au travers de l’analyse empirique du fonctionnement pratique des administrations communistes – qui a longtemps fait défaut – mobilisant les outils généraux de la sociologie et de l’histoire des administrations que l’on espère fournir des éléments de réponse à ces interrogations. C’est de cette manière que l’on peut espérer contribuer à une meilleure compréhension de la place de ces administrations dans l’espace du pouvoir et de leur rôle non-univoque dans les mécanismes de domination. Au-delà, c’est donc dans la perspective plus vaste d’une analyse des modes de fonctionnement des régimes communistes que s’inscrivent ces propositions pour une socio-histoire des jeux bureaucratiques (2).
1. REGIMES SOVIETIQUES ET BUREAUCRATIE : RETOUR SUR UNE (DIS)QUALIFICATION
3Le recours au qualificatif bureaucratique pour désigner les régimes soviétiques s’inscrit d’abord dans un registre politique : celui des luttes internes à la Russie soviétique, puis des luttes contre le communisme et le « collectivisme ». Ses usages intellectuels, le plus souvent à des fins de dénonciation, sont tout aussi changeants (Bhérer, 1982). Ce terme peut en effet désigner tour à tour un mode de domination politique, un modèle d’organisation économique et sociale et un type de (dys)fonctionnement de l’appareil administratif.
1.1. LA DIFFUSION D’UNE APPELLATION SCIENTIFIQUEMENT MAL CONTROLEE
4La question bureaucratique est d’abord formulée dans les luttes qui opposent les différentes tendances du parti communiste russe, dès les débuts de la Russie soviétique. Lénine puis Trotski voient ainsi dans la bureaucratisation un danger pour la révolution, et font de sa dénonciation un instrument de lutte contre Staline (Ferro, 1980). Les écrits de Trotski contribueront fortement à sa diffusion. Présente dès La révolution permanente (1928) à propos des dérives de l’Internationale communiste, la stigmatisation des excès bureaucratiques forme un élément majeur dans la critique qu’instruit Trotski du dévoiement du bolchevisme par Staline. Elle sert en effet la thèse de La révolution trahie selon laquelle l’organisation et les pratiques du pouvoir en Union soviétique aboutissent à un résultat qui n’était pas inéluctable : le reniement des idéaux révolutionnaires et l’établissement d’un système politique qui leur est contraire (Trotski, 1994). « Défendre le bolchevisme contre la putréfaction de la bureaucratie staliniste » et la « dégénérescence de l’État ouvrier » devient un argument topique qui justifie la formation d’une « opposition de gauche » et donne une clef de lecture de l’histoire soviétique depuis la révolution d’Octobre :
« Les masses ont perdu courage. La bureaucratie a pris le dessus. Elle maîtrisa l’avant-garde prolétarienne, foula aux pieds le marxisme, prostitua le parti bolcheviste. Le stalinisme fut victorieux. Sous la forme de l’Opposition de gauche, le bolchevisme rompit avec la bureaucratie soviétique et son Komintern. Telle fut la véritable marche de l’évolution. » (Trotski, 1977).
6Dans La bureaucratisation du monde, l’Italien Bruno Rizzi systématise la thèse trotskiste et, au-delà du cas de l’Union soviétique, prophétise l’avènement d’un « collectivisme bureaucratique » lié à l’intervention étatique – jusque dans les pays capitalistes à l’instar des États-Unis du new deal (Rizzi, 1939). L’identification prophétique d’une tendance mondiale favorisant le pouvoir des « bureaucrates » se retrouve chez James Burnham, qui s’interroge dans The Managerial Revolution (1941) sur l’émergence d’une société « bureaucratique » dans les systèmes totalitaires quand les pays capitalistes sont menacés par la domination des « directeurs ». L’influence de ce marxiste « repenti », doté de ressources tant institutionnelles que scientifiques, dépasse les cercles américains grâce à des investissements simultanés dans les champs universitaire, politique et le milieu des revues (Romano, 2003) et à un engagement au sein du Congrès pour la Liberté et la Culture, lancé à Berlin en juin 1950 [1]. L’ouvrage de Burnham bénéficie d’un important relais médiatique, qui contribuera fortement à la diffusion des thèses sur l’oppression par la « bureaucratie » et la « technocratie ».
7Après-guerre, l’application du qualificatif bureaucratique aux régimes de type soviétique dans leur ensemble sert aussi le rapprochement avec l’Allemagne nazie au sein du « paradigme totalitaire ». Cette thématique rencontre un écho important notamment aux États-Unis, où elle remplit une double fonction de dénonciation du modèle soviétique et d’apologie du monde occidental dans un contexte de fort anticommunisme (Traverso, 2000, p. 56). On retrouve plus tard les affinités entre la thématique de la bureaucratie et la dénonciation du totalitarisme, dans les écrits des anciens chefs de file de la revue Socialisme ou Barbarie, Cornélius Castoriadis et Claude Lefort. Tout en se distanciant des thèses formulées par James Burnham, ces antistaliniens de gauche développent une analyse du totalitarisme centrée sur la notion de bureaucratie. Ils bénéficieront à leur tour d’une diffusion sociale importante, via notamment la revue Esprit.
8Cette catégorisation est également à l’œuvre dans des travaux issus d’horizons théoriques et de champs disciplinaires variés, et produits par des auteurs qui rejettent pourtant la lecture totalitariste du régime soviétique. Ainsi, les « adeptes du modèle bureaucratique » (Hermet, 1984, p. 152) définissent le socialisme réel comme la « bureaucratie écrite en grand » (Mayer, 1965). De même, ce terme apparaît dans les travaux d’historiens, tel Moshe Lewin qui définit l’URSS comme un « système ‘d’absolutisme bureaucratique’ de style soviétique » (1997, p. 73). Les analyses économiques du courant institutionnaliste insistent quant à elles sur la coordination bureaucratique de l’économie (von Hirschhausen, 1996). On peut encore mentionner la littérature ouest-allemande consacrée à l’administration de la RDA, qu’elle soit le fait de politistes, à l’instar de Gert-Joachim Glaeßner s’inspirant de Max Weber pour qualifier l’appareil étatique est-allemand de « bureaucratie patrimoniale d’un type nouveau » (1993), ou de spécialistes des sciences administratives, tel Klaus König reprenant la notion de « socialisme bureaucratique » (1991) développée par Gerd Meyer (1977).
9L’effondrement du bloc soviétique redonne une nouvelle actualité à cette « labellisation ». Cela tient, d’une part, à la résurgence du paradigme totalitariste, notamment en Allemagne où l’unification donne lieu au retour en force d’une lecture historiographique centrée sur le « caractère stalinien » de la RDA. Elle répond à une demande politique qui sollicite un cadre d’analyse comparatif soulignant implicitement ou explicitement les analogies avec la dictature nazie (Rowell, 1999). L’usage renouvelé du terme bureaucratique prend, d’autre part, place dans les travaux portant sur les processus de transformation opérés dans les pays d’Europe centrale et orientale. Les approches en termes de modernisation, très prégnantes en Allemagne (Dobry, 2000), attribuent, du moins pour partie, la faillite de ces régimes aux multiples blocages engendrés par leur caractère bureaucratique (Glaeßner, 1994).
10L’application du qualificatif bureaucratique aux systèmes socialistes réels s’avère ainsi lourde d’enjeux politiques. S’attachant d’abord à désigner et, partant, à dénoncer la nature des écueils qui leur sont imputés, elle sert ensuite, avec l’effondrement du bloc soviétique, à démontrer la supériorité d’un modèle occidental jugé plus moderne et plus efficace. Les conditions de production de la littérature consacrée aux régimes soviétiques, et, plus particulièrement, les modalités d’accès aux sources, contribuent de plus à nourrir ce type de cadrage. À partir des années soixante-dix, les travaux sur le totalitarisme ont essentiellement fait appel aux témoignages d’intellectuels dissidents réfugiés en Europe occidentale ou aux États-Unis. Aussi ces travaux, en rendant compte d’une oppression bien réelle, tendent-ils à réduire la réalité soviétique à sa dimension répressive et criminelle, diffusant l’impression d’une expérience concentrationnaire quotidienne et partagée par tous. De même, jusqu’aux années quatre-vingt-dix, l’usage « abusif » du terme bureaucratie sert avant tout à masquer les lacunes empiriques liées au manque d’informations sociologiques disponibles (Rowell, 1999). L’absence d’études sur le fonctionnement réel des institutions soviétiques et les pratiques quotidiennes de leurs acteurs procède en outre d’un effet disciplinaire : dans la perspective de théorie politique qui est celle de la littérature sur le totalitarisme, l’emploi du qualificatif bureaucratique permet de styliser une réalité historique qui n’est guère étudiée empiriquement. Si l’ouverture des archives consécutive à l’effondrement du bloc soviétique a ouvert la voie aux recherches empiriques (cf. infra ), elle a pu également favoriser la réaffirmation du caractère bureaucratique des régimes communistes en mettant au jour l’ampleur du contrôle déployé par l’appareil d’État. C’est par exemple le cas de travaux qui s’appuient sur l’accès aux sources de la Stasi pour souligner le quadrillage de la société est-allemande et re-légitimer de fait le paradigme totalitaire (Kershaw, 2001).
1.2. LA BUREAUCRATIE COMME INSTRUMENT DE DOMINATION POLITIQUE ET D’ENCADREMENT SOCIAL
11La grille de lecture totalitariste mobilise le qualificatif bureaucratique pour caractériser les formes et mécanismes d’exercice du pouvoir propres aux systèmes de type soviétique. Elle définit ces derniers comme des régimes bureaucratiques (Lefort, 1979), dans lesquels le Parlement est privé de ses prérogatives au profit des bureaux administratifs et de leurs directeurs (Burnham, 1941). Dès lors, le terme bureaucratie renvoie aussi, par métonymie, au personnel de ces bureaux, identifié comme la nouvelle classe dirigeante (Rizzi, 1939 ; Castoriadis, 1980). Plus encore, ces auteurs présentent la bureaucratie comme l’instrument par excellence de la domination totalitaire (Blum, 1996), en ce qu’elle permet à l’État de rationaliser son emprise sur les différents espaces économiques et sociaux grâce à un maillage d’organisations aux ramifications multiples, « tenues ensemble » par le centralisme démocratique. Aussi la bureaucratie fait-elle en même temps figure d’agent au service de la transformation du social entreprise par les systèmes de type soviétique. D’où un glissement dans l’usage de l’adjectif bureaucratique qui vise tout d’abord à qualifier un mode de domination politique – régime bureaucratique – pour désigner ensuite un mode de structuration sociale – la société bureaucratique (Castoriadis, 1980). Dans cette « société bureaucratique », l’ensemble des activités significatives est géré par des agences centralisées et hiérarchisées (Rigby, 1973) et les différents groupes sont « encastrés dans une hiérarchie bureaucratique, dans une hiérarchie d’État » (Aron, 1990). En d’autres termes, la bureaucratie sert l’objectif d’homogénéisation sociale au principe du totalitarisme. C’est la thèse de Claude Lefort (1979), qui voit dans l’absolutisme bureaucratique un modèle d’organisation sociale fondé sur le refus et l’occultation de la division sociale (Dullin, 2000). Les notions de société organisée, mono–organisée ou encore étatisée que l’on retrouve dans la littérature consacrée au socialisme réel vont dans le même sens (Fefer & Rigby, 1982 ; Pollack, 1990). De même, certaines analyses sur les mutations opérées dans les pays d’Europe centrale et orientale invoquent cette « dédifférenciation » des institutions pour postuler le caractère pré–moderne des régimes socialistes réels (Lepsius, 1994) et, partant, expliquer leur échec (Bafoil, 1998).
12Ces travaux se font ainsi l’écho du projet de transformation sociale affiché par les dirigeants soviétiques pour en souligner les dangers. Dénonçant un quadrillage bureaucratique qui soumet implacablement les individus à la « machine » étatique, ils affirment, à l’instar de James Burnham, que « l’instauration du communisme aboutit au despotisme des ‘bureaux administratifs’ » (Dulong, 1999, p. 79). Ils poursuivent également une réflexion déjà formulée par Max Weber qui stigmatisait tout particulièrement la planification et l’encadrement d’une production. Lors d’une conférence sur le socialisme donnée en 1918 devant un cercle d’officiers à Vienne il déclarait ainsi : « c’est la dictature du fonctionnaire et non de l’ouvrier qui est en marche » (2004, p. 479). Plus tard, il ouvre la perspective d’une analyse critique du socialisme (Beetham, 1996) en affirmant que « la ‘socialisation’ croissante signifie aujourd’hui inévitablement dans le même temps la bureaucratisation croissante » (Weber, 1972, p. 826). La critique d’inspiration weberienne – qui emprunte aussi à Burnham [2] – de l’extension de la tutelle étatique au secteur économique met plus généralement en question la faculté de rationalisation prêtée au processus de bureaucratisation en pointant l’irrationalisme engendré par les « excès bureaucratiques » du système socialiste (Bafoil, 1998).
1.3. LA BUREAUCRATIE COMME MODE DE (DYS)FONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL ADMINISTRATIF
13Appliqué tout d’abord à un modèle d’organisation politique, économique et sociale, l’adjectif bureaucratique relève aussi d’un registre de disqualification qui vise les modes de (dys)fonctionnement administratif dans les régimes de type soviétique. Les analyses mobilisent en effet l’idéal-type weberien pour contester le caractère bureaucratique de l’administration socialiste réelle, insistant sur l’« absence presque totale de forme et de contenu bureaucratique (au sens weberien du terme) dans son fonctionnement » (Bhérer, 1982, p. 36). Ces affirmations s’appuient essentiellement sur les différentes formes de politisation propres à l’administration de type soviétique (Lesage, 1973). Aux critères de neutralité et de professionnalisme du fonctionnaire de carrière, dont l’accès à l’administration repose sur un principe d’expertise, est opposée l’« incompétence politisée » (Derlien, 1993) de cadres essentiellement sélectionnés pour leur fiabilité idéologique et leur loyauté au régime. Les différents auteurs dénoncent également une instrumentalisation politique du droit (Glaeßner, 1993), qui substituait les directives du parti aux règles générales et impersonnelles, et une faible codification juridique, qui s’accompagnait d’une personnalisation de l’activité et des rapports administratifs laissant prise à l’arbitraire (Bernet et Lecheler, 1990). C’est ce dont cherche à rendre compte le concept de « bureaucratie patrimoniale d’un type nouveau » qui désigne une organisation dans laquelle la domination est exercée en vertu d’un droit personnel absolu et administrée en fonction de logiques arbitraires (Glaeßner, 1993). Dans la lignée de l’analyse weberienne, cette sous-institutionnalisation de la rationalité juridique, en quelque sorte « interrompue » par les interventions politiques des instances supérieures et des représentants du parti dirigeant (König, 1991 ; Lepsius, 1994), est considérée comme une source de dérèglements (Balla, 1973). Ces derniers sont aussi imputés à la lourdeur et la rigidité d’un appareil d’État taxé de ce fait de « bureaucratisme ».
14Ainsi, les analyses qui voient dans l’administration socialiste réelle le contraire exemplaire du modèle rationnel légal défini par Max Weber recourent à l’adjectif bureaucratique pour désigner ses déficiences. Elles pointent notamment toute une série de dispositifs – tels le centralisme démocratique, le système de nomenklatura et la discipline partisane – qui, s’ils font figure d’instruments de rationalisation de la domination bureaucratique susceptibles de compenser les déficiences organisationnelles de l’administration (König, 1991) [3], sont en même temps stigmatisés en raison de leurs effets pervers. Les différents auteurs mettent en cause une administration de commandement (Ellwein, 1993), en proie au déplacement permanent de la responsabilité vers le haut (Glaeßner, 1993) et marquée par des « relations hiérarchiques d’ordre et de contrôle [qui] paralysaient à la longue la volonté de décision personnelle » (Lepsius, 1994, p. 25). Est également mobilisée la notion de « cercle vicieux bureaucratique », développée par Michel Crozier (1963), pour rendre compte du renforcement du contrôle central engendré par « l’extrême centralisation et l’accroissement endémique des règles correspondant à la pluralité des niveaux de décisions » (Bafoil, 1998, p. 406).
15Ces travaux témoignent d’un nouveau glissement de sens, dans la mesure où le qualificatif bureaucratique ne renvoie plus au mode de fonctionnement de l’administration mais à son type de dysfonctionnement. Son usage prend un tour péjoratif, dénonçant l’inertie du système administratif de type soviétique, accusé de produire des tendances à l’immobilisme et à la passivité. Ce type de critiques se retrouve chez les « adeptes du modèle bureaucratique » qui présentent l’appareil étatique soviétique comme une administration protéiforme et peu opérante (Hermet, 1984). De même, il vient nourrir les analyses des mutations dans les pays post-communistes en termes de modernisation, dans la mesure où ces dysfonctionnements offrent autant de preuves de l’inefficacité et de l’incapacité d’innovation à l’origine de la faillite des systèmes de type soviétique (Glaeßner, 1993 ; Lefort, 1999).
2. LES ADMINISTRATIONS COMMUNISTES AU CONCRET
16Sans méconnaître les apports de certains des travaux évoqués à l’occasion de ce rapide survol, c’est une approche sensiblement différente qui est proposée dans ce dossier. Il ne s’agit pas ici, on l’aura compris, de faire de la notion de bureaucratie un mode de qualification ou un critère de classification des sociétés et des régimes, ni de l’utiliser pour dénoncer les excès ou les échecs de systèmes administratifs. On voudrait en revanche prendre au sérieux la question que soulève l’association des termes « bureaucratie » et « communisme » : celle des modes de fonctionnement administratifs propres aux régimes communistes. Pour ce faire, l’analyse se tournera vers les pratiques administratives et les relations concrètes qui donnent corps aux administrations et dessinent leur fonction sociale. Seul ce type de travail nous semble en effet de nature à saisir les modes de fonctionnement et d’insertion des administrations dans les rapports sociaux et les rapports de pouvoir. C’est de cette manière qu’au-delà d’une sociologie des administrations, cette analyse entend s’inscrire dans la perspective plus large d’une meilleure compréhension des caractéristiques socio-politiques des régimes communistes et de leurs spécificités.
2.1. L’OUVERTURE D’UN NOUVEL ESPACE POUR LA RECHERCHE
17Cette analyse est désormais rendue possible, pratiquement grâce aux transformations des conditions de la recherche sur les pays de l’Est intervenues depuis le début des années 1990, et intellectuellement grâce notamment au renouveau de l’histoire sociale des pays communistes.
18L’ouverture des archives à l’Est au début des années 1990 et la possibilité d’accéder directement au terrain ont offert de nouvelles potentialités de recherche. Cependant, force est de constater que les progrès réalisés dans l’intelligibilité de ces régimes ont été limités par un double biais quelque peu paradoxal : une surdétermination théorique et une sous théorisation empiriste.
19D’un coté, les grilles d’analyse préexistantes ont eu la vie dure, surdéterminant une partie de la recherche sur la nature de ces régimes et les causes de leur échec. Mobiliser les archives du bureau politique ou de la police politique pour apporter de l’eau au moulin de la thèse totalitaire est un exercice relativement facile. Les délibérations du bureau politique permettent en effet de voir à quel point la moindre décision était prise au plus haut niveau. Les archives de la police politique donnent quant à elles un aperçu de l’étendu du quadrillage du social. Cette échelle d’observation peut certes nous renseigner sur les intentions totalitaires, mais fait l’impasse sur la manière dont ces intentions s’inscrivent dans la réalité sociale, en supposant que la mise en œuvre par un système politico-administratif fonctionnant comme « un seul homme » va de soi. Cette lecture des sources, finalement très littérale, réifie la distinction entre la décision et l’exécution et reprend, sans interroger ses conditions de possibilité et de réalisation effective, le discours officiel sur les administrations et organisations de masse comme de simples courroies de transmission. On peut se demander, à la suite de Jacques Sapir, si cette représentation de la réalité ne doit pas autant aux intérêts des différents acteurs à produire cette représentation, qu’à la réalité des interactions : « l’image qui se précise, et dans certains cas, que les agents ont même intérêt à entretenir, est celle d’une société et d’une économie hypercentralisées où dominent les volontarismes idéologiques et politiques » (Sapir, 1990, p. 88).
20De l’autre côté, l’accès aux archives « interdites », auréolées d’un parfum de secret d’État, a donné l’impression qu’une réalité cachée depuis des décennies par la censure et la propagande allait se dévoiler. Or, comme l’a remarqué Ralph Jessen, « le premier regard dans les archives a réservé des surprises, sinon une déception pour les lecteurs occidentaux. (...) Qui a cru que le régime de la RDA se dévoilerait dans ses documents internes devait constater avec irritation que les rapports internes étaient rédigés dans le même langage que celui qu’on connaissait déjà depuis longtemps » (Jessen, 1997, p. 60). La production de connaissances nouvelles grâce aux archives implique en effet une perception suffisamment fine du fonctionnement du régime pour pouvoir établir les écarts entre discours à usage interne et discours externes, et repérer dans ces écarts des enjeux et des logiques que l’on n’avait pas déjà identifiés. Mais devant la pléthore de documents et la « pauvreté » apparente de leur contenu, l’espoir d’une intelligibilité immédiate du régime par la lecture des archives s’est révélé être un mirage pour des chercheurs formés dans les traditions disciplinaires occidentales et qui n’avaient pas « l’expérience immédiate des sociétés socialistes, de leurs codes et de leurs langages » (François, 1995, p. 148).
21Est-il utile de rappeler que l’usage des archives implique un double détournement ? D’une part, le chercheur n’est pas le destinataire prévu d’un texte écrit dans un autre contexte et pour d’autres motifs que de permettre la vérification d’une hypothèse de recherche. D’autre part, les archives sont la plupart du temps sollicitées non pas pour étudier l’institution qui les a produites, mais pour analyser ce qu’elles disent sur un groupe social, un concept, une mentalité ou une pratique. Ainsi, les travaux les plus féconds de ces dernières années ont intégré dans l’analyse les conditions de production des sources, qui nous renseignent autant sur les producteurs des archives que sur les objets de leur production (Bensussan et. al., 2003). C’est par le retour à une critique exigeante des sources, par une variation et une confrontation des échelles d’analyse et des points d’observation, un intérêt porté aussi bien aux trajectoires individuelles et à la composition sociale des organisations que sur les interactions entre les acteurs et institutions qu’un certain nombre de travaux ouvrent de nouvelles perspectives de recherche sur les systèmes communistes.
22Il en est ainsi des travaux qui se situent dans les prolongements de l’école historique dite « révisionniste » et de l’histoire sociale qui ont commencé à mettre en œuvre une histoire sociale de l’État communiste en privilégiant deux types d’entrée : d’un côté les groupes professionnels dépositaires d’un savoir spécialisé encastrés dans les institutions et leurs rapports complexes avec le Parti communiste (Blum, Mespoulet, 2003 ; Jessen 1999) ; d’un autre côté les instruments spécifiques de domination bureaucratique dans les systèmes communistes, les pratiques administratives ( Cahiers du monde russe, 2003) ou plus spécifiquement la « biocratie » (Pennetier, Pudal, 2002 ; Lewin 2003a). Partant d’une autre tradition historiographique, l’approche micro-historique ou anthropologique du pouvoir a été particulièrement féconde dans l’analyse du communisme au quotidien en RDA ( Annales HSS, 1998 ; Kott, 2001) ou en URSS (Fitzpatrick, 2002). Du fait de l’omniprésence de l’État dans la Russie des années 1930, Sheila Fitzpatrick s’intéresse plus précisément à « l’ensemble des interactions quotidiennes impliquant l’État à un degré ou à un autre » (p. 16), et analyse la diversité des attitudes individuelles face à cette emprise, du repli sur soi à l’adaptation, en passant par la résistance passive. Ces travaux mettent l’accent sur l’interpénétration des logiques politiques et sociales en s’interrogeant sur les mécanismes de réappropriation des catégories et institutions du régime. Cette démarche a ouvert la gamme des comportements individuels vis-à-vis du pouvoir politique au-delà du couple obéissance/résistance (Lindenberger, 1999 ; Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2002). Cependant, à force de chercher les limites de l’emprise du pouvoir dans le social, le politique est souvent appréhendé comme un facteur exogène qui agirait sur un groupe social préexistant en s’efforçant avec plus ou moins de succès de briser son autonomie et sa résistance [4]. Cet impensé, moins frappant dans les travaux sur l’URSS que sur la RDA, tend à laisser le monopole des travaux sur le politique et l’administratif aux tenants d’une lecture totalitaire et renforce de ce fait l’emprise d’un exceptionnalisme méthodologique qui repose au fond sur un effet de définition qui a l’inconvénient d’interdire la comparaison avec d’autres processus ou phénomènes partagés par les États modernes (Dobry, 2003, p. 64) ou au contraire autorise un rapprochement nominaliste de dynamiques qui ont pourtant peu à voir ensemble (Weber, 1995, p. 59) [5].
2.2. POUR UNE SOCIOLOGIE POLITIQUE DES ADMINISTRATIONS COMMUNISTES
23Comment alors réaliser une sociologie des administrations communistes et de quels apports est-elle susceptible ?
24Une telle sociologie implique, comme on vient de le voir, de sortir de l’exceptionnalisme méthodologique et théorique pour « normaliser » l’analyse des régimes – et en l’occurrence des administrations – communistes. Le postulat de la comparabilité des régimes communistes et démocratiques n’est pas nouveau : l’école dite « pluraliste » de la soviétologie américaine l’a énoncé dès les années 1960 et 1970. Mais seules les conditions de recherche empirique remplies à partir de la fin de la guerre froide ont véritablement permis l’objectivation de la « boîte noire » de l’administration communiste avec les instruments forgés par les sciences sociales.
25On se contentera ici d’évoquer ce que l’histoire et la sociologie de l’administration ont montré depuis fort longtemps, mais qui tend à être oublié dans les représentations spontanées – et parfois aussi savantes – des administrations communistes : une « bureaucratie », fût-elle communiste, n’est jamais un bloc monolithique ni un mécanisme au fonctionnement implacable. C’est un espace de tensions et de rivalités internes, régi par des rapports de force et des logiques de pouvoir, et non mû par un programme ou une idéologie. C’est autrement dit un espace de « jeu ». « Le jeu bureaucratique, écrit en ce sens Pierre Bourdieu, sans doute le plus réglé de tous les jeux, comporte pourtant une part d’indétermination ou d’incertitude (ce que, dans un mécanisme, on appelle le “jeu”) » (Bourdieu, 1990, p. 88). L’on ajoutera simplement qu’il en va de même pour les bureaucraties communistes, où se déroule sans doute l’un des plus réglés de tous les jeux bureaucratiques (Blum, Mespoulet, 2003 ; Lewin, 2003b). Cela signifie qu’à la dialectique obéissance vs résistance évoquée plus haut, il faut substituer l’analyse des marges de manœuvre dont disposent, même de manière interstitielle, les agents situés aux échelons inférieurs, et l’observation des usages qu’ils en font. Cela signifie également que, même dans des systèmes politiques à parti unique, marqués par la dictature personnelle d’un chef, l’« appareil » administratif ne doit pas être vu comme un simple « instrument » de la domination politique, mais plutôt analysé dans sa contribution aux rapports de pouvoir au sein desquels cette domination s’exerce.
26Conçue de cette manière, une socio-histoire des jeux bureaucratiques en régime communiste s’inscrit précisément dans une analyse soucieuse de rendre compte de la complexité des rapports de domination politique. Dans tout régime politique, la routinisation des relations asymétriques suppose la mise en place de dispositifs qui évitent aux dominants l’obligation de déployer des moyens coercitifs ou normatifs coûteux chaque fois qu’ils entendent « faire faire » quelque chose. Il s’agit, pour le dire comme Max Weber, de transformer les relations de puissance ( Macht ), relativement aléatoires, en relations de domination ( Herrschaft ) qui rendent à la fois prévisibles et plus économiques les chances de trouver des personnes prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé. Il convient ainsi, pour les régimes communistes comme pour les autres, de s’interroger sur la capacité des dominés (au sein de l’administration ou en dehors) à s’accommoder au régime, en se plaçant du point de vue spécifique d’acteurs qui ne choisissent pas leur gouvernement mais qui « font avec » celui que l’histoire leur a présenté (Fitzpatrick, 2002).
27C’est aussi dans cette perspective d’une analyse des formes et des modes spécifiques de domination du socialisme réel que prend sens l’étude d’objets classiques de la sociologie de la bureaucratie. Repérer la constitution des groupes et réseaux, établir la pluralité des ressources de légitimation et les formes de concurrence administratives, restituer l’émergence de pratiques et répertoires d’action modelés par les systèmes de contrainte, rendre compte des sens multiples de pratiques a priori typiques de régimes autoritaires, comme la délation (Nérard, 2004), saisir les usages différenciés des catégories et instruments d’intervention, éclairer les stratégies d’évitement, la rétention de l’information, l’application à la lettre des règlements ou au contraire l’usage du passe-droit, les négociations sur les conditions d’obéissance, etc., constituent autant de moyens de rendre compte des logiques et modalités pratiques de ces formes et modes de domination. L’on peut en effet faire l’hypothèse que l’un des traits qui distinguent la domination politique dans les régimes soviétiques est que la « politique » s’y mue tendanciellement en une « administration » politique, le parti reposant sur une organisation administrative qui requiert la mobilisation d’un ensemble d’auxiliaires hiérarchiquement organisés, en vue de fins formalisées (fixation d’objectifs) et au travers d’instruments et de procédures qui, comme les rapports, sont généralement considérés comme caractéristiques de l’univers bureaucratique.
28Autre leçon de la sociologie politique dont il convient de tirer toutes les conséquences dans l’analyse des administrations communistes : les rapports entre « État » et « société » ne consistent pas en la mise en relation de deux entités a priori disjointes (Lacroix, 1985, p. 476). De ce point de vue, il nous semble que la spécificité (variable) du contexte communiste réside dans l’intensité de l’emprise bureaucratique sur la société, non pas comme principe d’organisation sociale mais, encore une fois, en pratique. C’est le cas à travers la multiplication des points de contact qu’elle opère entre le politique et le social. C’est le cas également par la monopolisation tendancielle des ressources par les bureaucraties et les limites qui s’ensuivent sur les répertoires d’action disponibles pour les autres groupes. En même temps, on ne doit pas oublier que cette pénétration du social par les logiques administratives avait pour contrepartie un brouillage des frontières entre le politique et le social et donc aussi, en sens inverse, une certaine pénétration des logiques sociales dans le fonctionnement ordinaire de l’État.
29Si l’on perçoit mieux désormais les apports dont l’analyse de l’administration communiste est susceptible pour la compréhension des régimes communistes, on voudrait également mentionner la possibilité d’une contribution à un autre niveau. La rupture avec l’exceptionnalisme dans l’analyse des administrations communistes permet aussi de penser ces dernières dans une perspective comparative. De ce point de vue, on peut les considérer non pas comme des réalisations achevées des caractéristiques essentielles de « la » bureaucratie, comme l’ont fait en leur temps Mises et Hayek pour critiquer toute forme d’organisation administrative liée à l’intervention étatique (Mises, 1944 ; Hayek, 1944), mais comme des « cas limites », susceptibles d’être mis en regard avec d’autres configurations socio-historiques. L’identification des traits caractéristiques des institutions totales proposée par Goffman à propos des hôpitaux psychiatriques a indéniablement constitué un apport majeur à la sociologie des institution (Goffman, 1968). Dans une toute autre perspective, l’analyse des situations dans lesquelles un champ cesse de fonctionner comme tel pour se rapprocher du fonctionnement d’un « appareil », cette « limite qui n’est jamais réellement atteinte, même dans les régimes dits “totalitaires” les plus répressifs » (Bourdieu, 1992, p. 79), permet en retour de mieux comprendre les conditions nécessaires au fonctionnement « normal » d’un champ. Plus modestement, la description d’un ensemble de processus observés dans les bureaucraties de pays communistes peut nous semble-t-il s’avérer aussi utile dans la perspective plus générale d’une sociologie du fonctionnement des administrations.
30Les quatre articles réunis dans ce dossier ne prétendent évidemment pas couvrir la grande diversité historique, par pays et par secteur, qui caractérise les administrations en régime communiste. Ils ne prétendent pas plus établir une typologie qui offrirait un tableau d’ensemble identifiant de grandes tendances, ce qui serait contraire à la démarche adoptée dans ce dossier. Seuls deux cas nationaux seront étudiés : l’URSS (N. Moine ; G. Favarel-Garrigues), et la RDA (J. Rowell ; V. Lozac’h). Ces deux cas présentent cependant la particularité d’avoir constitué des « modèles » pour l’organisation des pays de l’ensemble communiste européen : l’Union soviétique du fait de son antériorité et de sa position dominante ; la RDA comme « vitrine » du socialisme réel à la frontière de l’Europe occidentale.
31Dans ces deux cas, plutôt que d’offrir une synthèse du système administratif, on a choisi de faire porter le regard sur des administrations bien particulières, qui peuvent être regroupées en deux pôles. Le premier correspond à deux administrations a priori typiques de la domination centralisée, l’administration statistique (N. Moine), et l’administration policière (G. Favarel-Garrigues). Politiquement très sensible, la production statistique échappe pourtant au contrôle total du parti et de son chef, même à l’époque la plus dure de la dictature stalinienne. Et alors qu’on pourrait s’attendre à ce que la police constitue le dernier soutien du pouvoir soviétique, son fonctionnement pourrait bien avoir contribué à précipiter sa chute. C’est l’administration locale la plus directement « au service du peuple » et en tout cas à son contact qui constitue le second pôle. En RDA, l’administration du logement est sans doute celle qui répond le plus à l’injonction politique au rapprochement entre les agents administratifs et la population (J. Rowell). Ce rapprochement est une condition nécessaire à l’exercice de la fonction de contrôle qu’assument les agents de l’État est-allemand. Il conduit également à une administration qui se doit d’être bienveillante à l’égard des doléances des particuliers et sait fonctionner avec souplesse. On comprend mieux dès lors les comparaisons spontanées a priori surprenantes dont rend compte V. Lozac’h : lors de la « modernisation » des administrations municipales des Länder de l’Est consécutive à l’unification allemande, c’est plutôt le mode de fonctionnement importé de l’Ouest qui est dénoncé comme « bureaucratique ». Où l’on retrouve, par une curieuse inversion, les enjeux liés à l’usage de ce qualificatif…
Notes
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[1]
Sur le Congrès pour la liberté de la culture, voir Grémion, 1995. On y trouve entre autres Raymond Aron, qui joue un rôle central dans l’importation en France de l’ouvrage de James Burnham à la fin des années soixante
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[2]
James Burnham voyait dans l’Union soviétique une illustration de son modèle directorial, dans lequel les directeurs assurent le contrôle des instruments de production grâce à leur position clé au sein de l’État. Il se distingue toutefois de Max Weber, dans la mesure où il ne postule pas de différence fondamentale entre systèmes capitaliste et socialiste en affirmant l’existence d’une évolution commune vers une extension de l’emprise exercée par l’État (Beetham, 1996).
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[3]
Des travaux sur la RDA mobilisent également des analyses de type culturel, en invoquant le double héritage de la bureaucratie prussienne et de la soumission à l’autorité, pour expliquer comment l’administration est-allemande a pu tenir en l’absence d’appareillage organisationnel (Rowell, 1999).
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[4]
Cette problématique a été largement traitée par l’historiographie du nazisme d’où sont issus bon nombre de chercheurs qui travaillent actuellement sur la RDA. Or, les autres versants de cette problématique, c’est-à-dire l’identification des groupes sociaux qui ont soutenu le régime ainsi que la recherche des déterminants sociaux des politiques poursuivies n’ont pas trouvé une traduction sur le terrain de la RDA.
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[5]
Le communisme renvoie à la fois à un mouvement politique, un système étatique, une idéologie et une réalité sociale et culturelle. Être communiste ne revêt pas la même signification selon les époques et les contextes (Dreyfus et. al. 2000).