1Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy faisait du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite un de ses chevaux de bataille, que le débat télévisé du 2 mai n’avait pas permis d’analyser plus en détail. Depuis le 31 juillet 2007, à l’issue du séminaire gouvernemental sur les arbitrages budgétaires du projet de loi de finances, ce plan de réduction des effectifs publics n’est plus qu’un slogan de campagne : ce sont quelque 22 700 postes qui ne seront pas remplacés en 2008 dans la fonction publique, selon les déclarations du Premier ministre François Fillon.
2Hors emplois aidés, les trois fonctions publiques emploient 5,2 millions de personnes au 31 décembre 2005 [1], soit un salarié sur cinq. Près de la moitié des fonctionnaires appartiennent à la fonction publique d’État (49 %), 31 % à la fonction publique territoriale, et 20 % à la fonction publique hospitalière. D’après le rapport du député UMP Philippe Marini, les départs à la retraite dans la fonction publique en 2008 devraient concerner plus de 82 000 personnes (68 000, selon Bercy). Le non remplacement de 22 700 postes correspond donc au non remplacement d’un peu plus d’un fonctionnaire sur quatre (et d’exactement un fonctionnaire sur trois avec les chiffres de Bercy). C’est le premier vrai renoncement aux promesses présidentielles.
3Rupture ou continuité ? C’est la sixième année consécutive que les effectifs de l’État sont réduits : en 2006, 9 500 postes ont été supprimés, en 2007, 12 000. Mais parallèlement, le nombre de départs à la retraite ne cesse de croître : en 1995, on comptait 55 700 [2] départs à la retraite, contre près de 80 000 en 2005. Le « pic » des départs à la retraite dans la fonction publique sera atteint en 2008 d’après le rapport Marini. Une étude de la pyramide des âges dans la fonction publique [3] montre que d’ici 2009, près de 30 % des fonctionnaires des ministères civils en fonction en 2000 seront partis à la retraite. Ce n’est qu’après 2009 que la tendance devrait s’inverser. C’est la raison pour laquelle il était particulièrement difficile que le président tienne sa promesse en 2008 et en 2009. L’objectif du non remplacement d’un départ sur deux a d’ailleurs été reporté à 2012.
4Qui sont les fonctionnaires concernés ? Si la règle d’un sur deux n’est pas respectée, c’est que l’Éducation nationale fait exception. La stricte application de la règle s’y serait traduite par la suppression de plus de 20 000 postes, ce ministère étant concerné par plus de la moitié des départs à la retraite en 2008. C’eut été politiquement dangereux, en témoigne la levée de boucliers suite à l’annonce faite par Xavier Darcos de la suppression de 10 000 postes. In fine, ce sont 10 000 à 15 000 postes qui devraient être supprimés, d’après les déclarations du Premier ministre. La justice bénéficie également d’une dérogation, puisque 1 600 postes y seront créés en 2008. Enfin, les effectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche resteront stables. En revanche, 3 000 postes devraient être supprimés aux Finances. La règle d’un sur deux doit en principe être respectée « strictement » (d’après François Fillon) pour tous les autres fonctionnaires.
5Ce sera simple pour les anciennes entreprises publiques aujourd’hui privatisées, comme France Télécom qui employait encore 80 600 fonctionnaires en 2005 [4].
6Ce sera simple également pour les établissements publics(*) qui ont changé ces dernières années le statut de leur personnel. Exemple emblématique : La Poste, qui ne recrute plus de fonctionnaires depuis cinq ans, mais uniquement des contractuels de droit privé. Or en 2005, parmi les salariés des entreprises publiques, 199 700 étaient fonctionnaires dans des EPIC marchands, dont 187 100 à La Poste [5].
7Les douaniers n’ont donc pas de raison de se sentir seuls… mais le non remplacement d’« un fonctionnaire sur deux » partant à la retraite est néanmoins, on l’a vu, loin d’épuiser à lui seul une réforme profonde de l’État, appelée des vœux du nouveau gouvernement.