Évaluer les services publics, une nécessité...
1Attaqués, mis en concurrence avec le secteur privé, délégitimés, jugés inefficaces et loin des attentes des usagers, les services publics gérés par l’État ont été mis en demeure de se réformer ou de disparaître à brève échéance. Au-delà de la pétition de principe, peut-on dire que nos services publics sont inefficaces ? Et comment opérer cette évaluation ? L’exemple de la santé montre l’importance en même temps que la difficulté d’une telle démarche, à laquelle l’usager doit aujourd’hui participer activement [■ p.206]. Dans le domaine de la recherche scientifique, la méthode d’évaluation est différente, puisque cette dernière se fait par les pairs. Aujourd’hui, contrairement à certaines idées reçues, la recherche publique française est globalement performante, même si nous perdons du terrain en matière d’innovation [■ p.216].
...pour mener des réformes d’envergure
2Sur le plan des réformes envisagées et envisageables, on attend généralement beaucoup de l’application aux services publics des méthodes de management des entreprises privées, jugées plus efficaces. Mais on ne peut se contenter de l’idée selon laquelle les entreprises privées feraient mieux « par nature » : il faut chercher à savoir comment exactement, afin d’établir dans quelle mesure les méthodes du privé sont transposables aux activités souvent très particulières prises en charge par les services publics [■ p.225]. Ainsi, ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, qui pourrait apparaître comme une politique de bonne « gestion des ressources humaines », se heurte à de nombreuses difficultés dans la pratique.
3La faisabilité des réformes est en outre largement déterminée par le contexte politique. Aujourd’hui, à l’occasion d’une victoire présidentielle mise en scène comme une « rupture », une fenêtre d’opportunité s’ouvre ainsi pour réformer le service public de l’emploi. Reste à savoir comment procéder ; sur ce point, les expériences de nos voisins doivent nous inciter à une certaine prudence [? p.235].
4Devant les critiques de la « bureaucratisation » et du « mandarinat » dont seraient victimes les services publics, des réformes ont été mises en œuvre depuis plusieurs années déjà pour améliorer la qualité du service pour l’usager et le protéger de l’éventuel arbitraire des fonctionnaires et agents des services publics. La relation entre usagers et personnels en sort inévitablement transformée, mais les effets de cette transformation peuvent être moins importants que prévus [? p.246]. C’est le cas en particulier si les clients/usagers choisissent de faire défection (exit) en faveur d’une organisation concurrente, plutôt que de prendre la parole (voice) pour réformer de l’intérieur le service public.
Pour ou contre le service minimum ?
5On peut enfin s’interroger sur l’effet des mesures promises par le nouveau gouvernement, la plus emblématique étant l’instauration d’un service minimum dans les transports, officiellement voté le 2 août 2007. Nous présentons deux points de vue opposés sur la question. À bien des égards, le texte promulgue une loi inutile, qui risque de contredire la volonté des partenaires sociaux d’améliorer le dialogue social et porte atteinte au droit de grève [? p.257]. Il faut cependant reconnaître que nombre de nos voisins européens ont instauré un service minimum sans drame [? p.263]. Le débat sur le service minimum dans les transports nous rappelle enfin, avec l’exemple de la ligne Caen-Rennes, l’importance de cet autre « service minimum » qu’est la présence du service public (notamment de lignes de trains) sur tout le territoire national. Histoire de rappeler que, si le but de mieux servir l’usager fait l’unanimité, les moyens pour y parvenir sont divers, discutables et parfois contradictoires.