CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 L’éducation thérapeutique du patient (ETP) peut être définie comme un ensemble de pratiques simultanément ancrées dans la médecine, le soin et l’éducation, et visant à répondre, sur le mode éducatif de l’analyse et de la compréhension, aux contraintes spécifiques du traitement de la maladie chronique (Tourette-Turgis et Thievenaz, 2014). Son développement s’inscrit dans un contexte marqué par la technicisation de la pratique médicale, la sécularisation des mœurs hospitalières, l’individualisme démocratique et la rationalisation des choix budgétaires en matière de santé publique (Pierron, 2007 ; Klein, 2014 ; Fournier et Troisoeufs, 2018). En soutien de ces évolutions technologiques et sociales, la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303) relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré un nouveau modèle de relation malade-médecin. Par la suite, la loi du 21 juillet 2009 (loi n° 879-2009) portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a permis la naissance d’une politique nationale d’ETP (article 84). Dans le domaine de l’oncologie, le troisième plan cancer (2014-2019) insiste particulièrement sur le rôle pivot de l’éducation du patient. Le développement des anticancéreux oraux (ATCO) [1] constitue par exemple une véritable mutation puisqu’il appartient au patient de prendre son traitement à domicile en se conformant à une série de recommandations médicales (Marmorat et al., 2018). Échappant à la surveillance constante et rapprochée du personnel de soin (Morin et Apostolidis, 2002), celui-ci devient responsable de la prise effective et conforme de son traitement. Ainsi, les programmes éducatifs et thérapeutiques en faveur des patients ambulatoires traités par ATCO sont en plein essor (Guirimand, 2015).

2 Une part importante des travaux qui se sont intéressés aux dispositifs d’ETP se focalise sur la façon dont ils redéfinissent les rôles et les rapports de pouvoir entre patients et soignants. Les enjeux de transformation de l’action publique et la question de l’empowerment du patient sont au cœur de ces recherches (Klein, 2014 ; Tourette-Turgis, 2015 ; Gardien, 2017 ; Perrier et Perrin, 2018). Une seconde série d’enquêtes traite des apprentissages visés et des différentes dimensions du travail réalisé par le malade. Il s’agit notamment d’analyser les fondements théoriques de l’ETP, de présenter les actions destinées à la prévention, de cartographier les différentes formes de pratiques ou de dresser une typologie des apprentissages les plus significatifs réalisés par le patient (Lacroix et Assal, 1998 ; Assal et Golay, 2001 ; Lacroix, 2007 ; Tourette-Turgis et Thievenaz, 2014 ; Tourette-Turgis, 2015 ; Fauquette, 2017). Cet article relève d’une troisième catégorie d’enquêtes qui appréhendent les parcours de soins et les expériences de la maladie en s’attachant à analyser les processus sociaux qui influencent (et différencient) les représentations de la maladie, le rapport au traitement ou à la guérison ainsi que les formes de participations aux soins (Joël et Rubio, 2015 ; Méric, 2015 ; Benoist, 2016 ; Marmorat et al., 2018 ; Loretti, 2019).

Penser l’expérience de l’ETP au croisement d’une sociologie de la socialisation et d’une sociologie de l’engagement

3 Notre travail s’inscrit dans la lignée des travaux qui se focalisent sur la manière dont les pratiques de soin sont construites et façonnées par les conditions d’existence (Boltanski, 1971 ; Bourdieu, 1977 ; Dumas et al., 2015). Il s’intéresse plus particulièrement aux effets de la socialisation (Darmon, 2006) sur les motifs et formes de l’engagement (Becker, 2006) dans un dispositif d’ETP. Il permet de faire le lien entre (1) des motifs et modes d’engagement variés et (2) des rapports à la maladie ou au savoir construits au cours de la socialisation (passée et en train de se faire).

4 Au cours de ce travail, l’engagement désignera le rapport que les patients entretiennent avec le programme éducatif, rapport qui s’exprime à travers leur participation, leurs comportements, leurs interactions au cours des ateliers et ce qu’ils disent en attendre ou en retirer. Dès lors, et comme le préconise Éric Fassin (2020), nous ne sommes pas partis d’une définition de l’engagement a priori : au contraire le travail sur les données de l’enquête doit permettre de définir a posteriori la notion d’engagement à partir d’une analyse de ce que font les acteurs sociaux et du sens qu’ils attribuent à leur implication dans un dispositif d’ETP.

5 L’originalité de notre contribution tient au fait que la littérature traitant de l’ETP aborde généralement la question de l’engagement en étudiant l’histoire d’un mouvement social et en examinant les contextes (politiques, techniques, scientifiques) qui ont conduit à une redéfinition des frontières entre usagers et professionnels de santé (Gross, 2017). Ici, il ne sera pas question d’aborder ces formes d’engagement et de mobilisations collectives mais d’analyser la variabilité de l’engagement des patients à l’aune (1) des dispositions incorporées au cours de processus de socialisation différenciés en fonction des appartenances de genre et de classe et (2) des effets de contexte inhérents à la trajectoire de maladie et à la dynamique des interactions au cours du déroulement d’ateliers d’ETP. Comment les dispositifs d’ETP sont-ils perçus, investis, réappropriés voire mis à distance par les patients ? Quels éléments permettent d’éclairer leurs modalités d’engagement et leurs visions contrastées de l’intérêt ou des bienfaits d’un programme ? On l’aura compris, il ne sera pas question d’analyser l’engagement en tant que processus qui transforme les patients au cours d’un travail de soi et sur soi, mais plutôt de s’intéresser à l’engagement en tant que résultat de la rencontre entre des dispositifs et des dispositions. Dit autrement, il ne s’agira pas de cerner ce que l’engagement produit, mais de s’intéresser à ce dont il est le produit afin d’éclairer la pluralité des formes et des motifs d’engagement observés. Pour ce faire, nous nous intéresserons aux effets conjoints et contrastés des interactions en séance et des socialisations sur les attentes des participants et la manière dont ils « tiennent leur rôle » (Goffman, 1961) au cours d’ateliers d’ETP.

6 Deux axes d’analyse structurent notre étude de la « rencontre » entre des dispositifs et des dispositions, ou, pour le dire autrement entre des programmes d’ETP et des individus plus ou moins « ajustés » au contenu et à la forme des ateliers proposés : (1) le rapport au savoir et à ses modes de transmission (s’inscrivant quelque part entre un primat de la forme académique et savante ou des formes plus expérientielles) et (2) le rapport à la maladie (pouvant être vécue comme plus ou moins difficile, et, dans ses options tranchées, comme un stigmate ou comme une voie d’émancipation). Il s’agira donc de saisir les effets produits par la rencontre plus ou moins heureuse, heurtée ou difficile entre des dispositifs et des dispositions, en s’intéressant à « ce que sont et ce que font les êtres sociaux à l’intersection des différentes expériences biographiques (produits des différentes configurations sociales dans lesquelles ils ont été pris) et des cadres actuels de la pratique dont les ressources (ou les contraintes) sont aussi un principe d’organisation sociale » (Millet, 2013 : 45).

Méthodologie

7 Notre travail s’inscrit dans le cadre du projet Expertiss, financé par l’INCa (Institut National du Cancer), dont l’objectif est de comprendre comment développer et coordonner des expertises plurielles afin de réduire les inégalités sociales de santé dans la recherche interventionnelle. Ici, seront plus particulièrement mobilisées les données qui permettent d’éclairer la variation des manières dont les patients s’engagent dans un dispositif d’ETP. Elles ont été recueillies entre mai 2018 et mars 2020, dans le cadre d’une enquête ethnographique de deux ans au cours de laquelle nous avons tenu un journal de terrain [2] et réalisé 19 entretiens biographiques [3] avec des patients aux profils socio-démographiques contrastés [4] qui avaient tous fait l’objet d’une observation dans le cadre de leur participation au programme d’ETP [5]. Les entretiens ont donné lieu à une analyse de contenu thématique (Bardin, 1996) tandis que le travail sur le journal de terrain a permis de repérer les attitudes, prises de parole, interactions des patients (entre eux ou avec les professionnels). Adoptant une posture relevant de la « pensée par cas » (Passeron et Revel, 2005), il s’agissait d’appréhender et d’interpréter la variété des manières de s’engager dans les ateliers. Les résultats présentés dans cet article se concentrent plus particulièrement sur quatre études de cas qui ont été retenues parce qu’elles incarnaient deux séries d’illustrations contrastées et fréquemment rencontrées dans les manières de s’engager dans le dispositif. Ainsi, chaque « cas » a été retenu, non pour son caractère « représentatif » (Beaud et Weber, 2014 : 282), mais pour sa capacité à incarner et illustrer les effets des interactions et des socialisations sur les manières de s’engager dans un dispositif d’ETP. Il ne s’agit donc pas ici de prétendre à une quelconque exhaustivité ou validité statistique, mais d’adopter une posture relevant d’une sociologie compréhensive visant à étudier des logiques sociales par un nombre réduit de cas. Afin de préserver l’anonymat des enquêtés, les noms des villes et les prénoms ont été remplacés par des équivalents.

Présentation synthétique des quatre études de cas retenues

8 Les quatre patients retenus ont tous participé à la même session d’ETP au sein du centre de lutte contre le cancer d’une grande agglomération française [6]. Dans ce programme, créé un an avant nos observations, chaque session comporte une consultation individuelle dédiée à un « diagnostic éducatif » suivie de cinq ateliers collectifs. Huit patients ont suivi le premier atelier de la session en septembre 2018. Tous les patients sauf Laurence se sont maintenus dans le programme à l’issue du premier atelier. Martine et Venance ont participé ensemble au second atelier (Christine a été contrainte de changer de session pour cause d’indisponibilité) ; Martine, Venance et Christine ont participé ensemble au troisième ; ils ont en revanche participé séparément aux ateliers 4 et 5.

9 – Martine, 62 ans, célibataire, un enfant de 28 ans qu’elle dit avoir élevé seule. Elle vient de prendre sa retraite après avoir occupé plusieurs emplois (la plupart d’entre eux en tant qu’employée de commerce, le dernier en tant monitrice d’auto-école). Elle a participé à tous les ateliers du programme et elle a particulièrement apprécié cette expérience qu’elle souhaite renouveler (le nombre de participations n’est pas limité). Elle est atteinte d’un cancer du sang diagnostiqué il y a deux ans. Elle a bénéficié d’une autogreffe avant de prendre son traitement oral et elle a dû faire face à deux rechutes qui ont eu de lourdes conséquences sur ses fonctions motrices.

10 – Christine, proche de la cinquantaine, en concubinage. Elle n’a plus de relation avec son unique enfant (fils adoptif de 25 ans) depuis sa séparation avec le père il y a plusieurs années. Secrétaire médicale, elle travaille à temps partiel thérapeutique depuis trois ans. Elle a participé à tous les ateliers. Son engagement fait suite à sa participation à un précédent programme d’ETP qui lui a beaucoup plu et qui lui a donné envie de renouveler l’expérience. Elle est atteinte de trois cancers différents (thyroïde, sein et sang) ; le premier (thyroïde) s’est déclaré il y a 18 ans et la leucémie il y a deux ans. L’origine de cette dernière maladie est liée au traitement contre le cancer du sein déclaré il y a trois ans.

11 – Laurence, la quarantaine, en concubinage avec un cadre de la fonction publique occupant un poste à responsabilité, sans enfant. Greffière, elle cache le cancer du sein dont elle est atteinte depuis deux ans à une grande partie de son entourage proche et professionnel. Très investie dans son travail, elle est en passe d’obtenir une promotion. Elle a participé au « diagnostic éducatif » et à un seul atelier car le programme lui a fortement déplu.

12 – Venance, 63 ans, célibataire, séparé de la femme avec laquelle il a eu quatre enfants. Originaire des territoires d’outre-mer, il s’installe en France métropolitaine vers l’âge de vingt car il aspire à « multiplier les opportunités de travail ». Après avoir passé un CAP de conducteur, il a été employé comme chauffeur de bus dans une compagnie de transport en commun dans laquelle il a réalisé toute sa carrière. Il est à la retraite depuis quelques mois. Il a participé au « diagnostic éducatif » et aux cinq ateliers sans pour autant avoir particulièrement apprécié cette expérience. Il reportera deux fois sa participation au quatrième atelier et assistera au cinquième après avoir été rappelé par la secrétaire. Il est atteint d’un cancer de la moelle osseuse qui s’est déclaré il y a un an.

Présentation du programme

13 Le programme d’ETP étudié s’adresse exclusivement à des patients atteints de leucémies ou de tumeurs solides traités par ATCO. Émanant d’une initiative portée par la cheffe (oncologue) et la cadre (infirmière, diplômée d’un Master en ETP) du service de soins de support d’un centre de lutte contre le cancer d’une grande agglomération, il a bénéficié d’un soutien financier de l’INCa ainsi que de l’Agence Régionale de Santé. Après deux années de conception de 2014 à 2016, il a obtenu sa certification et commencé à être déployé à l’automne 2017 dans le centre de lutte contre le cancer à l’initiative du projet. Il essaime ensuite dans des Réseaux de soin et des Maisons de santé pendant la durée de notre enquête : au total, cinq structures départementales le mettent en place entre 2018 et 2020, déclinant le dispositif à l’hôpital et en ambulatoire. Dans chacune de ces cinq structures, huit soignants ont été recrutés par la cadre de santé conceptrice (qui pilote aujourd’hui le dispositif) pour animer les ateliers (un médecin généraliste, trois pharmaciennes et quatre infirmières par structure). Au cours de chaque session, les patients rencontrent ces huit professionnels [7]. Une secrétaire, rattachée au centre de lutte contre le cancer coordonne les inscriptions de l’ensemble des patients et les emplois du temps de la quarantaine de professionnels qui interviennent dans le dispositif. Les patients sont informés de l’existence du programme de différentes manières (prospectus et affichage dans les salles d’attente ; étiquettes collées sur les boîtes de médicaments ; information délivrée par les médecins lors de consultations ; courrier postal ; incitation par les soignants rencontrés au cours du parcours de soins ; feuillet d’information en complément de l’ordonnance du patient). L’inscription au programme étant libre et volontaire, les participants ne sont pas à proprement parler « choisis » – ce qui ne signifie pas pour autant l’absence de sélection [8] et d’auto-sélection [9].

14 Le programme débute par un « diagnostic éducatif » d’une heure prenant la forme d’une consultation individuelle avec une professionnelle de soin (infirmière, médecin ou pharmacienne) ayant suivi une formation de quarante heures [10]. Durant ce diagnostic individuel, le patient est interrogé sur son parcours de soins et sa manière de vivre avec la maladie ; il est également invité à s’exprimer sur son vécu, ses besoins et ses projets. Ces échanges prennent la forme de questions-réponses [11] qui permettent aux professionnelles d’adapter leur présentation de l’ETP selon les besoins évalués [12]. Par la suite, le patient participe à cinq ateliers collectifs de trois heures. Ceux-ci se déroulent en principe sur moins de deux mois [13] et rassemblent trois à huit patients qui ne se connaissent pas avant leur entrée dans le programme. Ils sont animés par deux soignantes (pharmacienne, médecin ou infirmière).

15 Les principaux objectifs du programme sont d’améliorer la gestion des effets indésirables et de renforcer l’adhésion du patient au traitement [14]. Ils relèvent plus particulièrement des deux premières logiques d’action identifiées par Catherine Tourette-Turgis et Joris Thievenaz (2014), à savoir (1) des actions orientées vers l’acquisition de connaissances et de savoirs procéduraux liés à la pathologie (mieux comprendre la maladie, mieux connaître les traitements, savoir quoi faire en cas de crise, modifier ses habitudes alimentaires…) et (2) des actions orientées vers la verbalisation de l’expérience vécue, la mise en récit des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne et le repérage des ressources et des stratégies permettant de faire face. Au cours de ces ateliers, des outils pédagogiques ludiques (Trivial Pursuit, serious games, cartes de situations, photolangage…) sont utilisés pour stimuler les échanges et la transmission des connaissances. Cette organisation, qui mobilise des compétences à parler de soi et de sa maladie de manière relativement intime, s’avère plus ou moins ajustée aux dispositions construites au cours des socialisations antérieures. D’autre part, le principe d’une co-construction des savoirs implique que les patients accordent une légitimité aux savoirs expérientiels, ce qui n’est pas toujours le cas. Les deux parties qui suivent se proposent donc d’étudier plus en détail les effets des socialisations et des interactions lors des ateliers sur la manière de s’engager dans le dispositif.

Rapport au savoir expérientiel et au format de sa transmission : les fondements d’un engagement très contrasté

16 L’engagement et le maintien dans le dispositif sont mis à l’épreuve par les patients peu ou fortement dotés en capital scolaire. Leur participation peu active et leur maintien plus ou moins durable dans le dispositif posent la question du parti pris pédagogique et didactique des ateliers. Le format éducatif du programme semble particulièrement mal ajusté au rapport qu’ils entretiennent avec le savoir médical et ses modalités de transmission. Pour autant, les critiques formulées par les participants ne sont pas de même nature : pour les patients les plus dotés en capital scolaire, c’est avant tout le manque de légitimité des savoirs proposés et le sentiment d’un nivellement par le bas qui posent problème ; pour les patients les moins dotés en capital scolaire, le point d’achoppement se situe plutôt au niveau de la compréhension ou de l’ordonnancement d’informations et de préconisations parfois contradictoires émanant de sources diverses.

17 La forme et les savoirs transmis sont perçus comme peu, voire pas, légitimes par les patients qui détiennent un haut niveau de capital scolaire. Leurs parcours académiques et leurs socialisations familiales fondent leurs aspirations à discuter d’égal à égal avec les professionnels de santé, sans être assignés à une identité de malade se résumant à l’expérience stigmatisante du cancer. Pour Laurence (titulaire d’une licence de chimie et d’un master en sciences de l’éducation (ses parents sont tous les deux enseignants de sciences – son père dans le supérieur, sa mère dans le second degré), le programme doit privilégier la relation médecin-patient.

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Elle [la secrétaire] m’a dit que ça faisait du bien de parler avec d’autres malades, qu’on avait les mêmes problèmes. Là, déjà, j’avais un doute. Je sais que c’est le discours et que ça fait bien mais moi je ne vois pas en quoi le fait de parler avec d’autres malades va me faire aller mieuxNon, moi c’est des professionnels. J’ai besoin de contact avec des professionnels.

19 Ainsi, le principe d’une co-construction de connaissances qui accorde du crédit à la parole des patients ne correspond pas à l’idée que Laurence se fait d’une transmission de connaissances légitimes. Au cours de l’entretien, cette dissonance s’illustre également dans la manière dont elle qualifie les supports d’animation comme le Trivial Pursuit, qu’elle juge « ridicule », « inutile », « bêta ». Remettant en question « les bêtises » échangées entre les patients (à propos de la possibilité de consommer des agrumes par exemple) elle juge même « dangereux » le format de l’atelier – dont elle estime qu’il n’est pas assez contrôlé par des professionnelles qui ne recadrent pas suffisamment les discours des patients.

20 La divergence entre ses attentes et l’expérience vécue au cours de l’atelier est telle qu’elle ne parvient pas à s’ajuster au format du programme. Observée lors du premier (et unique) atelier auquel elle a participé, lorsque la médecin lui demande de compléter une réponse « juste » qu’elle vient de formuler à propos de la chimiothérapie et de la thérapie ciblée, elle rétorque d’une voix basse mais directe : « Non, je ne suis pas spécialiste, c’est à vous de nous le dire ». Revenant sur cet échange au cours de l’entretien, elle se dit « très agacée » par la posture du personnel médical qui se met sur un pied d’égalité avec les patients en n’imposant pas de message ou d’impératif à suivre.

21 Remettant en question le principe même de l’émancipation du patient (Fauquette, 2017) [15], son cas illustre toute l’ambiguïté du rapport que certains patients entretiennent avec le pouvoir médical : entre volonté de s’affranchir lorsqu’il est par exemple question du choix de son thérapeute, du recours à des thérapies alternatives ou du refus de certains soins/traitements et capacité à se soumettre à une autorité légitime et statutaire lorsqu’il est question d’apprendre. On notera d’ailleurs que le recours aux médecines non conventionnelles ou alternatives est susceptible de jouer un rôle important dans le travail de préservation de soi (Joël et Rubio, 2015) [16], comme l’illustre sa réaction au cours du « diagnostic éducatif » :

22

Je lui ai dit « vous savez moi l’hôpital, ils ne savent pas tout. C’est bon moi j’ai un médium ». Ça ne lui a rien fait du tout. Elle m’a dit, « vous voyez qui vous voulez ». Je lui ai dit « Vous croyez que je peux arrêter les soins, voir si ça marche ou pas ? » [le ton est affirmé, Laurence n’attendant pas une réponse à sa question mais voulant tester la réaction de son interlocutrice]Elle ne s’est pas choquée du tout.

23 L’enjeu consiste ici à lutter contre la situation de déclassement social potentiel induit par la maladie en s’affirmant comme usager dans la relation avec le personnel de soin et en manifestant sa capacité à s’affranchir du pouvoir médical (Bégot, 2008 ; Sarradon-Eck et Pellegrini, 2012 ; Desprès, 2013 ; Marmorat et al., 2018).

24 Par ailleurs, alors qu’elle n’a aucune appétence pour les organisations collectives (qui la confrontent à des difficultés d’intégration au groupe qui prennent racine dans son enfance), le format pédagogique du programme ravive de douloureux souvenirs liés au mal-être qu’elle éprouvait en classe dans des situations similaires. Laurence suggère ainsi qu’une « problématique psychologique » a été un frein supplémentaire à son engagement dans le dispositif.

25

J’étais assez triste, assez déprimée [après le premier module]Il y a plus grave dans la vie mais c’est le genre de choses qui me font descendre au lieu de monter parce que ça m’a renvoyée à une problématique psychologique du fait que je ne m’intègre pas à un groupeBref, je me retrouve toute seule. Ça m’a un peu déprimée. Pas une grave déprime ou une dépression mais un peu triste.

26 Les patients les moins dotés en capital scolaire et peu familiers de la culture médicale se disent, eux aussi, déçus par la valeur éducative du dispositif ; mais les raisons qu’ils invoquent concernent plutôt des difficultés à « comprendre » et à « faire le tri ». Pour Venance, (qui a quitté l’école en classe de troisième afin de travailler avec son père ouvrier), la multiplicité des canaux d’information (échanges entre pairs, messages des professionnels, réponses des jeux pédagogiques) rend difficile la compréhension et favorise l’interprétation erronée des savoirs transmis. « Il y a des contradictions de tous ces gens. Ça arrive. Je l’ai ressenti. Par exemple, au départ, on va faire ça et ça et ça ne marche pas et nous derrière on est dubitatif ».

27 Cette incertitude renforce un comportement de méfiance relié à la crainte plus générale d’être jugé par les soignants, et elle produit une forme d’engagement relativement stratégique qui oscille entre distance et participation. Par exemple, Venance se présente sous un autre prénom [17] ; il arrive en retard et se prépare à partir avant la fin annoncée de l’atelier ; lors du Trivial Pursuit, il lit discrètement plusieurs cartes avant d’en choisir une qui n’est pourtant pas de la couleur demandée [18]. Chez Venance, les logiques cognitives, symboliques et sociales se cumulent pour générer du flou et de l’incertitude – signe des incompréhensions mutuelles entre patients et personnels de santé (Sarradon-Eck et Pellegrini, 2012).

28 Pour les patients dont le capital scolaire peut être qualifié d’intermédiaire, le développement d’une expertise personnelle fondée sur la valorisation du savoir expérientiel fait particulièrement sens. Ainsi, Martine et Christine participent activement aux échanges d’astuces et de recettes encouragés par le dispositif bien qu’elles perçoivent certains supports pédagogiques (tel le Trivial Pursuit) comme infantilisants. Martine considère d’ailleurs que l’un des atouts du programme tient au fait qu’il ne s’appuie pas sur un mode de transmission directif : elle y retrouve ainsi un rapport au savoir qui était déjà celui rencontré au cours de sa scolarité et dans les divers métiers qu’elle a exercés [19]. Elle apprécie le fait que le savoir issu de l’expérience des patients y soit particulièrement valorisé et que le programme ne s’appuie pas sur des « conférences » au cours desquelles le professionnel « serait sur un piédestal et orienterait le débat ». Contrairement à Laurence, elle se dit rassurée par le fait que les professionnels n’ont pas réponse à tout et que leurs conseils sont très peu directifs.

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J’ai expliqué mon cas et que j’avais repris petit à petit l’usage de mes cosmétiques que j’utilisais avant et que ma foi, vu qu’il n’y avait pas de réaction particulière ça allait bien et on m’a dit « mais ok vous avez tout à fait raison, continuez comme ça ». Parce que je dis mais moi-même je me re-parfume. « Vous supportez ? Ok on est d’accord », voilà. Même si auparavant elles avaient dit, ça serait bien d’utiliser telle et telle crème si vous ne supportez pas les vôtres mais à partir du moment où vous le supportez
(Martine).

30 Si le format du dispositif est apprécié par ces patientes, c’est aussi parce qu’il participe à valoriser des représentations de la maladie plus positives et des comportements de santé qui font écho à leurs pratiques. Ici, les savoirs transmis sont perçus comme « rassurants » car ils confortent leurs modes de vie. Les interactions observées au cours des ateliers permettent d’illustrer la dynamique propre au travail d’accord/négociation avec le patient qui vise à réduire les « conflits de perspective » (Freidson, 1961), en minimisant (ou relativisant) certaines recommandations afin de préserver la relation et de faire du patient un allié dans le traitement de signes plus inquiétants (Genolini et al., 2011).

31 Outre la question de la proximité de valeurs et de pratiques avec les professionnels qui encadrent le dispositif, l’engagement de ces patientes est renforcé par une « bonne volonté sanitaire » (Arborio et Lechien, 2019) : en montrant qu’elle maîtrise certaines normes et usages sanitaires, Martine cherche à se démarquer et à se distinguer des patients qui sont stigmatisés du fait de pratiques moins conformes aux normes sanitaires en vigueur.

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Une fois il [Venance] disait que c’était normal qu’il ait un cancer ou qu’on ait un cancer parce que vu la vie qu’on menait, la nourriture qu’on mangeait, et les médicamentsIl parle, il parle et à un moment je dis « bon stop, stop, ne généralise pas, parce que moi ce n’est pas mon casOn n’est pas tous dans le même bateau, on n’est pas tous pareils.

33 Chez Martine ou Christine, cette bonne volonté sanitaire se double par ailleurs de dispositions scolaires particulièrement ajustées au dispositif. Par exemple, bien que très déçue de ne pas réussir à sympathiser avec d’autres patients au cours des trois premiers ateliers (qu’elle décrit comme froids, tristes et peu chaleureux), Martine participe aux activités proposées, joue le jeu et accepte de se plier à la démarche pédagogique des ateliers (qu’elle perçoit pourtant comme « un brin infantilisante ») [20]. Au fil des ateliers, Christine et Martine mobilisent des dispositions héritées de leur socialisation scolaire de « bonne élève » [21] fortement intériorisées en rappelant les règles du jeu lorsqu’un participant les contourne, interagissant régulièrement avec les professionnels et les participants pour répondre aux questions ou en prenant des notes. Le parallèle entre leur expérience dans le dispositif et les expériences vécues au cours de leur scolarité en BEP/CAP mérite d’être souligné : elles parlent d’une période qu’elles ont « adorée », disent l’avoir « survolée » après un échec dans la voie générale et se souviennent du plaisir ressenti à pouvoir aider leurs camarades en difficulté grâce à leurs facilités d’apprentissage et de compréhension.

34

Quand je suis arrivée en BEP effectivement là le niveau [expression faciale signifiant la progression]. Vous l’aurez compris. Alors là j’étais trop heureuse parce qu’en maths je cartonnais. C’était un peu le niveau troisième donc du coup c’était « Christine, Christine, tu peux faire l’exercice » [chuchotant et imitant les demandes des élèves]. Moi « bon madame je peux faire l’exercice ? ».

35 Ici, les dispositions de « bonne élève » réactivées dans le contexte de l’ETP agissent comme des ressources de l’engagement permettant de valoriser l’expérience de et dans la maladie. Dès lors, Martine et Christine font l’expérience d’un dispositif d’ETP dont les fonctions socialisatrices et réparatrices vont bien au-delà de l’objectif de transmission de savoirs et savoir-faire liés à la maladie ou à son traitement.

Rapport à la maladie, capacité à afficher son expérience et à parler de soi : du stigmate… au « j’ai quelque chose en plus »

36 Les rapports que les patients entretiennent avec la maladie et le regard des autres influencent également la manière dont ils s’engagent dans le dispositif. Quand la maladie est vécue comme une épreuve source de difficulté, voire de disqualification ou de déclassement potentiel, les freins à l’engagement dans le dispositif sont importants : chez certains patients, la maladie est vécue comme un stigmate (Goffman, 1975), ou tout au moins comme un élément qu’il s’agit de minimiser et de cacher afin de maintenir une continuité avec sa « vie d’avant ». À l’inverse, d’autres patients appréhendent leur maladie comme un évènement biographique qui, bien que difficile, leur a ouvert de nouveaux horizons et leur a donné « quelque chose en plus »  [22] que le dispositif d’ETP permet de valoriser.

37 Chez certains patients, le cancer, les traitements et leurs effets secondaires peuvent mettre en difficulté les positions sociales acquises et redéfinir les rapports de domination liés au statut professionnel ou aux rapports sociaux de sexe de sorte qu’il s’agit bien souvent de taire, voire de cacher, son état de santé. Laurence incarne cette position ; elle ramène la maladie à un détail (« Je l’oublie. Je fais tout pour ne pas y penserc’est un détail comme j’ai les cheveux blonds ») et refuse que la maladie ait un impact sur son mode de vie. Par exemple, elle prévoit de diminuer les dosages de son traitement afin de contrer des effets secondaires qui ne sont pas compatibles avec l’exercice de son activité professionnelle. S’agissant des soins de support, elle se limite à l’offre de la structure où elle se fait soigner (située à plus de 150 km de son domicile) car elle refuse de participer à des activités à proximité de son lieu de résidence de peur d’être reconnue. Comme Laurence, Venance prend ses distances avec la maladie : pour éviter toute forme d’apitoiement, il en parle peu ou pas avec son entourage. Son combat contre le cancer est celui d’un homme qui « veut rester fort » et qui lutte contre la menace de déclassement dans l’ordre des genres induite par sa maladie (Charmaz, 1994 ; Braverman, 2019 ; Meidani et Alessandrin, 2019).

38 Pour ces deux patients, et plus largement pour ceux qui conçoivent la maladie comme une menace susceptible de perturber leur position dans l’espace social (entraînant un déclassement dans la hiérarchie des genres et/ou des positions socio-professionnelles), il n’est pas question de montrer ses faiblesses et de dévoiler des éléments biographiques intimes, de sorte que le format des ateliers (en groupe et supposant des participants une capacité à parler d’eux-mêmes devant les autres) sont vécus comme particulièrement violents.

39

Déjà, je n’aime pas parler de ma vie. On ne me demande pas où je pars en vacances, où je pars en week-end, tout ça je ne le dis pas, donc en plus, dire que je suis malade, non !
(Laurence)

40 La nécessité de préserver leur identité face à la maladie explique la fragilité de l’engagement de certains patients et donne lieu à différents types de stratégies : Laurence évite de répondre aux questions au cours du premier atelier et ne revient pas aux ateliers suivants. Chez Venance, le maintien d’une présentation acceptable de soi passe par des interventions perçues comme décalées par les autres patients ou le personnel de soin, ainsi que par une implication relativement limitée dans un atelier qu’il se représente comme sollicitant des attitudes et des réactions « féminines ». Il indique ainsi avoir eu une attitude « en retrait », surplombant les débats, écoutant les autres et « balançant un petit truc » de temps en temps.

41

Les femmes parlent plus que moi. J’écoutais plus qu’intervenir parce que vu qu’elles avaient toujours des choses à dire, moi je parlais épisodiquement de ce que j’avais ressenti

42 Sa discrétion sur sa vie personnelle et sur les effets secondaires qu’il endure témoignent d’une socialisation à la masculinité relativement caractéristique des hommes issus des classes populaires : il incarne une forme de virilité qui passe par la résistance à la souffrance, le rejet des signes de faiblesse et l’adhésion à une « culture du silence » (Brassart et Niewiadomski, 2008), qui implique de censurer toute forme d’écoute de soi ou d’attention trop forte au fonctionnement du corps et de l’esprit (Boltanski, 1971 ; Schwartz, 1990 ; Aïach, 2001). Au cours des ateliers, l’enjeu consiste donc pour lui à limiter son engagement afin de ne pas « perdre la face » (Goffman, 1973) et de préserver une forme de masculinité hégémonique (Connell et Messerschmidt, 2015) malgré les effets de la maladie [23].

43 De son côté, Laurence dépeint également sa maladie de façon négative, comme une faille qui contrarie la manière dont elle souhaite se présenter au monde. Pour elle l’apologie du corps sain est source de distinction. Cela explique qu’elle cherche à prendre ses distances vis-à-vis des autres participants au programme. Ayant connu une socialisation primaire très stricte (grand-père militaire qui « l’obligeait à avoir les cheveux bien tirés en arrière », scolarité en tant que pensionnaire dans une école catholique tenue par des religieuses au cours de laquelle on lui a enseigné l’abnégation et l’autocontrainte), elle cherche par tous les moyens à masquer ses faiblesses et à ne pas laisser transparaître des éléments de son intimité qui risqueraient de porter atteinte à sa morale ou à sa réputation. Sa perception de la maladie (et de la fragilisation voire de l’inactivité qu’elle induit) comme faute morale et ses dispositions fortes à l’autocontrainte la poussent à s’isoler pour éviter le regard des autres. Seuls sa sœur et son compagnon sont véritablement informés des détails de sa situation. Au plan professionnel, elle cache sa maladie à ses collègues ainsi qu’à son supérieur et elle perçoit son traitement (dont elle a négocié le protocole à plusieurs reprises) comme un élément entravant ses efforts pour maintenir son mode de vie et sa position sociale. Par ailleurs, les effets secondaires du traitement et la pathologie spécifique dont elle est atteinte (cancer du sein) sont une menace pour son identité de genre. Son cas illustre ainsi les effets croisés de la catégorie socio-professionnelle, de l’âge, du sexe et du type de cancer sur le rapport que les patients entretiennent avec la maladie. Laurence vit d’autant plus mal les effets secondaires du traitement du cancer du sein (caractère gênant des bouffées de chaleur dans les rapports sociaux, fatigue, irritabilité, diminution de la concentration et de la performance, baisse de la libido) qu’elle est relativement jeune et non ménopausée [24]. Son expérience dans le premier module est d’ailleurs marquée par une volonté de mettre à distance des récits et des interactions qu’elle juge anxiogène parce qu’ils lui rappellent la précarité de son équilibre de vie. Pour autant, à la fin du premier atelier, elle rapporte avoir espéré que les professionnels la retiennent et lui proposent une alternative [25].

44

Je me serais attendue à ce qu’à la fin, il y ait l’une des professionnelles qui me dise de rester rien qu’avec elle et pas devant tout le monde. Non rien, c’est à peine si on m’a répondu au revoir. Je me suis retrouvée dehors toute seule. Je pensais que les pro allaient venir me voir un moment soit parce qu’elles avaient vu mon malaise soit pour ne pas me laisser repartir sans rien et je suis repartie toute seule.

45 Venance a également vécu les ateliers comme une expérience anxiogène. Il souligne ainsi que certains témoignages l’ont angoissé et qu’il a ressenti le « besoin de prendre de la distance » à la fin de chaque module « en cherchant à oublier ce qui avait été dit ». Sa soumission à l’autorité médicale ne lui permet cependant pas de remettre en cause son engagement et de ne pas se présenter aux ateliers suivants ; l’attitude de Venance illustre la position des patients qui fondent leur espoir de guérison sur leur assiduité dans leur parcours de soins, plus que dans leur participation active au processus de soin. Ainsi, tout en se maintenant dans le dispositif, Venance développe des stratégies qui lui permettent de se protéger en limitant son engagement à une simple présence et en cherchant à « oublier » ou« laisser derrière soi » ce qui s’est dit dès la fin de l’atelier. Son cas illustre plus largement les désajustements existants entre la vocation éducative des ateliers d’ETP et la manière dont certains individus s’engagent dans les échanges et les apprentissages.

46 Pour d’autres patients, la dimension collective du programme d’ETP apparaît comme une opportunité pour rencontrer d’autres personnes et échanger sur leur expérience. Leur inscription dans le dispositif est marquée par un souhait de nouer des relations et de contrer les effets d’un parcours de soin qui a sérieusement atteint leur capital social et qui a parfois compromis le maintien de certaines affinités électives. Pour Martine (retraitée et célibataire qui vient de déménager pour se rapprocher de son fils unique inquiet de ne pas pouvoir être plus présent dans les moments difficiles) [26], participer au programme d’ETP vise à nouer des relations d’amitié et à contrer la solitude.

47

J’ai géré cette maladie seule et je la gère toujours seule et c’est très difficile. C’est très difficile de faire des connaissances avec cette maladie. Je ne sais pas si c’est moi qui me mets un frein ou si ça se fait seul mais j’ai du mal à dépasser ça »
(Martine, 62 ans, retraitée, célibataire).

48 Comme le soulignent Thibaud Marmorat et al. (2018), le traitement par ATCO induit des sentiments ambivalents d’autonomie et de responsabilisation d’une part et d’isolement et de vulnérabilité de l’autre. Les auteurs évoquent notamment le cas de patientes prenant leur traitement à domicile se sentant fragilisées en raison du risque de ne pas bénéficier rapidement de l’expertise médicale en cas de besoin. Chez Martine, le sentiment d’isolement et de vulnérabilité est renforcé par un déménagement récent (consécutif à la dégradation de son état de santé) qui l’a coupée d’un environnement social et amical à la fois proche et réconfortant.

49 La participation aux ateliers offre par ailleurs une occasion de valoriser les compétences acquises tout au long du parcours dans la maladie. Le rapport apaisé qu’entretiennent Martine et Christine à la maladie facilite leur implication dans des échanges qui leur permettent de valoriser leur capacité à « faire face »[27]. Ainsi, le récit que Martine fait de sa maladie peut être analysé comme un « turning point » (Strauss, 1962). Elle met en parallèle cette expérience avec d’autres « accidents de vie » (comme un accident de voiture ou des ruptures sentimentales) qui ont participé à la construction et au renforcement de son aptitude à « supporter les aléas de la vie ». L’analogie avec une forme de renaissance semble appropriée pour décrire la manière dont elle se représente sa trajectoire de malade. Elle investit de façon positive sa représentation du cancer qui lui confère une singularité qu’elle valorise à différents niveaux [28] – ce qui contribue au renforcement de ses dispositions à parler de soi.

50

J’arrivais là-bas [aux ateliers] avec le sourire parce que je vis très bien ma maladie. Je vis très bien, ouais, j’arrivais avec le sourire et j’arrivais décontractée.

51 Comme Martine, Christine a elle aussi construit une aptitude forte à « résister » et « rebondir » face aux épreuves de la vie : au cours de l’entretien, elle évoque le décès de sa mère (lorsqu’elle avait 6 ans) et sa relation conflictuelle avec son père (« un tyran ») pour marquer sa capacité à « tenir bon ». Ces deux patientes nées dans des milieux populaires et appartenant aux fractions les moins stables de la classe moyenne illustrent plus largement la propension des individus issus des milieux populaires à minimiser le traumatisme du cancer et à en relativiser les séquelles. En effet, comme le souligne Aurore Loretti (2019 : 277) : « Habitués aux interruptions de routines quotidiennes », ils disposent de « dispositifs d’affrontement », c’est-à-dire de ressources acquises au cours de la socialisation préalable qui leur permettent d’amortir les ruptures ». Cette aptitude permet à Martine et Christine de s’engager activement dans les échanges : elles donnent leur avis, témoignent de leur expérience et fournissent des exemples/conseils relativement intimes. Il faut dire aussi que chez certains patients, la maladie apparaît comme un marqueur identitaire fort dont ils perçoivent l’utilité ; telle Christine qui « regrette l’époque du foulard » (camouflant la perte des cheveux) qui lui donnait l’avantage de ne pas avoir à expliquer les coups de fatigue et qui suscitait la bienveillance. Ici, le cancer n’apparaît pas seulement comme une épreuve de l’existence, mais aussi comme une opportunité de reconfigurer ses rapports à soi-même, aux autres et à la société (Bury, 1982 ; Charmaz, 1983 ; Williams, 1984 ; Hyden, 1997 ; Vega et Pombet, 2016 ; Derbez et Rollin, 2016 ; Loretti, 2019). Par exemple, Martine tire avantage de la maladie qui lui permet de renouer avec des membres de sa famille et de mettre en pratique certains principes écologiques ou éthiques en reconsidérant ses modes de consommation et de vie (produits de beauté, habitudes alimentaires…). Sa participation aux ateliers répond également à son aspiration à incarner la figure du patient expert (de lui-même et pour les autres) [29] qui est source de valorisation. Par exemple, au cours de notre observation du troisième atelier, elle reprend une patiente qui parlait de « son cancer » :

52

On ne dit pas mon cancer mais le cancer parce que si tu dis ma maladie, ton subconscient il enregistre et il l’apprend et tu la gardes. Tu ne t’en sépareras jamais. Moi je dis la maladie.

53 Chez Martine, comme chez d’autres patients, l’expertise développée en participant au programme leur permet de conquérir de nouveaux espaces et positions sociales. Au final, chez les patients qui ont construit un rapport positif à la maladie, outre l’acquisition d’apprentissages, l’engagement dans le dispositif d’ETP permet de rompre avec la solitude et de mettre en avant une expérience et une expertise perçues comme d’autant plus valorisantes que leurs positions socio-professionnelles ne les ont pas habitués à être reconnus pour leurs compétences. À l’inverse, chez les patients qui vivent leur maladie comme une menace pour leur identité sociale (voire comme un stigmate qu’il s’agit de cacher), la dimension collective des ateliers et l’incitation à parler de soi apparaît comme une violence qui limite grandement leur engagement et la portée éducative du programme.

Conclusion

54 En sortant de l’hôpital et en explorant la manière dont les modes de socialisation des individus façonnent leurs rapports aux autres, aux savoirs et à la maladie, la sociologie permet de se défaire du modèle du patient générique, universel et abstrait.

55 Notre propos centré sur quatre profils contrastés sélectionnés pour leur valeur illustrative de différentes formes d’engagement dans un programme d’ETP a permis d’insister sur les effets conjoints des interactions (entre patients et entre patients et soignants) et des dispositions incorporées au cours de processus de socialisation antérieurs. Comme le soulignent Anne Véga et Thibaud Pombet (2016), on observe dans les politiques de santé actuelles une tendance accrue à responsabiliser les individus et à les transformer en entrepreneurs de leur propre santé (Bergeron et Castel, 2014), alors que ces « nouveaux acteurs » sont loin d’être tous également dotés pour assumer ces nouvelles responsabilités. Les patients sélectionnés dans cet article illustrent des mécanismes contrastés d’appropriation des savoirs et d’engagement dans un dispositif singulier. Dans ce contexte, comme dans d’autres programmes d’ETP, il semble important de prendre en compte les ancrages sociaux et culturels des apprenants (Lahire, 2007) dans les manières d’appréhender le patient et de construire l’offre éducative qui lui est proposée. Au-delà des rapports aux savoirs et à la maladie construits dans les parcours individuels, l’article aborde aussi le rapport aux autres en analysant notamment les modes de coordination et les rapports de force et de domination en jeu dans les interactions entre patients et soignants mais aussi entre patients. Cette entrée par l’observation précise des dynamiques relationnelles permet d’enrichir la compréhension des fondements processuels de l’engagement tout en offrant des pistes de prolongements. En effet, si les dispositions incorporées par chacun ont un effet sur les modalités de l’engagement dans le programme, la participation au programme constitue en elle-même une nouvelle expérience socialisatrice. Dans cette perspective, attentive à l’impact des contextes et parcours individuels sur les rapports à la santé, il conviendrait de poursuivre la réflexion en questionnant les effets de ces expériences socialisatrices sur l’observance du traitement thérapeutique et les pratiques de santé qui lui sont associées.

Liens d’intérêts :

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.

Notes

  • [1]
    D’après l’étude UNICANCER sur la cancérologie, « D’ici à 2025, la proportion de traitements médicamenteux par voie orale devrait passer des 25 % actuels à 50 %, et les chimiothérapies intraveineuses dans le cancer du sein, diminuer de 25 %. Avec les traitements par voie orale, il sera de plus en plus possible pour le patient d’être soigné chez lui » http://www.unicancer.fr/cancerologie-2025.
  • [2]
    130 h d’observation de contextes formels et informels liés au pilotage et à la mise en œuvre d’un programme d’ETP ont été réalisées.
  • [3]
    Les entretiens ont duré entre 1 h 30 et 4 h (au-delà d’1 h 30 un second entretien était programmé). Le guide d’entretien s’intéressait (1) aux déterminants de l’entrée dans le dispositif (comment ont-ils été informés de l’existence de ce dispositif, pour quelles raisons se sont-ils inscrits, quelles étaient leurs attentes) (2) à la manière dont ils ont vécu l’étape de « diagnostic éducatif » ainsi que les cinq ateliers d’ETP (3) à leur expérience de la maladie (parcours de soin, vécu subjectif, interaction avec les autres sphères de l’existence) (4) à leur histoire de vie (focalisation appuyée sur les socialisations scolaires, professionnelles et familiales).
  • [4]
    Les patients interviewés sont âgés de 40 à 81 ans (moyenne d’âge 62 ans). L’échantillon est composé de 4 hommes et 16 femmes (cette répartition est à l’image de la moindre participation des hommes dans le dispositif étudié). Les emplois qu’ils exercent ou qu’ils ont exercé (12 sont à la retraite) balayent un large spectre : 4 ouvriers (tous qualifiés, travaillant dans le secteur de l’industrie, de l’artisanat ou du transport), 4 sont employés (de banque, dans le commerce ou comme secrétaire médicale), 8 professions intermédiaires (greffière, enseignante, infirmière, monitrice d’auto-école, laborantine, attachée de presse, responsable administrative), 2 cadres (du bâtiment, de l’aéronautique), 1 femme au foyer (sans emploi).
  • [5]
    Un peu plus de la moitié des observations et entretiens concernent des patients inscrits au module d’ETP déployé dans le centre de lutte contre le cancer.
  • [6]
    A noter que l’enquête a permis d’observer 9 sessions (dont 5 ont eu lieu au centre de lutte contre le cancer d’une grande agglomération) soit 43 participants (10 hommes et 33 femmes) dont 23 dans le cadre du déploiement du programme en milieu hospitalier. Sur les 19 entretiens réalisés, 4 ont été réalisés avec des hommes et 12 dans le cadre du déploiement du programme en milieu hospitalier. Ces proportions reflètent assez fidèlement la répartition sociale et territoriale des participants.
  • [7]
    Ces huit professionnels sont organisés en quatre binômes, qui ne changent pas, lesquels sont chacun responsable d’un ou deux ateliers.
  • [8]
    Par exemple, les patients suivis au centre de lutte contre le cancer font l’objet de relances plus fréquentes ; il en va de même pour les patients perc¸us comme potentiellement « à problèmes » (pour des raisons médicales ou des raisons liées à la manière dont les professionnels de soin évaluent leur compréhension du traitement et leur manière de vivre avec la maladie).
  • [9]
    Les bases de données 2018 relatives aux 145 patients inscrits dans le dispositif ne permettent pas d’analyser leur distribution en fonction des catégories socio-professionnelles (cette information étant trop rarement renseignée au cours du « diagnostic éducatif »). S’agissant du sexe, la proportion de femmes est très importante (108 femmes sur 145 patients) ce qui reflète une surreprésentation fréquemment relevée dans le domaine de l’ETP et plus globalement dans les pratiques liées au « care ».
  • [10]
    Les 40 heures de formation sont requises dans le cadre légal de la loi HPST pour animer et/ou coordonner de l’ETP en France (arrêté du 2 août 2010). Certains professionnels ont bénéficié de la formation dispensée par le centre de lutte contre le cancer, d’autres étaient déjà formés lorsqu’ils se sont investis dans le programme.
  • [11]
    Les professionnelles évaluent le niveau de soutien du patient, ses limitations liées à la maladie, la manière dont il perc¸oit son état de santé actuel, sa connaissance du traitement et les difficultés qu’il rencontre ainsi que ses projets de vie à différentes échéances.
  • [12]
    Les professionnelles s’appuient sur un tableau qui sert de guide pour aborder différents sujets ; au fil de l’entretien, elles s’ajustent aux réponses des patients ; il s’agit pour elles d’adapter leur manière de présenter l’ETP de fac¸on à inciter le patient à participer au dispositif et/ou à s’orienter vers d’autres programmes.
  • [13]
    En principe, les sessions se déroulent à raison d’un atelier de trois heures par semaine. Dans la réalité, certains patients peuvent connaître des périodes de latence pour des raisons médicales, personnelles ou liées à des contraintes de déploiement du dispositif.
  • [14]
    Sur la question de l’intervention éducative visant à améliorer la perception des effets indésirables et à renforcer l’adhésion au traitement, voir notamment Santucci et al. (2011) ; Simons et al. (2011) ; Spoelstra et al. (2013) ; Bassan et al. (2014) ; Arthurs et al. (2015) ; Marmorat et al. (2018).
  • [15]
    L’auteur dépeint notamment le cas d’une patiente issue des classes supérieures, qui, comme Laurence, considère que « là, c¸a va trop loin », qu’il faut « arrêter les bêtises », que c’est de la « responsabilité » du professionnel que de parfois imposer son savoir médical.
  • [16]
    Les auteurs soulignent que 40 % des patients atteints d’un cancer ont recours à des thérapies alternatives et que cela est plus souvent le cas chez les femmes jeunes et diplômées.
  • [17]
    Extrait de journal de terrain : Atelier n° 1 : les participants inscrivent leur prénom sur un papier faisant office de chevalet qu’ils posent devant eux. Lors du tour de table de présentation, Venance ne précise pas son prénom : il évoque directement sa maladie. (…). Atelier n° 2 : Venance arrive en retard, en marchant et sans presser le pas. Il s’installe, le tour de table commence. Il se présente en premier comme Jean puis ajoute « Ah non. Ici c’est Venance ! [Silence] J’ai un problème d’identification [avec le sourire] ». Personne ne rebondit et les professionnelles se présentent à leur tour.
  • [18]
    Chez ce patient, on observe des formes de soumission et de résistance très proches de ce que Mathias Millet et Daniel Thin (2012) nomment l’ambivalence des parents de classe populaire à l’égard des institutions de remédiation scolaire.
  • [19]
    Titulaire d’un BEP, d’un CAP et d’une équivalence du baccalauréat (acquise dans le cadre de deux formations professionnelles qu’elle a suivie à l’âge de 40 et 50 ans), elle a exercé plusieurs métiers (employé de bureau, assistante maternelle, salariée dans le commerce de fruits et légumes puis de magasin de souvenirs, propriétaire d’une épicerie de village, monitrice d’auto-école).
  • [20]
    On notera ici que les processus d’alignements professionnels-patients évoqués plus haut ne sont pas unilatéraux : le souci de préserver la relation existe aussi du côté des patients qui, comme Martine, acceptent de s’investir dans des séquences qu’elles perc¸oivent pourtant comme infantilisantes. Nos observations rejoignent ici les travaux d’Aurélien Troisoeufs et al. (2019) qui décrivent et analysent des phénomènes d’alignements réciproques de différentes natures entre soignants et patients atteints de la maladie de Parkinson.
  • [21]
    Ici, la notion de « bonne élève » doit être entendue au sens de disciplinée, coopérative, participative et engagée dans le travail – et ce, quel que soit le niveau de performance scolaire.
  • [22]
    Cette image extraite d’un entretien avec Martine évoque un rapport à la maladie et au regard des autres que nous avons rencontré chez plusieurs autres malades : « C’est comme si j’avais quelque chose de plus que les autres ; j’ai été considérée comme quelqu’un de particulier parce que j’ai une maladie grave et complexe […] du coup et avec le fait d’être en ALD, c’est comme si les gens et les professionnels de santé me regardaient avec un autre œil [sourire] ».
  • [23]
    Page 157, les auteurs font notamment référence aux travaux de Thomas J Gerschick et Adam Stephen Miller (1994) qui s’appuient sur les concepts de masculinités subordonnée et hégémonique afin d’éclairer les comportements à risque des hommes et leurs difficultés à faire face au handicap ou aux blessures.
  • [24]
    Sur ce point, voir l’article de Sarradon-Eck et Pellegrini (2012) ainsi que le travail de Braverman (2019).
  • [25]
    Notons ici que le fait de pouvoir exprimer son mécontentement et partager ses inquiétudes sur les risques d’un tel programme constitue la principale motivation qu’elle évoque à propos de sa participation à notre entretien.
  • [26]
    Elle ne connait personne d’autre que lui et sa belle-fille dans son nouvel environnement qui se situe à plus de 500 km de l’endroit où elle habitait.
  • [27]
    Notons que le rapport à la maladie évolue au cours du parcours de soin (Strauss et Corbin, 1988 ; Ménoret, 1999). Ainsi, si certains patients entretiennent une relation plus apaisée avec le cancer, ils sont généralement passés par des phases marquées par l’incertitude qui ne favorisait pas leur engagement dans ce type de programme éducatif.
  • [28]
    Au niveau (1) des difficultés qu’elle a surmontées lors de ses deux paralysies, (2) de la gravité de la pathologie et du succès de son traitement qui la maintient en vie, (3) de sa réponse au traitement qui « fonctionne » plus longtemps que pour les autres patients, (4) de la complexité de sa pathologie (elle est atteinte de trois cancers différents).
  • [29]
    Sur la distinction entre ces deux figures du patient expert : celle du patient expert de lui-même qui a développé une double expertise expérientielle et technique et celle du patient expert pour les autres qui renvoie au registre du patient formateur, voir le travail d’Alexandre Klein (2014).
Français

Cet article s’intéresse à l’engagement dans un programme d’éducation thérapeutique proposé à des patients traités par anti-cancéreux oraux. Fondée sur des observations ethnographiques et des entretiens biographiques, l’enquête s’intéresse à la variabilité des modalités d’engagement en étudiant les processus sociaux qui les influencent et les différencient. Partant d’une analyse des effets des socialisations (passées et présentes) sur les rapports aux autres (patients, personnel soignant, entourage proche), aux savoirs et à la maladie, l’article met en évidence différents profils de patients qui ont construit des dispositions plus ou moins ajustées au format des ateliers d’éducation thérapeutique. L’enquête souligne ainsi que les manières de s’engager dans le dispositif fluctuent sous l’effet des interactions en séance et des socialisations antérieures – ces dernières agissant comme des ressources ou des freins lorsqu’il s’agit de parler de soi et de sa maladie en public, de valoriser des savoirs expérientiels ou de développer des relations plus ou moins asymétriques avec le personnel de soin et les autres patients.

Mots clés

  • engagement
  • éducation thérapeutique du patient
  • socialisation
  • cancer

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Lucie Forté
Sociologue, Laboratoire CreSco (EA 7419), Faculté des Sciences du Sport et du Mouvement Humain, Université de Toulouse III – Paul Sabatier, 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 09, France ;
Émilie Gaborit
Sociologue, Laboratoire CreSco (EA 7419)
Philippe Terral
Sociologue, Laboratoire CreSco (EA 7419)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/10/2021
https://doi.org/10.1684/sss.2021.0213
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