CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 L’allongement de l’espérance de vie s’accompagne d’une profonde transformation du réseau familial où domine désormais la lignée. De plus en plus d’enfants connaissent leurs grands-parents [1], voire leurs arrière-grands-parents, tandis qu’une proportion croissante de personnes retraitées ont encore leurs parents en vie. Dans les années soixante-dix, les interrogations sur la persistance des liens de parenté dans les sociétés industrielles concernaient essentiellement les relations entre les parents et leurs enfants jeunes adultes. Il s’agissait alors d’infirmer les thèses de T. Parsons, en montrant que la famille nucléaire n’était pas isolée de son réseau de parenté et que les échanges et services perduraient au-delà de la décohabitation des enfants. Louis Roussel (1976) et Catherine Gokalp (1978) avaient mis en évidence l’étonnante proximité géographique des parents et de leurs enfants devenus adultes, confirmant ainsi les travaux précurseurs de Young et Willmott (1957). Au cours des années quatre-vingt-dix, émergeaient les questions de l’impact des changements sociodémographiques sur les relations familiales, dans un contexte de remise en cause de l’État providence et de crise économique. On se demandait alors si la montée de l’individualisme allait de pair avec l’affaiblissement de l’entraide familiale. Les recherches sur la famille étendue se sont multipliées et de grandes enquêtes ont été réalisées à l’Ined [2], à l’Insee [3] et à la Cnav [4]. Elles ont mis en évidence les nombreux liens qui unissent les générations, même si les relations que les enfants adultes entretiennent avec leurs parents sont très diverses, voire ambivalentes. Certains ont pris leur distance, d’autres au contraire maintiennent des relations très étroites avec leur famille d’origine. Au seuil du XXIe siècle, les questions de recherche concernent non seulement les liens entre parents et enfants mariés mais également la place des grands-parents dans la société (Attias-Donfut, Segalen, 1998), l’environnement familial des personnes âgées (Delbès, Gaymu, 2003), notamment des personnes dépendantes (Désesquelles, Brouard, 2003). Les travaux précédents ont montré que les relations entretenues par les personnes âgées avec leurs proches dépendent des histoires conjointes des membres de la famille (Gotman, 1999). Aussi, la question des relations familiales nécessite-t-elle de dépasser l’analyse dans laquelle le rôle de la famille est réduit aux seules fonctions de fournisseur de services et de pourvoyeur de capital social.

2C’est pourquoi certains chercheurs proposent d’autres concepts, comme l’entourage, pour mieux saisir le groupe de sociabilité des personnes, réseau au sein duquel les individus ont interagi au cours de la vie puis au seuil de la vieillesse. Le concept d’entourage vise à élargir le groupe de référence de l’individu en tenant compte du réseau des parents, des frères et sœurs, des enfants corésidents ou non, des conjoints et de leurs parents ainsi que de toutes les personnes avec lesquelles l’individu a corésidé à un moment de sa vie et d’autres personnes qui, apparentées ou non, ont joué un rôle clef dans la vie des enquêtés (Bonvalet, Lelièvre, 1995; Lelièvre et al., 1997).

3Ainsi le concept d’entourage mis en œuvre dans l’enquête « Biographies et entourage » [5] devrait-il nous permettre de mieux cerner les échanges entre générations, l’inscription territoriale de ce réseau et son évolution au fil du temps, la grande majorité des personnes interrogées ayant eu tour à tour la place d’enfant et de petit-enfant, de parent, puis de grand-parent. Dans cet article, nous traiterons dans un premier temps des relations que les enquêtés entretiennent avec leurs parents [6], et plus largement avec leurs ascendants (parents et beaux-parents). Nous restreignant à l’échantillon des enquêtés âgés de plus de 60 ans, nous envisagerons également leurs relations familiales avec leurs enfants. Cela nous permettra de dresser un tableau complet où les enquêtés âgés de 50 à 70 ans en 2000 sont d’abord considérés dans leur implication vis-à-vis de parents dont l’espérance de vie a fortement augmenté mais qui rencontrent des problèmes de santé et de perte d’autonomie aux âges élevés; puis, pour les enquêtés les plus âgés (de 60 à 70 ans), nous examinerons les liens de sociabilité entretenus avec leurs enfants.

Présentation de l’enquête « Biographies et entourage »

L’enquête « Biographies et entourage » a été collectée par l’Institut national d’études démographiques (Ined) de mars 2000 à septembre 2001. Elle reconstitue les histoires familiales, résidentielles et la vie active de 2 830 Franciliens nés entre 1930 et 1950, ainsi que celles de leurs parents, conjoints, frères et sœurs, mais aussi de leurs enfants et petits-enfants. Cet échantillon aléatoire tiré du recensement de 1999 est représentatif de la population de ce groupe d’âge en Île-de-France. La notion d’entourage intègre non seulement des membres de la famille sur quatre générations (lignée et alliance), mais aussi l’ensemble des personnes avec lesquelles l’individu a corésidé.

? L’entourage familial des Franciliens de 50 à 70 ans

? Les enquêtés et leurs ascendants

4L’entourage familial des Franciliens observés au moment de l’enquête n’est compréhensible qu’au regard des histoires familiales des différentes générations qui composent le groupe de parenté. La famille transmet des valeurs, des modes de fonctionnement – et notamment des comportements. Aussi le dynamisme du réseau des personnes âgées n’est-il pas indépendant du groupe familial qu’elles-mêmes ont connu durant leur enfance (importance des grands-parents, nombre d’oncles et de tantes, de cousins et de cousines, taille de la fratrie). Dans tous les milieux, on constate ce phénomène de reproduction dans la façon d’être grand-parent (voir encadré « Témoignages »).

5C’est pourquoi avant même d’analyser ce réseau lors de l’enquête, il nous a semblé intéressant d’examiner le cadre affectif dans lequel ces générations avaient grandi. La transmission de mode de fonctionnement et de savoir-faire dépend du type de famille dans lequel ont vécu les enquêtés et passe souvent par les femmes. En effet, les familles bourgeoises – ouvrières ou rurales – transmettent des savoirs différents tant du point de vue professionnel et patrimonial (bourgeoisie), que de celui des modes d’organisation du travail (rural) (Vercauteren, 1994). Les racines des enquêtés nés entre 1930 et 1950 plongent en partie dans le XIXe siècle, la date de naissance de leurs parents allant de 1846 à 1935. Ils vont grandir à une époque où se transforme l’image même de la vieillesse sous l’impulsion de la commission Laroque (1960-1961) qui impose deux images du troisième âge : une vieillesse intégrée et une vieillesse autonome. Si leurs parents sont d’emblée concernés par ce bouleversement, une partie des grands-parents des enquêtés ont été à charge et sont décédés avant l’émergence du nouveau modèle de vieillissement (Guillemard, 1991).

Témoignages

Enquête « Proches et parents »
Christine, issue d'une famille bourgeoise de cinq enfants et elle-même mère de cinq enfants, raconte ses vacances quand elle était enfant et comment elle a voulu recréer cette ambiance familiale : « La mère de mon père avait acheté pour nous et pour ses cinq enfants une résidence familiale où, comme on faisait autrefois en France, on passait toutes nos vacances. Il n'était pas question d'aller ailleurs ou quoi que ce soit. On passait toutes nos vacances, avec nos… je ne sais pas, il faudrait calculer, si 14 ou 17, on passait toutes nos vacances avec tous nos cousins… J'ai acheté une maison qu'on est en train d'aménager petit à petit et mes enfants y viennent. Si vous voulez, on a recommencé ce qui avait été fait à S., on l'a recommencé de l'autre côté de la vallée, à V. Donc ça continue comme ça. »
Enquête « Biographies et entourage »
Une enquêtée se remémore l'ambiance des baraques de chantier en banlieue parisienne où elle a vécu de 1955 à 1959 avec son mari électricien dans le bâtiment. Malgré l'inconfort du logement, sa grand-mère de Bretagne venait y passer tous les hivers : « Vivre dans la baraque, cela lui plaisait ; elle était contente, elle s'occupait des enfants et puis même le soir on lui mettait un lit de camp américain, alors c'était la vie de bohème. » Plus loin dans l'entretien, elle décrit l'appartement HLM où elle habite depuis trente-cinq ans : « Et notre chambre, c'est la chambre de maman. Ce qu'on appelle la chambre de maman. » En effet tous les hivers elle accueille sa mère et lorsque cette dernière ne pourra plus rester seule en Bretagne, elle l'hébergera « parce que ce sera moi qui aurai maman comme maman a eu mémère, voilà. La roue tourne. » Actuellement, elle garde sa petite-fille tous les jours depuis huit ans, sauf pendant le week-end. « Et si on va en Bretagne chez mon autre fille pendant les vacances, on emmène notre petite-fille. Je la trimballe partout, Julie, hein. »

6Il faut aussi rappeler que les plus jeunes des enquêtés abordent leur vie adulte dans une société qui traverse une mise en cause de l’institution familiale et prend de la distance par rapport aux parents et grands-parents, comme en témoignent les ouvrages Mort de la famille (Cooper, 1972) ou Finie la famille ? (Collectif,1975). La comparaison entre le monde dans lequel les enquêtés ont vécu durant leur jeunesse et celui qu’ils connaissent actuellement n’en est que plus passionnante.

7Les données collectées dans l’enquête « Biographies et entourage » permettent d’approcher le contexte familial des personnes interrogées durant leur enfance à partir d’un certain nombre de renseignements concernant leurs parents (date et lieu de naissance, résidence, éventuellement année de leur décès, activités et fréquence de leurs contacts) et leurs grands-parents (appartenance au ménage ou résidence à proximité). De façon plus classique, l’enquête permet de saisir leur environnement familial au moment de l’enquête grâce à des données sur le lieu de résidence, sur la fréquence des contacts avec leurs beaux-parents. Elle fournit également des informations détaillées sur les relations que les enquêtés entretiennent avec leurs enfants et petits-enfants. On est donc en mesure de rapprocher la situation de l’entourage parental que ces générations ont connu dans leur enfance et leur adolescence (âgés de moins de 14 ans) et celle qu’ils vivent à la date de l’enquête.

8L’univers parental de ces générations, qui constitue l’une des composantes de cet entourage, est très varié (Lelièvre, Vivier, 2001; Vivier et al., 2005). Rappelons que seuls 54% des enquêtés ont en définitive vécu continûment, de 0 à 14 ans, auprès de leurs deux parents biologiques [7] et qu’un certain nombre d’entre eux (9%) ont ajouté au binôme parental une autre figure influente dans leur jeunesse.

9Au total, 21% de la population enquêtée ont cité au moins une personne qui a joué un rôle parental. Essentiellement féminines (68 % contre 32 % d’hommes), ces figures parentales sont aussi le plus souvent apparentées à l’enquêté (87 %). Il existe néanmoins une grande diversité de liens qui correspondent à trois générations d’individus : 54% appartiennent aux générations des grands-parents, voire des arrière-grands-parents, 25 % à celles des parents (tantes, oncles, conjoints) et 8 % s’inscrivent dans les générations des enquêtés (sœurs, frères, cousins). De ce fait, très peu de ces figures parentales sont encore vivantes à la date de l’enquête et ne sont pas incluses dans les analyses suivantes.

10En raison de l’âge des enquêtés, nombreux sont ceux dont les parents sont déjà décédés au moment de l’enquête. D’après les chiffres de l’« Étude de l’histoire familiale » associée au recensement de 1999 (ex-enquête « Famille »), l’ensemble de la population française âgée de plus de 55 ans a en majorité perdu ses deux parents et parmi ceux de 50 à 54 ans, pratiquement les trois quarts [8] n’ont plus leur père (cf. tableau 1 ; voir également Monnier, Pennec, 2003).

Tableau 1

Les orphelins de 50 à 70 ans (en 1999)

Tableau 1
Tableau 1 Les orphelins de 50 à 70 ans (en 1999) Orphelin Orphelin de mère EnsembleOrphelin de père de père et mère 50-54 ans 36,9 % 7,4 % 36,3 % 80,6 % 55-59 ans 29,0 % 5,6 % 57,4 % 91,9 % 60-64 ans 20,3 % 3,0 % 74,2 % 97,6 % 65-69 ans 12,0 % 1,5 % 85,6 % 99,1 % Source : « Étude de l’histoire familiale », Insee, 1999.

Les orphelins de 50 à 70 ans (en 1999)

« Étude de l’histoire familiale », Insee, 1999.

11Lors de l’enquête, plus de la moitié des Franciliens âgés de 50 à 70 ans (53,8%) ont perdu leurs deux parents. Près d’un tiers (32,5%) ont un parent encore vivant, le plus souvent leur mère (80 % des cas). Seuls 14 % des enquêtés ont leurs deux parents en vie. Mais ce pourcentage est bien sûr très différent selon les générations : il passe de 4 % dans la génération 1930-1940 à 20 % dans la génération 1940-1950 (cf. graphique 1).

12Ainsi, l’échantillon des 1695 parents encore vivants concerne-t-il des personnes âgées de 82 ans en moyenne (65 ans pour la plus jeune et 106 ans pour le plus âgé).

Graphique 1

Proportion de parents vivants selon l’âge des enquétés

Graphique 1
Graphique 1 Proportion de parents vivants selon l’âge des enquétés

Proportion de parents vivants selon l’âge des enquétés

? Les personnes en couple, distribution des ascendants

13À la date de l’enquête, parmi les enquêtés en couple de 50 à 70 ans, sept sur dix ont dans leur réseau familial au moins un ascendant vivant sur les quatre possibles, huit sur dix quand le couple comprend un conjoint âgé de moins de 60 ans, la moitié d’entre eux en a au moins deux encore en vie et un sur cinq au moins trois.

14Si l’on considère uniquement les plus âgés (les deux conjoints ont plus de 60 ans), on observe que dans la grande majorité (55 %) leur réseau familial ne comprend plus d’ascendants; 28 % ont un ascendant en vie, et 16% au moins deux (cf. graphique 2, p. 50). Mais cette disparition progressive des parents de leur univers familial se compense par l’apparition des jeunes générations qui ont quitté le domicile parental. En effet, au fil du temps, les foyers autonomes des enfants adultes vont remplacer ceux des parents, les enquêtés devenant à leur tour les « anciens » de la lignée.

Graphique 2

Proportion d’ascendants vivants selon l’âge du couple

Graphique 2
Graphique 2 Proportion d’ascendants vivants selon l’âge du couple

Proportion d’ascendants vivants selon l’âge du couple

? Les plus de 60 ans et leurs enfants

15Parmi les enquêtés de plus de 60 ans, 20 % vivent encore avec au moins un de leurs enfants. Si l’on examine le cas des enfants déjà autonomes, on constate que plus de quatre enquêtés sur cinq appartenant aux générations les plus âgées ont au moins un enfant vivant à l’extérieur du ménage, certains d’entre eux ayant à la fois dans leur entourage un ou deux parents en vie et des enfants non corésidents (cf. tableau 2). Parmi les 17% de personnes de plus de 60 ans sans enfant en dehors du ménage, la majorité (72%) sont des personnes sans enfant. La place particulière de cette génération apparaît clairement : c’est la génération pivot (Attias-Donfut, 1995) qui doit faire face à la fois à l’avancement en âge et la perte d’autonomie progressive des parents et à l’installation de plus en plus difficile des enfants.

Tableau 2

Distribution du nombre d’enfants des plus de 60 ans ayant décohabité

Tableau 2
Tableau 2 Distribution du nombre d’enfants des plus de 60 ans ayant décohabité Enquêté âgé de plus de 60 ans Aucun enfant en dehors du ménage 17 % 1 enfant en dehors du ménage 23 % 2 enfants en dehors du ménage 33 % 3 enfants en dehors du ménage 15 % 4 enfants et plus en dehors du ménage 12 % Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950.

Distribution du nombre d’enfants des plus de 60 ans ayant décohabité

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

? La proximité résidentielle des membres de la famille au moment de l’enquête

16L’implantation géographique du réseau de parenté dépend des trajectoires familiales et professionnelles de chaque membre du groupe. L’enquête « Proches et parents » avait bien montré qu’un fonctionnement resserré de la famille était davantage le produit des expériences de plusieurs générations et lignées que le résultat d’un déterminisme démographique et social (Bonvalet, 2003). En effet, comme l’écrit Anne Gotman (1999): « L’espace résidentiel n’est ni totalement indépendant de l’histoire familiale, ni réductible au logement principal, et les pratiques résidentielles des ménages ne peuvent se comprendre que situées dans l’histoire des lignées auxquelles ils se rattachent et dans les rapports qu’ils entretiennent au fil de leur propre histoire avec leurs proches ». Au gré des événements familiaux et professionnels, les générations peuvent se regrouper dans la même commune, dans le même quartier, comme se trouver séparées par des centaines de kilomètres. Cependant, la distance géographique ne peut pas être considérée comme un simple indicateur de proximité affective. En effet, dans nombre de cas, l’éloignement ne coïncide pas avec une rupture ou même avec un affaiblissement des liens entre générations. Au contraire, il peut être l’occasion de réactiver une relation (à travers les résidences secondaires ou les maisons de famille, Bonvalet, Lelièvre, 2005). À l’inverse, la proximité géographique n’est pas toujours le résultat d’un choix mais peut parfois provenir d’une contrainte (Bertaux-Wiame, 1999).

17Dans un premier temps, avant de détailler plus précisément les relations entre parents et enfants, dessinons la carte géographique de ce réseau particulier constitué par l’ensemble des ascendants, les collatéraux et les descendants des enquêtés vivants au moment de l’enquête [9] : la taille moyenne des entourages des Franciliens âgés de 50 à 70 ans au moment de l’enquête est comprise entre sept et huit personnes, les ascendants (les parents de l’enquêté et de son conjoint) représentant une personne et demi et les descendants (les enfants de l’enquêté et de son conjoint) deux personnes.

18Du point de vue de l’implantation spatiale de l’entourage, on observe une proximité qui varie en fonction de la nature du lien (cf. tableau 3). La corésidence avec le conjoint actuel et les enfants est évidemment la plus fréquente. La proximité résidentielle s’agence selon la régularité suivante : les enfants restent installés le plus près, suivis des parents de l’enquêté et des ex-conjoints.

Tableau 3

Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon le lien

Tableau 3
Tableau 3 Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon le lien % corésidentsLien % même commune ou commune limitrophe Ensemble Parent 1,9 15,3 17,3 Parent conjoint 0,3 13,3 13,6 Parent adoptif 0,0 9,1 9,1 Enfant 30,5 19,8 50,2 Enfant conjoint 5,2 16,8 22,0 Conjoint actuel 89,2 2,0 91,2 Fratrie 0,3 11,4 11,7 Ex-conjoint 0,7 16,0 16,7 Ensemble 18,8 13,7 32,5 Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950. Lecture: 19,8% des enfants des enquêtés vivent dans la même commune ou dans une commune limitrophe à la date de l’enquête.

Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon le lien

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

19Ainsi, parmi les enquêtés qui ont encore un ascendant en vie, 15% habitent dans la même commune qu’un de leurs parents ou dans une commune limitrophe et 13% résident à proximité de leurs beaux-parents. Cette proximité de voisinage est importante car elle nuance fortement les statistiques sur l’isolement des personnes âgées, mesuré à partir du nombre de personnes vivant seules dans un logement (Lelièvre, Imbert, 2003). Souvent présentée comme la solution idéale par les enquêtés eux-mêmes, elle permet de résoudre bien des problèmes quotidiens des personnes âgées sans comporter les inconvénients de la cohabitation entre générations. Elle préserve ainsi l’autonomie de chacun le plus longtemps possible.

20Quant aux enfants, contrairement à la génération des enquêtés et à celle de leurs parents qui ont connu les grandes migrations vers la ville, notamment « la montée à Paris », la grande majorité n’a pas dû quitter sa région ou son département pour entrer dans la vie active et s’installer. Dans l’ensemble, la décohabitation des enfants est récente (au moins pour la génération 1940-1950). Or, on sait l’importance de l’aide familiale pour trouver un premier logement (Bonvalet, 1991). De nombreuses stratégies se développent au sein des familles (achat d’un studio, prêt d’un logement familial, caution, etc.) pour faciliter l’autonomie des jeunes. Ce sont même souvent les parents qui trouvent ce premier logement… à proximité de leur domicile. Par la suite, les enfants pourront s’éloigner progressivement, notamment au moment de la constitution de leur propre famille et de l’achat de leur résidence principale.

21Du fait de la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes, les premiers ont une probabilité plus grande de vivre en couple au moment de la retraite (cf. tableau 4, p. 54). Les plus âgés corésident moins souvent avec leur entourage familial en raison de la décohabitation progressive des enfants. Néanmoins, lorsque l’on examine le territoire de proximité de cet entourage familial, il se déploie (quel que soit l’âge des enquêtés), pour un tiers (32,5 %), dans un espace circonscrit aux communes limitrophes de la résidence de l’enquêté. Cela est particulièrement marqué pour les Parisiens (près de quatre sur dix). En effet, si l’on tient compte de toute la parentèle, fratrie comprise, un tiers des enquêtés ont au moins un membre de leur famille à proximité (19 % cohabitent et 14 % vivent dans le voisinage).

22La proximité résidentielle est un élément important qui façonne les territoires de l’entourage familial. La configuration résidentielle formée par les lieux de résidence des ascendants des enquêtés, de leurs frères et sœurs et de leurs descendants, résulte de l’ensemble des arbitrages individuels au sein de la lignée et représente le choix (ou la contrainte) d’être ensemble ou le désir (ou l’obligation) de prise de distance vis-à-vis de la famille. Aussi, l’espace que nous observons représente-t-il le résultat d’un arrangement, à un moment donné, visant à accommoder le fonctionnement spécifique de chaque famille ; il reflète en quelque sorte un état de l’arbitrage des contraintes et des aspirations dans un univers relationnel (Bonvalet, Lelièvre, 2005).

Tableau 4

Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon quelques caractéristiques de l’enquêté

Tableau 4
Tableau 4 Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon quelques caractéristiques de l’enquêté % même commune % corésidents Ensembleou communeCaractéristique de l'enquêté limitrophe Sexe Homme 20,8 13,2 34,0 Femme 16,9 14,1 31,0 Cohorte 50-54 21,3 12,7 33,9 55-59 18,0 11,8 29,7 60-64 17,6 15,0 32,6 65 et + 15,5 17,8 33,3 Zone de résidence Paris 16,7 21,5 38,2 Petite couronne 19,2 11,6 30,8 Grande couronne* 19,3 13,1 32,4 Villes nouvelles 19,8 8,4 28,2 Total 18,8 13,7 32,5 Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950. * Hors villes nouvelles. Lecture : 20,8 % de l’entourage familial (ascendants, conjoints, enfants) des hommes enquêtés sont corésidents avec lui à la date de l’enquête.

Répartition des lieux de résidence des membres de l’entourage familial selon quelques caractéristiques de l’enquêté

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

23Si les tendances au regroupement familial _ y compris les frères et sœurs _ avaient déjà été mises en évidence dans les enquêtes précédentes (Bonvalet, 1991; Gokalp, 1978; Roussel, 1976; Coenen-Hutter et al., 1994 ; Attias-Donfut, 1996), on reste toujours frappé par la force de l’implantation familiale dans la région la plus urbanisée de France, là où l’on pouvait supposer que la famille était plus isolée, plus coupée de son réseau de parenté. Si la migration vers Paris s’est traduite par un déracinement au moment de l’exode rural, cinquante ans plus tard les familles « ont fait souche », non seulement à Paris, mais en proche et lointaine banlieue ou dans les villes nouvelles (Imbert, 2005).

? La fréquence des contacts entre les membres de la famille

24Les résultats précédents nous ont donné une première image de l’espace familial des Franciliens âgés de 50 à 70 ans mais ils ne nous renseignent pas sur la nature des liens. En effet, nous l’avons souligné, la proximité comme l’éloignement résidentiels peuvent être la conséquence d’une contrainte professionnelle (comme c’est souvent le cas pour les indépendants, cf. Bertaux-Wiame, 1999) ou d’un mode de vie « en famille ». L’examen des affinités et de la fréquence des contacts entre parents permet d’aller plus loin dans l’analyse des relations au sein de la famille.

25La sociabilité, notamment dans le monde urbain, a fait l’objet de nombreux travaux de la part de chercheurs et statisticiens (Héran, 1988; Bidart, 1988; Grafmeyer, 1991; Forsé, 1993). Ainsi, François Héran distingue-t-il trois âges de la sociabilité : « la jeunesse est le temps privilégié des amitiés, la maturité celui des relations de travail et la vieillesse celui des relations de parenté » (Héran, 1988). La sociabilité au sein de la famille occupe une place particulière : contrairement à celle qui relie aux amis, elle ne varie pas avec l’âge; les contacts avec la parenté suivent un cycle lié aux entrées et aux sorties du groupe familial. Au début, lorsque les jeunes prennent leur autonomie, les frères et sœurs continuent à jouer un rôle essentiel dans le cercle des relations. Vers 40-50 ans, leurs enfants et la famille qu’ils constituent viendront à leur tour élargir ce cercle pour en devenir le centre au temps de la vieillesse.

26Les enquêtés occupent donc une double position dans le cycle de la sociabilité : les plus jeunes, qui sont encore en activité, voient leur réseau s’agrandir avec l’émancipation de leurs enfants et l’arrivée des petits-enfants tandis que les plus âgés, à la retraite depuis plusieurs années, sont davantage centrés sur la famille.

27Dans l’enquête « Biographies et entourage », l’analyse de la fréquence des contacts entre l’enquêté et les membres de son entourage a été menée à partir des réponses à la question « Quelle est la fréquence de vos contacts ? », ceux-ci n’étant pas restreints aux rencontres [10].

? Les liens entre l’enquêté et ses parents

28Les entretiens de « Biographies et entourage », réalisés à la suite de l’enquête quantitative, montrent bien que les regroupements ou les éloignements opérés entre parents et enfants diffèrent selon la personnalité des individus, leur situation matrimoniale et leur histoire familiale. Ainsi est-il possible, pour chacun, de resituer le sens des mobilités à la lumière de sa trajectoire sociale. Cependant, une première approche purement statistique et descriptive permet de repérer les grandes tendances dans ce jeu des proximités. La photographie que donne l’enquête est le résultat du jeu des distances « géographiques et affectives » entre parents et enfants qui s’est déroulé au cours de l’existence en fonction des trajectoires professionnelles et des événements démographiques.

29Lors de l’enquête, la moitié des personnes concernées (49%) sont en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine. Mais il existe de fortes disparités : 13 % des enquêtés sont en contact quotidiennement avec leur(s) parent(s) et 9% n’en ont aucun. En moyenne, les contacts entre les enquêtés et leurs parents sont bihebdomadaires.

30Lorsque les deux parents de l’enquêté sont vivants, les 4/5 des personnes concernées ont déclaré la même fréquence de contacts avec leurs parents. Pour le cinquième restant, 78% ont signalé des contacts plus fréquents avec leur mère qu’avec leur père. Cela résulte en partie du fait que ces parents sont séparés, mais également du fait que l’on « parle » plus souvent avec sa mère (au téléphone, par exemple), même lorsque les parents vivent en couple [11].

31L’analyse gagne à être nuancée par l’examen des réponses apportées à la question : « Quel est le nombre de personnes dont vous vous sentez proches et qui sont ces personnes ? » On constate que la part des pères et des mères (vivants) considérés comme proches est à peu près identique : 51% des enquêtés dont la mère est vivante la considèrent comme proche et 44 % expriment le même sentiment envers leur père.

32Une analyse similaire avait été menée à partir de l’enquête « Proches et parents » et avait montré que le degré d’affinité avec les parents variait non pas avec l’âge de l’enquêté, mais en fonction de celui des parents, qui détermine la nature du lien. Une moindre proximité apparaissait lorsque la mère était âgée de plus de 75 ans. Ce résultat était d’autant plus surprenant que la proximité géographique augmentait avec l’âge. En effet, le vieillissement des parents implique parfois un rapprochement géographique des générations qui ne traduit pas un renforcement des affinités : « En fait, les liens changent de nature et c’est surtout la charge des parents devenus vieux qui prédomine au-delà d’un certain âge. Ce qui incline à penser que la notion de proche renvoie à l’existence d’un minimum de réciprocité des échanges, d’une relation qui ne soit pas trop dissymétrique » (Bonvalet, Maison, 1999).

33Les femmes, que ce soit les femmes enquêtées ou les mères des enquêtés, sont davantage en contact avec leur ascendant(es)/descendant(es) que les hommes. Toutes choses égales par ailleurs, les hommes ont une chance plus faible que les femmes d’être en contact hebdomadaire avec leur(s) parent(s) (cf. tableau 5a).

Tableau 5a

Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon leur sexe

Tableau 5a
Tableau 5a Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon leur sexe Ensemble 49 % Quand l'enquêté... ... est une femme 53 % 53 %... n’a que sa mère vivante ... est un homme 44 % 33 %... n’a que son père vivant 48 %... a ses deux parents vivants

Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon leur sexe

34On retrouve là un résultat maintenant bien connu : ce sont plus souvent les femmes qui organisent leurs relations de parenté, se substituant parfois à leur conjoint. « Elles apparaissent clairement comme les premières artisanes de la construction des liens et des échanges familiaux » (Hammer et al., 2001).

35Les enquêtés qui ne vivent pas en couple entretiennent plus souvent des contacts avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine que ceux qui vivent en couple (cf. tableau 5b). Et au-delà, l’entourage des enquêtés influe aussi sur la fréquence des contacts avec leur(s) parent(s). Si l’on définit l’entourage des enquêtés comme l’ensemble de ses frères et sœurs, de son ou ses conjoint(s) et de leurs parents, et enfin de ses enfants, il est composé en moyenne de sept à huit personnes comme nous l’avons vu précédemment.

Tableau 5b

Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon l’entourage

Tableau 5b
Tableau 5b Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon l’entourage Ensemble 49 % Quand l’enquêté... Quand l’entourage des parents comporte... ... entre 0 et 2 personnes 47 % ... vit en couple 48 % ... entre 2 et 4 personnes 59 % ... ne vit pas en couple 55 % ... entre 4 et 6 personnes 44 % ... plus de 6 personnes 33 %

Répartition des personnes en contact avec leur(s) parent(s) au moins une fois par semaine selon l’entourage

36Ceux dont l’entourage compte moins de cinq personnes sont en contact près de deux fois par semaine avec leur(s) parent(s), deux fois plus que ceux dont l’entourage comprend entre dix et quinze personnes [12].

37Du point de vue de la composition de l’entourage, ce n’est pas le nombre d’enfants des enquêtés ni la présence de la belle-famille qui influent sur la fréquence des contacts mais plutôt le nombre des frères et sœurs de l’enquêté. Réciproquement, pour les parents, la présence du conjoint et le nombre d’enfants (dont l’enquêté fait partie) jouent un rôle significatif.

38Plus cet entourage des parents est large et plus la fréquence des contacts entre l’enquêté et le parent diminue. Ils ont plus d’opportunités d’être en contact hebdomadaire quand leur entourage comporte entre deux et quatre personnes, que lorsqu’il est plus étoffé (entre quatre et six personnes).

39Cela semble bien attester que l’attention portée au(x) parent(s) se répartit entre les enfants, ce qui confirme la pratique d’un partage des rôles dans la fratrie vis-à-vis des parents âgés, surtout si elle comporte un célibataire. Ce dernier, plus attaché aux parents dans la mesure où il n’a pas créé sa propre famille, prendra alors plus facilement en charge les relations avec le parent âgé [13].

40Malheureusement, on ne dispose pas d’informations sur le rythme des contacts de tous les membres de la fratrie. Par conséquent, il nous est impossible de comparer les différentes fréquentations d’un même parent par ses différents enfants.

? Les liens entre les enquêtés en couple et leurs ascendants

41Lorsque les enquêtés en couple à la date de l’enquête [14] sont interrogés sur les contacts qu’ils entretiennent avec leurs parents et leurs beaux-parents, il apparaît que les mères et belles-mères sont les interlocutrices favorites par rapport aux pères et beaux-pères. Néanmoins, les résultats du tableau 6 décrivent la fréquence des contacts avec les parents. La comparaison des différentes proportions est donc délicate. De plus, si l’on veut comparer la déclaration faite par une même personne concernant chacun de ses ascendants, on mesure ses affinités/inimitiés et pas forcément la socialisation du couple avec ses ascendants.

Tableau 6

Proportion d’enquêtés étant en contact au moins une fois par semaine avec leur(s) parent(s)*

Tableau 6
Tableau 6 Proportion d’enquêtés étant en contact au moins une fois par semaine avec leur(s) parent(s)* Belle-mère Beau-pèrePèreMère Femmes enquêtées 55 % 15 % 43 % 18 % Hommes enquêtés 45 % 30 % 32 % 28 % Effectifs dont le parent est vivant 922 424 426 558 Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950. * Possibilité de réponses multiples.

Proportion d’enquêtés étant en contact au moins une fois par semaine avec leur(s) parent(s)*

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

42Aussi avons-nous examiné la proximité des résidences des parents et des beaux-parents des enquêtés ayant au moins un ascendant et dont le conjoint a également au moins un de ses parents vivants (27% des enquêtés en couple, 21 % des enquêtés franciliens âgés de 50 à 70 ans). La plus grande proximité spatiale avec la résidence des parents est observée dans 40% des cas, cette proportion étant de 33% en ce qui concerne la résidence des beaux-parents. Aucune différence significative n’apparaît lorsqu’on distingue famille de la femme ou famille de l’homme dans le couple. Cela peut s’expliquer par la « nature francilienne » de l’échantillon. En effet, de nombreux enquêtés ont migré vers l’Île-de-France et cela « brouille » les cartes de la proximité spatiale avec leurs parents.

? Les liens avec les enfants pour les enquêtés de plus de 60 ans

43Pour les enquêtés de plus de 60 ans dont un enfant vit hors du foyer, 67% entretiennent des contacts au moins hebdomadaires avec lui ou elle. Si cet enfant est une fille, cette proportion s’accroît : les deux tiers ont des contacts au moins une fois par semaine.

44Si l’on examine le cas des enquêtés ayant deux enfants qui résident indépendamment, lorsque les deux enfants sont de même sexe, les enquêtés déclarent plus souvent les voir autant l’un que l’autre. Lorsque les enfants sont de sexe différent, 12% déclarent être en contact au moins une fois par semaine avec leur fille et moins fréquemment avec leur fils. À l’inverse, seulement 5% affirment rencontrer leur fils plus fréquemment. Néanmoins, le quart des enquêtés déclarent être en contact avec l’un et l’autre au moins une fois par semaine.

? Fréquence des contacts et proximité résidentielle entre les membres de la famille

45L’enquête « Biographies et entourage » permet d’étudier la fréquence des contacts – rencontres ou relations téléphoniques et électroniques – avec les parents et de croiser ces données avec la distance géographique mesurée ici par le nombre de kilomètres entre le domicile des enquêtés et celui de leur parent. Il s’agit donc de combiner les deux indicateurs. Étant donné que la question posée n’imposait pas de se référer uniquement à des rencontres et que le territoire de la famille se déploie inégalement, comment interagissent distance géographique et proximité affective ?

46La proximité entre la résidence des parents et des enfants a une influence déterminante sur leur relation en facilitant les contacts quotidiens ou hebdomadaires : 38 % des enquêtés qui résident à moins de 10 km d’un parent sont en contact quotidiennement, contre 5 % des enquêtés qui résident entre 200 et 500 km d’un parent. La multiplication des contacts (téléphone, visite, courrier) est d’autant plus facile que l’enquêté et son parent résident à proximité.

47Néanmoins, on constate qu’au-delà d’un rythme hebdomadaire, la distance ne semble plus jouer un rôle majeur sur la fréquence des contacts entre les enquêtés et leurs parents. Le graphique3 présente uniquement trois courbes (pour des raisons de lisibilité) qui correspondent à des seuils de distances entre la résidence de l’enquêté et celle de ses parents : ceux-ci vivent à moins de 10 km, entre 200 et 500km et à l’étranger. La proportion des enquêtés qui déclarent des contacts toutes les deux semaines, tous les mois ou tous les quatre mois est équivalente pour ceux dont les parents résident entre 200 et 500 km ou à l’étranger.

Graphique 3

Fréquence des contacts et distance résidentielle entre les enquêtés et leur(s) parent(s)

Graphique 3
Graphique 3 Fréquence des contacts et distance résidentielle entre les enquêtés et leur(s) parent(s) Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

Fréquence des contacts et distance résidentielle entre les enquêtés et leur(s) parent(s)

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

? Le rapprochement des générations au seuil de la vieillesse

48Au moment de l’enquête, 36% des 2830 personnes interrogées ont l’intention de déménager, contre 63 % qui projettent de rester dans leur domicile. Ainsi, les Franciliens âgés de 50 à 70 ans expriment majoritairement des intentions de stabilité.

49Plutôt jeunes et toujours en activité, le tiers de Franciliens qui aimeraient changer de domicile évoquent prioritairement des raisons ayant trait à leur logement (33 % d’entre eux) et à leur cadre de vie actuel (30 %). Viennent ensuite des considérations concernant la qualité de l’environnement et du climat (9 %), les problèmes financiers (9 %) et le retour au pays ou à la région d’origine (8 %).

50Se rapprocher des enfants ou rester près de ses enfants motive les candidats à la mobilité comme ceux qui ne désirent pas changer de logement. Cela est d’autant plus marqué pour les générations nées avant 1940. Ainsi 14% des enquêtés de plus de 60 ans ne souhaitent pas déménager pour rester à proximité de leurs enfants (contre 7% des générations plus jeunes).

? Conclusion

51À partir de trois indicateurs (la proximité affective, la distance géographique et la fréquence des contacts), nous avons cherché ici à saisir l’environnement familial des personnes âgées. Ces indicateurs correspondent aux trois liens sur les six du modèle microsocial de la solidarité entre générations élaboré par Bengtson dans les années soixante-dix (Bengtson et al., 1976; Bengtson, Roberts, 1991): la solidarité affective, la solidarité structurelle (corésidence et proximité géographique) et la solidarité associative (fréquence des contacts). En effet, l’enquête « Biographies et entourage » ne permet pas d’étudier la solidarité fonctionnelle (aides fournies et reçues), la solidarité consensuelle (concordance d’opinions) ni la solidarité normative (partage des mêmes valeurs). L’analyse des données de l’enquête confirme que les générations de 50 à 70 ans sont fortement impliquées dans le réseau familial. Elles assurent ainsi leur rôle de « pivot », aussi bien vis-à-vis des parents âgés que des enfants. Ces générations ont connu la transition de la famille, le passage d’une famille où dominaient plutôt des relations d’autorité et la suprématie du groupe à la famille « choisie » dans laquelle la qualité du lien l’emporte sur la nature du lien. Si, dans leur jeunesse, une partie d’entre elles se retrouvaient dans les ouvrages Finie la famille ? ou Mort de la famille qui affirmaient la suprématie du couple sur la parenté (De Singly, 1993) et initiaient de nouveaux comportements familiaux (cohabitation hors mariage, divorce), la grande majorité a su, au temps de la maturité, développer des relations différentes aussi bien avec leurs parents qu’avec leurs enfants et petits-enfants, à tel point que certains auteurs parlent de « nouveaux grands-parents » (Attias-Donfut, Segalen, 1998) ou de « nouvel esprit de famille » (Attias-Donfut et al., 2002). Mais cette transformation ne doit masquer ni la continuité des liens familiaux, comme en témoignent les récits de vie des enquêtés sur leurs relations avec leurs propres grands-parents, ni les ruptures qui ont pu s’opérer dans certaines familles.

52? Annexes

Tableau 1

Proportion de parents vivants selon l’âge des enquêtés

Tableau 1
Tableau 1 Proportion de parents vivants selon l’âge des enquêtés Enquêtés Enquêtés Enquêtés âgés de moins âgés de plus âgés de 50 ans de 60 ans de 60 ans à 70 ans Aucun ascendant vivant 40 % 76 % 54 % 1 ascendant vivant 40 % 20 % 32 % 2 ascendants vivants 20 % 4 % 14 % Total 100 % 100 % 100 % Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950.

Proportion de parents vivants selon l’âge des enquêtés

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.
Tableau 2

Proportion d’ascendants (parents et beaux-parents) vivants selon l’âge des enquêtés

Tableau 2
Tableau 2 Proportion d’ascendants (parents et beaux-parents) vivants selon l’âge des enquêtés Au moins un des deux membres Les deux membres Enquêtés du couple ont plus du couple a en couple de 60 ans moins de 60 ans Aucun ascendant vivant 19 % 55 % 29 % 1 ascendant vivant 32 % 28 % 31 % 2 ascendants vivants 28 % 13 % 24 % 3 ascendants vivants 15 % 3 % 12 % 4 ascendants vivants 6 % - 4 % Total 100 % 100 % 100 % Source : Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001. Champ : Franciliens nés entre 1930 et 1950.

Proportion d’ascendants (parents et beaux-parents) vivants selon l’âge des enquêtés

Enquête « Biographies et entourage », Ined, 2001.

Notes

  • [1]
    Déjà en 1982, H. Le Bras avait montré qu’un jeune de 20 ans avait en moyenne deux grands-parents alors qu’il n’en avait que 0,14 au XVIIIe siècle (Le Bras, Roussel, 1982).
  • [2]
    Enquête « Proches et parents », voir Bonvalet et al., 1993.
  • [3]
    Enquête sur les échanges au sein de la parentèle et des ménages complexes, voir Crenner, 1998.
  • [4]
    Enquête « Trois générations », voir Attias-Donfut, 1995.
  • [5]
    Cette enquête a reçu le soutien financier de la Cnaf (Caisse nationale d’allocations familiales), la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse), la DPM (Direction de la Population et des Migrations), la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), la Dreif (Direction régionale de l’équipement d’Île-de-France), l’Iaurif (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France), l’Odep - Mairie de Paris (Observatoire du développement économique parisien), la RATP et le ministère de la Recherche, Action Concertée Incitative Ville.
  • [6]
    Lorsque l’on analyse les relations entre des enquêtés âgés de 50 à 70 ans et leurs parents, les personnes dont les enfants décédés auraient eu le même âge à la date de l’enquête et celles qui n’ont pas eu de descendance ne sont pas présentes dans l’enquête. De fait, cela biaiserait légèrement les résultats si cette sous-population était particulière du point de vue des relations parents-enfants.
  • [7]
    Ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, que ces enquêtés ont tous grandi dans une famille nucléaire; d’autres personnes (grands-parents, oncles et tantes…) pouvaient corésider au sein du foyer.
  • [8]
    Orphelins de père à 36,9 % et orphelins de père et de mère à 36,3 %, soit 73,2 %.
  • [9]
    Parents, parents adoptifs, personnes jouant un rôle parental, frères et sœurs de l’enquêté, son conjoint actuel et ses ex-conjoints, les parents des conjoints, ses enfants et ceux de ses conjoints. Les petits-enfants sont exclus des calculs.
  • [10]
    Les enquêteurs avaient comme consigne de préciser que les contacts pouvaient être téléphoniques, manuscrits ou autres. On ne connaît donc pas la nature du contact (s’il est visuel ou non). Les « réponses ouvertes » ont fait l’objet d’un codage a posteriori afin d’éviter à l’enquêté de normaliser ses réponses en se conformant aux catégories de l’analyse.
  • [11]
    En conséquence, pour l’analyse qui suit, la fréquence des contacts avec la mère a été retenue pour les enquêtés qui déclarent une intensité de relation différente avec leur père et leur mère (environ cinquante personnes).
  • [12]
    Mécaniquement, lorsque l’entourage est plus large, la probabilité d’enquêter l’enfant qui est le plus en contact avec ses parents est plus faible que pour ceux dont l’entourage est restreint.
  • [13]
    La corésidence, c’est-à-dire le fait pour un enquêté de résider sous le même toit que son père ou sa mère, est marginale :elle concerne 2,4 % des parents vivants. Dans la plupart des cas, il s’agit d'un parent qui n’a plus de conjoint et le plus souvent de la mère. L’enquêté corésidant avec ses parents les accueille ou en est l’hôte, et n’est plus en couple dans 60% des cas. Une sur-représentation des ouvriers fausse les résultats, tant au niveau des enquêtés (28% des enquêtés corésidents étaient ouvriers) que des parents (47% des pères ou le mari des mères corésidentes étaient ouvriers). À considérer l’ensemble de la population, il apparaît que les effectifs sont plus faibles.
  • [14]
    Ils constituent les trois quarts de l’échantillon.
Français

À partir des données de l’enquête « Biographies et entourage », cet article explore les relations familiales des habitants de la région Île-de-France âgés de 50 à 70 ans en 2000. Les enquêtés sont étudiés à la fois en tant qu’enfants, c’est-à-dire dans leur implication vis-à-vis de leurs parents, et en tant que parents, à travers les relations qu’ils ont développées avec leurs enfants adultes. Le concept d’entourage utilisé dans l’enquête permet de dépasser l’analyse dans laquelle le rôle de la famille est réduit aux seules fonctions de fournisseur de services et de pourvoyeur de capital. La taille moyenne de l’entourage des enquêtés s’élève ainsi à sept/huit personnes. 15% d’entre eux habitent à proximité de leurs parents et 20% de leurs enfants. Plus de la moitié des femmes interrogées ont des contacts au moins une fois par semaine avec leur mère et les deux tiers des générations plus âgées (plus de 60 ans) entretiennent des relations hebdomadaires avec leurs enfants adultes. À partir de trois indicateurs: la proximité affective, la distance géographique et la fréquence des contacts, l’investissement des générations de 50 à 70 ans dans le réseau familial apparaît toujours aussi fort même si les rapports entre générations ont fortement changé au cours des dernières décennies. En effet, si les générations étudiées dans l’enquête «Biographies et entourage» ont initié de nouveaux comportements familiaux (cohabitation hors mariage, divorce, etc.), la majorité d’entre elles ont su dans leur maturité développer des relations différentes au sein de la famille. Mais ces transformations ne doivent pas masquer les continuités des liens familiaux ni les ruptures qui ont pu s’opérer dans certaines familles.

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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2007
https://doi.org/10.3917/rs.045.0043
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