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En France, la contraception est aujourd’hui très largement médicalisée et assurée par les femmes (Thomé et Rouzaud-Cornabas, 2017 ; Le Guen et al., 2017), selon une norme qui se déploie en trois temps : utilisation du préservatif en début de relation ou pour des rapports occasionnels, puis de la pilule contraceptive, et ensuite du dispositif intra-utérin (DIU, aussi appelé stérilet) après avoir eu un ou des enfants (Bajos et Ferrand, 2004 ; Bajos et al., 2014 ; Le Guen et al., 2021). Avant que ne se diffuse cette norme contraceptive, à partir de la légalisation de la contraception médicale par la loi Neuwirth de 1967, la France avait néanmoins déjà connu une « première révolution contraceptive » dès le XVIIIe siècle, devançant ainsi ses pays voisins, et après 1870, aucune génération n’a eu plus de 2,7 enfants en moyenne par femme encore en vie à 50 ans (Leridon et al., 1987 : 7). Une des méthodes (avec l’abstinence périodique) qui pourrait le plus vraisemblablement expliquer cette baisse est le coït interrompu, ou retrait. Or, contrairement à ce que l’on aurait pu anticiper, la « deuxième révolution contraceptive » qu’a représentée la diffusion des méthodes médicales à l’efficacité plus importante n’a pas mis fin à cette pratique contraceptive.
Le coït interrompu, qui intervient au cours de la pénétration vaginale dans le cadre d’un rapport sexuel hétérosexuel, consiste en la sortie du pénis hors du vagin peu de temps avant une éjaculation. Il implique donc une maîtrise précise de la temporalité de celle-ci afin d’éviter que le sperme ne puisse, via le vagin, rentrer en contact avec les ovocytes, et donc qu’une fécondation puisse adveni…

Français

En France, la pratique du coït interrompu a été très peu interrogée par les travaux portant sur la contraception. Or, près de la moitié des individus y ont déjà eu recours au cours de leur vie. Cet article vise à renseigner les modalités de l’utilisation contemporaine du coït interrompu – ou retrait – et à interroger la manière dont cette pratique sortant de la norme médicale s’insère dans des normes intimes (de genre et sexuelles, en particulier) qu’elle peut recomposer. Il s’appuie sur un corpus de 54 entretiens sur la vie contraceptive et sexuelle, ainsi que sur les enquêtes Fecond 2010 et 2013 (Inserm/Ined). L’article montre que le recours au retrait peut résulter soit d’une impossibilité d’avoir recours à une contraception médicale, soit d’un choix visant à éviter une telle contraception, par exemple suite à des effets secondaires imputés aux hormones de synthèse. Il peut également être plébiscité pour permettre une meilleure répartition du travail contraceptif au sein du couple. Lorsque la méthode est utilisée, l’article met en évidence que, lorsque la méthode est utilisée, elle implique une technique sexuelle qui peut être considérée comme constitutive de la masculinité, mais aussi qu’elle s’insère dans un « script sexuel » qu’elle vient perturber. C’est finalement le fait de réussir à obtenir du plaisir avec cette méthode qui explique la persistance ou non de son utilisation. Ainsi, l’article met en lumière la nécessité de dépasser une analyse qui serait seulement médicale de cette pratique, au profit d’une attention aux normes intimes qui l’entourent et qu’elle met en jeu pour les individus.

Mots clés

  • retrait
  • contraception
  • genre
  • sexualité
  • normes
Cécile Thomé
Sociologue, Ined (Institut national d’études démographiques), UR 14 (« Santé et droits sexuels et reproductifs ») et UR 4 (« Genre, sexualité et inégalités »), bureau 2.048, 9 Cours des Humanités, 93300 Aubervilliers, France
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/09/2022
https://doi.org/10.1684/sss.2022.0233
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