CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La tuberculose est une maladie infectieuse causée par la transmission d’un germe appelé le Bacille de Koch (BK), d’une personne à une autre par voie aérienne. L’inspiration du BK par un individu en contact étroit avec une personne malade peut conduire à son infection – la bactérie est présente dans l’organisme mais la maladie n’est pas développée – puis, dans certaines conditions, à la maladie, symptomatique et d’autant plus contagieuse. La maladie touche le plus souvent les poumons. Elle peut être soignée et évitée. La prévention de la tuberculose passe par la vaccination par le BCG et le dépistage autour des nouveaux cas de tuberculose déclarés [1].

2 En France, l’incidence de la tuberculose a nettement diminué au cours du xx e siècle grâce au progrès social et médical des années 1950-1960 (amélioration des conditions de vie des populations, découverte d’un traitement curatif contre la tuberculose, etc.). La maladie a progressivement disparu du débat public. Elle constitue depuis une préoccupation marginale du pouvoir politique et des institutions sanitaires [2], contrastant ainsi avec la situation à l’échelle internationale.

3 La tuberculose reste au plan mondial une cause importante de mortalité et de morbidité. D’après l’OMS, avec 1,5 millions de décès en 2013, elle est la deuxième cause infectieuse de mortalité après le VIH. Le nombre de nouveaux cas en 2013 est estimé à 9 millions dont 40 % vivent dans les régions de l’Asie du Sud-Est et 26 % en Afrique subsaharienne [3]. La tuberculose constitue ainsi, à l’échelle mondiale, un défi médical et sanitaire avec toutefois de fortes disparités géographiques et populationnelles.

4 La France est considérée comme un pays à faible incidence – 7,5 cas pour 100 000 habitants en 2013 contre des taux dépassant les 300 cas pour 100 000 habitants en Afrique centrale et australe par exemple – mais la distribution des cas de tuberculose est très hétérogène sur le territoire français [4]. L’Île-de-France recouvre à elle seule 36 % des cas de tuberculose déclarés en France alors même que 18 % de la population y vit. Les incidences de la tuberculose en Île-de-France, et particulièrement dans le département de la Seine-Saint-Denis, dépassent largement la moyenne nationale. En 2010, on recense plus de 31 cas pour 100 000 habitants en Seine-Saint-Denis, contre 16 cas pour 100 000 habitants sur l’ensemble de l’Île-de-France et moins de 10 cas pour 100 000 habitants dans les autres régions [5]. Ces données attestent d’une maladie qui, obstinément, perdure et constitue un risque sanitaire en dépit de son déclin au niveau national.

5 Le Nord-Ouest de la Seine-Saint-Denis est particulièrement touché avec un taux d’incidence de 30 à 53 nouveaux cas de tuberculose par an pour 100 000 habitants [6]. À Villetaneuse, petite commune de 12 000 habitants, caractérisée par une population jeune et une certaine précarité (taux de chômage de 20,5 % [7]), 23 cas de tuberculose ont été identifiés entre janvier 2009 et avril 2013, sur deux quartiers spécifiques et un petit nombre d’adresses. Parmi eux, une majorité de jeunes : 5 cas concernent des enfants de moins de 15 ans, 12 des adolescents ou jeunes adultes de 16 à 30 ans [2].

6 Cet épisode de cas groupés a révélé certaines difficultés mises en évidence par l’équipe du Service de Prévention et des Actions Sanitaires (SPAS) du Conseil Général du département de la Seine-Saint-Denis autour duquel s’organise la lutte contre la tuberculose : les équipes en charge du dépistage parviennent difficilement à atteindre la population concernée et à susciter son adhésion à la proposition de dépistage (par exemple, les convocations par courrier faites auprès des élèves d’un lycée concerné par cet épisode de tuberculose n’ont donné que très peu de résultat) ; ou encore à parler de la maladie et rendre l’information accessible à tous les publics… Autant de difficultés qui limitent l’accès au dépistage, qui est pourtant un élément-clé de la lutte contre la tuberculose.

7 En effet, pour couper la chaîne de transmission, la découverte d’un cas de tuberculose doit déclencher une recherche des « sujets contacts », c’est-à-dire des personnes en contact avec le malade pendant sa période de contagiosité, qui ont pu être infectées et être à leur tour contagieuses. Celles-ci doivent être dépistées et traitées le plus tôt possible, pour limiter la transmission du Bacille de Koch (BK) et le développement de résistance aux traitements. Ceci implique en amont une identification rapide des sujets-contacts ainsi qu’une information et une sensibilisation de ces individus [1, 8, 9].

8 Communiquer autour de la tuberculose implique cependant de prendre en compte qu’il s’agit d’une « maladie sociale » au sens où, même si elle a une cause biologique, ses facteurs de risque sont très largement sociaux [10-15]. La tuberculose touche en effet particulièrement des personnes vulnérables qui vivent dans des situations de précarité sociale, économique et politique. Sa forte incidence parmi les populations originaires de pays à forte prévalence en fait une maladie des migrants d’un point de vue épidémiologique [5] mais aussi dans les représentations qui lui sont associées [12, 13]. La tuberculose est perçue comme une maladie de l’ailleurs et des autres [14] et ceci d’autant plus qu’elle reste une maladie « rare » à l’échelle nationale. Cette articulation de la tuberculose, de l’immigration et de la pauvreté en fait une maladie éminemment politique et saturée de sens. Ces caractéristiques complexifient la communication tout en la rendant d’autant plus importante.

9 En dépit des enjeux majeurs que revêt la communication autour de la tuberculose et de son dépistage, les travaux en sciences sociales se sont essentiellement centrés sur les déterminants sociaux, culturels, environnementaux et structurels de l’infection ou encore sur les difficultés de prise en charge des personnes infectées [2, 12, 15]. Les difficultés pratiques de communication autour de la maladie ainsi que les conditions de l’offre de dépistage sont quant à elles peu documentées.

10 Dans ce contexte, le Service de Prévention et des Actions Sanitaires (SPAS) du Conseil Général du département de Seine-Saint-Denis a sollicité une équipe de chercheurs en sciences sociales de la santé pour réaliser une étude qualitative afin d’identifier et comprendre les obstacles à la prévention et au dépistage à partir de cet épisode de cas groupés de tuberculose à Villetaneuse. Cette étude a été conduite en 2014-2015 en collaboration avec le Conseil Général de Seine-Saint-Denis et la Mairie de Villetaneuse, principalement dans les communes de Villetaneuse et de Saint-Denis. À partir du recueil des expériences et points de vue des acteurs impliqués dans le dépistage et des publics ciblés et, de l’observation de l’organisation des actions de dépistage en Seine-Saint-Denis, cet article vise à mettre en évidence les obstacles à la prévention et au dépistage de la tuberculose identifiés à chacune des étapes du dépistage.

Méthodes

11 L’étude qualitative a été conduite entre septembre 2014 et février 2015 selon la méthode du Rapid Assessment Process (RAP) qui vise à recueillir, dans des délais relativement courts (quelques semaines), via un travail d’immersion sur le terrain, des discours auprès d’informateurs divers de façon à croiser des points de vue et des expériences [16]. Quatre catégories d’acteurs ont été interrogées : des professionnels impliqués dans le dépistage de la tuberculose (professionnels de santé, médiateur et secrétaire d’un centre de dépistage de la tuberculose) ; des acteurs locaux, qui regroupent le personnel communal et des acteurs associatifs ; des personnes touchées par la tuberculose, qu’il s’agisse de malades hospitalisés, infectés ou de proches de malades et enfin, des jeunes, qu’ils soient ou non dépistés.

12 L’ensemble de ces acteurs a été identifié à partir d’une liste de structures à contacter fournie préalablement par le Conseil Général et auxquelles une lettre d’information a été envoyée présentant les objectifs et les modalités de l’étude. La rencontre des responsables des structures identifiées – Centre de dépistage, services de la Mairie de Villetaneuse, associations, service hospitalier – a permis de prendre contact avec de potentiels participants à l’étude. Certaines structures et participants ont pu être identifiés au cours du travail de terrain, les premières rencontres permettant de diversifier les réseaux.

Recueil des données

13 Deux méthodes de recueil des données ont été utilisées : des observations et des entretiens semi-directifs. Un travail d’observation directe des activités de dépistage et de suivi de cas de tuberculose a été conduit dans différentes structures et lieux de dépistage et de prise en charge. Il consistait à suivre minutieusement le déroulement des activités ordinaires de dépistage et ainsi à observer les comportements réels des acteurs en présence, les situations non plus seulement décrites par les acteurs, mais directement produites et expérimentées. Ce travail avait pour objectifs d’identifier les conditions et les pratiques de dépistage ; la mise en œuvre des enquêtes sujets-contacts ; les modalités de communication des professionnels de santé et des personnes dépistées ; le parcours des patients, leur expérience du dépistage et de la maladie. Pour ce faire, ont été observées : des activités de dépistage dans un bidonville et deux foyers de travailleurs migrants ainsi qu’au Centre d’Accueil, de Soins et d’Orientation (CASO) de Médecins du Monde et un Centre Départemental de Dépistage et de Prévention Sanitaire (CDDPS) ; une vingtaine de consultations médicales de suivi de patients touchés par la tuberculose dispensées dans un centre de dépistage ; la gestion administrative du suivi des sujets-contacts dans un centre de dépistage et les relances téléphoniques de ces individus ; une journée de sensibilisation dans un espace public. Enfin, des visites de patients hospitalisés pour une tuberculose ont permis d’observer les modalités de prise en charge de la maladie.

14 Nous avons ainsi interrogé en entretien un total de 11 professionnels impliqués dans le dépistage de la tuberculose, cinq acteurs communaux ou associatifs, cinq personnes touchées par la tuberculose (maladie ou ayant eu une infection tuberculose latente) dont quatre âgées de moins de 30 ans, et quatre jeunes, dépistés ou non, résidant à Villetaneuse. Tous les entretiens ont été réalisés sur la base d’un guide à partir duquel une grande liberté d’expression a été laissée. L’entretien commençait par un rappel de la dimension volontaire, anonyme et confidentielle de la discussion. Chacun des participants était invité à parler de son expérience.

15 Les entretiens avec les professionnels du dépistage, les acteurs communaux et associatifs visaient à identifier leur implication dans une activité de dépistage, leurs rôles, les difficultés rencontrées, la collaboration avec les autres acteurs impliqués et/ou avec les bénéficiaires. Les entretiens avec les personnes touchées par la tuberculose visaient à saisir les représentations et les interprétations que les malades et/ou leurs proches donnent de la tuberculose, les difficultés rencontrées par les patients ou leurs proches pour être dépistés, les contraintes liées aux spécificités de la tuberculose. Enfin, il s’agissait de recueillir leur propre expérience du dépistage et parfois de leur maladie notamment en prenant en compte leur parcours de soin. Les jeunes ont, quant à eux, fait l’objet d’entretiens autour de leur rapport à la santé, de leur proximité avec la tuberculose, de leurs représentations associées à la maladie, de leur perception des risques, et enfin de leur éventuelle expérience du dépistage.

16 L’ensemble des entretiens effectués a été enregistré avec l’accord des participants, puis retranscrit. Les données ont été rendues anonymes : un prénom fictif a été donné à chacun des participants.

Analyse thématique transversale

17 Les entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique transversale. La confrontation entre les discours recueillis a permis de faire émerger les similitudes et les variations entre les différents points de vue des acteurs rencontrés. Les entretiens avec les professionnels ont été mis en perspective avec les observations des activités de dépistage dans lesquelles ils étaient impliqués de façon à identifier les décalages entre leurs discours et les pratiques. Chaque entretien a également été analysé dans sa globalité de façon à saisir les difficultés mentionnées par les différents acteurs selon leurs fonctions, leur structure de rattachement et leur implication dans le dépistage.

Résultats

Caractéristiques des personnes enquêtées

18 Au total, 25 personnes ont été interviewées dans le cadre d’entretien formel (voir tableau I).

Tableau I

Caractéristiques des personnes interrogées

Tableau I
Catégories d’acteurs Fonctions Hommes Femmes Total Professionnels impliqués dans le dépistage Médecins 2 2 4 Infirmières 0 3 3 Médiateur 1 0 1 Responsable structure de soins 1 0 1 Secrétaires médicales 0 2 2 Acteurs associatifs ou communaux Acteurs associatifs 3 0 3 Acteurs communaux 0 2 2 Personnes malades et/ou dépistées Personnes malades et/ou dépistées 4 1 5 Jeunes résidents à Villetaneuse Jeunes résidents à Villetaneuse 3 1 4

Caractéristiques des personnes interrogées

Des obstacles à toutes les étapes du dépistage

19 L’étude a permis d’identifier des obstacles à trois étapes du dépistage : 1) lors de la sensibilisation des publics ; 2) au cours des enquêtes sujets-contacts qui visent à identifier les personnes possiblement infectées dans l’entourage d’un cas de tuberculose avéré ; enfin, 3) lors des actions de dépistage actif visant à la recherche de la tuberculose dans les populations définies comme étant à risque élevé d’être infectées.

Des difficultés de sensibiliser sur une maladie marginalisée

La persistance d’idées reçues et de représentations associées à la maladie

20 La circulation de l’information sur la tuberculose, quels que soient les supports ou les outils mobilisés, le lieu ou le type d’activité, se heurte avant tout à la persistance de l’idée selon laquelle la tuberculose est une maladie qui, comme l’expliquent des enquêtés, « n’existe plus en France » mais persiste « dans les autres pays ». Maladie du passé et de l’ailleurs, la tuberculose est également associée à la peur de la contagion, attisée par le fait que toute personne ayant été en contact avec un cas lui-même diagnostiqué est potentiellement à risque. Les professionnels impliqués dans le dépistage mentionnent les « tensions » et les « craintes » que peut susciter parmi la population leur intervention dans des écoles ou des entreprises par exemple, ou encore le simple fait de parler de tuberculose au cours d’une consultation médicale. Enfin, parmi les jeunes rencontrés, certains pensent que la tuberculose ne touche que les personnes « faibles », « qui ne se nourrissent pas ». D’autres l’associent au « manque d’hygiène », à la « saleté ».… Autant de représentations qui rendent l’affection inconcevable pour soi : « Ça ne m’intéresse pas » ; « Je ne me sens pas concerné », expliquent certains enquêtés, laissant ainsi cette maladie en marge de leurs préoccupations.

Un manque de visibilité de la maladie

21 Les observations effectuées au cours de cette étude attestent d’un manque de visibilité de la tuberculose dans différents domaines, avant tout dans l’espace public. En dépit de la recrudescence de cas de tuberculose à Villetaneuse ces dernières années, peu d’information circule dans les structures de soin de proximité comme la Protection Maternelle et Infantile (PMI) ou le Point Accueil Prévention Santé (PAPS). Si par exemple, les affiches sur le VIH ou la vaccination recouvrent les murs de la PMI, celles sur la tuberculose sont quasi inexistantes. De même, si le PAPS propose des actions de sensibilisation sur le VIH et la sexualité en milieu scolaire, aucune action particulière n’a jamais été conduite sur la tuberculose. Cette maladie est également peu visible dans les cabinets médicaux au sein desquels les diagnostics de tuberculose sont rares (la plupart sont diagnostiqués à l’hôpital) : par exemple, un médecin généraliste travaillant depuis une trentaine d’années au cœur de Villetaneuse n’a rencontré aucun cas de tuberculose parmi ses patients avant 2009.

22 En outre, le centre de dépistage de la ville de Saint-Denis, symbole fort de la lutte contre la tuberculose au niveau local, est situé en marge de la ville, au bord d’un axe routier. On s’y rend en transport en commun. Les personnes rencontrées le désignent par le nom de « Casanova », renvoyant ainsi directement à l’hôpital à l’entrée duquel il est situé et auquel il se confond dans les discours. Ce Centre Départemental de Dépistage et de Prévention Sanitaire s’avère ainsi d’autant moins visible qu’il existe dans l’ombre de l’hôpital.

23 Par ailleurs, en dépit du fait d’habiter, étudier ou travailler dans le département le plus touché par la tuberculose en France, les personnes rencontrées ont signalé n’avoir reçu aucune information particulière sur cette maladie. Certains enquêtés déplorent sa non-médiatisation, disent n’en entendre « jamais parler », ou « brièvement » ; « On parle beaucoup plus d’Ebola, de MST, de VIH mais pas de la tuberculose ». D’autres font état de « rumeurs » ou d’« échos » consécutifs à l’épisode de cas groupés de tuberculose à Villetaneuse.

24 Enfin, la possibilité d’être contaminé sans manifestation de symptôme rend la tuberculose peu visible dans les corps. « Je vais bien » disent les sujets-contacts sollicités pour un dépistage. « Ma famille va bien » assurent certains malades. Cette invisibilité dans les corps se surajoute à celle constatée dans l’espace public et dans les discours, contribuant ainsi à faire de la tuberculose une maladie marginalisée.

Des outils de communications inadéquats et peu attractifs

25 Les principaux outils de sensibilisation à la tuberculose sont des affiches, des brochures et des prospectus. Aussi indispensables soient-ils, ces outils s’avèrent à eux seuls insuffisants. Lors d’une journée de sensibilisation organisée au cœur d’une université autour d’un stand sur lequel étaient mis à disposition divers prospectus et brochures sur la tuberculose et sur les IST ainsi que des préservatifs, la plupart des étudiants passaient devant le stand sans s’y arrêter ou s’arrêtaient uniquement pour prendre des préservatifs. Les préservatifs – objets utiles, consommables et, ici, gratuits – sont sans conteste plus attractifs que les documents sur la tuberculose. Ces derniers ne suffisent pas à rendre interactive et dynamique l’activité de sensibilisation, ce qui est pourtant d’autant plus important qu’il s’agit de redonner une existence à une maladie pensée disparue. Autre détail : sur les affiches utilisées pour informer d’une activité de dépistage sur un lieu spécifique (foyers par exemple), les logos ou les noms des institutions (Agence Régionale de la Santé, Conseil Général…) qui produisent ces affiches peuvent susciter l’inquiétude des populations, particulièrement celles qui sont en situation irrégulière.

26 Ces outils s’avèrent ainsi peu attractifs et parfois en inadéquation avec la population ciblée pouvant produire des effets dissuasifs plus qu’incitatifs. À l’inverse, des activités de sensibilisation réalisées au plus proche des publics, dans le cadre d’échanges conviviaux entre professionnels et publics, sont mentionnées comme plus efficaces par les professionnels rencontrés.

La proximité avec la maladie : un gage de préoccupation

27 Les propos recueillis parmi les jeunes montrent que la proximité avec la maladie peut générer une prise de conscience pouvant faire de la tuberculose une réelle préoccupation. Cette proximité peut être géographique : dès lors que la tuberculose survient au cœur de la cité, dans le quotidien des individus. L’un des jeunes rencontrés explique : « Avant l’épisode de Villetaneuse ? Non, je n’en avais pas entendu parler. Comme ça nous touchait pas nous, donc on s’y intéressait pas vraiment, mais une fois que ça arrive à Villetaneuse, il faut s’en soucier ! ». De façon similaire, la proximité relationnelle peut entrer en ligne de compte : la maladie d’un proche résonne comme la possibilité d’être soi-même contaminé : « Si mon frère l’a eue, c’est que ça peut arriver à tout le monde ! », explique un jeune. La tuberculose peut également préoccuper dès lors que les informations diffusées créent une réaction émotionnelle forte chez les jeunes. Certains ont également mentionné la nécessité de « voir » la maladie. Les symptômes, les radios des poumons, le port du masque, les médicaments, matérialisent la maladie et contribuent ainsi à lui donner une existence.

Les enquêtes sujets-contacts : catalyseur de difficultés

28 Un diagnostic de tuberculose est systématiquement suivi d’une enquête sujets-contacts visant à évaluer le niveau de risque de transmission dans l’entourage et déterminer les proches du malade à dépister [9].

Identifier, contacter, mobiliser : un contexte d’énonciation peu propice

29 Afin d’établir une liste de sujets-contacts, les infirmières du Centre Départemental de Dépistage et de Prévention Sanitaire procèdent à un entretien – souvent téléphonique plus qu’au chevet du malade lors de son hospitalisation [9] – avec le malade, appelé le « cas index ». La difficulté est alors d’amorcer un dialogue avec ce malade pour identifier son réseau de relations sociales – évaluer la proximité, la fréquence, la durée et l’intensité des relations – sans éveiller ni suspicions, ni réticences de l’interlocuteur. Si certaines soignantes s’efforcent de ne pas parler de tuberculose d’emblée – en se présentant par exemple comme infirmières dans un « centre santé ou de dépistage mais sans préciser que c’est de la tuberculose » – elles sont néanmoins souvent confrontées à la méfiance des interlocuteurs, un refus de parler, voire des accusations dès lors qu’elles s’enquièrent de l’identité des « sujets-contacts ». Car, si l’entretien est présenté comme confidentiel et le maintien de l’anonymat du cas index assuré tout au long de l’enquête, certains enquêtés déplorent d’avoir à donner l’identité de leurs proches – particulièrement s’il s’agit de personnes en situation irrégulière – et craignent d’être stigmatisés. Certains hésitent voire refusent de dévoiler l’identité de leurs contacts de peur que l’enquête ne leur porte préjudice.

30 La prise de contact téléphonique avec les sujets-contacts n’est pas plus aisée : les infirmières doivent se présenter et présenter l’objet de leur appel – évaluer le risque de contamination et proposer un dépistage – à des inconnus. S’y ajoute la difficulté pour elles de faire adhérer leurs interlocuteurs à la démarche préventive proposée : consulter pour éviter de tomber malade. L’absence de signe clinique est parfois mise en avant par les sujets-contacts comme gage de leur bonne santé et de l’inutilité du dépistage.

31 En définitive, l’enquête sujets-contacts revêt une dimension intrusive particulièrement difficile à traiter dans le cadre d’une prise de contact téléphonique, sur un sujet sensible comme la tuberculose et sa contagion, et dans un cadre d’urgence sanitaire qui est perçu par les professionnels de santé mais pas par la population.

Relancer les sujets-contacts : appels téléphoniques et courrier, des outils « coûteux »

32 En cas de non réponse des sujets-contacts sollicités pour un dépistage, le personnel du Centre Départemental de Dépistage et de Prévention Sanitaire procède à des rappels par téléphone puis par courrier. Ce travail de relance s’avère fastidieux et coûteux. Il est chronophage, parfois vécu comme une perte de temps car peu efficace. Certaines infirmières relatent des menaces au cours de relance par téléphone d’interlocuteurs qui se disent « harcelés » et revendiquent le droit d’être « tranquille ». Les courriers, perçus par les infirmières comme « moins violents » que les appels téléphoniques, peuvent quant à eux susciter l’inquiétude ou l’incompréhension des personnes qui les reçoivent. Ils s’avèrent également peu adaptés aux personnes ne sachant pas lire ou craignant le contact avec les institutions faute d’être en situation régulière, ou encore à celles qui changent souvent d’hébergement. Au final, ces relances alimentent la méfiance des individus à l’égard des soignants et du système de soin. Elles contribuent à l’usure des professionnels et renforcent sans doute les incompréhensions entre soignants et public ciblé.

L’organisation du dépistage actif à l’épreuve des contraintes locales

33 Après avoir identifié les sujets-contacts, le personnel des centres de dépistage organise le dépistage de ces personnes. Certaines enquêtes autour d’un cas implique de rechercher des cas de tuberculose dans des collectivités (école, entreprise, etc.) [9]. Des obstacles ont pu être identifiés dans l’organisation de ce type de dépistage.

De la difficulté pour les professionnels de concilier des enjeux parfois contradictoires

34 Médecins, infirmières et médiateurs en charge du dépistage actif peinent avant tout à (ré)introduire la question de la tuberculose dans les structures dans lesquelles ils interviennent suite à l’identification d’un cas index. La proposition d’un dépistage introduit la notion de contagion. Elle peut donc susciter incompréhensions et inquiétudes parmi les publics ciblés et leurs proches. En témoigne par exemple la succession d’appels téléphoniques de parents d’élèves « inquiets » à la lecture d’un courrier d’information qui leur était adressé en vue d’un dépistage en milieu scolaire. L’enjeu est alors pour les professionnels du centre de dépistage ayant envoyé ce courrier, d’« informer sans faire paniquer » : il faut informer sans toutefois révéler l’identité du cas index, rassurer (« il y a peu de chance que l’enfant soit contaminé ») tout en convaincant de la nécessité du dépistage en dépit de ce « peu de chance » d’être infecté.

35 Par ailleurs, les actions de dépistage peuvent avoir lieu dans des structures aussi variées en termes d’organisation et de public qu’une entreprise, une école ou un foyer de migrants. Or, la mise en place d’un dépistage doit être pensée selon le mode de fonctionnement de la structure d’accueil, de ses liens avec d’autres institutions, de ses rapports aux usagers, etc. Les professionnels du dépistage sont alors dans une situation de dépendance vis-à-vis, non seulement des sujets-contacts qu’il leur faut identifier, mais aussi de la structure dans laquelle ils interviennent. Ils ont alors à « solliciter tout le monde », négocier avec une pluralité d’acteurs pour mettre en place leur action. Mais, comme le dit l’un d’entre eux, « sans avoir aucun pouvoir ! » pour introduire un sujet aussi sensible que celui de la tuberculose. Pourtant, de cet ancrage initial de l’activité de dépistage dans le contexte local à travers la mobilisation des acteurs locaux, dépendent la qualité et l’efficacité de l’activité.

36 À ces contextes d’intervention variés correspondent également des publics variés. Les professionnels du dépistage sont amenés à intervenir tant auprès d’enfants que d’adultes, de Roms que de migrants originaires d’Afrique de l’ouest. Pour les informer et les accompagner dans la démarche de dépistage, il faut se faire comprendre – ce qui pose des problèmes de langue – décrypter les codes, les manières d’être et d’agir de chacun pour adapter au mieux l’intervention. Certains professionnels se sont dits « démunis », « non outillés » pour mener à bien leur mission faute des compétences et des connaissances nécessaires.

37 Enfin, certains professionnels ont souligné « la distance » à gérer entre des demandes d’interventions sur tout le département et auprès d’un maximum de personnes et leur nécessaire implication à un niveau micro-local et individuel pour mettre en place chaque action de dépistage. La variété des échelles spatiales et temporelles contraint ainsi les professionnels à tenir compte simultanément tant de l’environnement immédiat (temporalité locale, contraintes linguistiques, etc.) des populations auprès desquelles ils interviennent que de l’urgence sanitaire perçue au niveau du département. L’ajustement se fait parfois au détriment de l’articulation de l’activité de dépistage au contexte local.

Un exemple d’articulation délicate des activités de dépistage au contexte local : le cas de Villetaneuse

38 En 2012, suite à un cas de tuberculose identifié dans une école de Villetaneuse, un dépistage actif est mis en place au sein de cette école. Sont alors sollicités par le Centre Départemental de Dépistage et de Prévention Sanitaire : la médecine du travail au niveau de l’Éducation Nationale ainsi que le directeur de l’établissement scolaire et les enseignants. Une réunion d’information avec les parents d’élèves est organisée. Toutefois des acteurs-clés manquent à l’appel : les professionnels qui travaillent au sein de l’école mais dépendent du service de l’enseignement primaire de la Mairie et non de l’Éducation Nationale (c’est le cas des animateur des activités périscolaires par exemple) ; le personnel communal (service de l’enseignement primaire et service de la santé et de la petite enfance de la Mairie de Villetaneuse) ; et enfin, les services de médecine de proximité tels que la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et Point Accueil Prévention Sanitaire (PAPS). Ceux-ci ne seront informés que tardivement de la mise en œuvre de l’activité de dépistage. De plus, si des structures de proximité telles que le club de foot ont été sollicitées pour le dépistage, d’autres, parmi lesquels le Point Information Jeunesse (PIJ), n’ont jamais été informées, en dépit de leur fine connaissance du terrain et des publics. Ces défauts d’information attestent d’une réelle difficulté d’articuler les actions de dépistage actif au contexte local. Les lacunes dans l’identification des acteurs locaux à mobiliser ainsi que le manque de sollicitation des réseaux de communication préexistants ont entravé la diffusion de l’information au sein des collectivités locales et dans les populations. Un tel contexte a favorisé l’émergence de tensions entre les professionnels du dépistage et les acteurs locaux, de rumeurs et d’incompréhensions parmi les populations produisant des effets de panique et rendant les conditions de dépistage particulièrement difficiles.

Discussion

39 Des obstacles à la sensibilisation et au dépistage de la tuberculose sont identifiés, dans cette étude, tant au niveau des pratiques de dépistage et de leur organisation que de la difficile communication autour de la maladie. Trois obstacles majeurs sont mis en évidence : premièrement, l’écart entre l’absence de préoccupation autour de la tuberculose dans la population générale et le risque sanitaire qu’elle peut constituer à un moment donné, en cas d’épidémie ou de « cas groupés » ; deuxièmement, l’inadaptation des outils de communication aux publics ciblés et leur manque d’attractivité, qu’il s’agisse des outils de sensibilisation pour un large public ou de ceux visant à mobiliser les sujets ayant été en contact avec la tuberculose pour les conduire au dépistage ; troisièmement, un manque d’articulation des actions de dépistage aux contextes locaux dans lesquels elles se déroulent.

40 Cette étude montre que la tuberculose demeure une maladie marginalisée, c’est-à-dire en marge des préoccupations individuelles, sociales et politiques, renouvelant ainsi un constat mis en avant dans différents travaux [2, 17]. Les auteurs s’accordent sur le fait que la tuberculose, qualifiée d’« objet disparaissant » ou encore de « fléau oublié », a cessé d’inquiéter l’opinion et les gouvernements dès lors que le nombre de cas dans les pays riches a diminué et que la maladie est restée confinée aux « rangs des pauvres », dans les populations marginalisées. Plus récemment, J. Kehr décrit la tuberculose comme une « maladie sans avenir » [14], en marge des innovations techniques et thérapeutiques, laissant ainsi présager d’une marginalisation de la tuberculose dans le domaine de la recherche scientifique. La présente étude, à travers une analyse des discours sur la tuberculose et des pratiques de dépistage, met en évidence la dimension locale de la marginalisation de cette maladie, ainsi que les mécanismes de production, voire de reproduction, de cette marginalisation.

41 En effet, si la tuberculose peut être considérée marginale au regard de sa faible représentativité statistique comparativement à d’autres maladies en France, sa marginalisation apparaît (re)produite socialement et politiquement dans le département de la Seine-Saint-Denis. Le manque de sensibilisation des populations, le manque de visibilité de la lutte contre la tuberculose dans l’espace public, la production d’outils peu attractifs et inadaptés, la persistance de représentations d’une maladie pensée lointaine et disparue, le manque d’ancrage des actions de dépistage dans le territoire local et de collaboration entre les professionnels du dépistage et les acteurs qui interviennent au plus près des publics sont autant d’éléments qui, ensemble, cumulés et articulés, renforcent la marginalisation de cette maladie et constituent des freins au dépistage. Enfin, la diminution des budgets alloués à la lutte contre la tuberculose en Seine-Saint-Denis depuis 2014 laisse présager de la pérennité de cette marginalisation.

42 Dans ce contexte, l’introduction de la tuberculose dans le débat et l’espace public, que ce soit dans le cadre d’actions de dépistage actif ou d’enquêtes sujets-contacts, peut se heurter à un manque de considération et de mobilisation des populations concernées ou, au contraire, résonner comme une « résurgence » effrayante de la maladie. L’un des défis majeurs actuels pour améliorer la sensibilisation et, avec elle, l’accès au dépistage, est de rendre la tuberculose plus acceptable et visible, la faire passer d’une maladie du passé et de l’ailleurs à une maladie de l’ici et maintenant, une maladie du présent et de l’ordinaire, en dépit du fait qu’elle est statistiquement peu représentée. Pour ce faire, l’ensemble des professionnels rencontrés mettent en avant la nécessité de renouveler les outils de communication en proposant des outils plus interactifs et de privilégier les échanges directs avec les populations en mobilisant les réseaux de proximité ainsi que les personnes-relais sur le terrain issues d’autres secteurs que celui de la santé. De plus, la communication autour de la tuberculose est encore très médicalisée : la tuberculose est abordée en termes de « risque d’être infecté », « risque de maladie », de « traitement », de « guérison ». La notion de risque est certes passée dans le langage commun, elle n’en demeure pas moins le produit d’un « formatage médical » qui impacte le langage commun et laisse présager de la prééminence des logiques biomédicales à l’œuvre. En témoignent les recommandations du Programme National de Lutte contre la Tuberculose centrées sur les activités de sensibilisation et de soins qui parviennent difficilement à aborder la dimension sociale de la tuberculose [1]. Or, la seule dimension biomédicale s’accorde assez mal avec la maladie sociale que constitue la tuberculose et avec le public-cible. Ces résultats incitent à repenser les mots et les outils de la sensibilisation, ainsi que les pratiques de dépistage en les adaptant aux contraintes locales mais aussi aux contextes de vie, aux manières d’être et de faire des populations ciblées.

43 Cette étude met également en exergue la difficulté de mener à bien les enquêtes sujets-contacts. Ce constat corrobore les résultats d’une enquête menée en 2003 auprès de 84 services français de lutte antituberculeuse qui montre que moins de 15 % des départements réalisent systématiquement toutes les enquêtes autour d’un cas [18]. Les enquêtes prises en compte dans notre étude sont réalisées par téléphone, plus qu’en face à face lors d’une visite au chevet du malade comme le stipulent les recommandations [9]. Si les infirmières justifient cette pratique par la possibilité d’assurer à la fois une présence continue dans le centre de dépistage et la réalisation des enquêtes sujets-contacts, elles déplorent néanmoins la difficulté d’instaurer un dialogue par téléphone : « je préfère me déplacer, que le patient me voit. Le dialogue est plus facile » explique l’une d’elles. L’entretien téléphonique accroît sans doute la difficulté initiale de conduire l’enquête. Notre étude montre que les enquêtes réalisées par téléphone s’avèrent coûteuses pour les professionnels et parfois difficilement acceptées par la population. Elles catalysent des difficultés qui sont liées à la fois à la spécificité de la tuberculose – une maladie marginalisée et contagieuse – et aux difficultés et à la méfiance de certains publics compte tenu des situations de précarité rencontrées. Ces dimensions, « bactériologiques et sociales », sont également celles que J. Kehr met en évidence pour expliquer certaines pratiques d’enquête sujets-contacts réalisées en face à face [19]. L’auteure montre que la situation sociale de l’individu interrogé et la complexité de sa vie – en plus de la dimension bactériologique – déterminent les conditions de réalisation de l’enquête. Elles la rendent possible ou la limitent, selon les personnes à prendre en charge car « les conséquences de la visibilité sociale d’une bactérie, de la mise à jour de la tuberculose, ne sont pas les mêmes pour tout le monde » [19]. La position sociale de l’individu dans la société et son identité sociale semblent déterminantes. Notre étude montre que pour certaines personnes – souvent les plus marginalisées, qui sont aussi les plus touchées – les enquêtes sujets-contacts, plus que de créer des liens entre population et soignants, peuvent contribuer à créer au contraire méfiance et distance, compromettant ainsi la démarche de soins qui leur est proposée. Les infirmières, soucieuses de « ne pas forcer » les publics, cessent alors l’enquête. Ces situations de blocage, fréquentes et problématiques [19], gagneraient à faire l’objet de recommandations [9] afin d’éviter que les liens entre soignants et publics ne se délitent plus.

Conclusion

44 Mettre en évidence les obstacles à la prévention et au dépistage de la tuberculose amène à un constat : la difficulté de la lutte contre la tuberculose. Représentations négatives associées à la maladie, peurs de la contagion et de la stigmatisation, difficulté à trouver les termes pour en parler sont autant de constantes d’une étude à l’autre. Le présent travail confirme des difficultés de sensibilisation et la marginalisation de cette maladie dans l’espace public certes, mais il met également en évidence les limites de la mise en œuvre pratique des activités de dépistage et de sensibilisation. Enfin, il incite à développer de nouvelles grilles de lecture de cette maladie, un autre vocabulaire, d’autres outils et modes de communication. Il incite également à questionner les pratiques de dépistage et à sensibiliser les professionnels impliqués dans le dépistage aux difficultés de terrain.

45 Aucun conflit d’intérêt déclaré

Remerciements

Cette étude a été conduite dans le cadre de l’étude « Cas groupés de tuberculose à Villetaneuse : identifier et comprendre les obstacles à la prévention et au dépistage de la tuberculose » financée par l’INPES et menée sous la direction scientifique d’Annabel Desgrées du Loû (IRD-CEPED). Les auteures remercient vivement les partenaires de cette étude : le Conseil Général du département de Seine-Saint-Denis et la Mairie de Villetaneuse, ainsi que les personnes enquêtées (patients, professionnels de santé, acteurs communaux et associatifs, jeunes), les structures associatives, services de soins et centres de dépistage ayant participé à l’enquête, l’INPES et le Ceped.
Français

L’incidence de la tuberculose en Seine-Saint-Denis dépasse largement la moyenne nationale. Le Nord-Ouest du département est particulièrement touché. Les équipes en charge du dépistage y rencontrent des difficultés pour communiquer autour de la maladie, atteindre les populations concernées et susciter leur adhésion à la proposition de dépistage. L’objectif de cette étude était d’identifier et comprendre les obstacles à la prévention et au dépistage de la tuberculose.
Une étude qualitative a été menée par observation des actions de dépistage en Seine-Saint-Denis et par entretiens semi-directifs auprès de professionnels de santé en charge du dépistage, d’acteurs communaux ou associatifs et auprès de la population concernée.
Les obstacles à la sensibilisation et au dépistage apparaissent liés d’une part aux modalités d’organisation et de mise en œuvre du dépistage et, d’autre part, aux difficultés de communication sur cette maladie. Trois obstacles majeurs sont mis en évidence : premièrement, l’écart entre le peu d’importance accordée en général à cette maladie et la crise sanitaire qu’elle peut constituer à un moment donné en cas d’épidémie ; deuxièmement, l’inadaptation des outils de communication aux publics ciblés et leur manque d’attractivité ; troisièmement, un manque d’articulation des actions de dépistage aux contextes locaux dans lesquels elles se déroulent.
L’étude met en évidence la marginalisation individuelle et sociale de la question de la tuberculose et les mécanismes de production de cette marginalisation. Elle incite à développer des outils et des modes de communication plus interactifs et à sensibiliser les professionnels impliqués dans le dépistage aux réalités locales de terrain.

Mots-clés

  • tuberculose
  • dépistage
  • sensibilisation
  • Seine-Saint-Denis
  • recherche qualitative

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Séverine Carillon
  • [1]
    UMR CEPED – 196 IRD – Université Paris Descartes –ERL INSERM 1244 Sage Sud – 45 rue des Saints-Pères – 75006 Paris – France.
Annabel Desgrées du Loû [1]
  • [1]
    UMR CEPED – 196 IRD – Université Paris Descartes –ERL INSERM 1244 Sage Sud – 45 rue des Saints-Pères – 75006 Paris – France.
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/05/2017
https://doi.org/10.3917/spub.172.0157
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