CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En 1989, avec l’expression de « consensus de Washington », l’économiste John Williamson a essayé de résumer la position majoritaire des experts des institutions financières internationales et du Trésor américain sur les réformes économiques à mener en Amérique latine. Williamson a indiqué à plusieurs reprises que cette expression était un « résumé du plus petit dénominateur commun des préconisations adressées par les institutions basées à Washington ». Le terme a endossé une autre signification au fil des années, si bien qu’il est souvent considéré aujourd’hui comme synonyme d’un agenda des politiques néolibérales pour le monde entier. Ce « consensus » constitue depuis 20 ans environ le paradigme des réformes économiques et sociales mondiales. La privatisation d’entreprises publiques en est l’un des dix points. Les neuf autres sont : discipline budgétaire, réorientation des dépenses publiques, réformes fiscales élargissant l’assiette et réduisant les taux, libéralisation des marchés financiers, maintien d’un taux de change compétitif, libéralisation du commerce et des flux d’investissement direct à l’étranger, déréglementation des marchés, et enfin sécurisation des droits de propriété intellectuelle. D’après Williamson (dans « Did the Washington Consensus Fail? [1] »), les privatisations sont sans doute la préconisation qui a été la plus suivie. Les privatisations permettent en effet de dégager rapidement des sommes d’argents conséquentes, ce qui permet de respecter les règles d’équilibre budgétaire, autre recommandation majoritairement admise.

2Le duo Thatcher-Reagan a bien suivi ces principes et s’est fait le chantre du recul du secteur public aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le discours d’investiture de Reagan donnait d’emblée le ton : « Government is not the solution to our problem…governement is our problem » (20 janvier 1981). Thatcher n’eut pas de mots plus doux à l’égard de l’État et de la fonction publique. Une des premières actions de la Dame de fer relatives à la fonction publique fut le lancement de « la campagne pour l’efficacité ». Son objectif de réduction du nombre de fonctionnaires pour 1984 fut atteint, avec une réduction de 732 000 à 630 000 titulaires. Sous Thatcher, les privatisations ont constitué un important levier de restructuration de la fonction publique et des effectifs des entreprises publiques. La privatisation proprement dite a été appliquée au parc de logements sociaux, aux entreprises nationalisées et à différents services publics. Les entreprises en réseau (électricité gaz, télécommunications, transports) ont été mises en concurrence – non sans difficulté (en témoigne la privatisation de British rail sous John Major à partir de 1993). Dans les secteurs sociaux comme la protection sociale, l’éducation, la santé, les réformes thatchériennes ont visé à introduire des marchés internes ou des mécanismes de type marché au sein des organisations. Le but était d’augmenter le choix du consommateur souverain. Les prestations monétaires ont ainsi été remplacées par la distribution de « bons » (« vouchers »), afin de donner au consommateur la possibilité de choisir son fournisseur, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé. Bien que largement débattue, cette mesure a en réalité été peu appliquée. Pour aller plus loin dans l’étendue et l’effectivité du choix donné aux consommateurs, le gouvernement de John Major a proposé une Charte des citoyens, définissant des droits pour les consommateurs en termes de délais, de qualité, de possibilité de formuler des réclamations et d’obtenir satisfaction. Durant les différents gouvernements Thatcher puis Major (1979-1997) enfin, les ministres se sont transformés en véritables managers [? « Peut-on réformer l’État avec les méthodes du secteur privé ? », p.225]. La création d’agences semi-autonomes au sein de la fonction publique (Executive Agencies) a participé de la remise en cause de l’indépendance des fonctionnaires, puisque le chef d’agence est directement responsable devant le ministre. Des rapports fréquents devaient être remis aux ministres qui évaluaient annuellement le travail des agences.

3Privatiser les entreprises publiques, renforcer le pouvoir des managers sur les fonctionnaires, les rendre plus autonomes et responsables des performances de l’administration : telles furent les grands axes de réforme de la gestion des services publics sous la période Thatcher.

4Pour aller plus loin :

5Nous conseillons la lecture de l’article de C.Talbot, « La réforme de la gestion publique et ses paradoxes : l’expérience britannique », Revue française d’administration publique, 2003, dont cet encadré s’inspire.

Notes

  • [1]
    Discours pour le Center for Strategic and International Studies, Washington DC, 6 Novembre 2002.
Renaud Coulomb
RCE
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2008
https://doi.org/10.3917/rce.002.0116
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