CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Alors que le taux d’activité des femmes est aujourd’hui en France de 80 % contre 41,5 % en 1962 et qu’elles sont en moyenne plus diplômées que les hommes, les femmes connaissent toujours une situation difficile sur le marché du travail : le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, elles sont surreprésentées dans les formes particulières d’emploi (CDD, emploi à temps partiel, stage...) et, à travail égal, elles sont en moyenne moins bien payées. Les raisons d’une telle situation sont nombreuses : méfiance des employeurs vis-à-vis des femmes pour les postes de haut niveau, auto-discrimination, conception traditionnaliste du rôle de la femme qui aurait vocation à ne pas travailler ou à occuper un travail d’appoint... Il semblerait néanmoins que ce qui pèse le plus sur la situation professionnelle des femmes soit le poids des tâches domestiques et familiales. Alors qu’elles se sentent de plus en plus prêtes à s’investir dans la vie active et que les préjugés s’estompent peu à peu, la conception traditionaliste des rôles dans la gestion des tâches domestiques pèse très fortement sur leur carrière. L’enquête « Emploi du temps » (INSEE) de 1998 montre ainsi que 80 % de l’ensemble des tâches domestiques reposent toujours sur les femmes. Le temps parental des femmes est deux fois plus élevé que celui des hommes. L’arrivée d’un enfant fait basculer la vie professionnelle des femmes alors qu’elle n’affecte que peu celle des hommes. Pour qu’une femme puisse s’investir dans sa carrière, il lui faut disposer d’importantes ressources pour pouvoir s’organiser et assumer une double journée (professionnelle et familiale/domestique). Alors que les pouvoirs publics affichent leur volonté de promouvoir l’égalité homme-femme (la loi sur la parité est sur ce point emblématique), les mesures concrètes pour aider les femmes à mieux s’insérer dans la vie professionnelle restent dans les faits nettement insuffisantes. Il n’y a pas eu de plan d’équipement pour accueillir les petits enfants : la France souffre d’un cruel manque de places en crèche ! Seul un enfant sur dix bénéficie d’une place en crèche ou halte-garderie. La répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes a permis pendant des siècles d’assurer aux jeunes enfants un encadrement quotidien gratuit et effectué par les mères. Il faut aujourd’hui développer des structures pour que cette situation évolue et ne pénalise plus les femmes qui veulent travailler. En France, 60 % des enfants âgés de 4 mois à 2 ans et demi sont gardés principalement par l’un des parents, quasi-exclusivement la mère, souvent contrainte d’interrompre partiellement ou totalement sa carrière professionnelle.

2Alors que les services publics ont vocation à s’adapter aux nouveaux besoins sociaux, on peut se demander pourquoi un service public de la petite enfance traîne tant à voir le jour. Les politiques publiques se sont focalisées sur les aides directes aux familles, délaissant ainsi les aides en nature. Entre 1994 et 2001, le total des dépenses de la CAF (Caisse d’allocations familiales) pour l’accueil de jeunes enfants a progressé de 169 % alors que la proportion du budget consacrée aux crèches est passée de 16 % à 8 %. L’allocation parentale d’éducation (APE), somme fixe versée au parent qui reste à la maison pour s’occuper des enfants, a joué contre le travail des femmes puisque dans l’écrasante majorité des cas c’est la femme qui a mis de côté sa vie professionnelle pour bénéficier de cette aide. L’APE contribue à éloigner durablement les femmes du marché de l’emploi, notamment celles qui occupent des emplois précaires ; elle conduit à la déqualification des moins favorisées. Les aides aux familles, si elles peuvent être utiles, ne sont pas la solution. Il faut mettre en place un service public de la petite enfance afin de permettre réellement aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale. La priorité doit être donnée au développement des modes d’accueil collectif.

3Les mentalités changent néanmoins peu à peu et sous la pression de l’opinion publique des efforts ont été consentis en ce sens. Il s’agit cependant à chaque fois de mesures locales, mises en place principalement par les mairies. On comprend alors pourquoi les petites villes souffrent particulièrement d’un manque de structures d’accueil des petits enfants. Construire un véritable service public de la petite enfance permettrait de corriger les inégalités qui existent aujourd’hui sur le territoire. Au Danemark, l’intervention de l’État en matière de garde des enfants est un droit, ce qui n’a pas été sans conséquence sur la vie professionnelle des femmes : les inégalités hommes-femmes sur le marché du travail y sont bien moins fortes qu’en France !

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2008
https://doi.org/10.3917/rce.002.0064
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