1Une hypothèse domine et structure la finance néoclassique : l’hypothèse d’objectivité des valeurs financières. Cette hypothèse avance qu’à chaque instant il est possible de calculer, pour chaque titre, sa « vraie » valeur, encore appelée « valeur intrinsèque » ou « valeur fondamentale ». Dans ce cadre théorique, un marché efficace [Valérie Mignon, p. 104] est un marché capable de produire des prix conformes aux vraies valeurs. On reconnaît ici l’idée d’efficience* informationnelle telle que l’a définie Fama [1965] : « sur un marché efficient, le prix d’un titre constituera, à tout moment, un bon estimateur de sa valeur intrinsèque ». À l’évidence, cette définition [1] présuppose qu’à chaque instant il soit possible de définir sans ambiguïté une estimation juste de la valeur intrinsèque, faute de quoi elle n’aurait aucun sens [2]. La valeur fondamentale est supposée préexister aux marchés financiers, cachée dans les données fondamentales de l’économie, et ces marchés ont pour rôle d’en fournir l’estimation la plus fiable et la plus précise. L’hypothèse d’objectivité des valeurs construit en conséquence une approche où la finance est pensée comme « reflet » fidèle de l’économie réelle.
2Tel est le cadre théorique général que retient la finance néoclassique : les marchés boursiers y ont pour rôle de faire connaître la juste évaluation des titres à l’ensemble des acteurs économiques. Cette approche ne laisse aucune place aux croyances des investisseurs, puisque la bonne estimation est une donnée objective qui s’impose à chacun, quelles que soient ses convictions. L’évaluation financière n’a aucune autonomie, et c’est précisément parce qu’il en est ainsi qu’elle peut être mise tout entière au service de l’économie productive à laquelle elle livre les signaux qui feront que le capital s’investira là où il est le plus utile.
3Parce qu’elle conteste l’hypothèse d’objectivité des valeurs, la finance conventionnaliste avance une conception très différente des marchés boursiers. Loin d’être le lieu passif d’un déchiffrement de l’économie aux fins de rendre publique la valeur fondamentale, les marchés boursiers y sont le siège d’une dynamique collective d’opinions visant à produire une conception partagée de l’évolution économique future, une croyance commune qu’on appellera une « convention financière ». Pour bien le comprendre, revenons dans un premier temps sur la question de l’estimation des valeurs fondamentales.
L’irréductible subjectivité des estimations individuelles
4Dans la mesure où les actifs financiers sont des droits sur des flux de revenus à venir le plus souvent incertains, l’objectivité de leur valorisation ne va pas de soi. Par exemple, que savons-nous du dividende* dans dix ou vingt ans des actions* aujourd’hui cotées en Bourse ? Pour affronter cette question, la théorie financière néoclassique propose un cadre probabiliste. Le futur s’y trouve décrit sous la forme d’une liste exhaustive d’événements exogènes ou « états du monde » censés décrire tout ce qui est susceptible d’arriver. Une fois l’état du monde e spécifié, le dividende s’en déduit. Un titre sera décrit par les paiements qu’il génère dans chaque état, soit : d(e) pour tout e ? E. Les dividendes deviennent des variables aléatoires dont on peut établir les lois de distribution : « Dans un modèle général de marchés d’actifs, il est fait l’hypothèse que les variations des paiements pour tous les actifs dépendent d’une famille finie de variables aléatoires supposées observables et dont les lois sont connues ou peuvent être estimées » [Kast et Lapied, 1992, p. 91]. Ce sont là les hypothèses de base de la théorie financière. Les capacités d’arbitrage* des investisseurs ne sont introduites que dans un second temps. Le vif débat théorique qui oppose finance néoclassique et finance comportementale porte sur ce dernier point, sans qu’aucune des approches concurrentes ne remette en cause l’hypothèse d’objectivité des valeurs.
5Notons que, dans un tel cadre, l’incertitude est entièrement de nature objective. Elle est la conséquence de la variabilité intrinsèque du monde physique et non pas des difficultés à le connaître. Elle est construite sur le modèle de l’aléa météorologique. Une telle approche probabiliste de l’incertitude rend possible de définir, à l’instant t, une estimation optimale du dividende futur, à savoir celle qui utilise au mieux toute l’information disponible [« Les marchés prédictifs : nouveaux devins ou superordinateurs ? », p. 118].
6Dans cette estimation, qui peut être dite « rationnelle », seule est pertinente l’information disponible à la date t : toutes les dimensions subjectives disparaissent. C’est la conséquence directe de l’hypothèse selon laquelle le futur s’impose objectivement à chacun, de telle sorte que tout individu, exerçant rationnellement ses facultés de jugement, sera nécessairement conduit à adopter la même estimation. Parce qu’elle est entièrement indépendante des opinions particulières des acteurs, cette estimation doit être dite objective.
7Ce résultat illustre à merveille la thèse avancée par Keynes selon laquelle : « Le calcul des probabilités (est) supposé être capable de réduire l’incertain au même calcul que celui utilisé pour le certain lui-même » [Keynes, 1937, p. 212-3]. Cependant, aux yeux de Keynes, cette approche ne convient pas pour ce qui est de l’incertitude financière et doit être rejetée. Il écrit : « En cette matière, il n’existe aucune base scientifique permettant de calculer une quelconque probabilité. Simplement, nous ne savons pas » (idem, p. 214). On ne saurait dire mieux, et l’expérience des investisseurs sur les marchés boursiers est là pour confirmer ce scepticisme [Mathieu L’Hoir, p. 133].
8Comment alors modéliser cette incertitude radicale ? En faisant valoir que les estimations portant sur le futur ont une dimension irréductiblement subjective. Ce sont à proprement parler des opinions. Cette nature irréductiblement subjective des estimations personnelles se donne à voir dans le fait qu’aucune procédure délibérative publique, à la manière des délibérations qu’organisent les communautés scientifiques (colloques ou séminaires), ne peut être proposée qui permettrait de faire converger les estimations individuelles vers une même estimation de la valeur fondamentale. Cela ne tient aucunement à un défaut de rationalité ou d’information : deux individus rationnels et parfaitement informés peuvent conserver des avis divergents, sans violer leur rationalité, ni se voir opposer des faits observés. Autrement dit, la divergence des estimations résiste aux arguments rationnellement fondés. Il en est ainsi essentiellement parce que les agents peuvent, pour justifier leur point de vue, considérer que du radicalement nouveau peut apparaître (hypothèse de « non-stationnarité » de l’économie). Chacun devient alors « libre » d’avoir du futur une version personnelle sans qu’on puisse lui opposer les observations du passé. Cela s’est vu clairement lors de la « bulle Internet », où des estimations proprement délirantes ont pu être justifiées sur la base de scénarios fondamentalistes [3] extravagants. À ceux qui faisaient valoir que les hypothèses contenues dans ces scénarios impliquaient des taux de croissance ou des niveaux de productivité jamais observés par le passé [4], il était répliqué qu’ils manquaient singulièrement d’imagination et que ce n’était pas parce qu’une chose n’avait jamais été observée que cette chose ne pouvait pas advenir. C’est là un argument irréfutable car rien n’assure que le futur sera semblable au passé. Comme le fait remarquer Shiller [2001, p. 96-117], l’opinion selon laquelle l’économie serait entrée dans une « nouvelle ère » apparaît périodiquement à l’occasion des bulles spéculatives pour justifier leurs estimations fantaisistes. Cependant, dès lors qu’on s’autorise à repousser les enseignements du passé au motif, par ailleurs parfaitement fondé, que le monde n’est en rien stationnaire et que du nouveau y apparaît de manière récurrente, il est possible de neutraliser toutes les objections. Il s’ensuit une irréductible subjectivité de l’évaluation fondamentaliste, au sens où l’investisseur convaincu peut repousser rationnellement les évaluations contraires. Cette irréductibilité nous semble décrire très exactement la situation des économies réelles. Ce résultat nous conduit à dire que l’estimation fondamentaliste doit être pensée comme étant une pure opinion : la diversité radicale des opinions fondamentalistes est ce qui caractérise la réalité du monde financier.
9Cette analyse keynésienne de l’incertitude conduit à considérer qu’il n’existe ex ante qu’un ensemble d’opinions divergentes sans qu’une d’entre elles puisse se prévaloir d’une légitimité supérieure aux autres. C’est ainsi que le caractère radical de l’incertitude peut être modélisé. Une conséquence directe et fondamentale d’une telle analyse est le rejet de la notion d’efficience [5]. En effet, il découle des idées keynésiennes l’impossibilité de définir ex ante quelque chose comme une estimation de référence sur la base de laquelle il serait possible de juger de l’efficience informationnelle du marché. Des conjectures opposées quant à l’évolution économique future s’affrontent sans qu’il existe un critère objectif pour déterminer qui a raison et qui a tort. Il s’ensuit une conception du rôle des marchés financiers fort différente de celle proposée par la finance néoclassique. Les marchés financiers sont des machines cognitives complexes qui, à partir de l’ensemble hétérogène des évaluations personnelles, ont pour finalité de produire une estimation de référence, collectivement admise, ce qu’on appellera une « convention ». Du fait même de l’incertitude, cette production possède une part irréductible d’arbitraire. On ne peut être sûr a priori d’avoir fait le bon choix. En conséquence, le choix d’une convention plutôt qu’une autre prend nécessairement la forme d’un pari. Mais cela n’est en rien une limitation qu’on pourrait dépasser car, en matière d’incertitude, c’est là le mieux qui puisse être fait. Sur la base de l’adhésion collective à ce pari sont alors produits des évaluations et des investissements qui, en retour, conditionnent la réalité économique. Tant que ce qui est produit est conforme aux prévisions, la convention perdure. Dès lors que les faits observés entrent par trop en contradiction avec la représentation conventionnelle du monde qui prévaut et qu’en conséquence les anomalies s’accumulent, le marché en viendra à abandonner la convention considérée pour en rechercher une autre. Cette idée d’une convention partiellement arbitraire, confirmée provisoirement dans les faits qu’elle aide à produire, pour finir par être rejetée quand elle a fait son temps, est similaire à celle présentée par Schumpeter à propos des innovations technologiques. Dans un cas comme dans l’autre, l’idée qu’existeraient des critères permettant ex ante de définir avec certitude quelle est la bonne option doit être rejetée. Autrement dit, cette analyse nous donne à voir une temporalité faite d’essais, d’erreurs et d’apprentissage, dans laquelle il n’y a pas d’optimalité ex ante. Le futur, radicalement indéterminé, y est la conséquence des choix individuels qui eux-mêmes dépendent de la manière dont le marché pense l’avenir. L’erreur centrale de la démarche néoclassique est de vouloir une optimalité a priori des choix dans un domaine, l’évolution des sociétés humaines, où cela n’a pas de sens, sauf à se placer dans un temps logique et non historique [6]. Alors que, dans le modèle traditionnel de l’économie, l’évolution des connaissances est conçue comme reflétant la réalité objective, dans notre modèle, la connaissance collective est pensée comme résultant des interactions financières elles-mêmes. La deuxième spécificité de la finance conventionnaliste a trait au modèle qu’elle propose pour penser la formation des conventions financières. Sur ce point, à nouveau, l’idée directrice se trouve chez Keynes, c’est celle d’autoréférentialité.
La spéculation autoréférentielle
10Pour comprendre cette logique d’émergence d’une convention, il faut partir du fait que, pour faire des profits sur un marché financier, il importe au premier chef de prévoir l’évolution future des cours. Comme l’écrit un praticien : « Peu importe la qualité du raisonnement s’il doit être démenti par la Bourse, c’est-à-dire par l’opinion collective qui y prédomine. Pas plus qu’un homme politique, le gestionnaire ou l’analyste ne peut avoir pratiquement raison contre l’opinion majoritaire de ses électeurs ; c’est le marché qui vote » [Balley, 1987, p. 137]. Il s’ensuit une structure singulière qui diffère du modèle fondamentaliste en ce qu’elle pose comme norme non pas une réalité objective extérieure au marché, à savoir la valeur fondamentale, mais une variable endogène, en l’occurrence l’opinion du marché. Face à une information publique nouvelle, il s’agit pour chacun non pas d’analyser les effets de cette information sur la valeur fondamentale, mais de prévoir comment le marché va réagir. Si l’on anticipe une hausse, on achète le titre ; dans le cas contraire, on vend. Contrairement au modèle fondamentaliste, cette analyse nous dit que les anticipations des agents ne sont pas tournées vers l’économie réelle, mais vers les anticipations des autres intervenants. Cette règle de comportement conduit à une déconnexion entre finance et économie réelle dans la mesure où ce qui importe sur un marché, ce n’est pas le contenu réel d’une information au regard des données fondamentales, mais bien la manière dont l’opinion collective est supposée l’interpréter. Il s’ensuit une rationalité singulière, de nature fondamentalement mimétique, en ce qu’elle cherche à mimer le marché pour le précéder dans ses évolutions, aussi erratiques soient-elles. Si je crois que demain les cours de la Bourse vont augmenter, alors mon intérêt me dicte d’acheter des actions, même si je pense qu’au regard des fondamentaux cette hausse est aberrante. L’imitation est un comportement parfaitement rationnel au niveau individuel, même si elle peut conduire collectivement à des situations fort dommageables pour l’économie, comme c’est le cas lorsque apparaissent des dynamiques cumulatives.
11Pour analyser cette structure d’interactions où chacun cherche à prévoir le comportement moyen du groupe auquel il appartient, Keynes a proposé une illustration simple et éclairante. Il compare « la technique du placement (financier) à ces concours organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s’approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble des concurrents » [Keynes, 1936, p. 168]. Dans ce jeu, comme dans l’analyse précédente, peu importe ce qu’on pense être véritablement la plus jolie photographie. Ce qui compte est de déterminer comment les autres analysent ce problème pour se rapprocher le plus de ce qu’ils pensent. On cherche à prévoir l’opinion collective. Cependant, si l’on suppose que les participants au jeu sont tous également rationnels, il en découle que l’opinion des autres se détermine elle aussi à partir de l’idée qu’eux-mêmes se font de l’opinion du groupe. Comme l’écrit Keynes, « chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu’il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu’il estime les plus propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle » (idem). On est donc confronté à une structure « spéculaire » puisque, comme dans un jeu de miroirs mis en abyme, chacun cherche à percer la pensée des autres intervenants, autres intervenants qui eux-mêmes se livrent à la même tâche. Une telle logique est dite « autoréférentielle ».
12Appliquée aux marchés financiers, l’analyse autoréférentielle décrit une communauté active et anxieuse, interrogeant toutes les hypothèses et toutes les rumeurs pour déterminer celles susceptibles d’obtenir l’assentiment du marché. Ce processus d’exploration dégénère fréquemment en polarisations mimétiques sporadiques lorsque tel ou tel événement est sélectionné simultanément par un grand nombre d’acteurs en raison de sa saillance supposée, et cela indépendamment de son contenu informationnel réel. Il s’ensuit de fortes et soudaines variations de prix, sans rapport avec les fondamentaux. C’est là un mécanisme cognitif qui concourt puissamment à la volatilité excessive que connaissent les cours boursiers et à sa forme non gaussienne. Ce processus d’exploration mimétique des hypothèses peut cependant se stabiliser durablement lorsqu’une interprétation finit par recueillir l’adhésion généralisée du marché. Dans ces conditions émerge un modèle d’évaluation reconnu par chacun comme légitime, et qu’on appellera une convention. C’est de cette façon que le groupe autoréférentiel surmonte provisoirement son déficit de référence objective : tant que la convention est acceptée, la dynamique spéculaire est notablement simplifiée puisque alors, pour prévoir ce que les autres vont faire, il suffit de se reporter à ce que la convention prévoit. Par le jeu de l’autovalidation des croyances, il s’ensuit une relative stabilité de la convention qui devient, pour les agents, comme une seconde nature. Il est intéressant de retrouver ici, comme cas particulier de notre analyse, la situation décrite par la finance néoclassique, à ceci près que le modèle probabiliste retenu n’est pas une donnée objective mais une convention. Il s’ensuit néanmoins, et c’est un point important, que le modèle néoclassique est pertinent pour les périodes durant lesquelles existe une convention stabilisée.
13Comme on a pu le constater, l’analyse autoréférentielle se distingue de la théorie de l’efficience par le fait qu’elle ne suppose pas que les agents s’accordent a priori sur un même modèle d’évaluation considéré comme objectivement fondé. Loin de postuler un accord a priori, il s’agit de partir des croyances propres aux intervenants et d’analyser la dynamique sociale par le jeu de laquelle le groupe marchand réussit à se coordonner provisoirement sur une même interprétation partagée. Ce qui est ici en jeu est la capacité d’auto-organisation du marché autour de la production de normes collectives d’évaluation. Il convient de noter à ce propos que l’approche conventionnaliste ne nie aucunement l’impact des fondamentaux dans l’évaluation boursière. Mais elle pense cet impact, non pas à partir du postulat d’une grandeur objective, directement connaissable par les agents, mais sur la base d’évaluations conventionnelles propagées par le marché selon des logiques spécifiques. Notons cependant que les conventions ne sont pas toutes nécessairement d’une nature fondamentaliste. Le marché peut parfaitement se polariser sur une convention sans rapport avec les fondamentaux [Olivier Godechot, p. 144]. Que la finance conventionnaliste ait réussi à construire un cadre théorique qui intègre pleinement la dimension cognitive des faits financiers est incontestablement à mettre à son actif tant cette dimension indûment rejetée par la finance néoclassique constitue une évidence aux yeux de nombreux praticiens, analystes et historiens.
Notes
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[1]
En fait, la notion d’efficience reçoit plusieurs définitions qui sont le plus souvent confondues comme l’a remarqué Hyme [2004]. Dans [Orléan, 2008], j’ai proposé d’en distinguer trois. Celle qui est retenue dans le présent texte est la plus exigeante. Elle définit un marché efficient comme un marché sur lequel les actifs financiers sont évalués conformément à leur valeur fondamentale. La seconde conception met l’accent sur la non prévisibilité des rendements [Malkiel, 2003]. Enfin, selon une troisième définition, il s’agit de savoir si on peut ou non « battre le marché ».
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[2]
D’où le fait qu’on doive toujours tester l’hypothèse d’efficience conjointement avec un modèle d’évaluation.
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[3]
L’analyse fondamentaliste étant celle qui se base sur les « fondamentaux » de l’activité économique considérée.
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[4]
Tout ce qu’il est possible de faire est d’écarter les scénarios qui ne respectent pas les contraintes économiques de base, comme par exemple ceux où l’on suppose un taux de croissance des profits structurellement supérieur à celui de la production. Une fois cela pris en compte, il n’en reste pas moins une très large diversité d’estimations possibles.
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[5]
Ce qui est rejeté est l’efficience au sens défini dans la note 1. Pour autant, cette démarche peut parfaitement admettre des conceptions moins exigeantes de l’efficience, à savoir, conformément à la troisième définition, le fait que la concurrence joue sur le marché pour faire en sorte qu’aucun profit extra ne puisse être extrait de manière structurelle.
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[6]
Dans [Orléan, 1999], j’ai rapproché la convention financière de la notion de paradigme avancée par Kuhn. Dans les deux cas, il s’agit pour une communauté (soit financière, soit scientifique) de gérer son rapport à un futur radicalement incertain. Cette comparaison est importante car elle permet de faire ressortir la nature rationnelle de l’organisation conventionnelle.