CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En mettant fin au monopole légal de placement de l’ANPE, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a ouvert la voie à la privatisation des prestations d’accompagnement des chômeurs, jusque-là assurées par l’ANPE et ses co-traitants. L’Unedic expérimente ainsi depuis 2005 le recours à des opérateurs privés pour accompagner vers l’emploi des chômeurs indemnisés ayant un fort risque de chômage de longue durée.

2Cette innovation, encore au stade expérimental en France, s’inscrit dans une dynamique qui touche depuis le milieu des années 1990 nombre de pays de l’OCDE : parmi eux, l’Australie, les Pays-Bas, le Danemark, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni ont recours à des opérateurs privés de placement pour assurer la prise en charge de certains demandeurs d’emploi. L’objectif de cette ouverture à la concurrence est de bénéficier de gains sur le coût de l’accompagnement et sur la qualité des prestations fournies, se traduisant dans les faits par une accélération du retour à l’emploi des bénéficiaires (1). La relative ancienneté des expériences étrangères dans ce domaine permet aujourd’hui de tirer des leçons tant pour la mise en œuvre pratique et la construction du marché (2) que pour l’efficacité attendue et constatée des services fournis par les opérateurs privés (3).

Des objectifs ambitieux, dont la réalisation n’est pas exempte de risques

3A l’évidence, le service public de l’emploi (SPE [1]) a tout intérêt à recourir à l’expertise d’autres opérateurs s’il est lui-même défaillant dans la fourniture de services spécifiques. Ainsi vaut-il mieux confier la réalisation des prestations à une autre institution si le SPE n’a pas lui-même les moyens (budgétaires, humains, etc.) de les fournir en interne, si l’efficacité de ce prestataire est jugée supérieure à celle du SPE dans ce domaine, ou encore si le SPE décide d’intégrer dans la politique de l’emploi des actions que cet opérateur menait déjà par ailleurs (Balmary, 2004).

4Mais l’argument le plus souvent invoqué pour justifier un recours au secteur privé est d’ordre normatif : par nature, le marché ferait mieux que le secteur public [? « La privatisation des services publics : fondements et enjeux », p.90]. Cette idée est défendue par la théorie du New Public Management (Clarke et Newman, 1997), qui valorise la production de certains biens publics par le marché, au motif que les mécanismes de la concurrence garantissent les prix les plus bas pour une qualité optimale des services rendus. L’accompagnement par des opérateurs privés conduirait alors à un équilibre haut tant pour les chômeurs, dont l’accélération du retour à l’emploi serait garantie, que pour l’État, puisque les budgets publics alloués aux prestations d’accompagnement seraient allégés. Efficacité et efficience seraient ainsi garantis par les mécanismes marchands, et ceci en raison du principe de souveraineté du consommateur sur le marché : la possibilité pour le client de s’adresser à un concurrent en cas d’insatisfaction inciterait les opérateurs privés à proposer des services de bonne qualité à des prix concurrentiels (Struyven, 2005).

5Cette confiance dans la performance du marché s’appuie sur l’idée que les opérateurs privés seraient plus flexibles et moins bureaucratiques que le SPE, ce qui produirait des gains de productivité et limiterait les coûts de fonctionnement. Or, dans un contexte où maîtriser les dépenses publiques devient une priorité, il est particulièrement intéressant de pratiquer une concurrence par les prix. De plus, la confrontation du SPE au marché devrait l’inciter à rationaliser ses propres pratiques en les calquant sur le modèle du privé [? « Peut-on réformer l’État avec les méthodes du secteur privé ? », p.225]. Il en résulterait donc un gain double : grâce au marché, les opérateurs privés comme le SPE offriraient de meilleurs services, et ce à un moindre coût. Les économies moyennes ont ainsi été estimées à 15-20 % en Australie, 25-30 % au Danemark et 20 % au Royaume-Uni (OCDE, 2005).

6Parallèlement, l’ouverture du marché de l’accompagnement à une multitude d’opérateurs mettrait à la disposition des chômeurs une plus grande diversité de compétences auxquelles ils pourraient faire appel en fonction de leurs besoins spécifiques. La spécialisation des prestataires sur des segments particuliers du marché de l’accompagnement présenterait au moins deux avantages : l’individualisation des services proposés, afin d’améliorer « la relation au consommateur-citoyen » (Brunhes, 2003) d’une part, et l’ouverture de nouveaux espaces à la politique de l’emploi d’autre part, en s’adressant à des publics qui en étaient exclus. En effet, en se spécialisant sur des publics marginalisés, certains opérateurs permettraient « l’effectivité du principe d’égal accès aux droits et aux services » (Balmary, 2004), en luttant contre des formes spécifiques de chômage (chômage de longue durée, des travailleurs âgés, d’origine étrangère, en zone rurale, etc.). L’externalisation devrait ainsi créer un environnement favorable à une participation accrue au marché du travail (Van Berkel et Van Der Aa, 2005). Suivant la même logique, il est également attendu des opérateurs privés qu’ils découvrent des niches d’emploi du côté de la demande de travail, en prospectant leurs besoins en main d’œuvre sur certains segments jusqu’alors peu explorés, et en incitant les entreprises à embaucher afin d’améliorer leurs résultats en termes de placement. En ce sens, l’externalisation a pour objectif d’améliorer la qualité de l’intermédiation sur le marché du travail.

7Ainsi, l’ouverture à la concurrence pourrait stimuler l’innovation dans le champ des prestations d’aide au retour à l’emploi, et permettre un meilleur matching entre d’un côté des demandeurs d’emploi à qui l’on propose des services personnalisés et dont on respecte la liberté de choix, et de l’autre des entreprises dont la demande n’est pas satisfaite et que l’opérateur privé va se charger de démarcher. La multiplicité des opérateurs présenterait en outre l’avantage de pouvoir comparer entre elles les performances de chacun, et donc de pratiquer un benchmarking favorable à l’émergence de « bonnes pratiques » exportables (De Cuyper, Struyven et Vanhoren, 2005).

8Cependant, le recours à l’externalisation induit un certain nombre de risques nouveaux, qui doivent être pris en compte afin de construire un cadre réglementaire qui permette de les limiter. La fragilité du nouveau marché provient avant tout du problème de sa régulation par l’acteur public, qui en est partie prenante. Il est en effet indispensable que le marché soit étroitement encadré, du fait de la nature du bien qu’y s’y échange. L’aide au retour à l’emploi est une mission de service public, et à ce titre elle doit être également accomplie pour tous les demandeurs d’emploi. Or, spontanément, le marché n’a aucune incitation à prendre en charge de manière égalitaire l’ensemble des chômeurs. Comme tout bien public, le traitement égalitaire des demandeurs d’emploi est soumis au risque de free-riding de la part des agents. Au lieu d’assurer l’accompagnement de tous les chômeurs, les opérateurs privés ont au contraire tout intérêt à ne se charger que des plus employables afin de présenter de bons résultats, qui se traduiront en signaux positifs sur le marché. Il faut donc que le SPE veille au principe du respect de l’égalité de traitement en luttant contre le potentiel aléa moral des agents, et incite les opérateurs à minimiser les phénomènes de sélection des risques (écrémage ou parquage des demandeurs d’emploi les plus difficiles à placer, et qui au contraire auraient besoin d’une aide plus intensive).

9Il est donc indispensable que, parallèlement à sa propre activité d’accompagnement, le SPE (ou une autre instance publique) se charge de surveiller l’activité des opérateurs privés afin de garantir l’effectivité du service public. Le SPE doit garder un droit de contrôle et d’évaluation sur l’activité et les résultats des opérateurs privés, droit qui constitue le seuil limite entre externalisation et privatisation (qui correspond à une « réduction du champ de l’intervention publique », alors que l’externalisation doit au contraire élargir son champ d’action, Boucher, 2005). Il est donc indispensable que la puissance publique reste coordinatrice de l’ensemble du système. En d’autres termes, elle doit être là pour fixer les règles de fonctionnement du marché, en spécifiant les résultats attendus, et les obligations des opérateurs vis-à-vis de lui-même et des demandeurs d’emploi qui leur sont confiés. Le service public devient donc à la fois opérateur sur le marché (par le biais du SPE) et institution régulatrice de ce marché.

10Le développement d’une régulation marchande de l’accompagnement doit donc être prudent, et s’accompagner d’un véritable débat politique. Bredgaard, Larsen et Møller (2005) soulignent que le risque inhérent à la croyance en une supériorité du marché est celui d’oublier la nature de « bien public » de l’aide au retour à l’emploi, et de la traiter comme toute autre marchandise s’accommodant parfaitement d’un équilibre par les prix. Or c’est plutôt un équilibre entre les institutions qu’il faut rechercher pour que l’externalisation soit efficiente. En outre, au final, il n’est pas sûr que la différence entre le gain lié à la réduction de la bureaucratie et aux prix bas pratiqués sur le marché, et les coûts de transaction supplémentaires imposés par la régulation nécessaire du marché et la coordination des agents, soit positive (Simonin, 2004).

Des modalités de construction du marché qui dépendent des risques encourus

11Pour un SPE qui voudrait mettre en place un marché de l’accompagnement qui échappe aux risques précédemment évoqués, trois défis majeurs sont à relever : (1) celui de la sélection des opérateurs, afin d’assurer l’efficacité des prestations pour les demandeurs d’emploi et la maîtrise des coûts budgétaires (2) celui de l’écrémage, par le biais de modes adaptés de rémunération des opérateurs (3) et celui de la coordination des agents sur le marché, qui dépend de l’institution à qui est confié le rôle d’assurer la régulation du marché. Chacun des pays qui ont expérimenté le recours à des opérateurs privés a tenté d’apporter une réponse à ces défis, en fonction de ses caractéristiques institutionnelles propres.

Sélectionner les opérateurs privés

12Si l’objectif à terme est sans doute de se rapprocher d’un marché où se pratique la libre entrée, la puissance publique peut, en tant que monopsone, édicter des règles de sélection des opérateurs privés auxquels elle va effectivement confier les demandeurs d’emploi. Cette sélection peut se faire à un double niveau : d’abord en limitant l’accès au marché à des opérateurs qui remplissent certains critères leur permettant de candidater aux marchés publics ; et ensuite en sélectionnant parmi les éligibles ceux qui auront effectivement en charge des demandeurs d’emploi. L’attribution des marchés peut se faire selon différents modes. Elle peut être automatique, auprès d’opérateurs privilégiés qui, en tant que partenaires de long terme du SPE, forment un oligopole (Allemagne). Sinon, elle peut suivre les règles classiques des marchés publics, selon une procédure d’adjudication [? « Déléguer, mais comment ? Les aléas de la concurrence pour le marché », p. 176]. Afin de ne pas favoriser uniquement les majors du marché et laisser la place à des prestataires innovants (et donc profiter de l’un des atouts majeurs de l’externalisation), une frange du marché peut leur être réglementairement réservée (20 % des lots aux Pays-Bas). Une autre solution est de choisir une procédure en deux temps, d’abord en lançant un appel d’offres sans préciser les besoins, qui permet d’avoir des propositions innovantes puis, après une présélection, rédiger un cahier des charges détaillé pour faire la sélection finale et profiter des offres novatrices (Healy et Linder, 2003). Quelle que soit la solution retenue, l’important est que l’institution en charge du choix des opérateurs (SPE, partenaires sociaux, ministère du travail, etc.) conserve le pouvoir de concevoir la politique à mener en termes d’accompagnement des chômeurs, de fixer les objectifs à atteindre, et d’évaluer les résultats obtenus, afin que la puissance publique reste toujours décideur en dernier ressort (Marimbert, 2004).

Lutter contre l’écrémage

13Pour éviter que les opérateurs privés, évalués sur leurs résultats, ne cèdent à leur intérêt immédiat qui est de placer le plus grand nombre de chômeurs, et donc d’aider en priorité les plus employables, au détriment de ceux qui auraient besoin d’un soutien renforcé, il faut que les contrats prévoient des garde-fous efficaces contre l’écrémage. Une première solution est d’adresser aux différents prestataires des groupes de demandeurs d’emploi relativement homogènes, c’est-à-dire qu’au sein de chaque groupe chaque chômeur ait plus ou moins besoin des mêmes mesures pour se réinsérer. Pour ce faire, la solution actuellement développée est de pratiquer un profilage des demandeurs d’emploi lors de leur inscription, afin de les segmenter en différentes catégories en fonction de leur éloignement au marché du travail (Australie) (Georges, 2006). D’autre part, une solution complémentaire, et souvent mise en avant pour lutter contre l’écrémage, est de rémunérer les opérateurs en fonction des résultats obtenus. En d’autres termes, la rémunération doit être fonction de la solution trouvée pour le chômeur : on peut avoir une partie forfaitaire et une partie variable, selon le principe de no cure, less pay ; ou encore, de façon plus radicale, une rémunération seulement lorsque le prestataire a trouvé une solution pour le chômeur, selon le principe de no cure, no pay. Plusieurs options sont envisageables pour mettre en œuvre cette incitation. Couplée avec la solution précédente, on peut fixer la rémunération en fonction du type de chômeur pris en charge par le prestataire : plus il était éloigné de l’emploi, plus la rémunération de son placement est élevée. On peut aussi rémunérer sous forme de bonus un placement de bonne qualité, en fixant des critères tels que la durée de l’emploi, l’adéquation avec l’emploi recherché, etc.

Réguler le marché

14L’ouverture du marché de l’accompagnement entraîne la coexistence, sur un même segment d’offre de services, d’agents ayant des profils variés (SPE, opérateurs privés, associations, entreprises de travail temporaire, etc.). Il est donc nécessaire qu’une instance publique de contrôle régule ce marché en optimisant la coordination des agents. Or le choix de l’agent qui doit jouer ce rôle peut varier : il peut s’agir du SPE lui-même qui, à la fois principal et agent, renforce sa position stratégique sur le marché (Danemark). Mais le choix peut aussi se porter sur un organisme public distinct du SPE (ministère du travail, communes, etc.), ce dernier devient alors un agent parmi d’autres, en concurrence avec les opérateurs privés pour obtenir les marchés publics (Pays-Bas). On peut encore envisager de confier la mission de régulation aux partenaires sociaux, dans des pays ayant une forte tradition de concertation et où le SPE est déjà lui-même géré paritairement (Allemagne). Le choix dépend en fait du pouvoir financier relatif des différents régulateurs potentiels : c’est en général celui qui attribue le budget pour l’accompagnement qui se charge de la régulation du marché selon le principe de « qui paie décide » (choix des opérateurs, adjudication, choix des demandeurs d’emploi qui seront placés, etc.). La construction historique des systèmes de protection sociale est donc importante pour comprendre les modalités de mise en œuvre des marchés de l’accompagnement, puisqu’elle conditionne souvent les rôles de chacun. Ceci permet notamment de comprendre que les expérimentations en France soient menées à l’initiative de l’Unedic, qui gère les appels d’offre et évalue les résultats obtenus par ses prestataires.

Quid de l’efficacité des expériences d’externalisation ?

15Les principales expériences menées à l’étranger ont donné lieu à plusieurs études évaluant à la fois l’impact institutionnel de la mise en place d’un marché de l’accompagnement, et les résultats obtenus par les opérateurs privés comparativement aux performances du SPE.

16Les évaluations institutionnelles de la montée en charge des dispositifs d’externalisation conduisent à un résultat principal : l’ouverture à la concurrence n’a pas entraîné de réelle révolution au sein de l’organisation traditionnelle de l’accompagnement. Des changements importants dans les structures des systèmes (guichets uniques, réforme des SPE, nouveaux acteurs en charge de la mise en œuvre de la politique de l’emploi, etc.) ont effectivement accompagné la mise en place de ce marché, mais ils constituent plutôt un aménagement en amont permettant de construire le marché, qu’une conséquence de la levée des monopoles formels de placement [? « Réformer le service public de l’emploi : une fenêtre d’opportunité », p.235]. Si de nouveaux acteurs ont été amenés à jouer un rôle majeur dans les parcours des chômeurs, les prestations qu’ils proposent sont en fait relativement peu différentes de celles dont ces deniers pouvaient bénéficier en interne. La multiplication des acteurs a cependant parfois entraîné des luttes d’influence, pesant sur le potentiel du système lui-même, comme ce fut le cas lors de la mise en place du marché aux Pays-Bas (De Köning, 2004).

17Le principal avantage des réformes d’externalisation est sans doute d’avoir poussé les SPE à se remettre en question, à s’autoévaluer et à se réformer afin d’être plus efficaces et en adéquation avec les attentes et les besoins des demandeurs d’emploi. Les opérateurs privés ont en effet davantage endossé un rôle complémentaire à celui joué par le SPE qu’ils ne se sont substitués à lui, la plupart étant déjà auparavant sous-traitants du SPE (93 % au Danemark), souvent sous forme d’associations à but non lucratif (50 % en Australie).

18En termes d’efficience, les résultats sont en revanche plus contrastés. En effet, l’objectif affiché dans nombre de pays de mener des réformes permettant à la puissance publique de maîtriser ses dépenses ne semble pas atteint dans tous les cas. Si l’Australie se targue d’avoir économisé 58,9 % de son budget affecté aux programmes d’activation du marché du travail entre 1995 et 2002 grâce au Job Network (Cowling et Mitchell, 2003), les Pays-Bas dépensent eux davantage depuis qu’ils ont recours aux opérateurs privés (Mevissen et alii, 2002).

19De même, l’efficacité de l’externalisation comme politique de l’emploi (accélération du retour à l’emploi et qualité des emplois retrouvés) fait encore débat. Les rares évaluations disponibles de l’action des opérateurs privés présentent des résultats contrastés, parfois discutables sur le plan de la méthode d’évaluation employée (Ferracci, 2007), et ne permettent pas toujours de conclure à une amélioration significative. Si les opérateurs privés semblent parfois permettre d’accélérer le retour à l’emploi des chômeurs qui leur sont confiés (par exemple dans les Employment Zones au Royaume-Uni (Hasluck, Elias et Green, 2003) ; ou encore en Australie, où le Job Network a été évalué en 2001 (DEWR, 2002)), l’ouverture du marché n’a en moyenne pas accru sensiblement les taux de retour à l’emploi, en tous cas pas pour les catégories de chômeurs les plus en difficulté, ce qui montre que le problème de l’écrémage n’a été que partiellement résolu (Bruttel, 2004). La première évaluation menée en Allemagne (Winterhager, 2006) conclut même à une détérioration des chances de retour à l’emploi pour les chômeurs au sein du nouveau système mis en place. De plus, l’externalisation s’accompagne parfois d’effets pervers, comme l’augmentation des taux de récurrence au chômage en Australie (Struyven, 2005). Il faut donc pour l’instant rester prudent quant aux conclusions sur l’efficacité de l’externalisation : de nouvelles études plus robustes sont nécessaires pour étayer l’une ou l’autre des thèses, qui argumentent pour ou contre une extension des marchés à davantage de bénéficiaires.

20Dans tous les cas, pour que le marché du placement fonctionne de manière efficace et que le partenariat entre public et privé soit équilibré, deux conditions sont indispensables :

  • que le public puisse se substituer au privé dès que ce dernier faillit à sa mission (capacité de substitution) ;
  • que le public puisse évaluer correctement le travail du privé afin de juger de son efficacité (capacité d’expertise).
Le débat est loin d’être clos, et l’actualité en France de la question le montre bien. Seuls 8 % à 15 % des Français se déclarent prêts à confier les services publics au seul secteur privé. En revanche une forte minorité (plus du tiers) est prête à accepter la concurrence entre les secteurs publics et privés (Denni et Tchernia, 2003). Ouvrir le marché sans privatiser le service public, voici le fragile équilibre à trouver. Et encore, seulement si à l’avenir les évaluations se montrent plus encourageantes sur l’efficacité de ce nouveau système.

Notes

  • [1]
    La définition des frontières du SPE n’étant pas stabilisée, nous choisissons de ne retenir pour chaque pays que l’agence publique historiquement chargée de l’accompagnement des chômeurs, et qui a bénéficié pendant un temps du monopole légal du placement (ANPE en France, Agences AF au Danemark, Jobcentre au Royaume-Uni, BundesAgentur für Arbeit en Allemagne, Office Central pour l’Emploi aux Pays-Bas, Commonwealth Employment Service en Australie). L’ensemble des autres agents (État, partenaires sociaux, associations, opérateurs privés, etc.) seront donc ici considérés comme distincts du SPE.
Français

En mettant fin au monopole légal de placement de l'ANPE, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a ouvert la voie à la privatisation des prestations d'accompagnement des chômeurs. Nathalie Georges, chercheuse au Centre d'études de l'emploi, revient sur les raisons de cette mesure et son intérêt. L'objectif de l'ouverture à la concurrence du service public de l'emploi est de bénéficier de gains sur le coût de l'accompagnement des chômeurs et sur la qualité des prestations fournies, se traduisant dans les faits par une accélération du retour à l'emploi des bénéficiaires. Mais les expériences étrangères, déjà anciennes, n'ont pas provoqué de réelle révolution au sein de l'organisation traditionnelle de l'accompagnement, et leurs résultats, en termes d'efficience, sont contrastés.

Bibliographie

  • Balmary D. (2004), Rapport de l’instance d’évaluation de la politique de l’emploi et recours à des opérateurs externes, Rapport du Commissariat Général du Plan, Février
  • Boucher J. (2005), « Le droit public à l’épreuve de l’externalisation », Les Cahiers de la fonction publique n°251, pp.4-9
  • Bredgaar T., Larsen F. et Møller L.R. (2005), « Contracting-out the public employment service in Denmark : a quasi-market analysis », Refereed paper presented to the Transitions and Risk, New Directions in Social Policy Conference, Center for Public Policy, University of Melbourne, February 23-25
  • Bruhnes B. (2003), « Moderniser l’État, moderniser le service public », Futuribles n°287, pp.29-39, Juin
  • Bruttel O. (2004), « Contracting-out the Public Employment Service and the consequence for hard-to-place jobseekers: Experiences from Australia, the Netherlands and the UK », Paper for the Second Annual ESPAnet Conference University of Oxford, 9-11 Septembre
  • Clarke J. et Newman J. (1997), The Managerial State, Sage Publications, London
  • Cowling S. et Mitchell W. (2003), « False Promise or False Premise? Evaluating the Job Network », Australian Journal of Labour Economics, 6 (2) : 207-26
  • De Cuyper P., Struyven L. et Vanhoren I. (2005), Les entreprises privées dans la politique du marché de l’emploi, « Analyse des expériences de libre fonctionnement du marché aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne dans la perspective du secteur privé », Hoger instituut voor de arbeid, Avril
  • De Koning J. (2004), « The reform of the Dutch public employment », Erasmus University, SEOR, Rotterdam, Janvier
  • Denni B. et Tchernia JF (2003), « Services publics, concurrence et privatisation : l’opinion des Français et des Européens », Informations sociales n°109, pp.108-120
  • DEWR (2002), Job Network evaluation, EPPB Report 1/2002, Department of Employment and Workplace Relations, Mai
  • En ligneFerracci M. (2007), « Améliorer le service public de l’emploi : ce que disent les faits », Revue française d’économie n° 3, p.75-135, Fayard, Janvier
  • Georges N. (2006), « Le profilage : outil statistique et/ou mode de coordination ? », Document de travail du CEE n°72, Novembre
  • Halstuck C., Elias P. et Green A. (2003), The Wider Labour Market Impact of Employment Zones, Warwick Institute for Employment Studies, Department for Work and Pensions Report 175
  • Healy T. et Linder J. (2003), Outsourcing in Government : Pathways to Value, Accenture
  • Marimbert J. (2004), Le rapprochement des services de l’emploi, rapport au Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, Janvier
  • Mevissen J.W.M., Bos J., Meijer R., Mallee L., Bakker H.G., Van den Hoogen J., et Hupkens L. (2002), Op weg naar volwassenheid? Tweede inventarisatie van de stand van zaken op de markt van reïntegratiediensten, Doetinchem: Reed Business Information bv
  • OCDE (2005), Moderniser l’État, La route à suivre, chapitre 5 « L’emploi de mécanismes de type marché dans la prestation de services publics »
  • Simonin B. (2004), « Politique de l’emploi : trois réformes à l’étranger », Connaissance de l’emploi n°3, Mai
  • Struyven, L. (2005), « Between Efficiency and Equality. New Public-Private Arrangements in Employment Assistance for the Unemployed », TLM.NET Work Package 5, Higher Institute of Labour Studies, Catholic University Leuven
  • En ligneVan Berkel R. et Van Der Aa, P. (2005), « The marketization of activation services: a modern panacea? Some lessons from the Dutch experience », Journal of European Social Policy, Vol 15(4) : 329–343
  • En ligneWinterhager, H. (2006), « Private Job Placement Services - A Microeconometric Evaluation for Germany », ZEW Discussion Paper n° 06-026
Nathalie Georges
Chercheuse au Centre d’études de l’emploi
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2008
https://doi.org/10.3917/rce.002.0178
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...