1 Ce numéro de Retraite et société est le quatrième consacré à la question des femmes et de leur retraite [1]. La récurrence de ce thème depuis une dizaine d’années montre à quel point le sujet est devenu fondamental. Si l’on pouvait lire, dans le numéro de 2004 [2], que « depuis les années 1980, la question de l’égalité entre hommes et femmes à la retraite est [en effet] peu apparue dans les débats, en particulier lors des réformes intervenues au début des années 1990 dans les régimes de salariés du secteur privé », on constate depuis des évolutions. La question des femmes, plus particulièrement sous l’angle de l’égalité avec les hommes, est désormais présente dans le domaine des retraites. Elle est revenue de manière régulière sur le devant de la scène, notamment lors des discussions sur les réformes. Par exemple, depuis 2003, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale publie à ces occasions des rapports intégrant la dimension du genre dans la réflexion sur les retraites. Dans la loi du 9 novembre 2010 [3], le 1er article réaffirme les objectifs que poursuit le système de retraite par répartition : maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, lisibilité, transparence, équité intergénérationnelle, solidarité intragénérationnelle, pérennité financière, progression du taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans et réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes. L’écart de pension est devenu un indicateur du programme de qualité et efficience « Retraites » [4]. On peut regretter que la question des femmes reste toujours peu abordée au regard de la place qu’occupent les retraites dans le débat public depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années, même si des progrès ont été faits dans la connaissance des écarts et des raisons associées.
2 Dès 1996, la revue Retraite et société (numéro 13) abordait de nombreux points qui se retrouvent dans la réflexion actuelle. Ce numéro mettait en évidence les écarts de retraite importants entre hommes et femmes, en lien avec les caractéristiques des parcours professionnels féminins (moindre investissement des femmes dans la sphère professionnelle), mais également le rôle important joué par la pension de réversion. En outre, l’avant-propos abordait la question de la redistribution induite par le système de retraite, redistribution dont les femmes bénéficient largement et qui semble naturelle. On pouvait ainsi lire : « La redistributivité des retraites en faveur des femmes peut donc apparaître comme la légitime contrepartie des services non marchands rendus au sein de la famille. » [5]
3 Étudier les droits à retraite des femmes reste indissociable des travaux sur leurs trajectoires professionnelles, les deux étant mécaniquement liés. L’attention portée à la question des femmes a d’ailleurs certainement été renforcée lorsqu’on a pris conscience que la progression importante de l’activité féminine, observée depuis les années 1970, ne suffirait pas en l’état à réduire les écarts de retraite entre hommes et femmes, contrairement à ce que l’on pouvait penser jusqu’alors. Si cette réduction est en effet bien présente dans les résultats des exercices de projection, il demeure néanmoins un écart pour les générations qui liquideront leurs droits à l’horizon 2040. Comprendre la persistance de ces différences amène à se pencher sur les évolutions du marché du travail [6]. En effet, la réduction des écarts sur le marché du travail, qui représente l’une des clés de la réduction des écarts de pension, semble stagner depuis une quinzaine d’années. Si, à tout âge, le taux d’activité des femmes tend à s’accroître au fil des générations, depuis le milieu des années 1990, la progression de l’activité féminine se ralentit avec la persistance des interruptions d’activité liées aux naissances. Dans les générations actuellement en activité, s’il est désormais rare pour une femme de rester au foyer, il demeure fréquent qu’une femme s’arrête temporairement de travailler après une naissance. Ainsi, 38 % des femmes ne travaillent pas après une première naissance, 51 % après une deuxième et 69 % après une troisième [7]. L’activité continue ainsi de progresser mais à un rythme ralenti. Par ailleurs, l’emploi à temps partiel s’est largement répandu. Si 15 % des femmes étaient dans cette situation au début des années 1980, on en compte le double à la fin des années 1990 (depuis cette proportion est stable aux alentours de 30 %). En somme, si l’activité féminine au sens du BIT (emploi ou chômage) progresse toujours au fil des générations, quoique plus lentement pour les générations nées après 1965, l’emploi féminin mesuré en équivalent temps plein a cessé de progresser entre la génération 1955 et la génération 1970.
4 Enfin, les écarts salariaux persistent. S’ils diminuaient par le passé, ils ont pratiquement cessé de se réduire depuis le milieu des années 1990. Les disparités entre hommes et femmes sur le marché du travail sont elles-mêmes liées à une répartition dissymétrique des activités professionnelles et domestiques au sein du couple, principalement en présence d’enfants. Dans ce domaine aussi, les évolutions sont très lentes. D’après les enquêtes Emploi du temps de l’Insee, le temps consacré aux tâches domestiques par les hommes a augmenté de 9 minutes entre 1986 et 2010, celui des femmes a baissé de 23 minutes. Au total, la durée du temps domestique des femmes est encore supérieure de 70 % à celle des hommes (3 h 26 contre 2 h 00 par jour) et leur temps professionnel moindre [8].
5 Ces constats amènent naturellement à réfléchir aux projections de l’activité féminine. On peut faire l’hypothèse d’un prolongement de la situation actuelle ou le complet rattrapage des hommes par les femmes. Il est certain que ces hypothèses sont importantes, puisque la réduction des écarts de retraite entre hommes et femmes est inscrite en grande partie dans la convergence de l’activité, en termes de participation au marché du travail, de durée du travail et de salaire. Selon les dernières projections de population active de l’Insee qui extrapolent les tendances passées, les taux d’activité des femmes de plus de 45 ans devraient continuer à progresser pour rejoindre ceux des hommes d’ici 20 ans, mais ceux des femmes de moins de 45 ans devraient se stabiliser et rester de 10 à 15 points inférieurs à ceux des hommes [9].
6 Parallèlement à ces observations sur les évolutions de l’activité professionnelle, un deuxième constat important pour la question des droits à la retraite des femmes a été dressé au cours des dernières années. Le système de retraite comporte de nombreux dispositifs redistributifs qui conduisent à resserrer les écarts de pensions de droit direct entre hommes et femmes. Ces écarts seraient en effet plus importants dans un système purement contributif. Pour les femmes, les minima de pension (minimum contributif en particulier) et les droits familiaux et conjugaux constituent des éléments importants de cette redistribution. Suivre leur évolution et les effets potentiels devient alors essentiel.
7 Une attention particulière a ainsi été portée depuis quelques années sur les droits familiaux. Ces derniers induisent en effet une redistribution significative vers les mères de famille en rehaussant leur pension. Ils jouent un rôle particulièrement important sur les durées validées. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a consacré son 6e rapport à cette thématique [10]. Très riche, il a mis en évidence de nombreuses questions sur ces droits familiaux. En amont, se pose la question plus conceptuelle de la justification de l’existence des ces droits : pourquoi faut-il tenir compte du fait que les trajectoires des femmes sont perturbées par la présence d’enfants ? Qu’est-ce qui relève d’inégalités subies ou choisies ? Et si l’on accepte d’en tenir compte, jusqu’où faut-il aller ? Si, en France, on s’accorde généralement sur la légitimité de ces dispositifs, on reste confronté à des questions plus pratiques de modalités de mise en œuvre. Les choix opérés sur les droits familiaux peuvent être difficiles, car ils renvoient à la question plus large des modèles familiaux de référence (vision de la famille et de la position de la femme dans la société). Ces choix sont aussi délicats car la population des femmes est hétérogène, aussi bien en termes de durée et de profils de carrière que de rémunérations [11]. Cela peut, par exemple, rendre difficile la généralisation des résultats obtenus pour les générations sur lesquelles on possède les informations, à la population dans son intégralité. Par ailleurs, les dispositifs ont été conçus dans un contexte particulier et sont donc appelés à être repensés. Il faut enfin souligner que ces choix sur les droits familiaux sont contraints par l’environnement budgétaire. Il est intéressant d’observer que ce débat est également soulevé dans la plupart des autres pays européens, confrontés eux aussi à des droits propres plus faibles pour les femmes et à des réformes visant à renforcer la contributivité du système [12]. Pour terminer, il faut souligner que cette question de droits propres des femmes se pose par ailleurs dans un contexte de fortes évolutions des comportements démographiques et conjugaux. La population de retraités, hommes et femmes, se modifiera dans les années à venir sous l’effet de l’érosion du modèle du « couple marié stable ». Elle ne sera plus composée uniquement de couples et d’individus veufs bénéficiant, au décès de leur conjoint, d’une pension de réversion qui modère la baisse de leurs ressources, mais aussi de célibataires et de divorcés/séparés pour lesquels la pension de réversion ne jouera pas (ou peu). Ces évolutions soulèvent alors une question complémentaire : s’il est certain que les pensions de droit direct des femmes progressent au fil des générations, sans toutefois rattraper celles des hommes, quelles seront les conséquences de ces évolutions démographiques et conjugales sur les écarts de niveau de vie à la retraite entre hommes et femmes ?
8 Évaluer et réfléchir à la situation des femmes, aujourd’hui et en projection, est un exercice complexe, demandant des recherches supplémentaires. C’est l’objet de ce nouveau numéro de Retraite et société. En effet, la pension de droit direct reflète l’intégralité de la trajectoire professionnelle, de l’insertion sur le marché du travail aux comportements de liquidation des droits. Si appréhender une grande partie du cycle de vie est aussi difficile pour les hommes que pour les femmes, dans un contexte de modifications majeures sur le marché du travail et de réformes des retraites, la population des femmes présente des particularités. Les générations qui se succèdent ne se ressemblent pas. Dans l’évaluation de leurs droits se mêleront alors, en plus de l’évolution du marché du travail et de l’impact des réformes (qui visent à accroître la contributivité du système), des effets de génération (en termes de comportements d’activité et de fécondité) et de dispositifs qui les concernent plus particulièrement et qui montent en charge (telle l’AVPF [13]). Les articles de ce numéro permettent d’éclairer des moments clés de la trajectoire d’activité (retraite, maternité et reprise d’activité, fins de carrière) en tenant compte de la diversité des générations. Il faut noter que la plupart de ces interrogations peuvent être désormais traitées en raison du développement de bases de données très riches, aussi bien en termes d’informations que de taille de la population (EIC, EIR, données administratives Cnav). Parmi les outils de projection, les modèles de microsimulation permettent de tenir compte de la dispersion des situations individuelles, et donc de mieux modéliser les évolutions de carrière et de droits à la retraite, ainsi que d’étudier des aspects redistributifs. Plusieurs études de ce numéro s’appuient sur ces outils.
9 Dans le premier article, Christophe Albert et Catherine Bac analysent les écarts de pension au régime général entre les hommes et les femmes en 2009 et pour les futurs retraités de 2029 à l’aide de projections réalisées à partir du modèle de microsimulation dynamique Prisme. Parmi les retraités du régime général n’ayant connu au cours de leur carrière que le statut de salarié du secteur privé, les pensions des femmes sont de 33 % inférieures à celles des hommes en 2009. Cet écart se réduirait à 24 % en 2029. L’analyse des éléments du calcul de la pension montre qu’en 2009, les écarts de salaires jouent un rôle important mais que les différences de durées de carrière renforcent, surtout pour les femmes qui liquident à 65 ans, l’écart de pension. En comparant les résultats de 2029 à ceux de 2009, les durées des femmes rejoignent celles des hommes, en partie grâce aux dispositifs de droits familiaux, mais aussi en raison de durées plus faibles pour les hommes. En 2029, les différences entre les pensions au régime général s’expliquent principalement par une moindre rémunération des femmes au cours de la vie active.
10 Malgré la participation croissante des femmes au marché du travail, les naissances demeurent des moments charnières de leur vie professionnelle. Une part non négligeable d’entre elles interrompt momentanément son activité. Ariane Pailhé et Anne Solaz, dans le deuxième article, décrivent en quoi les naissances constituent des éléments de rupture dans les parcours professionnels des femmes. Les auteurs s’intéressent plus spécifiquement aux conditions de retour en emploi. En effet, l’interruption a un effet en soi, mais aussi, potentiellement, sur la poursuite de la carrière ; ce qui est particulièrement important en termes d’acquisition de droits à retraite. La prise en compte de l’hétérogénéité de la population des femmes est un autre point important, les effets des naissances pouvant varier selon certaines caractéristiques socio-économiques. Ainsi, à partir des données de l’enquête Familles et employeurs de 2005, les auteurs montrent que si les interruptions d’activité pour s’occuper des enfants augmentent et s’allongent au fil des naissances, le niveau d’instruction et la situation professionnelle occupée avant l’arrivée de l’enfant sont des éléments déterminants de la durée de cette interruption et leur rôle augmente avec le rang de naissance. Les plus diplômées reprennent plus rapidement un emploi, ce qui s’explique par la faiblesse du montant de l’allocation parentale d’éducation mais aussi, selon les auteurs, par une plus forte valorisation de la carrière « professionnelle » par rapport à la carrière « familiale ». Les conditions de l’emploi des mères avant la naissance jouent aussi un rôle déterminant. Plus la femme est éloignée de la norme (emploi standard à plein-temps) avant la naissance, plus elle risque de connaître une longue période d’inactivité, suivie d’un parcours professionnel précaire ou haché, après la naissance. Enfin, la reprise d’un emploi à temps partiel progresse avec le rang de naissance et dépend, en partie, des conditions du dernier emploi.
11 La plupart des travaux portant sur les écarts de carrière entre hommes et femmes ont porté sur les effets de la présence d’enfants. Peu nombreux sont ceux qui s’intéressent aux fins de carrière, malgré l’attention croissante portée à l’emploi des seniors. Or, on sait que les accidents de carrière rencontrés après 50 ans jouent un rôle important sur l’acquisition des droits et, en retour, sur la décision des individus de partir à la retraite. L’article de Benoît Rapoport comble ce manque en comparant les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes après 50 ans, pour les générations 1934, 1938 et 1942 (et plus ponctuellement pour 1946 et 1950). Les taux d’emploi diminuent après 50 ans et surtout après 55 ans, et les transitions vers la retraite peuvent se faire via des situations différentes : chômage, préretraite, périodes de maladie de longue durée ou d’inactivité sans aucune validation. Or, même si les différences entre hommes et femmes diminuent entre les générations 1934 et 1942, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir connu une période d’inactivité qui ne permet pas de valider de droits à la retraite. Cette différence de trajectoires conduit à une moindre accumulation de droits à pension et, par conséquent, à des départs à la retraite plus tardifs pour les femmes, y compris lorsqu’elles étaient dans la même situation que les hommes à 50 ans. Des durées d’activité moindres rendent les comportements de départ à la retraite des femmes plus sensibles concernant les trajectoires de fin de carrière de ces dernières.
12 L’autre élément constitutif des droits à pension, en plus de la durée, est la rémunération. Toujours sur la population des 50 ans et plus, Virginie Andrieux et Cécile Chantel étudient la trajectoire salariale des hommes et des femmes en emploi après 50 ans. Cette analyse porte sur la génération née en 1942. Les femmes de cette génération ont des parcours professionnels différents de leurs cadettes, et se caractérisent surtout par une moindre qualification et une plus faible participation au marché du travail. À 50 ans, comme aux autres âges, leur niveau de salaire est plus faible que celui des hommes. Cependant, la dynamique des salaires après cet âge apparaît plus favorable à la population féminine, que ce soit dans le secteur public ou privé, en particulier pour les bas salaires. Ce phénomène conduit à un léger resserrement de l’écart de rémunération en fin de carrière, ce dernier restant néanmoins important. Les auteurs avancent plusieurs explications à ces trajectoires salariales de fin de carrière plus favorables pour les femmes. Les populations ne sont peut-être pas directement comparables, les femmes en emploi jusqu’à 55 ans par exemple étant moins nombreuses que les hommes et peut-être davantage « sélectionnées ». En effet, on peut penser que ces femmes avaient peut-être des perspectives salariales relativement favorables (ou qu’elles étaient davantage attachées à leur emploi). La plus forte évolution concernant les bas salaires peut être liée à la dynamique du Smic, qui concerne davantage de femmes que d’hommes. Mais on peut aussi imaginer, même si cela reste hypothétique et demanderait d’autres investigations, des phénomènes de « rattrapage » : la progression de salaire des femmes dans la première partie de leur carrière pouvant avoir été plus faible que celles des hommes.
13 Enfin, comme on le signalait précédemment, la question des femmes et de leur retraite est posée dans la plupart des pays européens. L’éclairage italien est intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le système de retraite a été profondément modifié en 1995 par un passage à un système en comptes notionnels. Par ailleurs, cette réforme, qui peut être plus pénalisante pour les femmes, ne s’est pas accompagnée comme dans d’autres pays d’une extension des droits familiaux, qui demeurent limités. L’article de Roberto Leombruni et Michele Mosca s’intéresse aux aspects redistributifs du système de retraite italien et montre que ceux-ci permettent de réduire les disparités de revenu sur le cycle de vie. Pour cela, il s’appuie sur un modèle de microsimulation et considère les assurés partis en retraite en 2004. En conclusion, les auteurs émettent des réserves quant à l’évolution future des droits des femmes. En effet, le nouveau système fondé sur le principe de la neutralité actuarielle leur est moins favorable. De plus, l’augmentation des familles monoparentales fragilise la situation des femmes au cours de la retraite, car ces dernières ne bénéficient ni du partage des ressources d’un conjoint, ni d’une pension de réversion.
14 La seconde partie du numéro complète les apports de ces cinq articles avec des questions plus spécifiques, toujours dans le cadre d’une comparaison entre hommes et femmes. Dans l’entretien, Jean-Michel Hourriez aborde la question de l’adaptation des droits familiaux aux évolutions des carrières féminines. Il revient sur l’importance des dispositifs de redistribution pour les femmes aujourd’hui retraitées, mais indique qu’ils devraient être repensés pour les futures générations. En effet, ils jouent aujourd’hui un rôle dans la réduction des écarts de durée entre hommes et femmes, alors que ce sont plutôt les écarts de salaire qui, à l’avenir, deviendront la cause principale des écarts de pension.
15 L’article de Jonathan Massela (rubrique « Faits et chiffres ») s’arrête sur un point de la législation du régime général : la validation d’un trimestre par tranche de revenu équivalent à 200 heures au Smic (dans la limite de 4 trimestres). Cette règle a souvent été avancée comme favorable aux femmes puisqu’elle permettait de valider 4 trimestres pour l’équivalent d’un peu moins d’un mi-temps au Smic sur l’année. En revanche, peu d’informations étaient jusqu’alors disponibles sur les individus avec une rémunération ne leur permettant pas de valider les 4 trimestres sur une année civile, on pense notamment aux faibles taux de temps partiel. Cette étude permet de combler en partie cette carence. L’auteur propose en particulier une définition de l’activité réduite en lien avec la validation des droits à la retraite. Il montre que cette situation est loin d’être négligeable pour la génération 1944 retenue dans l’analyse. Parmi ceux qui n’ont connu au cours de leur carrière que le statut de salarié du privé, l’activité réduite concerne 20 % des femmes contre seulement moins de 4 % des hommes. La durée de cette activité réduite est aussi plus longue en moyenne pour les femmes. L’effet négatif sur la pension des femmes concernées s’accompagne aussi d’un décalage de l’âge de la retraite, ces périodes d’activité réduite ne permettant pas toujours de valider une année complète.
16 Le travail d’Isabelle Bridenne et de Julie Couhin (rubrique « Faits et chiffres ») – dans la lignée des travaux sur les effets du renforcement de la contributivité du système de retraite sur les droits à la retraite des femmes – analyse deux dispositifs sous l’angle de leurs effets différentiés selon le genre. Il s’agit de la retraite anticipée, mise en œuvre par la réforme des retraites de 2003, et des évolutions récentes du minimum contributif avec, d’une part, la majoration pour les périodes cotisées issues de la réforme de 2003 et, d’autre part, le seuil de 120 trimestres cotisés pour pouvoir en bénéficier à compter de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009. Les auteurs font également un point sur le dispositif de la surcote. Les réformes successives ont cherché à renforcer le caractère contributif de la pension au régime général en privilégiant les durées cotisées par rapport aux autres, notamment aux durées acquises au titre des droits familiaux comme la majoration de durée d’assurance (MDA) ou l’AVPF. Ainsi, alors même qu’elles en sont les principales bénéficiaires, les femmes sont plus pénalisées que les hommes par les mesures récentes concernant le minimum contributif et partent moins souvent en retraite anticipée. En effet, si elles arrivent à remplir la condition de durée d’assurance, la deuxième condition portant sur la durée cotisée est plus restrictive pour les femmes, les durées validées au titre des droits familiaux étant exclues. En revanche, le dispositif de la surcote qui tient compte de la durée validée globale bénéficie presque autant aux femmes qu’aux hommes.
17 Enfin, dans la rubrique « Regard sur le droit », Marie-Thérèse Lanquetin et Brigitte Grézy montrent comment l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes a progressivement été intégrée dans le droit européen et français. Après un historique de la prise en compte du principe d’égalité des rémunérations, les différentes stratégies, comme la négociation collective et la jurisprudence, mises en œuvre pour aboutir à cet objectif sont analysées. Les blocages importants qui subsistent sont soulignés.
Notes
-
[1]
Les numéros en question sont respectivement le n° 13 en 1996, le n° 32 en 2000 et le n° 43 en 2004.
-
[2]
Brocas, 2004, « Les femmes et les retraites en France : un aperçu historique », Retraite et société, n° 43.
-
[3]
Loi n° 2010-1 330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
-
[4]
Ces programmes de qualité et d’efficience se présentent sous forme d’« objectifs/résultats » des principales politiques mises en œuvre dans chacune des branches de la sécurité sociale. Ils ont entre autres pour objectif de fournir des données, en particulier sous forme de différents types d’indicateurs, sur le contexte dans lequel ces politiques opèrent et sur les résultats qu’elles ont obtenus.
-
[5]
D’après Fito, 1996, avant-propos, Retraite et société, n° 13.
-
[6]
Le constat sur les évolutions sur le marché du travail est repris de Bonnet et Hourriez, 2012, « Inégalités entre hommes et femmes au moment de la retraite en France », Regards sur la parité, Insee.
-
[7]
Pailhé et Solaz, 2006, « Vie professionnelle et naissance : la charge de la conciliation repose essentiellement sur les femmes », Population et sociétés, n° 426.
-
[8]
Le champ est celui des actifs en emploi. Sont donc exclues les femmes inactives ou au chômage.
-
[9]
Filatriau, 2011, « Projections à l’horizon 2060 : des actifs plus nombreux et plus âgés », Insee Première, n° 1 345.
-
[10]
COR, 2008, Retraites : droits familiaux et droits conjugaux, 6e rapport, La Documentation française.
-
[11]
Ainsi, « au sein de la génération 1944, 31 % des femmes monopensionnées ont une carrière continue, contre 79 % pour les hommes. », in Vanriet, 2011, « Les écarts d’activité et de rémunération entre hommes et femmes : illustration avec la génération 1944 », Cadr@ge, n° 14, Cnav.
-
[12]
Bonnet et Geraci, 2009, « Comment corriger les inégalités de retraite entre hommes et femmes ? L’expérience de cinq pays européens », Population et sociétés, n° 453.
-
[13]
Voir Bac, 2011, « Articulation entre les branches famille et retraite : une illustration avec l’AVPF », Retraite et société, n° 61.