1L’intuition suggère que les comportements des ménages sur le marché du logement varient avec l’âge. Par conséquent, la croissance de la proportion d’une classe d’âge par rapport à la population totale pourrait affecter le marché du logement. On peut ainsi faire l’hypothèse que le vieillissement de la population a un effet sur ce marché, et que, comme l’augmentation du nombre de personnes âgées diffère en fonction des territoires observés, le vieillissement affecte différemment les marchés locaux. Nous nous intéressons ici à ces effets, ainsi qu’aux politiques que les autorités publiques peuvent mettre en œuvre à ce sujet.
La place et les comportements des personnes âgées sur le marché du logement
2D’une part, les seniors ont plus facilement accès à la propriété d’un point de vue financier. Les « contraintes d’emprunt dans l’accès à la propriété » [Gobillon et Laferrère, 2006] sont un peu moins dures pour les personnes âgées que pour les jeunes, car le faible nombre d’années restant à vivre est compensé par l’épargne accumulée et la sécurité du revenu de pension.
3D’autre part, les personnes âgées sont moins mobiles. En effet, elles sont souvent déjà propriétaires d’un patrimoine, et les propriétaires sont en moyenne moins mobiles que les non-propriétaires. Par conséquent, les retraités changent moins de domicile que les actifs [Gilli et Debrand, 2006]. Ceci est d’autant plus vrai que le déménagement est plus coûteux pour les séniors, notamment du fait des coûts de transport (meubles accumulés), des coûts d’adaptation au nouvel endroit plus élevés, et du fort attachement affectif au foyer. Par exemple, beaucoup gardent la « maison de famille » même lorsqu’elle est devenue trop grande.
4En outre, même dans les cas où les personnes âgées connaissent une mobilité résidentielle (« retraite au soleil », veuvage), elles sont attirées vers les mêmes lieux que les jeunes actifs. Certes, les préférences individuelles pour les différentes caractéristiques de logement varient avec l’âge (par exemple, préférence pour la proximité de l’emploi, puis pour la proximité des services médicaux). Cependant, il arrive souvent que ces changements de préférence ne modifient pas le choix du lieu de résidence (par exemple, si l’emploi et les services médicaux se trouvent aux mêmes endroits).
5Les ménages âgés déménagent peu. De plus, lorsqu’ils déménagent, ils demandent les mêmes logements que les actifs et sont mieux pourvus en capital. Par conséquent, si le marché est saturé, les retraités remportent la compétition pour le foncier.
Face à ces constats, quelles politiques envisager ?
6Face à ces constats, la question est de savoir comment satisfaire dans les territoires vieillissants les nouveaux besoins en logement des jeunes entrants et des actifs mobiles. Faut-il dynamiser de nouveaux espaces ou densifier les espaces existants ? Le principal problème de la densification autour des bassins d’emploi est qu’elle pousse vers les zones « périurbaines » les nouveaux entrants. Les logements les moins chers seront les plus éloignés des centres économiques et reviendront paradoxalement aux jeunes actifs qui ont le moins de capital accumulé.
7Cependant, l’avantage relatif des ménages âgés sur les ménages jeunes (effet d’âge) pourrait se retourner à l’avenir. Les personnes âgées d’aujourd’hui sont issues de générations ayant connu des conditions très favorables d’accès à la propriété du fait de prix de l’immobilier peu élevés. Les générations futures de sexagénaires n’auront peut-être pas cette caractéristique, qui est pourtant une hypothèse essentielle faite dans les analyses ci-dessus (effet de génération). Par conséquent, les constats précédemment évoqués ne peuvent pas être utilisés pour la détermination d’une politique de long terme.