Une mise en perspective historique permet de se demander si l’ESS est un aménagement à la marge ou une reconfiguration de l’économie sociale. L’associationisme solidaire de la première partie du XIXe siècle est une manifestation utopiste ayant débouché sur un échec ou une tentative d’articulation du mouvement social avec la mise en œuvre d’activités économiques. Plus récemment, l’économie solidaire peut être considérée comme une simple réaction à la montée du chômage et de l’exclusion ou comme une résurgence dans d’autres conditions de l’associationnisme solidaire. L’analyse de ces bifurcations amène à deux scénarios, soit l’économie solidaire n’est qu’une adjonction à la marge de l’économie sociale qui demeure un regroupement d’entreprises collectives, soit l’ESS dépasse le rassemblement d’entreprises pour constituer une socio-économie solidariste.
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Selon la lecture la plus courante, rajouter l’adjectif solidaire ne
modifie qu’à la marge l’économie sociale. Prenant le contrepied
de cette interprétation en mobilisant, à la façon de Michèle Riot-Sarcey (2016) « une histoire souterraine », l’hypothèse propre à ce
texte consiste à défendre que l’avènement de l’ESS n’est pas anodin :
il fournit l’opportunité d’une reconfiguration pratique et théorique
du champ ainsi constitué.
Deux moments sont particulièrement examinés dans le parcours
de ce qui est désormais appelé ESS.
La première représentation contestable est celle selon
laquelle la période pionnière, 1830-1848 en France, manifesterait
une poussée utopiste qui déboucherait sur un échec. La sortie de
cette « gangue » (Geslin, 1998, p. 5-189) permettrait la stabilisation
et l’accès à la maturité d’une économie sociale identifiée à travers la
reconnaissance de statuts juridiques distinctifs. En décalage avec
cette conception, il s’agit, dans la lignée des travaux historiques
consacrés à l’associationnisme, de revisiter cette origine. Dans
la première partie du XIXe siècle, l’associationnisme solidaire a
voulu conjuguer une dimension de mouvement social avec la mise
en œuvre d’activités économiques. Dans la seconde partie du XIXe
siècle, c’est cette spécificité qui a été perdue.
Oubliée pendant les deux premiers tiers du XXe siècle,
la dynamique solidaire a toutefois retrouvé une pertinence dans
le dernier tiers du XXe siècle. Apparaissent alors des initiatives qui
à la fois s’inscrivent dans le prolongement de l’économie sociale
et en critiquent les limites…
Résumé
Plan
Auteur
Jean-Louis Laville est chercheur, puis directeur de laboratoire au Cnrs, titulaire de la chaire Économie solidaire au Conservatoire national des arts et métiers
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 28/04/2022
- https://doi.org/10.3917/recma.364.0168

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