CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les modalités de l’intervention publique dans la sphère bancaire et financière ont beaucoup évolué ces dernières années. Il ne s’agit plus d’agir directement sur les marchés en fixant les prix ou les quantités, mais d’adopter une réglementation prudentielle ayant pour but d’orienter le comportement des institutions financières. Les ratios de solvabilité Cooke (mis en place à partir de 1988) et Mc Donough (2007) sont deux exemples de cette évolution. Ils imposent aux banques la détention d’un certain volume de fonds propres (terme comptable figurant au passif du bilan des entreprises, correspondant notamment au capital social, au bénéfice de l’exercice, aux réserves légales...) et de quasi-fonds propres (ressources financières moins liquides que les fonds propres mais pouvant sans difficulté être converties en fonds propres) en lien avec les risques encourus. Ainsi, le crédit n’est pas limité en soi : il n’y a pas de quota à respecter et la fixation des taux d’intérêt est libre, mais l’existence de tels ratios conduit les banques à limiter leur crédit et surtout à en limiter les risques. Ces ratios ont été définis par le comité de supervision bancaire dit comité de Bâle, abrité par la Banque des règlements internationaux (BRI) située à Bâle. Les actionnaires de la BRI sont, pour l’essentiel, des banques centrales. Pendant longtemps, il s’agissait des banques centrales des pays d’Europe occidentale, des États-Unis, du Canada, de l’Australie, etc. Ces dernières années, la BRI a manifesté la volonté d’associer un nombre croissant de banques à ses activités, de telle sorte qu’en 1999-2000, les banques centrales d’Argentine, de Thaïlande, de Malaisie ainsi que la Banque centrale européenne sont devenues membres de la BRI. La BRI exerce quatre activités principales : 1) elle est la banque des banques centrales : ces dernières déposent une partie de leurs réserves auprès de la BRI, qui assure des financements (échanges financiers, crédits garantis par des dépôts d’or ou de titres négociables) ; 2) elle est un centre de coopération monétaire ; 3) elle joue le rôle d’agent et de mandataire dans les règlements monétaires internationaux, ainsi que dans 4) la recherche et la diffusion d’informations.

2Le comité de supervision bancaire a pour vocation d’œuvrer à l’amélioration et l’harmonisation des réglementations bancaires, en particulier en ce qui concerne le domaine de la solvabilité des institutions bancaires. Le comité ne peut émettre une réglementation au niveau international, mais seulement des recommandations aux pays membres du comité.

3À l’origine de la mise en place des ratios de solvabilité figurent deux préoccupations : la volonté de laisser jouer les mécanismes de marché, mais aussi celle de réguler le système en prévenant les faillites, de façon à faire diminuer la fréquence d’apparition des crises d’origine bancaire.

4Le ratio Cooke (du nom du président du comité Bâle de l’époque) est en fait un double ratio : le premier impose aux banques de provisionner des fonds propres et quasi-fonds propres à hauteurs de 8 % de leurs engagements risqués et le second de provisionner des fonds propres à hauteur de 4 % de leurs engagements totaux. À l’origine, seul le risque de crédit* était pris en compte, mais en 1995 le risque de marché* a été inclus dans le calcul des risques pris par la banque. Le stock de fonds propres et quasi-fonds propres est en fait tout simplement divisé par la somme des créances et actifs détenus par la banque, le tout étant pondéré en fonction de l’importance du risque associé. Le risque de crédit associé à un État européen par exemple n’est pas le même que celui associé à un crédit accordé à une start-up. Il existe donc des critères pour classer les différents risques et les pondérer différemment. Plus un risque est important, plus la pondération du risque est importante et fait ainsi diminuer le ratio, incitant les banques soit à augmenter leurs fonds propres pour augmenter leur solvabilité, soit à remodeler leur portefeuille afin de faire diminuer les risques encourus. On parle des accords Bâle 1 pour désigner la proposition faite par le comité de Bâle de mettre en place un tel ratio. La recommandation du comité a été reprise par une directive européenne, et a connu un réel succès. Elle a même été mise en œuvre par de nombreux pays ne siégeant pas à la BRI dans l’espoir que leur système bancaire soit perçu comme plus fiable. C’est une des très rares réglementations existant à l’échelon international. Mais elle n’était pas pleinement satisfaisante : la grille de pondération des risques était mal adaptée, car elle reflétait très mal les véritables risques des engagements bancaires. Par exemple, un prêt à un État de l’OCDE était pondéré d’un risque zéro quel que soit le pays considéré alors qu’il est évident que le risque de signature* du Mexique est différent de celui de la France. De même, toutes les entreprises privées, quelles que soient leur taille, leur secteur d’appartenance et leur statut voyaient leur risque pondéré par un facteur 100. Cela a engendré des distorsions et des mécontentements. Les accords de Bâle 2 ont vu le jour en réponse à ceux-ci.

5Le comité de Bâle a redéfini un ratio de solvabilité plus adapté. Les valeurs de référence (8 % et 4 %) ont été maintenues, mais les risques opérationnels* ont été inclus dans le calcul du ratio et le système de pondération a été redéfini. La gamme des risques envisagés est plus étendue ; de fait, le niveau des risques pris par les banques est mieux appréhendé. Les banques peuvent à présent, si elles le désirent, et en explicitant leur mode de calcul, fixer elles-mêmes en interne les pondérations des risques. L’idée est la suivante : les banques étant les plus à même d’évaluer leurs risques, si la méthode employée pour calculer le niveau des risques pris est rendue publique, les banques sont contraintes, par souci de crédibilité, de présenter des pondérations adéquates. Les banques gardent par ailleurs la possibilité de choisir la grille de pondération proposée par le comité de Bâle, qui a été enrichie. En France, le ratio McDonough remplace le ratio Cooke depuis le premier janvier 2007, et s’applique à toutes les banques. Aux États-Unis, le ratio McDonough ne s’applique qu’aux grandes banques internationales (une vingtaine alors qu’il existe plus de 7000 banques dans le pays). L’accord a été moins suivi, bien que de nombreux pays l’aient adopté. On lui a reproché d’être trop strict, puisqu’il incluait les risques opérationnels sans baisser les valeurs de référence des ratios (qui restaient de 8 % et 4 %). Néanmoins, en laissant les banques évaluer leurs risques et en élargissant l’éventail des pondérations, les banques ont gagné en souplesse ; il est donc difficile de dire si elles y perdent véritablement in fine.

6En vérité, le problème le plus important est le caractère procyclique du ratio McDonough : en période de récession, les banques voient leurs risques croître et doivent donc augmenter leurs fonds propres ou limiter leurs crédits, ce qui contribue à renforcer la récession. Ce problème, déjà présent avec le ratio Cooke, a été renforcé par le mode de calcul des pondérations.

7Au-delà de ces limites, il faut saluer les efforts réalisés en matière de coordination internationale pour réguler le système monétaire international et mettre en place des structures de gouvernance destinées à gérer les problèmes ayant une dimension globale.

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/03/2008
https://doi.org/10.3917/rce.003.0243
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