CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International and in Spanish on Cairn Mundo

1 Le succès des hashtags #metoo et #Balancetonporc, lancés après l’affaire Weinstein, a ravivé les discussions autour des rapports de genre dans l’espace public français ainsi que l’intérêt porté aux mobilisations, notamment féministes, en ligne. De fait, la question des effets d’internet sur les mouvements sociaux et, plus largement, sur le rapport des citoyens au politique, mobilise fortement les chercheurs en sciences sociales depuis les années 1990. Ceux-ci ont ainsi pu être témoins des nombreuses transformations qui ont affecté cette technologie, que ce soit son évolution technique, l’éclatement de la bulle internet, ou encore sa rapide démocratisation : autant d’éléments dont il a fallu étudier les conséquences sociales et politiques. Sur ce point, Dominique Cardon évoque un « encastrement d’internet dans la sociabilité des individus » et « l’arrivée massive, sur internet, de populations beaucoup plus jeunes et issues de milieux populaires » (Cardon, 2010, p. 55). Aussi, aujourd’hui, « dans les pays occidentaux, le fossé numérique se mesure moins par l’accès à un ordinateur connecté que par les différentes manières, élitistes ou populaires, de naviguer, de s’exhiber et d’interagir » (Cardon, 2010, p. 55). Cette nouvelle configuration d’internet, démocratisée et accessible, est parfois nommée web participatif et est souvent perçue comme susceptible de favoriser un renouvellement des débats d’idées et des modes de participation au politique, constituant alors un terreau fertile pour l’émancipation et l’empowerment.

2 Toutefois, les études sur la question du potentiel émancipatoire, délibératif ou encore démocratique d’internet imposent une certaine prudence quant aux obstacles sociaux qu’il peut rencontrer. Ainsi, le biais de confirmation se conjugue à la sélectivité accrue de l’information que permet internet pour faire exister sur la toile de multiples constellations rassemblées par connivence idéologique et qui ne dialoguent que très peu entre elles, car « la possibilité de choisir [avec qui on discute] mène à des échanges avec des personnes qui pensent comme soi » (Lev-on et Manin, 2006, p. 201). On constate par exemple en observant les liens entre blogs et sites appartenant à divers ensembles idéologiques que « la grande majorité des liens dans chaque constellation renvoie à des sites de la même mouvance politique », ce qui montre que « les actions intentionnelles des utilisateurs tendent, par leurs effets combinés, à éliminer les opinions adverses » (Lev-on et Manin, 2006, p. 206). Ces tendances à l’homophilie que l’on constate déjà dans le monde social sont donc exacerbées par la configuration du web participatif. Aussi, si internet est enchâssé dans un univers qui lui préexiste, il n’empêche que cette technologie, par les possibilités inédites qu’elle procure, a des effets sur l’état du marché cognitif, « une image qui permet de représenter l’espace fictif dans lequel se diffusent les produits qui informent notre vision du monde : hypothèses, croyances, informations, etc. » (Bronner, 2013, p. 23). Internet est d’ailleurs « l’outil idoine de libéralisation du marché cognitif », et les effets de cette technologie sur ce point sont presque comparables à ceux de l’invention de l’imprimerie (Bronner, 2013, p. 23). Cette libéralisation est la conséquence de l’abaissement drastique des coûts d’entrée sur le marché cognitif, en termes de capital financier comme de capital symbolique – en raison de la possibilité de l’anonymat. « Mais un autre élément doit être pris en compte, que ne semblent pas avoir discerné les commentateurs de la culture internet : il s’agit d’un marché cognitif hypersensible à la structuration de l’offre et, mécaniquement, à la motivation des offreurs. C’est l’un des facteurs principaux de l’organisation de la concurrence cognitive sur ce marché » (Bronner, 2013, p. 60). En effet, la manière dont s’organise la concurrence sur ce marché a une influence non négligeable sur le contenu idéologique productible et surtout reproductible dans cet espace. Gérald Bronner relève ainsi que sur internet, l’effet Olson [1], combiné au faible coût d’entrée sur le marché cognitif et à l’influence puissante de certaines dispositions cognitives comme le biais de confirmation, aboutit à favoriser la surreprésentation des argumentaires militants ou de groupes activistes par rapport aux connaissances scientifiques (Bronner, 2013). Pour mieux saisir cet état de fait, il peut s’avérer fructueux de comprendre ce marché comme un espace où s’exercent, en raison de sa structuration particulière, des contraintes sélectives spécifiques sur les idées. Cette approche favorise une meilleure compréhension des relations entre le contexte ou l’environnement – ici un marché cognitif spécifique – et le contenu des idées qui auront les meilleures chances de s’y développer. Elle se rapproche de l’épidémiologie des représentations chère à Dan Sperber, qui vise à expliquer la distribution d’un trait culturel ou idéologique au sein d’une population (Sperber, 1996).

3 À l’heure du féminisme en ligne, le contexte impose donc de prendre en compte les pressions sélectives spécifiques que l’usage d’internet impose aux idées et pratiques du mouvement, de même que la sociologie particulière des usagers de cette technologie. Les enquêtes du Pew Research Center sur ce dernier point révèlent que les femmes – surtout dans la catégorie des 18 à 29 ans – sont plus souvent présentes sur internet et les réseaux sociaux que les hommes (Duggan, 2013), bien qu’il semble que l’écart se resserre et qu’il concerne surtout certains sites – Facebook, Instagram et Pinterest notamment (Anderson, 2015). D’autres études du Pew Research Center estiment que 68 % des femmes, contre 62 % des hommes, utilisent régulièrement les réseaux sociaux aux États-Unis, et le pourcentage monte jusqu’à 90 % chez les jeunes âgés de 18 à 29 ans – tous sexes confondus (Perrin, 2015). Au vu de ces chiffres, certains acteurs créditent le féminisme en ligne d’un potentiel considérable. Ainsi, les auteurs du #Femfuture: Online revolution publié par le Barnard Center for Research on Women considèrent que le féminisme en ligne consiste à « harnessing the power of online media to discuss, uplift, and activate gender equality and social justice », s’appuyant sur le fait que « young adult women ages 18-29 are the power users of social networking » et que 41 % des jeunes âgés de 18 à 25 ans ont mené des discussions ou des actions à caractère politique sur les réseaux sociaux (Valenti et Martin, 2013). Le public visé est donc, de manière prioritaire – mais pas nécessairement exclusive – celui des jeunes femmes. Les multiples blogs, journaux, webzines et forums féministes sont pensés comme les « consciousness-raising groups of the 21st century », à la différence qu’ils s’adressent aujourd’hui à des millions de visiteurs potentiels (Valenti et Martin, 2013). Le rapport en déduit que la nouvelle génération de mouvements sociaux naîtra sur internet.

4 Ces quelques éléments préliminaires montrent que si les changements qu’internet apporte au marché cognitif et aux idées qui s’y développent sont ambivalents, ils n’en sont pas moins conséquents, au point de susciter chez les acteurs des espoirs de changements paradigmatiques du point de vue de l’action collective. Pour le cas ici traité, cela soulève la question de l’adaptation du mouvement féministe à ce marché cognitif très particulier, et donc de la forme que prend le féminisme en ligne. Cette variante du féminisme contemporain suscite en effet un intérêt croissant, notamment en France, après quelques années d’un essor sans précédent en Amérique du Nord – et notamment aux États-Unis (Redfern et Aune, 2013). Il est cependant nécessaire de circonscrire cette nébuleuse, de la définir et de la situer au sein de la constellation féministe, tâche d’autant plus complexe qu’il existe de multiples typologies du féminisme, basées sur des critères différents.

5 En effet, l’une des caractéristiques principales du mouvement féministe est sa fragmentation, « non seulement sur le plan théorique, en fonction des diverses conceptions de l’oppression et de la manière d’y mettre fin, mais aussi sur le plan empirique, en fonction de la dispersion temporelle et géographique des groupes qui s’en réclament » (Bouchard, 1991). Cette diversité est à l’origine de difficultés et de débats houleux quant à la manière de classifier et caractériser les pensées et mouvements féministes. Aussi, la typologie théorique, formulée par Alison Jaggar en 1972, distingue les féminismes libéral, radical et marxiste, rejoints par le séparatisme lesbien et le féminisme socialiste – le positionnement de ces deux dernières familles est discuté [2] (Bouchard, 1991). La typologie empirique, qui sera utilisée ici, constate quant à elle des vagues successives de féminisme.

6 Or, pour certains, cette notion de vague « évacue la complexité ainsi que la diversité des idées qui parcourent l’histoire et l’actualité du mouvement féministe » (Blais, Fortin-Pellerin et Lampron, 2007, p. 2). Afin d’éviter toute confusion, il convient donc de déterminer précisément de quelle manière elle sera utilisée ici. Si l’on s’en réfère à l’usage qui en est fait, et en s’inspirant de la définition des vagues de protestation retenue par Ruud Koopmans (Koopmans, 2004), il est possible de définir une vague comme un « moment » du féminisme, durant lequel le mouvement se reconfigure et se transforme rapidement en réponse à l’évolution de la sociologie de ses militant.e.s et du contexte social. Pour affirmer qu’il existe une nouvelle vague féministe, il faut se fier à deux indices déterminants : le constat d’un engagement féministe croissant, ou d’une hausse marquée de l’intérêt porté au féminisme et aux problématiques qu’il soulève dans l’espace public ; et le renouvellement des méthodes et des thèmes principaux abordés par les militant.e.s. Le renouvellement générationnel souvent associé à la notion peut être compris comme un facteur explicatif autant que comme un indice de l’émergence d’une nouvelle vague : sous certaines conditions, les plus jeunes se réapproprient le féminisme et le reformulent, en raison de leur environnement distinct de celui de leurs aînées ; ce qui interroge les conditions sociales d’émergence d’une nouvelle vague (Heywood et Drake, 2007). La notion de vague désigne donc un fait social ; elle permet de caractériser un regain et un renouvellement du mouvement féministe, tout en aidant à contextualiser ce phénomène.

7 En France, le terme de Troisième Vague est consacré pour désigner la séquence de mobilisations féministes consécutive à la Quatrième conférence mondiale sur les femmes organisée à Pékin en 1995 (Blandin, 2017). Aussi, la reprise des mobilisations constatée depuis la fin des années 2000 et le début des années 2010 est parfois assimilée à cette Troisième Vague (Jouët, Niemeyer et Pavard, 2017). Cependant, en adoptant une définition empirique de la notion de vague, comme nous cherchons à le faire ici, il n’est pas possible de rassembler sous la même vague des cycles de mobilisations distincts, qui interviennent de surcroît dans des contextes sociaux et techniques différents. En effet, si internet existait bel et bien en 1995, lors de l’émergence de la Troisième Vague, l’usage de cette technologie ne concernait alors qu’une fraction extrêmement restreinte de la population française (Banque mondiale, 2016). Depuis la fin des années 2000, l’irruption, mais surtout la démocratisation des réseaux sociaux ont considérablement affecté les pratiques militantes, de plus en plus tributaires de ce web 2.0. Le regain d’intérêt pour la cause des femmes auquel on assiste dans l’espace public depuis cette même période ne fait que renforcer ce constat de l’existence d’un nouveau cycle.

8 Par conséquent, nous soutenons l’hypothèse de l’émergence d’une Quatrième Vague féministe en France depuis environ 2011. L’existence d’une Quatrième Vague féministe a en effet déjà été défendue par d’autres auteurs – féministes, universitaires, journalistes – concernant les États-Unis et le Royaume-Uni (Baumgardner, 2011 ; Munro, 2013 ; Cochrane, 2013 ; Rampton, 2015, Chittal, 2015). Compte tenu des indices relevés comme étant essentiels pour défendre l’hypothèse de l’existence d’une nouvelle vague féministe, l’un des enjeux de l’étude sera de déterminer dans quelle mesure l’usage massif et systématique du web 2.0 par les mouvements féministes est susceptible de les transformer. L’hypothèse défendue est que les actions et discussions qu’il est possible de mener sur internet sont dépendantes de la façon dont cette technologie structure les rapports sociaux qui s’y déroulent, ce qui implique que ces mécanismes affectent le contenu des idées et propositions les plus susceptibles de se diffuser.

9 D’un autre côté, une telle analyse « hors-sol » serait insuffisante pour rendre compte d’un fait social comme celui qui est étudié ici ; l’usage massif d’internet doit donc être compris comme une condition sociale nécessaire, mais non suffisante, de ce renouveau. C’est pourquoi l’étude cherchera également à déterminer s’il existe effectivement une hausse de l’intérêt public pour les questions liées au féminisme. En outre, s’interroger sur l’existence d’une Quatrième Vague féministe n’implique aucunement une occultation ou une disparition des thèmes ou groupes militants ayant émergé lors de vagues précédentes : les vagues féministes successives ne sont pas en opposition les unes avec les autres, mais doivent plutôt être comprises comme une réactualisation et une réappropriation des idées et traditions féministes par une génération qui vit un contexte particulier favorable à un renouveau du militantisme – ici entre autres la démocratisation d’internet, l’existence d’une jeunesse instruite, voire politisée (Heywood et Drake, 2007), ou encore une structure des opportunités politiques favorable au mouvement.

10 Par conséquent, l’article mobilise le concept de vague féministe pour mieux cerner la transformation des pratiques et idées du féminisme sous l’influence de l’utilisation croissante d’internet et la replacer dans le contexte de la hausse de l’intérêt public pour le mouvement, en ligne comme hors ligne.

La pratique et les idées féministes confrontées à la structure spécifique du marché cognitif sur internet

11 L’influence croissante d’internet sur la vie sociale et politique entraîne un certain nombre de changements quant à la forme des revendications et au contenu des idées défendues par des mouvements comme le féminisme. En exploitant la métaphore du marché cognitif, Gérald Bronner met ainsi en exergue plusieurs mécanismes qui affectent particulièrement ce marché sur internet. Si d’autres avaient déjà relevé la prégnance du biais de confirmation qui tend à diviser l’espace virtuel en enclaves idéologiques (Lev-on et Manin, 2006), l’importance de ce biais cognitif ne se conçoit pleinement que lorsqu’il se combine à d’autres effets.

12 Or l’une des principales conséquences de la structuration du marché cognitif sur internet est sa très grande sensibilité à la disposition des produits par l’offre (Bronner, 2013). Autrement dit, outre la façon dont les produits cognitifs sont hiérarchisés par les algorithmes de Google ou Facebook, la plus grande propension de certains groupes à produire des contenus a une influence non négligeable sur leur visibilité. Cela rejoint l’intuition de Manuel Castells selon qui, à l’ère d’internet, « le pouvoir s’exerce d’abord au niveau de la production et de la diffusion des codes culturels et du contenu de l’information » (Castells, 2001, p. 203).

13 Ainsi, sur Google, si environ 60 % des utilisateurs se contentent de consulter la première page de résultats lorsqu’ils font une recherche, alors le contenu affiché sur cette première page est déterminant, notamment pour la formation de l’opinion chez les individus dits « irrésolus » (Bronner, 2013). Or, sur certains thèmes sujets à controverse, il peut exister des groupes militants disposant d’une forte motivation pour créer du contenu et le rendre visible via sa diffusion sur les réseaux sociaux – qui augmente le nombre de mentions du contenu et donc son rang sur Google. C’est une variante de l’effet Olson : s’il existe sur un thème particulier une minorité active disposée à consacrer des ressources pour augmenter la visibilité de ses argumentaires, alors ceux-ci ont de plus grandes chances d’être visibles que les éventuels contre-argumentaires que la majorité des personnes n’auront aucune motivation à produire (Bronner, 2013). Le constat est donc celui d’une sur-représentation des argumentaires militants sur internet, concernant les sujets qui les intéressent. Il faut ajouter à ce tableau l’avarice intellectuelle, qui incite l’individu à se contenter de ce qu’il croit avoir appris en consultant la première source sur laquelle il est tombé – et ce d’autant plus qu’elle flatte ses idées préconçues (Bronner, 2013). La conjugaison de ces facteurs faciliterait donc la propagation d’idéologies diverses par le biais d’internet.

14 Ces éléments relatifs aux effets engendrés par la structure du marché cognitif sur internet peuvent expliquer, au moins partiellement, le regain de l’intérêt pour le féminisme en général, conséquence de la prégnance croissante du militantisme en ligne. Toutefois, de nombreux observateurs considèrent que l’existence d’une Quatrième Vague ne peut être actée par le simple constat de l’intensification du militantisme en ligne (Munro, 2013). Il faut donc mettre en évidence une différence qualitative caractéristique de ce féminisme, et notamment le fait que de nombreux pans de celui-ci n’existeraient même pas sans internet – puisqu’il s’agit bien d’une impulsion provenant du féminisme en ligne (Munro, 2013). Cette technologie peut donc être considérée comme une condition, sinon suffisante, au moins nécessaire, à une Quatrième Vague.

L’influence des régimes de visibilité propres aux réseaux sociaux sur les pratiques militantes

15 L’une des particularités du web participatif est la très forte influence de ces espaces en « clair-obscur » que constituent, entre autres, les réseaux sociaux (Cardon, 2010). Ils disposent de leurs propres algorithmes et règles de hiérarchisation de la visibilité, le plus souvent basés sur des critères similaires à ceux de Google comme la popularité, tout en laissant une place plus grande à la personnalisation – et donc à la sélection des sources. Ainsi, sur Facebook, le contenu que l’algorithme Edgerank propose à un utilisateur dépend de son réseau relationnel et de ses interactions avec celui-ci, ce qui renforcerait les effets de l’homophilie et du biais de confirmation [3]. Certaines publications sont également favorisées par rapport à d’autres, et particulièrement les photos. De plus, les « objets » ayant reçu le plus d’interactions se retrouvent aussi plus souvent affichés, ce qui accentue cet effet (Bucher, 2012). Par le truchement des algorithmes, une personne publiant peu de contenus et ayant peu d’interactions risque de devenir « invisible » sur le réseau. Par conséquent, quiconque cherche à se rendre visible sur Facebook doit publier en permanence, de préférence des photos, et chercher à provoquer une réaction. Les groupes féministes, comme tous les activistes du web, sont soumis à cet impératif à partir du moment où ils cherchent à se rendre visibles sur ce réseau social influent. Un exemple connu est celui de la campagne « Who needs feminism ? », pour laquelle des individus se prenaient en photo en tenant des pancartes énonçant les raisons pour lesquelles ils soutiennent le féminisme.

16 Sur Tumblr, la plateforme de micro-blogging, la pratique féministe consistera plutôt à créer des collections de témoignages ou d’anecdotes concernant des actes ou paroles considérés comme sexistes, racistes ou misogynes. L’invocation du témoignage est en effet une pratique majeure du militantisme en ligne (Granjon, 2012). Ce type de collections, en plus de conférer une tonalité personnelle et affective au fait social, lui donne par pointillisme un caractère ubiquitaire, de la même manière qu’il a été maintes fois relevé que la hausse du traitement médiatique de faits divers entraîne une hausse parallèle du sentiment d’insécurité. Par conséquent, la multiplication de ces témoignages est un outil extrêmement efficace lorsqu’il s’agit, pour un groupe féministe, de faire ressentir l’existence du sexisme. En France, ce type de pratiques existe par exemple à travers des pages telles que « payetashnek.tumblr.com » (qui recense des insultes ou harcèlements) ou encore « jesuisunepubsexiste.tumblr.com » (qui dénonce des publicités sexistes). Ces pages sont particulièrement représentatives de la pratique féministe de ces dernières années et se focalisent sur des thèmes redevenus centraux comme le harcèlement sous ses diverses formes et les publicités sexistes. Ces deux phénomènes ont par ailleurs été particulièrement visés par le récent Plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun (Secrétariat d’État chargé des droits des femmes, 2015).

17 Il apparaît donc que les réseaux sociaux, dans la manière qu’ils ont d’organiser la visibilité, favorisent la propagation de certains types d’argumentaires au détriment d’autres. Contrairement à un article de journal classique, les publications sur les réseaux sociaux sont confrontées au regard de l’entourage que s’est constitué l’individu militant. Si certains utilisent l’anonymat pour minimiser cette emprise sociale, ce n’est pas le cas de la plupart des individus – y compris militants – qui doivent donc s’exposer au jugement de leur groupe ou de leur réseau. En effet, les plateformes de réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook cherchent à lutter contre l’anonymisation avec plus ou moins de succès – il ne faut pas oublier que leur fonds de commerce principal est le ciblage marketing. De plus, le fait de dévoiler des informations personnelles, de s’exhiber et de produire du contenu en quantité est corrélé à une plus grande popularité sur des réseaux comme Twitter ou Instagram (Cardon, 2010). Le caractère virtuel d’internet n’empêche donc pas à ces pressions sociales et à ces interactions d’être bien réelles pour les personnes qui les vivent, ce qui incite les usagers à construire des « identités narratives » présentant une image valorisante de soi dans une sorte de mise en récit (Granjon, 2012). La dynamique construite par la structuration des régimes de visibilité sur les réseaux sociaux est donc celle d’une exposition de soi et d’une surveillance des autres (Cardon, 2010 ; Bucher, 2012 ; Granjon, 2012). Ce régime de visibilité est porteur de pressions sélectives spécifiques pour les idées et les pratiques.

L’émergence d’une « call-out culture » propice à la politisation des comportements

18 De nombreux auteurs pointent la prégnance croissante et relativement récente, notamment aux États-Unis, d’une « call-out culture », qui consiste à interpeller et dénoncer les auteurs de propos ou d’actes considérés par l’intervenant comme sexistes, misogynes, ou encore racistes, dans une lecture intersectionnaliste (Munro, 2013). Aux États-Unis, cette « call-out culture » est un phénomène qui suscite les controverses, et certains chercheurs ont associé sa croissance fulgurante à l’émergence d’une « victimhood culture » (Campbell et Manning, 2014). Or, le régime de visibilité qui prévaut sur les réseaux sociaux facilite grandement le recensement et la dénonciation en temps réel de comportements ou paroles considérés comme déviants, tout particulièrement sur Twitter où tout un chacun peut relier un contenu à un hashtag afin de le rendre visible à tous ceux qui suivent le dit hashtag. L’augmentation de ces pratiques de recensement, mais aussi de dénonciation et d’interpellation publique des déviants et de la déviance témoigne des possibilités offertes par les réseaux sociaux.

19 Les comportements ainsi qualifiés de déviants sont compris comme des « microagressions » moralement condamnables (Campbell et Manning, 2014). Deux exemples récents de comportements auparavant considérés comme anodins et aujourd’hui souvent associés au sexisme et au patriarcat sont le manspreading et le mansplaining. D’après Le Monde, le terme de manspreading s’est popularisé sur les tumblr états-uniens aux alentours de 2013 (Morin, 2017). Il s’agissait de dénoncer le fait que les hommes prennent trop de place dans les transports en commun en raison de leur tendance à écarter les jambes en s’asseyant. Pour cela, des militant.e.s ont publié sur tumblr[4] des centaines de photos d’hommes se rendant coupables de cette attitude, jusqu’à réussir à obtenir des campagnes de sensibilisation de la part des compagnies de transports en commun (Morin, 2017). Le procédé est celui de la sexation d’une incivilité ou d’un comportement considéré comme indésirable, pour l’insérer dans la grille de lecture féministe – en en faisant une conséquence du patriarcat et de la domination masculine. Pour ce qui est du mansplaining, le terme provient de l’ouvrage de Rebecca Solnit Men Explain things to me, paru en 2008. Dans un extrait du livre publié dans le Los Angeles Times, elle raconte une anecdote dans laquelle un homme, lors d’une soirée mondaine, lui a conseillé de lire un livre, sans savoir qu’il discutait avec son auteur. À l’origine, le terme dénonce une certaine condescendance paternaliste et mal placée, qui serait plus souvent le fait d’un homme à l’encontre d’une femme qui pourtant en sait plus que lui, notamment sur un sujet concernant particulièrement le vécu genré de cette dernière – comme le ressenti face à la sexualité, la contraception, etc. Il est en effet avéré que les femmes tendent à prendre moins souvent la parole en public, ou qu’elles se font plus souvent couper la parole lorsque c’est le cas. Cependant, la circulation du terme sur internet et son usage dans des contextes militants et polémiques a quelque peu modifié sa signification. Ainsi, d’après le webzine progressiste américain Salon.com , le terme « has increasingly come to mean “men saying things to, or about, women” », à tel point qu’il serait devenu un moyen utile de faire taire ses adversaires dans le cadre de discussions autour du féminisme ou de thèmes concernant les femmes (Hart, 2014). Un homme accusé de mansplaining a nécessairement tort, parce que son contradicteur a jugé que son sexe constituait une preuve de ses mauvaises intentions ou de son inaptitude à appréhender l’objet de la discussion. Si jamais l’individu se risque à expliquer pourquoi il n’est pas coupable de mansplaining, alors il fait du mansplaining – car en tant qu’homme il ne peut subir ni ressentir ce type de comportements. Le terme est donc potentiellement porteur, dans certaines de ses utilisations, d’une forme d’argumentum ad personam, tel que défini par Schopenhauer, car il « quitte l’objet de la querelle […] pour passer à l’adversaire, et [cherche] à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est », ici en vue de faire découler son erreur en partant de sa nature ou son essence (Schopenhauer, 2014 [1864], p. 43). Le terme s’insère parfaitement dans une grille de lecture féministe basée sur l’intersectionnalité et les oppressions systémiques qui font des individus des dominants ou des dominés d’un point de vue objectif. Le fait qu’un sophisme ait pu se répandre et devenir récurrent au cours de débats polémiques impliquant des féministes n’est cependant pas une anomalie propre à ce mouvement. Il ne s’agit pas là non plus d’un jugement moral : si le but d’un groupe est de populariser ses thèses et de les défendre contre les réfutations, il semble probable que les raisonnements sophistiques seront parfois utilisés – c’est presque une tautologie. Les idées et représentations sont en effet le résultat d’une « hybridation entre des invariants de la pensée humaine et des variables de la vie sociale » (Bronner, 2010, p. 158). Compte tenu du caractère immémorial de l’existence des sophismes, et de la vigueur attestée de leur utilisation à de nombreuses périodes de l’histoire, y compris aujourd’hui, il n’est pas invraisemblable de penser que ces procédés rhétoriques sont efficaces parce qu’ils épousent des biais cognitifs. En outre, les pressions sélectives spécifiques qui s’exercent sur les idées sur internet leur sont favorables : au-delà des biais de confirmation et autres sélections préalables des sources d’information par les internautes, certains réseaux sociaux obéissent à une logique opposée à un débat contradictoire ouvert et constructif. Le cas de Twitter est le plus emblématique : les messages qui y circulent ne doivent pas dépasser 140 caractères, et ils sont catégorisés par hashtags qui correspondent à un thème, ce qui en cas de polémique permet de confronter immédiatement les points de vue opposés sur le sujet concerné, alors même que la structure des relations sur ce réseau est (de plus en plus) fortement polarisée et homophile (Conover et al., 2011). Les utilisateurs diffusent principalement des contenus qui correspondent à leurs positions politiques (ils les « retweetent »). Parallèlement, ils utilisent volontairement des hashtags correspondant à des orientations politiques opposées en vue de provoquer le débat dans une logique d’affrontement, ce qui pourrait renforcer la polarisation. Dans ce contexte, l’usage de « mots-valises » tels que mansplaining peut être un moyen efficace de prendre l’avantage au cours d’une discussion face à des publics polarisés.

20 Ces pratiques de public shaming augmentent fortement le coût symbolique de la déviance morale sur les réseaux sociaux [5]. En effet, il est possible de conjecturer que le fait de rendre régulièrement visible une désapprobation morale collective à l’égard d’un comportement tend à diminuer sa fréquence (Boyd et Richerson, 1992). La limite du public shaming réside dans la réactance des opposants qui, s’ils sont organisés, pourront riposter. Quoi qu’il en soit, les réseaux sociaux sont justement un outil idéal pour organiser de manière presque instantanée un public shaming sur un comportement jugé indésirable (Dean et Aune, 2015). Leur usage intensif est donc un moyen inégalé, pour des groupes militants organisés et suffisamment nombreux, de faire évoluer les normes morales (Rost, Stahel et Frey, 2016). De plus, dans le cas spécifique de la France, il existe un dispositif de signalement des contenus susceptibles d’enfreindre la loi, ce qui diminue le coût moral d’une telle manœuvre tout en maximisant ses chances de réussite lorsque le but est la suppression et la sanction de la parole incriminée.

L’intégration du mouvement féministe dans les clivages propres à l’internet politique

21 Néanmoins, les actions visant à bannir des propos sexistes par des féministes sur les réseaux sociaux s’adressent principalement aux services de modération desdits réseaux. Tous proposent des modalités de signalement de contenus, dont les règles divergent et évoluent en fonction des réclamations des usagers. Ainsi, le harcèlement en ligne à l’encontre des femmes a récemment fait l’objet de campagnes, y compris de la part de l’Organisation des Nations unies (ONU) Femmes (UN Women, 2015) [6]. Twitter a alors fini par annoncer la constitution d’un « Trust and Safety Council », composé d’organisations de protection des mineurs, mais aussi d’associations féministes, antiracistes, d’une association de défense de la liberté de la presse, ou d’autres œuvrant par exemple pour limiter les « discours dangereux » [7]. Ces mesures ont été à leur tour critiquées, principalement en vertu de la liberté d’expression. En effet, l’une des conséquences importantes de la démocratisation d’internet est la modification de la perception de ce qu’est l’espace public pour les individus (Cardon, 2010). Ces transformations de l’espace public sont encore en cours actuellement, et leurs conséquences ne sont pas encore pleinement visibles. Or, si l’idéal de la liberté d’expression figurait parmi les principes fondateurs d’internet, la conciliation de l’élargissement de l’espace public avec des règles de droit et des représentations héritées des époques précédentes est toujours délicate : alors qu’ils organisent la visibilité et l’accessibilité de certains propos et se révèlent être des outils relativement présents au cœur de débats d’intérêt public, les plateformes de réseaux sociaux numériques restent des structures privées pouvant se réserver le droit d’établir un règlement dont la violation peut conduire à une expulsion. D’autre part, ces structures sont régulièrement accusées par des associations militantes de favoriser les agressions verbales qui peuvent avoir lieu à travers leurs canaux. « Or ce sont désormais les internautes qui définissent eux-mêmes la frontière, souple et mouvante, du public et du privé » (Cardon, 2010, p. 36). Cela explique pourquoi un certain nombre de conflits peuvent surgir lorsqu’il s’agit justement de tracer ces frontières en fonction des idéaux et intérêts contradictoires des mêmes internautes – ainsi que des « géants du web ». Aussi, si le féminisme s’insère dans les clivages qui façonnent le web, il contribue également à transformer l’environnement dans lequel il évolue en se diffusant.

Le constat d’une hausse récente de l’intérêt public pour le féminisme

22 Si les hypothèses préalablement exposées s’avèrent justes, le féminisme en ligne est le produit de l’adaptation des militant.e.s à un nouvel environnement cognitif. Ce renouvellement des idées et des pratiques peut contribuer à l’émergence d’une nouvelle vague féministe s’il s’avère particulièrement adapté aux exigences de son milieu social : une telle configuration se traduirait notamment par une hausse quantitative de l’engagement féministe en ligne. Or le constat est unanime : le militantisme féministe est en hausse (Dean et Aune, 2015 ; Rampton, 2015 ; Cochrane, 2013 ; Munro, 2013, Redfern et Aune, 2013). Tout d’abord, les chiffres du Pew Research Center exposés plus haut montrent que les jeunes femmes, visées prioritairement par les activistes féministes, sont des actrices de premier plan sur internet et les réseaux sociaux. Une étude réalisée au Royaume-Uni montre que l’âge médian des militant.e.s féministes est de 27 ans, et que 70 % d’entre elles considèrent que l’usage d’internet a été essentiel pour le mouvement (Redfern et Aune, 2013). Il faut en effet rappeler à quel point internet, en abaissant les coûts organisationnels, mais aussi de participation et de diffusion des idées, a permis à un certain nombre de personnes, isolées géographiquement et socialement, de manifester leur soutien au mouvement (Valenti et Martin, 2013). Il est vrai que le soutien ou la participation peuvent se décliner de plusieurs manières et à divers degrés. On parle ainsi de « coopérations faibles » pour désigner un éventail de comportements allant de la signature d’une pétition sur internet au dépôt d’une mention « J’aime » sur une page Facebook, en passant par le partage d’un tweet : autant de façons d’inclure un public parfois démuni en capital culturel (Cardon, 2010). Si cette forme de politisation peut sembler faible, voire moquée comme insuffisante et confortable – certains parlent de « slacktivism » –, il n’empêche qu’elle permet d’inclure d’une certaine manière des populations aux potentialités de participation limitées.

23 On observe par ailleurs une augmentation substantielle du nombre d’internautes suivant des pages féministes (Jouët et al., 2017). La stratégie consistant à exploiter les possibilités offertes par les réseaux sociaux pour diffuser les idées féministes semble fonctionner, même si elle est souvent liée à des événements hors ligne. L’exemple récent des mobilisations en ligne consécutives à l’affaire Weinstein montre bien l’interpénétration des enjeux hors ligne et en ligne. Plus encore, on pourrait se demander dans quelle mesure la réception et la médiatisation des hashtags #metoo et #balancetonporc est tributaire d’une structure des opportunités politiques favorable à la prise en compte des problématiques liées aux rapports de genre. La question de l’intérêt porté à ces thématiques par les internautes comme par le personnel politique s’avère alors d’un intérêt crucial pour appréhender le rôle du terreau sur lequel cette médiatisation s’est appuyée.

Une hausse de l’intérêt pour le féminisme chez les internautes

24 Google Trends permet une mesure de l’évolution de l’intérêt relatif que les internautes portent à des mots clés déterminés. Pour cela, l’outil pose un indice 100 qui correspond à l’intérêt relatif maximal dont a bénéficié au moins l’un des mots clés choisis pendant la période analysée, en proportion de l’ensemble des recherches Google. L’une des limites de cette méthode est qu’elle ne permet pas de mesurer le volume de recherches, mais se concentre plutôt sur l’évolution d’une proportion normalisée : il ne faut donc pas négliger les variations de la quantité totale de recherches internet qui peuvent affecter cette proportion. Ainsi, des modifications importantes du nombre d’internautes sont susceptibles d’affecter la proportion que représentent certains groupes sociaux parmi l’ensemble des utilisateurs : les jeunes, les classes populaires, etc. Or la sociologie des utilisateurs peut avoir une influence sur leurs intérêts de recherche. Quoi qu’il en soit, un regain du féminisme dans l’espace public devrait se traduire par une hausse progressive de l’intérêt relatif suscité chez les internautes par des thèmes liés à ce mouvement, et ce malgré une augmentation du nombre total d’internautes et de recherches sur Google. L’année 2011 devrait être une date charnière : elle est déjà retenue comme le début de la Quatrième Vague au Royaume-Uni (Cochrane, 2013).

25 Les mots clés choisis pour mesurer une éventuelle hausse de l’intérêt relatif porté au féminisme et à ses thèmes actuellement populaires sont « féminisme » et « sexisme » (en France). Sur Google Trends, l’option « Sujet » a été choisie pour assortir chacun de ces mots clés, afin d’inclure les thèmes directement liés comme « agression sexiste », « pensée féministe », « mouvement féministe », etc. En outre, ces deux termes ne sont pas choisis de manière arbitraire. Il faut préciser que si les recherches contenant sur le sujet « féminisme » ne préjugent en rien de l’attitude de l’utilisateur, celles concernant le sujet « sexisme » suggèrent au moins, dans la compréhension courante du terme [8], un intérêt pour des difficultés quotidiennes liées au sexe des individus – et donc une possible sympathie pour des mouvements cherchant à atténuer ces difficultés. De plus, il apparaît central dans les mobilisations féministes depuis un certain nombre d’années, et principalement sur internet, comme cela a été montré. La hausse de l’intérêt pour ces termes peut donc probablement être liée à une meilleure visibilité du féminisme ou des thèmes qu’il promeut dans la sphère publique.

Figure 1

Évolution de l’intérêt relatif des internautes pour les sujets « Féminisme » et « Sexisme » (France) au 31 janvier 2018

Figure 1

Évolution de l’intérêt relatif des internautes pour les sujets « Féminisme » et « Sexisme » (France) au 31 janvier 2018

26 Dans la figure exposée ci-dessus, on constate après un pic atteint par le sujet « féminisme » en mars 2004 (88 sur un indice de 100 atteint en mars 2017), un déclin relatif, parmi l’ensemble des recherches Google, de celles concernant les deux termes étudiés. Il est donc possible de considérer qu’il y a eu une baisse de l’intérêt relatif pour ces questions, qui semble correspondre à l’essoufflement progressif de la Troisième Vague, qui est généralement datée en France du milieu des années 1990 à la fin des années 2000 – bien qu’une vague puisse difficilement être « enterrée » au sens où il existe toujours des mouvements féministes se réclamant d’objectifs et d’idéaux associés à des vagues précédentes et que les nouvelles vagues essaient d’inclure et de recycler (Baumgardner, 2011). Il faut préciser que la chute particulièrement marquée observée entre 2006 et 2007 est concomitante de la plus forte augmentation du nombre d’internautes français de l’histoire pendant cette période (Banque mondiale, 2016). Cet événement a probablement diversifié et popularisé le public, et donc ses intérêts. Cela peut avoir eu une influence sur le déclin observé. Néanmoins, à part ce cas, les baisses relatives continuelles des recherches de ces mots (y compris celle survenant entre 2004 et 2005) ne correspondent pas à des augmentations anormales du nombre d’internautes. Au moment de l’affaire dite « DSK » survenue en mai 2011, le graphique montre un pic de recherches pour le sujet « féminisme », ce qui suggère que l’événement, et les prises de parole féministes qu’il a occasionnées, ont suscité un intérêt des internautes envers le mouvement. Par la suite, le graphique montre un accroissement progressif de l’intérêt relatif pour les sujets sélectionnés. Cependant, le fait que ces tendances commencent à poindre à la suite de l’affaire dite « DSK » et du pic qui lui est associé n’implique pas nécessairement que cette polémique soit la cause ou l’élément déclencheur d’un tel regain d’intérêt. Les pics récurrents observés au mois de mars peuvent quant à eux s’expliquer par la Journée internationale des droits des femmes, qui peut encourager le public à s’informer sur ces questions pendant cette période. Le graphique semble en tout cas confirmer un regain d’intérêt des internautes français pour les questions liées au féminisme et au sexisme. Enfin, concernant l’affaire Weinstein et les mobilisations – notamment en ligne – qui ont suivi, il semble difficile pour l’instant de déterminer leur influence sur les intérêts des internautes. En effet, le mois d’octobre 2017 correspond à une forte remontée de la proportion de recherches sur les sujets sélectionnés – et tout particulièrement pour le sujet « Féminisme » qui atteint un indice de 82 contre 49 en septembre. Néanmoins, les deux sujets ont déjà eu des scores plus élevés à d’autres périodes. Il est en revanche fortement probable que des sujets de recherche tels que « harcèlement sexuel » aient atteint un pic à cette occasion, mais le test de cette hypothèse dépasse le cadre de cette étude.

27 En outre, féminisme en ligne et féminisme hors ligne ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, et l’on peut conjecturer qu’ils se renforcent mutuellement. Internet est en effet une technologie encastrée dans l’espace public. Aussi, les idées les plus visibles ou les plus discutées dans les médias et la vie politique sont susceptibles de l’être également sur internet, comme le suggèrent des études menées sur Twitter (Rieder et Smyrnaios, 2012).

La hausse de l’intérêt du personnel politique envers le féminisme et les thèmes qu’il promeut

28 Il est alors possible d’observer la hausse de l’intérêt pour le féminisme et les thèmes afférents en analysant les transformations de l’activité des membres des institutions politiques, à la manière des spécialistes de la structure des opportunités politiques (Costain, 1992). L’intérêt porté à un sujet par le personnel politique peut en effet traduire un changement dans l’opinion publique, voire le devancer (Costain, 1992). En outre, un intérêt marqué pour le féminisme et les thèmes qu’il soulève de la part des députés ou des membres du gouvernement est susceptible de traduire un soutien des institutions envers le mouvement. Quoi qu’il en soit, cela révèle l’importance prise par le thème dans le débat public. Il semblerait en effet rédhibitoire de ne pas prendre en compte l’influence des institutions sur la réception et la capacité d’un mouvement social à se mobiliser (Tarrow et Tilly, 2015), et sur ce point l’activité parlementaire est tout à fait révélatrice (Costain, 1992).

29 Nous avons donc relevé un certain nombre de données sur le site de l’Assemblée nationale afin de déterminer si l’on pouvait percevoir un changement dans le traitement des questions liées au féminisme et au sexisme par les députés. Là encore, nous avons choisi ces termes, car ils sont très spécifiques et que leur utilisation traduit une intention plus précise que la simple évocation des « droits des femmes » ou de « l’égalité entre les femmes et les hommes » (d’autant plus qu’une délégation et un ministère portent ou ont porté cette étiquette, ce qui peut fausser les résultats de recherche).

Figure 2

Nombre de documents parlementaires (toutes catégories) référencés par l’Assemblée nationale et comprenant les termes « sexisme » ou « féminisme » dans le texte, classés par année (au 30 janvier 2018)

Figure 2

Nombre de documents parlementaires (toutes catégories) référencés par l’Assemblée nationale et comprenant les termes « sexisme » ou « féminisme » dans le texte, classés par année (au 30 janvier 2018)

30 La figure 2 ci-dessus, qui mesure le nombre de documents parlementaires (toutes catégories confondues) publiés chaque année et contenant les termes « sexisme » ou « féminisme », montre à quel point la mention de ces termes a augmenté ces dernières années, notamment à partir de 2009. Le phénomène ne peut donc pas être uniquement attribué à la XIVe législature dont la majorité était issue du Parti socialiste. En outre, si la création de la délégation parlementaire aux droits des femmes en 1999 a pu aider à promouvoir les sujets liés à l’égalité entre les femmes et les hommes, la date ne semble pas marquer un changement majeur pour ce qui est du nombre de documents parlementaires comprenant les termes sexisme ou féminisme. La création du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2013 a elle aussi pu jouer un rôle dans la promotion de ces thèmes auprès du personnel politique – mais encore faut-il admettre qu’une telle instance n’aurait jamais été créée si l’égalité de genre n’avait pas été considérée comme un sujet d’une certaine importance. Ces institutions organisent également des événements, à l’instar du colloque « Qui sont les nouvelles féministes ? » proposé par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale le 7 mars 2017.

Figure 3

Nombre de questions au gouvernement posées à l’Assemblée nationale (écrites ou orales, retirées ou non, avec ou sans réponse) et comprenant les termes « sexisme » ou « féminisme » dans le texte, classées par année (au 31 janvier 2018)

Figure 3

Nombre de questions au gouvernement posées à l’Assemblée nationale (écrites ou orales, retirées ou non, avec ou sans réponse) et comprenant les termes « sexisme » ou « féminisme » dans le texte, classées par année (au 31 janvier 2018)

31 De manière plus précise, nous nous sommes concentrés sur les questions au gouvernement posées à l’Assemblée nationale, et, après avoir filtré les doublons (certaines questions étant parfois posées à l’identique le même jour par de très nombreux députés, ce qui fausse les résultats), des tendances similaires à celles déjà notées apparaissent : l’intérêt pour les deux sujets remonte très sensiblement à partir de 2010, après avoir été assez faible à partir de 2005. Le choix des questions au gouvernement n’est pas arbitraire : il s’agit de l’événement parlementaire le plus médiatisé et donc le plus susceptible d’influencer (et de refléter les évolutions de) l’opinion publique. Il est intéressant de noter que, pendant la XIVe législature, les questions mentionnant le terme « féminisme » proviennent principalement du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) et des diverses droites, notamment en vue de critiquer des politiques gouvernementales supposées être menées par partialité idéologique et pour favoriser un mouvement social. Les mentions du terme « sexisme » proviennent quant à elles majoritairement du groupe socialiste depuis 2007, visant à objectiver le phénomène du sexisme et à en faire un problème politique légitime.

32 Par conséquent, il semble que le féminisme suscite un intérêt public croissant depuis quelques années, ce qui est un indice en faveur de l’émergence d’une Quatrième Vague. D’un point de vue quantitatif, il semble raisonnable d’affirmer que le féminisme en ligne est en plein essor, ce qui n’exclut pas celui du féminisme hors ligne, comme le montre la place croissante qu’occupent les thèmes sélectionnés dans l’activité parlementaire, mais aussi des événements comme la fondation de l’ONU Femmes en juillet 2010, le discours très médiatisé d’Emma Watson en 2014 [9], ou encore les discussions engendrées par les mobilisations consécutives à l’affaire Weinstein. Ces éléments semblent dessiner les contours d’une structure des opportunités politiques favorable au développement du mouvement féministe, mais dont l’analyse dépasse largement le cadre de cette étude.

Conclusion

33 Le développement du féminisme en ligne et la transformation des pratiques militantes par la configuration particulière des espaces du web 2.0 sont des phénomènes concomitants à une hausse de l’intérêt pour les questions féministes dans l’espace public. Si ces constats ne sont pas suffisants à eux seuls pour valider définitivement l’hypothèse de l’émergence d’une Quatrième Vague féministe, il convient de rappeler que deux des critères constitutifs d’une Vague féministe sont retrouvés dans le cadre de cette étude. La forte médiatisation de l’affaire Weinstein et l’ampleur des mobilisations, notamment en ligne, qui l’ont suivie, semblent également illustrer la pertinence de ces critères pour appréhender le phénomène étudié.

34 Du point de vue des idées et des pratiques, plusieurs éléments liés aux contraintes spécifiques que la structuration du marché cognitif impose aux idées sur internet transforment le féminisme. Celui-ci se diffuse essentiellement sur les réseaux sociaux, et les régimes de visibilité qui les caractérisent ont une influence non négligeable sur la forme prise par le militantisme. En effet, ces régimes de visibilité facilitent l’organisation de pratiques de public shaming extrêmement réactives et coordonnées, octroyant aux mouvements féministes une capacité inégalée à influencer les normes morales. Aussi, la traque et la dénonciation du sexisme et de la misogynie dans les interactions quotidiennes – et notamment sur internet – sont souvent considérées comme étant l’essence même du renouveau féministe actuel (Munro, 2013). Ces pratiques sont liées à une « call-out culture » qui s’est développée en parallèle de la promotion d’une lecture intersectionnaliste des rapports sociaux de domination. Cette « call-out culture » encourage une politisation sélective des comportements nécessaire à la pratique étendue du public shaming. Enfin, le fait que le féminisme en ligne se pratique, par définition, sur internet, l’intègre nécessairement aux clivages qui séparent les utilisateurs de cette technologie. Ainsi, les féministes prennent part au débat concernant la liberté d’expression sur le web de plusieurs manières, que ce soit via la prévention du harcèlement en ligne (UN Women, 2015), la dénonciation des propos sexistes ou la lutte contre les propos antiféministes (Langevin, 2008).

35 La hausse de l’intérêt public pour le féminisme semble quant à elle être confirmée ; et en partie tributaire, au moins pour ce qui concerne le personnel politique, d’une structure des opportunités politiques favorable. Bien que l’analyse de celle-ci dépasse le cadre de cette étude, elle pourrait améliorer la compréhension des mécanismes favorisant l’essor du féminisme (Costain, 1992 ; Revillard, 2007 ; Tarrow et Tilly, 2015). Celle-ci appelle notamment une analyse plus qualitative de l’activité du personnel politique ou encore du féminisme d’État.

36 Un second aspect non traité dans cette étude est celui de la plus ou moins grande porosité entre les espaces publics et médiatiques traditionnels et internet. Cet élément a une certaine importance également dans la mesure où il permettrait d’affiner la compréhension des rapports entre la progression du féminisme en ligne et la plus ou moins grande visibilité de ses thèses dans l’espace public, ainsi que de la manière dont les croyances adoptées sur le web se traduisent en dehors de l’usage de cette technologie.

37 Enfin, reste à explorer la question des facteurs structurels – autres que la démocratisation d’internet et des réseaux sociaux – ayant permis l’émergence de ladite vague, ce qui peut être fait en testant l’hypothèse du renouvellement générationnel. Cette notion de génération est essentielle au sens où elle incite à réfléchir aux conditions matérielles et culturelles susceptibles d’affecter la manière dont les plus jeunes perçoivent le politique.

Notes

  • [1]
    Ici compris comme la plus grande capacité d’un petit groupe organisé à atteindre ses buts, par rapport aux difficultés rencontrées par un groupe plus grand pour accomplir un même objectif.
  • [2]
    Si elle a pu être révisée et augmentée, cette typologie théorique reste cependant utilisée lorsqu’il s’agit de distinguer les doctrines féministes entre elles.
  • [3]
    Pour d’autres, le fait que l’individu soit plus disposé à partager les informations fournies par ses contacts proches n’empêche pas que la majorité des informations consultées et partagées sur Facebook proviennent de contacts moins proches de l’individu concerné (Bakshy et al., 2012).
  • [4]
  • [5]
    De rares cas vont jusqu’au doxing, qui consiste à publier sur le web les informations privées d’un individu.
  • [6]
    Pour un aperçu moins partisan de l’aspect genré du harcèlement en ligne, voir M. Duggan, « Online harassment », Pew Research Center, 2017, http://www.pewinternet.org/2017/07/11/online-harassment-2017/.
  • [7]
  • [8]
    D’après Le Petit Robert de 2014, le sexisme est une « attitude de discrimination fondée sur le sexe » (p. 2364).
  • [9]
    À l’occasion de la campagne « He for She », qui a reçu un soutien important sur Twitter.
linkThis article is available in English on Cairn International and in Spanish on Cairn Mundo
Français

Cet article soutient que la médiatisation des hashtags #metoo et #Balancetonporc, par laquelle le public a pu découvrir la vigueur des mobilisations féministes en ligne, est une manifestation de l’émergence récente d’une Quatrième Vague féministe. Pour cela, l’étude adopte une définition empirique du terme de vague, qui permet d’attester de son existence en fonction de trois critères mesurables dont deux sont testés et validés. Le premier critère requiert d’observer une hausse de l’intérêt public pour les thèmes liés au féminisme ou aux rapports de genre, et il se vérifie tant au niveau des intérêts de recherche des internautes qu’au niveau des sujets discutés à l’Assemblée Nationale. Le second critère exige d’attester d’une reconfiguration des idées et/ou pratiques militantes. Sur ce point, le rôle de la démocratisation des réseaux sociaux, de la restructuration du marché cognitif qu’ils opèrent et du régime de visibilité panoptique qui les caractérise est examiné.

Mots-clés

  • féminisme en ligne
  • Quatrième Vague féministe
  • réseaux sociaux
  • mobilisations en ligne
  • Twitter
  • Facebook
  • mouvements sociaux
  • renouveau féministe

Références

  • ANDERSON M. (2015), « Men catch up with women on overall social media use », Pew Research Center, http://www.pewresearch.org/fact-tank/2015/08/28/men-catch-up-with-women-on-overall-social-media-use/ (consulté le 23 mars 2018).
  • BAKSHY E., MESSING S., ADAMIC L. (2015), « Exposure to ideologically diverse news and opinion on Facebook », Science, vol. 348, n° 6239, pp. 1130-1132.
  • BANQUE MONDIALE (2016), « Utilisateurs Internet (pour 100 personnes) », La Banque mondiale, http://databank.banquemondiale.org/data/reports.aspx?Id=339e62ce&Report_Name=World-Bank---Internet-Users# (consulté le 26 mars 2018).
  • BAUMGARDNER J. (2011), « Is there a Fourth Wave? Does it matter? », in F’em: Goo Goo, Gaga and Some Thoughts on Balls, Seal Press, http://www.feminist.com/resources/artspeech/genwom/baumgardner2011.html (consulté le 23 mars 2018).
  • BLAIS M., FORTIN-PELLERIN L., LAMPRON E.-M., PAGÉ G. (2007), « Pour éviter de se noyer dans la (troisième) vague : réflexions sur l’histoire et l’actualité du féminisme radical », Recherches féministes, vol. 20, n° 2, pp. 141-162.
  • BLANDIN C. (2017), « Présentation », Réseaux, n° 201, pp. 9-17.
  • BOUCHARD G. (1991), « Typologie des tendances théoriques du féminisme contemporain », Philosophiques, vol. 18, n° 1, pp. 119-167.
  • BOYD R., RICHERSON P. (1992), « Punishment allows the evolution of cooperation (or anything else) in sizable groups », Ethology and Sociobiology, vol. 13, pp. 171-195.
  • BRONNER G. (2010), « Le succès d’une croyance : évocation – crédibilité – mémorisation », L’Année sociologique, vol. 60, pp. 137-160.
  • BRONNER G. (2013), La démocratie des crédules, Paris, Presses universitaires de France.
  • BUCHER T. (2012), « Want to be on the top? Algorithmic power and the threat of invisibility on Facebook », New Media and Society, vol. 14, n° 7, pp. 1164-1180.
  • CAMPBELL B., MANNING J. (2014), « Microagression and moral cultures », Comparative Sociology, vol. 13, pp. 692-726.
  • CARDON D. (2010), La démocratie Internet : promesses et limites, Paris, Seuil, coll. « La République des idées ».
  • CASTELLS M. (2001), La galaxie Internet, Paris, Fayard.
  • CHITTAL N. (2015), « How social media is changing the feminist movement », MSNBC, http://www.msnbc.com/msnbc/how-social-media-changing-the-feminist-movement (consulté le 23 mars 2018).
  • COCHRANE K. (2013), All the rebel women: The rise of the fourth wave of feminism, London, Guardian Books.
  • CONOVER M. D., RATKIEWICZ J., FRANCISCO M., GONÇALVES B., FLAMMINI A., MENCZER F. (2011), « Political polarization on Twitter », International AAAI Conference on Web and Social Media, http://www.aaai.org/ocs/index.php/ICWSM/ICWSM11/paper/view/2847/3275 (consulté le 23 mars 2018).
  • COSTAIN A. (1992), Inviting women’s rebellion: a political process interpretation of the women’s movement, Baltimore, The Johns Hopkins University Press.
  • DEAN J., AUNE K. (2015), « Feminism resurgent? Mapping contemporary feminist activisms in Europe », Social Mouvement Studies, vol.°14, n° 4, pp. 375-395.
  • DUGGAN M. (2013), « It’s a woman’s (social media) world », Pew Research Center, http://www.pewresearch.org/fact-tank/2013/09/12/its-a-womans-social-media-world/ (consulté le 23 mars 2018).
  • GRANJON F. (2012), Reconnaissance et usages d’Internet : une sociologie critique des pratiques de l’informatique connectée, Paris, Presses des Mines.
  • HART B. (2014), « RIP “mansplaining”: the Internet ruined one of our most useful terms », Salon.com , http://www.salon.com/2014/10/20/rip_mansplaining_how_the_internet_killed_one_of_our_most_useful_words/ (consulté le 23 mars 2018).
  • HEYWOOD L., DRAKE J. (2007), « ‘It’s all about the Benjamins’: Economic determinants of Third Wave Feminism in the United States », in S. GILLIS, G. HOWIE, R. MUNFORD, Third Wave feminism: A critical exploration, New York, Palgrave Macmillan.
  • INGLEHART R., NORRIS P. (2003), Gender equality and cultural change around the world, Cambridge, Cambridge University Press.
  • JOUËT J., NIEMEYER K., PAVARD B. (2017), « Faire des vagues », Réseaux, n° 201, pp. 21-57.
  • En ligne KOOPMANS R. (2004), « Protest in Time and Space: The Evolution of Waves of Contention », in D. A. SNOW, S. A. SOULE, H. KRIESI (eds.), The Blackwell Companion to Social Movements (pp. 19-46), Oxford, Blackwell.
  • LANGEVIN L. (2008), « Internet et antiféminisme : le difficile équilibre entre la liberté d’expression et le droit des femmes à l’égalité », in L. LANGEVIN, Rapports sociaux de sexe-genre et droit : repenser le droit (pp. 195-216), Paris, Éditions des archives contemporaines.
  • En ligne LEV-ON A., MANIN B. (2006), « Internet : la main invisible de la délibération », Esprit, n° 5.
  • MORIN V. (2017), « Comment le “manspreading” est devenu un objet de lutte féministe », LeMonde.fr , http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2017/07/06/comment-le-manspreading-est-devenu-un-objet-de-lutte-feministe_5156949_4832693.html (consulté le 23 mars 2018).
  • MUNRO E. (2013), « Feminism: A fourth wave ? », Political Studies Association, https://www.psa.ac.uk/insight-plus/feminism-fourth-wave (consulté le 23 mars 2018).
  • PERRIN A. (2015), « Social Media Usage: 2005-2015 », Pew Research Center, http://www.pewinternet.org/2015/10/08/social-networking-usage-2005-2015/ (consulté le 23 mars 2018).
  • RAMPTON M. (2015), « Four waves of feminism », Pacific University Oregon, http://www.pacificu.edu/about-us/news-events/four-waves-feminism (consulté le 23 mars 2018).
  • REDFERN C., AUNE K. (2013), Reclaiming the F word: the new feminist movement, London, Zed, 320 p.
  • REVILLARD A. (2007), La cause des femmes dans l’État : une comparaison France – Québec (1965-2007). Sociologie. École Normale Supérieure de Cachan – ENS.
  • En ligne RIEDER B., SMYRNAIOS N. (2012), « Pluralisme et infomédiation sociale de l’actualité : le cas de Twitter », Réseaux, n° 176.
  • En ligne ROST K., STAHEL L., FREY B. (2016), « Digital social norm enforcement : online firestorms in social media », PLoS ONE, vol. 11, n° 6.
  • SCHOPENHAUER A. (2014 [1864]), L’art d’avoir toujours raison, Paris, Librio.
  • SECRÉTARIAT D’ÉTAT CHARGÉ DES DROITS DES FEMMES (2015), « Sécurité des femmes dans les transports en commun : plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles ».
  • SPERBER D. (1996), La contagion des idées : théorie naturaliste de la culture, Paris, Odile Jacob.
  • TARROW S., TILLY C. (2015), Politique(s) du conflit : de la grève à la révolution, Paris, Pressses de Sciences Po.
  • UN WOMEN (2015), « Cyberviolence against women and girls », Entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; Programme des Nations unies pour le développement, http://www.unwomen.org/en/news/stories/2015/9/cyber-violence-report-press-release (consulté le 26 mars 2018).
  • VALENTI V., MARTIN C. (2013), « #Femfuture: Online Revolution », New Feminist Solutions, vol. 8, Barnard Center for Research on Women.
David Bertrand
Université de Bordeaux, CMRP de l’institut de recherche de Montesquieu
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/05/2018
https://doi.org/10.3917/res.208.0229
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...