1Sur la question de l’harmonisation des taux d’imposition* en Europe, le SNUI (Syndicat National Unifié des Impôts) dans Pour un serpent fiscal européen, Syllepse, Paris, 2004, a développé un avis très intéressant résumé ci-dessous.
2La fiscalité est le grand absent de l’édifice européen. Pour le SNUI, un tel manque revient à condamner l’Europe à n’être qu’un grand marché, incapable de répondre aux attentes des citoyens en termes de justice et de sécurité sociale. L’ouverture des frontières et la mobilité accrue du capital ont rendu caduque l’autonomie de nos politiques fiscales et les ont rendues interdépendantes. Pour le SNUI, il s’agit dès lors de choisir entre une stratégie de concurrence fiscale* ou une organisation commune de la fiscalité afin de maintenir une pression fiscale homogène. Deux types de coopérations sont envisageables : l’harmonisation des politiques fiscales [? Michel Aujean, « La politique fiscale européenne »] ou la création de taxes globales communes [? Dominique Plihon, « Les taxes globales : un instrument nécessaire face à la mondialisation »]. Jusque là, l’Europe a choisi de suivre la voie de la concurrence fiscale et de l’harmonisation minimale. Cette politique a profité aux grands groupes industriels et financiers qui ont vu en France, par exemple, le taux d’imposition sur les sociétés baisser d’un tiers (33,3 % en 2006 contre 50 % en 1985). La volonté du projet de traité constitutionnel de soumettre les questions fiscales à la règle de l’unanimité s’inscrivait dans cette logique d’harmonisation minimale. Alors que la politique monétaire se situe au niveau supranational et que la politique budgétaire a été encadrée par des règles et des mécanismes de coordination contenus dans le Pacte de stabilité et de croissance, la politique fiscale (et en particulier les impôts directs) a presque toujours échappé à un encadrement par des règles communes (la TVA* est actuellement l’impôt le plus harmonisé). Les Etats ont surtout été conduits à mettre de plus en plus en concurrence leurs systèmes fiscaux et sociaux, avec pour objectif de conserver ou d’attirer les investisseurs et les entreprises sur leur territoire. La mise en place de l’euro a amplifié ce phénomène en offrant de nouvelles opportunités pour les multinationales en termes de stratégie fiscale. La fiscalité directe* a pour seule contrainte de respecter les libertés fondamentales du traité. L’arrivée de 10 nouveaux membres a renforcé cette tendance. En effet, la menace des délocalisations (en partie exagérée, car il y a aussi des stratégies de conquête de marché) a été un moyen de remettre en cause certaines mesures sociales au nom de la compétitivité. Si un code de bonne conduite a été défini pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable* (un concept flou désignant les dérives de la concurrence fiscale), rien n’a été fait pour empêcher cette évolution.
3Le SNUI s’oppose à cette orientation et défend l’idée d’une coopération fiscale renforcée, fondée sur le principe du « serpent fiscal européen ». Il s’agirait d’une étape en vue de la création d’une fiscalité unique, de même que la monnaie unique avait été précédée d’un serpent monétaire européen. Il permettrait de fixer en Europe un niveau minimum d’imposition sur les sociétés, les revenus et le patrimoine, afin d’éviter les phénomènes de concurrence. En effet, cette dernière a eu pour conséquence de rendre nos systèmes fiscaux moins redistributifs et représente une menace pour nos démocraties. La concurrence fiscale accentue le déséquilibre entre taxation du travail et du capital et pèse sur les budgets publics. Elle prive les Etats de moyens d’action en réduisant les recettes fiscales. L’harmonisation pose, certes, la question des règles d’assiette et de la définition de normes comptables communes. Mais pour le SNUI, le plus grand obstacle à l’harmonisation fiscale est de nature politique. Si la diversité des situations économiques ne permet pas une prise de décision rapide, des solutions existent. On pourrait ainsi imaginer un serpent fiscal européen qui entraînerait une harmonisation par le haut. Un niveau minimum d’imposition serait fixé. Il s’agit donc de définir un corps de règles fiscales communes aux Etats membres, que ceux-ci fixeraient progressivement et souverainement (principe de subsidiarité*). L’harmonisation n’est pas synonyme d’uniformisation. De même qu’à l’intérieur de chaque Etat, il existe une fiscalité locale*, donnant plus ou moins d’autonomie aux collectivités territoriales, il peut exister des différences dans les systèmes fiscaux au niveau national si la situation le justifie. Le SNUI insiste sur le fait que le lancement d’un tel processus nécessite le passage à un système de majorité qualifiée en matière fiscale et que le serpent fiscal n’est pas une fin en soi : il engage simplement dans la voie de l’harmonisation. La création à terme d’un impôt européen est le but avoué d’une telle démarche. Aujourd’hui, le prélèvement que réalise l’Union sur les richesses nationales est plafonné à 1,24 % du revenu national brut communautaire. Le SNUI explique qu’un impôt européen renforcerait le lien entre le citoyen et l’Europe. Cet impôt pourrait être affecté à une action de l’Europe perçue et acceptée en tant que telle (la politique environnementale par exemple). Enfin, la responsabilité du Parlement, seule instance européenne élue, serait renforcée.