CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Dans les années 1990 en France, la sociologie de la famille émergeait comme une spécialité enfin reconnue, dotée d’une forte identité, après une longue période de faiblesse institutionnelle, comparativement à d’autres spécialités comme la sociologie du travail ou la sociologie de la culture. Des constructions théoriques propres à la sociologie de la famille voyaient le jour, suscitaient débats et controverses. On pouvait identifier un univers intellectuel organisé autour de quelques questions clés [1]. Qu’en est-il trente ans plus tard ? Retrouve-t-on une telle vitalité dans ce domaine de recherche ? Peut-on encore parler d’une sociologie spécialisée construite en référence à un objet et à des questions théoriques qui lui confèrent une solide identité ?

2 Apporter des éléments de réponse suppose de faire le point sur l’évolution du savoir en distinguant différents niveaux : les termes et les notions qui composent le lexique de la sociologie de la famille ; les approches et éclairages mis en œuvre par les recherches ; la palette des méthodes d’enquête utilisées ; enfin, les théories propres à la spécialité. L’analyse fait le constat d’une diversification et d’un décloisonnement du savoir, signes d’une activité soutenue mais qui s’accompagne d’une perception plus floue tant de l’objet étudié que des contours de la spécialité. L’évolution sur trois décennies a donc connu des inflexions notables. Elles culminent dans l’état actuel de la discussion théorique qui, en raison des déplacements opérés sous l’effet d’une ouverture à d’autres domaines de recherche, revient à interroger la pertinence de la catégorie « sociologie de la famille ». Compte tenu des transformations qu’a connues la famille au cours de la même période, quel regard critique pouvons-nous porter sur cette évolution du savoir ? [2]

Termes et notions : déclin du vocabulaire classique et variations lexicales

3 Un champ de recherche s’identifie en partie par les mots qui servent à le désigner. Le lexique de la sociologie de la famille se caractérise par une certaine instabilité et par le fait que le mot « famille » ne soit plus unanimement utilisé par les sociologues qui étudient les réalités familiales. Cela tient à l’objet lui-même qui a connu de profondes transformations depuis les années 1970 mais aussi au prisme analytique qui s’est modifié au cours de la même période. Le repérage des termes et notions utilisés par les sociologues de la famille livre un premier aperçu de cette évolution des cadres de pensée.

4 Les recherches sociologiques sur la famille se sont organisées à partir des années 1980-1990 à partir de plusieurs réseaux institutionnels. Le terme famille est alors le plus largement utilisé. Le groupement de recherche (GDR) qui voit le jour au Cnrs en 1988 dans le but de promouvoir et fédérer les recherches sociologiques sur la famille s’appelle « GDR sociologie de la famille ». Le séminaire « outils de recherche sur la famille », organisé par l’Ined et le GDR Famille à partir de 1990, se tient à vingt-trois reprises pendant onze ans. Il se propose de réfléchir à la mise en œuvre pratique des notions et concepts en sociologie de la famille de sorte que la famille, de « problème social » largement reconnu, devienne « un objet de recherche scientifiquement bien construit » [3]. En 1992, sous l’impulsion de François de Singly, naît à la Sorbonne le Centre d’Études et de Recherches en Sociologie de la Famille (CERSOF), premier laboratoire consacré à la sociologie de la famille.

5 Jusqu’aux années 1990, du côté de la production éditoriale, l’usage du lexique familial est général. Dès le milieu des années 1970, les ouvrages pionniers de Louis Roussel (Le mariage dans la société contemporaine, 1975 ; La famille après le mariage des enfants, 1976) et d’Agnès Pitrou (Vivre sans famille ? Les solidarités familiales dans le monde d’aujourd’hui, 1978) ciblent leur titre sur la famille et le mariage. Les deux manuels de référence, destinés aux étudiant-e-s, se revendiquent également d’une approche par la famille : Sociologie de la famille et du mariage pour le premier, celui d’Andrée Michel paru en 1972, Sociologie de la famille pour le second, celui de Martine Segalen publié quelques années plus tard en 1981. En 1987, L’Année sociologique sort un numéro spécial, dirigé par Jean Kellerhals et Louis Roussel, consacré aux « sociologues face aux mutations de la famille ». Le bilan des savoirs paru en 1992 sous la direction de François de Singly est titré : La famille, l’état des savoirs.

6 À partir du milieu des années 1990, on observe une inflexion notable : le mot famille sera le plus souvent utilisé au pluriel – « les familles » –, signe de la diffusion des recherches en sociologie de la famille qui montrent, contre le discours alarmiste sur la « crise de la famille » repris par les médias, que les transformations récentes vont dans le sens d’une plus grande variété des formes familiales. D’autres termes font aussi leur apparition, simultanément dans l’action publique et dans la recherche. Celui qui connaît le plus grand succès est le mot « parentalité », dont l’usage se généralise et gagne le langage commun, comme en attestent par exemple la fréquence des expressions « monoparentalité » ou « homoparentalité » dans les médias ou les débats publics. Comment expliquer un tel succès ? Outre qu’elle attire l’attention sur un ensemble de transformations, sociales et politiques, liées à la place croissante de l’enfant dans la famille, la notion permet aussi d’analyser les situations de « pluriparentalité » de plus en plus fréquentes à partir de la fin du XXe siècle [4]. Parler de parentalité ouvre donc la possibilité de sortir d’une vision bilatérale des relations familiales, schéma normatif selon lequel l’enfant a deux parents, qui est l’un des principes du modèle de parenté en France comme dans l’ensemble des sociétés occidentales, à côté de ceux de l’exclusivité (rien que deux parents) et du biocentrisme (les parents sont présumés géniteurs de l’enfant). Parallèlement, le terme de « conjugalité » s’impose peu à peu dans le vocabulaire scientifique traduisant l’ambition d’analyser la complexité des trajectoires affectives, relationnelles et sexuelles des individus (relations non-cohabitantes, séparation, remise en couple, épisodes de vie en solo, etc.) sous un angle qui ne soit pas nécessairement centré sur l’enfant.

7 Ainsi, à compter des années 2000, les questions relatives aux orientations sexuelles ou à la sexualité vue comme une composante de la vie de couple, s’ajoutant à celles qui explorent l’accès à la parentalité, son exercice ou son encadrement, viendront nourrir une approche qui se présente comme une « sociologie de la vie privée ». Ce nouveau syntagme, qui figure dans l’intitulé du réseau thématique « Famille, vie privée, vie publique » de l’Association française de sociologie, fait référence au cadre théorique élaboré à la même époque par François de Singly. Sous son impulsion, la sociologie de la famille s’ouvre à des problématiques nouvelles, comme le rapport à l’espace ou au temps, qui apportent de précieux éclairages sur l’intimité familiale et ses frontières. L’essor du terme « vie privée » témoigne enfin d’un recentrage des recherches sur la famille conjugale, sans reprendre toutefois le lexique familial, suspecté de naturaliser le couple hétérosexuel comme seule forme légitime.

8 Ce recentrage explique en partie le déclin du terme de « parenté ». Ce mot, qui vient de l’anthropologie et que des auteurs comme Martine Segalen avaient cherché à introduire à partir des années 1980 dans le lexique sociologique [5], désigne l’ensemble des personnes apparentées par la filiation, l’alliance et la résidence, ainsi que les règles et croyances qui fondent ces rapports. Dans cette perspective, la famille n’est qu’une composante d’un ensemble plus vaste, la parenté, sur lequel l’analyse doit porter pour comprendre au mieux quels sont les effets des mutations en cours dans la famille. Si des recherches sortant d’un prisme centré sur la famille conjugale ont vu le jour, l’usage du terme parenté (ou celui, plus technique, de « parentèle ») ne s’est pas imposé chez les sociologues. Il a plutôt donné lieu à de multiples variations lexicales – « réseau », « famille-entourage », « maisonnée », etc. – sans doute davantage ajustées aux terrains observés, mais dont l’apport à une approche relevant de l’étude de la parenté n’est pas toujours explicite. Peut-être le mot parenté est-il encore associé, dans l’esprit de certains sociologues français, via l’héritage structuraliste, à la notion de « structures de parenté », c’est-à-dire à une vision de la famille estimée, à tort ou à raison, trop figée, voire naturaliste. Pourtant la critique du réductionnisme biologique est, grâce à l’apport de David M. Schneider [6] et d’autres, à l’origine du regain international des études sur la parenté depuis les années 2000.

Un champ de recherche plus ouvert : l’apport des éclairages transversaux

9 L’ouverture de la sociologie de la famille à l’anthropologie de la parenté n’a pas eu le succès qu’on pouvait escompter au moment où, à partir de la fin des années 1980, chacune commence à sortir d’une trop longue ignorance réciproque (voir par exemple les travaux de Jean-Hugues Déchaux, Agnès Fine, Olivier Schwartz, Florence Weber [7]). À certains égards, la question du rapport sociologie / anthropologie, famille / parenté, n’est pas tranchée et reste aujourd’hui en débat. En dépit du cadre théorique proposé par Florence Weber pour « penser la parenté » occidentale dans ses aspects quotidiens en proposant de distinguer logiques de parentèle, de lignée et de maisonnée [8], l’analyse des structures de la parenté ne s’est pas imposée comme un axe de recherche notable. Bien que la lecture de Florence Weber ait impulsé de nombreuses recherches de qualité, force est de constater que la question de fond de l’anthropologie de la parenté, qui consiste à se demander comment différentes unités familiales s’articulent pour composer un système (de règles, de places, d’échanges), a été progressivement négligée au profit d’une approche pour laquelle la notion de maisonnée, reprise parfois de manière très large et indistincte, tend à remplacer celle de parenté pour désigner tout ce qui excède l’échelle du ménage.

10 La relative éclipse des approches par la famille ou la parenté face à la progression des notions de parentalité, de conjugalité et de vie privée se traduit par une diversification des éclairages mobilisés par les sociologues s’intéressant à la famille. La sociologie de la famille promue au début des années 1990 avec la création du GDR Famille a connu sur le plan de la recherche une sorte d’engouement pendant deux décennies. Comparativement, les travaux qui se réclament explicitement de la sociologie de la famille se sont raréfiés en dépit de la création de revues spécialisées : Recherches familiales en 2003, Enfances Familles Générations en 2004 ou Politiques sociales et familiales en 2009, devenue en 2015 la Revue des politiques sociales et familiales. S’en tenir là serait toutefois trompeur et reviendrait à passer sous silence tout ce par quoi la sociologie de la famille s’est renouvelée en s’ouvrant à d’autres perspectives issues d’autres champs de recherche.

11 C’est en effet sur ses marges qu’elle a, au cours des dix à quinze dernières années, poursuivi son développement tout en se transformant. Les connaissances sociologiques sur la famille se sont affinées et élargies à partir d’approches et d’éclairages variés qui ne relèvent ni forcément, ni toujours, de la sociologie de la famille elle-même. Ainsi l’objet famille a-t-il cessé d’être la propriété exclusive des seuls chercheur·se·s, estampillés « sociologues de la famille », comme nous avons pu le constater à l’occasion de la troisième édition en 2021 de notre manuel Sociologie de la famille[9]. Par rapport aux deux éditions précédentes, la bibliographie s’est notablement allongée, ce qui indique que les travaux sociologiques sur les réalités familiales continuent à croître, mais, dans le même temps, la plupart ne se réclament pas de la sociologie de la famille. Il s’agit d’éclairages « latéraux » ou « transversaux », portés par de jeunes sociologues, plus ouverts sur la littérature internationale que leurs aîné·e·s, qui ont régénéré l’analyse des processus et mécanismes de transformation de la famille.

12 Parmi ces perspectives, il convient de citer les études sur le genre qui ont contribué à renouveler tous les grands domaines de la sociologie de la famille : formation du couple, relations conjugales, sexualité, procréation et accès à la parentalité, relations parents – enfants, entraide au sein de la parentèle, etc. La prise en compte du genre permet de comprendre plus finement les dynamiques de changement qui sont à l’œuvre dans la vie familiale ainsi que, à l’inverse, les facteurs d’inertie et de résistance. Lors de la création du GDR Famille, les approches féministes, alors très marginalisées dans le monde universitaire, avaient été invitées à rejoindre la recherche académique suite à la parution en 1984 de l’ouvrage collectif Le sexe du travail. Le rôle de François de Singly a été décisif à cet égard. En témoigne le sommaire de La famille, l’état des savoirs[10] : on note plusieurs sociologues (et historiennes) féministes, comme Nadine Lefaucheur ou Martine Chaudron, parmi les quarante auteurs réunis. Depuis les années 1990, l’influence de la sociologie d’inspiration féministe s’est accrue et diversifiée. Les références empruntent à la littérature internationale qui se consacre aux études sur le genre plutôt qu’aux synthèses théoriques élaborées dans les années 1990-2000 par les grandes figures de la sociologie de la famille de langue française (François de Singly, Jean Kellerhals, Martine Segalen) auxquelles il est reproché de ne pas avoir suffisamment intégré la critique féministe de la famille fondée sur la domination masculine.

13 Il faut aussi mentionner le concours d’autres approches qui ont mis en avant ce qui, auparavant, constituait des angles morts de la recherche. Grâce à la sociologie de la sexualité – cette dernière étant devenue en France, depuis une à deux décennies, un objet de recherche à part entière – les processus de mise en couple (qu’il s’agisse des couples de sexe différent ou de même sexe) sont aujourd’hui mieux décrits et analysés, de même que les rapports, pratiques et symboliques, entre ordre familial et ordre sexué. Il en résulte un embarras à l’égard d’un usage acritique des notions de famille ou de couple soupçonnées de colporter une vision hétéronormée des relations familiales. De leur côté, les sociologies du droit et des migrations ont relancé et rénové l’étude de la circulation et de l’entraide dans les réseaux de parenté (souvent multi-localisés, parfois transnationaux) ainsi que l’analyse des enjeux économiques liés aux séparations et à leurs effets sur la trajectoire sociale des ex-conjoints et des enfants. L’accès à la parentalité et à la filiation (adoption, PMA, recompositions familiales) a aussi largement bénéficié des éclairages de la sociologie du droit. Quant à la socialisation familiale, souvent mentionnée mais longtemps réduite à une sorte de « boite noire » de la sociologie de famille, elle est finement restituée grâce aux sociologies de l’éducation, de la culture, des médias et de l’habitat ou des âges de la vie. À travers ces recherches, le quotidien, qui intéressait peu la sociologie, sinon à travers les tentatives de mesure du travail domestique ou des emplois du temps, et renvoyaient à l’étude, aux contours vagues, des « modes de vie », est désormais exploré de façon détaillée au fil des parcours de vie comme autant de modalités de construction du « faire famille », entre appropriation de l’espace domestique et recherche d’un « temps pour soi ».

14 Les modalités de contrôle social de la famille font l’objet d’analyses précises grâce aux recherches conduites en sociologie des politiques publiques (politiques familiales et sociales, mais aussi politiques de santé, scolaires, etc.) ou, de plus en plus, dans le domaine des politiques d’entreprise (garde des enfants, gestion des carrières et des emplois, chômage et interruption d’activité, etc.). Le cadre théorique de ces recherches puise dans des répertoires variés même si des auteurs comme Robert Castel, Jacques Donzelot ou Rémi Lenoir demeurent des références incontournables. La diffusion de ces recherches doit beaucoup à des revues comme Recherches familiales ou la Revue des politiques sociales et familiales, mais aussi à des sociologues, à l’instar de Claude Martin, dont l’approche se situe à la croisée de la sociologie de la famille et de l’analyse des politiques publiques.

15 Cette liste, qui n’est pas limitative, montre combien, depuis dix à quinze ans, l’ampleur des changements relatifs à la vie familiale a entraîné des modifications de même acabit au sein des recherches qui s’intéressent, de manière prioritaire ou non, à la famille. En effet, il a fallu multiplier les angles d’approche afin de mieux décrire et analyser la pluralité et la complexité des processus et des mécanismes sociaux à l’origine des transformations de la famille.

Renouveau méthodologique et diversification des terrains d’enquête

16 Le renouvellement est aussi remarquable sur le plan méthodologique. En trente ans, la palette des méthodes d’enquête s’est élargie : aux données sociodémographiques et aux enquêtes par entretiens, qui constituaient les matériaux de prédilection, se sont ajoutées l’ethnographie, l’analyse des archives familiales, des dossiers judiciaires et des informations issues d’internet (sites, blogs, etc.).

17 Concernant les données quantitatives, l’analyse des indicateurs démographiques classiques (nuptialité, fécondité, etc.) constitue toujours de solides repères pour comprendre l’évolution des morphologies familiales. Cependant, sont aussi apparues, dans le même temps, les limites des approches traditionnelles fondées sur le ménage qui saisissent imparfaitement certaines configurations familiales contemporaines, par exemple la situation des enfants de parents séparés ou grandissant dans des familles homoparentales. Des limites sont également repérables dans la construction de plusieurs indicateurs où le ménage est perçu comme un tout, gommant les caractéristiques individuelles de celles et ceux qui le composent et perpétuant ainsi un système d’évaluation où le masculin reste le genre de référence. Face à la difficulté de saisir l’informalisation croissante des modes de vie familiaux, les enquêtes, impulsées par l’Ined depuis les années 1990, ont fortement contribué à renouveler les indicateurs statistiques sur la famille. C’est le cas de l’analyse de la vie conjugale avec la dernière enquête Études des parcours individuels et conjugaux 2013-2014 : son originalité méthodologique vise à sortir d’une focalisation sur le seul couple hétérosexuel cohabitant afin de mieux analyser la diversité des façons de faire couple.

18 Le deuxième défi statistique consiste à saisir la dimension processuelle des trajectoires familiales de manière à ne pas figer une image simplificatrice et linéaire de « la » famille. Alors que les seuils d’entrée dans la vie familiale évoluent, que les transitions sont de plus en plus réversibles, l’approche longitudinale s’impose à partir des années 1990. À nouveau, l’Ined a joué un rôle clé, comme le montrent les vagues successives de l’enquête Études des relations familiales et intergénérationnelles entre 2005 et 2011. Sans négliger les difficultés techniques liées à cette approche, le recours plus fréquent aux enquêtes par panel élargit le spectre des questions théoriques auxquelles les données transversales ne permettaient pas de répondre [11].

19 Le dernier enjeu méthodologique consiste à croiser les sources statistiques jusqu’ici très cloisonnées sur la famille. Les potentialités offertes par l’échantillon démographique permanent (EDP), panel sociodémographique de grande taille composé de données issues de diverses sources administratives (données civiles, socio-fiscales, etc.), laissent présager des recherches plus fines, en particulier sur des populations minoritaires et souvent invisibilisées. Il sera aussi possible de mieux mesurer les effets des conditions matérielles sur les trajectoires familiales ou les conséquences qu’un événement familial produit sur les conditions de vie.

20 Les méthodes qualitatives, pour lesquelles l’approche par entretien semi-directif était dominante, se sont également considérablement élargies à partir du début des années 2000 : monographies familiales, travail sur archives (privées ou publiques), développement plus récent de l’ethnographie en ligne et des méthodes mixtes visant à intégrer données qualitatives et quantitatives.

21 La pratique des monographies familiales, depuis une vingtaine d’années, doit beaucoup aux recherches que Florence Weber a contribué à promouvoir. Elle a permis d’aborder sous un angle inédit des objets tels que la prise en charge de la dépendance et du handicap ou les stratégies patrimoniales. Les monographies familiales permettent, dans le même temps, de réfléchir aux frontières de la famille ou plus exactement de la maisonnée [12]. C’est, en effet, à cette dimension de la parenté que l’approche monographique semble la plus ajustée, que les maisonnées soient locales ou transnationales. Cependant, l’analyse de la parenté ne présuppose pas nécessairement une approche monographique : celle-ci est parfois délicate, sinon impossible à réaliser ou alors elle n’est pas la bonne entrée pour identifier les règles qui organisent les échanges dans la parentèle. Cela vaut aussi pour l’analyse de la vie conjugale, les entretiens menés avec les deux conjoints n’étant pas toujours la panacée en vue d’obtenir un matériau plus riche.

22 Le renouveau méthodologique est également marqué par un recours accru aux archives privées et publiques. Les correspondances, photos, carnets de compte, journaux intimes permettent d’accéder à une autre forme d’intimité que celle recueillie en entretien. Le recours aux archives publiques, lui aussi diversifié (dossiers judiciaires, dossiers de l’Aide sociale à l’enfance, supports médiatiques des campagnes de politique publique, etc.), vise souvent à repérer les normes qui régulent l’institution familiale. Les archives numériques constituent une source récente qui commence à être explorée : blogs et forums sont analysés comme autant de nouveaux canaux de la morale familiale, de même que débute l’ethnographie en ligne des réseaux de parenté.

23 Les recherches combinent de plus en plus souvent des méthodes mixtes. Alors que données statistiques et matériau qualitatif ont longtemps été séparés, la quantification de matériaux ethnographiques ou, à l’inverse, l’analyse qualitative de données statistiques (en particulier sur des populations peu visibles du fait de leur faible représentativité dans les échantillons) brouillent les frontières méthodologiques traditionnelles. Ce va-et-vient entre les méthodes alimente une réflexivité critique des chercheur·se·s sur les usages pratiques des catégories produites par la sociologie de la famille.

Controverses théoriques autour de la « famille relationnelle »

24 L’évolution de la sociologie de la famille sur les plans du lexique, des approches et des méthodes s’est accompagnée d’un renouvellement théorique.

1990-2010 : une théorie dominante, « la famille relationnelle »

25 En France, jusqu’aux années 2010, la sociologie de la famille était dominée par la théorie de « la famille relationnelle » élaborée par François de Singly dans plusieurs écrits à partir du début des années 1990. Selon cette théorie, la modernité familiale serait le résultat d’une mutation sociohistorique séculaire qui aurait opéré en deux phases. On aurait d’abord assisté jusqu’aux années 1950-1960 à l’émergence progressive d’une « famille conjugale » fondée sur le primat accordé aux personnes et aux relations par opposition à une vision de la famille centrée sur les biens et les statuts, une mutation qu’avait entrevue Émile Durkheim dès la fin du XIXe siècle. À partir des années 1960, les traits de la famille moderne se seraient accusés marquant la fin de l’étape antérieure. La « famille moderne 2 » serait désormais « relationnelle » puisque fondée sur la qualité des relations entre ses membres, « individualiste » en raison de l’affirmation du « je » au détriment du « nous familial », et « privée/publique » car, si les deux traits précédents expriment la valorisation croissante de la sphère privée, l’État intervient davantage dans la vie familiale qu’il cherche à contrôler. L’émancipation des femmes et l’affirmation de l’individu seraient à l’origine de cette évolution. Cette interprétation, qui figure dès la parution de Sociologie de la famille contemporaine en 1993 [13], est reconduite dans les éditions successives, moyennant quelques corrections permettant d’affiner l’analyse des effets de la « seconde modernité familiale ».

26 La théorie de la famille relationnelle s’adosse à une vision sociohistorique qui fait de l’émancipation individuelle la dynamique de fond des mutations de la société au cours du dernier siècle. La périodisation en deux étapes, « première modernité » puis « seconde modernité », met en scène un mouvement continu d’affirmation de l’individu, processus dont la dimension dialectique n’est pas absente mais qui se renforcera au fur et à mesure des révisions ultérieures, en particulier à partir de la troisième édition (2007) de Sociologie de la famille contemporaine, avec une plus grande attention portée à l’analyse des tensions entre « je » et « nous » dans la vie familiale. Si la théorie de la famille relationnelle porte ce nom c’est parce que sa focale recouvre les relations qui se nouent entre les personnes. Leur analyse permettrait d’établir que l’individu, en quête de son « moi profond », tend à s’autonomiser vis-à-vis de la famille. La déclinaison la plus aboutie de cette interprétation figure dans Le soi, le couple et la famille (1996) [14] : la recherche de l’authenticité personnelle, devenue cruciale dans les sociétés de la seconde modernité, entraînerait un nouveau type de « dialogue » avec autrui dans le couple et dans la famille. C’est la figure de Pygmalion qui se réalise lui-même en aidant autrui à se réaliser. Un tel schéma s’appliquerait à la relation conjugale, qui est au centre de l’ouvrage, mais aussi à la relation éducative avec les enfants.

27 Cette théorie s’inscrit clairement au sein d’un domaine établi, celui de la sociologie de la famille : son ambition est de caractériser aussi précisément que possible le fonctionnement de la famille contemporaine et, pour ce faire, elle se construit, implicitement, par rapport à la thèse fonctionnaliste de Talcott Parsons et Robert Bales (Family, socialization and interaction process, 1955) qui fut la référence théorique clé en sociologie de la famille durant les trente glorieuses. Pour les deux sociologues étatsuniens, la « famille nucléaire » reposerait sur la différenciation et la complémentarité des rôles masculins et féminins permettant à la famille de se spécialiser dans les fonctions de socialisation et de soutien affectif aux adultes et aux enfants. Sur certains points, la théorie de la famille relationnelle s’oppose à celle de la famille nucléaire : la focalisation sur l’individu, l’attention portée à ses exigences en matière d’émancipation et de réalisation individuelles, notamment chez les femmes, interdisent de conclure à une intégration fonctionnelle de la famille fondée sur la spécialisation sexuée des rôles, comme l’a bien souligné Andrée Michel dès le début des années 1970 [15]. En revanche, elle partage avec Talcott Parsons et Robert Bales un souci de comprendre la fonction socialisatrice de la famille, même si elle s’est modifiée sous l’effet de l’individualisme, et une polarisation sur la famille étroite (le couple et ses enfants) au détriment d’une vision plus large couvrant les rapports avec la parentèle censés avoir perdu leur importance. Cet ancrage théorique s’est fortement atténué dans les travaux les plus récents.

Depuis les années 2010 : « la famille relationnelle » remise en cause ?

28 Depuis environ une décennie, la théorie de la famille relationnelle a cédé du terrain au profit d’un ensemble de travaux empiriques se réclamant d’une approche attentive aux rapports sociaux, en particulier de classe et de genre. C’est en particulier le cas de l’ouvrage Le genre du capital[16] où Céline Bessière et Sibylle Gollac (2020) présentent les résultats d’une analyse originale sur le rôle des stratégies familiales dans la reproduction des inégalités patrimoniales et l’appropriation masculine du capital par le biais de l’héritage ou lors des séparations, alors que sont mis en place des arrangements aux dépens des femmes « sous couvert d’un droit égalitaire ». L’ouvrage condense de façon convaincante les transformations qu’a connues le champ depuis une vingtaine d’années : recours aux « méthodes mixtes » (entretiens, statistiques, archives, observations), ouverture à d’autres sociologies spécialisées (sociologies de l’économie, du droit, des politiques publiques), prise en compte des transactions intimes, des appartenances de genre et de classe, de manière à montrer comment se croisent et se cumulent les inégalités.

29 La perspective d’analyse se focalise sur la façon dont la famille, dans ses différentes acceptions (couple, famille conjugale, parentèle) contribue à reproduire sur un plan matériel les rapports sociaux. Le cadre théorique n’est plus, comme chez François de Singly, la montée séculaire de l’individualisme, mais la reproduction sociale des inégalités. En abordant la famille comme une instance de reproduction de l’ordre social, Céline Bessière et Sybille Gollac visent à compléter l’analyse des mécanismes de reproduction sociale issue de Pierre Bourdieu, qui minimiserait l’importance du capital économique en se concentrant trop exclusivement sur le capital culturel, par une approche féministe et matérialiste qui voit la famille comme un lieu d’exploitation des femmes [17]. Dans ce cadre, la sociologie de la famille n’est plus l’échelon le mieux à même de répondre à cette ambition théorique : elle est englobée dans une sociologie des rapports sociaux de domination qui fait du genre la variable clé pour analyser les stratégies familiales de reproduction.

30 Bien que son objectif explicite ne soit pas de refonder la sociologie de la famille, la présentation du cadre analytique s’accompagne d’une prise de position critique à l’égard de certaines de ses théories. En effet, les autrices dénoncent à travers plus d’un siècle et demi de littérature sociologique sur la famille – des thèses de Tocqueville jusqu’à celle de la famille relationnelle de François de Singly – l’existence d’un « grand récit » qui évacuerait, voire refoulerait, le rôle économique de la famille en véhiculant une vision « enchantée » des réalités familiales, inattentive aux inégalités et au rôle de la famille dans la reproduction de l’ordre social. Cette relecture de la sociologie de la famille minore cependant tout un pan des recherches qui ont constitué autant d’alternatives à la théorie de la famille relationnelle.

Une diversité théorique constitutive de la sociologie de la famille

31 En effet, si la théorie de la famille relationnelle a occupé une position dominante pendant environ deux décennies à partir des années 1990, d’autres interprétations en sociologie de la famille ont existé en parallèle, tant sur le plan de l’analyse des inégalités que celui de la remise en cause d’une focale trop exclusivement centrée sur l’émancipation individuelle.

32 Sur le plan des inégalités, de nombreux travaux ont eu pour ambition de montrer les rapports de pouvoir dans le couple comme dans la parentèle, s’inscrivant toutefois dans un cadre théorique non unifié. L’analyse des inégalités conjugales a tout d’abord été marquée par l’ouvrage de François de Singly, Fortune et infortune de la femme mariée qui, paru en 1987 [18], marque le « décollage » de la sociologie de la famille en France, avant que ce dernier ne délaisse cette perspective pour opérer quelques années plus tard un « tournant interactionniste » qui débouchera sur la théorie de la famille relationnelle. L’approche objectiviste, renforcée par l’utilisation d’un vocabulaire emprunté à l’économie, s’y révèle très efficace pour établir les effets inégalitaires du mariage : le calcul du rendement de la « dot scolaire » (i.e. le niveau de diplôme) de la femme selon qu’elle est mariée ou non, ou ce qu’il serait si elle était un homme, montre clairement ce qu’une femme gagne ou perd à être mariée. On retrouve un raisonnement proche, quoique moins explicitement utilitariste, dans les travaux sur la formation du couple que conduisent, au cours des années 1990, Michel Bozon et François Héran [19] dans le sillage des analyses fondatrices d’Alain Girard (1964) sur l’homogamie.

33 Les travaux sur les inégalités domestiques produites par la situation des hommes et des femmes sur le marché du travail (et notamment les inégalités de revenus) s’inscrivent dans une veine théorique un peu différente, avec en arrière-plan les effets différenciés des positions occupées et des ressources des deux conjoints. Inspiré par la « théorie des ressources » de Robert Blood et Donald Wolfe élaborée dans les années 1960, puis repris par Andrée Michel [20] ou les travaux de l’école genevoise [21], ce cadre théorique s’étend aujourd’hui à l’analyse des inégalités dans les couples de même sexe. L’étude des inégalités conjugales a enfin bénéficié d’une approche par les temps sociaux qui montre comment les arbitrages conjugaux (temps partiel pour les femmes, retrait prolongé de l’emploi suite à la naissance des enfants) pèsent sur la situation économique des femmes, notamment en cas de séparation, y compris lorsqu’elles sont en activité professionnelle, comme en attestent certains travaux injustement tombés dans l’oubli de la fin des années 1980 [22].

34 Concernant la parentèle, le relevé des inégalités économiques et sociales qui résultent des prétendues « solidarités familiales » est un fil rouge des recherches depuis cinquante ans. Ce constat était au centre des travaux pionniers d’Agnès Pitrou [23]. Depuis, la connaissance des effets de l’économie cachée de la parenté dans la reproduction des inégalités s’est affinée, même si ces transferts discrets et parfois informels restent difficiles à quantifier. Sur un plan théorique, ces travaux soulignent le travail gratuit effectué par les femmes et leur invisibilisation dans l’économie familiale. Prolongeant les observations faites en Angleterre dans les années 1950 (Élisabeth Bott, Michael Young et Peter Willmott), des recherches sur la production domestique dans la famille et la parentèle émergent au début des années 1990, avec la création au Cnrs du Groupement de recherche « Mode de vie », donnant lieu à de fructueuses collaborations entre économistes, sociologues de la famille de sensibilité féministe et statisticienn.e.s [24]. D’autres recherches interrogent les frontières du travail domestique qui, dans les milieux populaires en particulier, dépasse souvent l’unité du ménage pour être mutualisé à l’échelle de la parentèle sous la forme de réseaux d’entraide féminine permettant aux femmes de maintenir une activité professionnelle et d’être ainsi plus autonomes financièrement [25].

35 S’agissant du second point – la focale centrée sur l’émancipation individuelle –, une sociologie de la famille a vu le jour critiquant le recours excessif ou trop exclusif à une supposée quête d’authenticité personnelle qui toucherait, sans discrimination, l’ensemble des familles. Dans Le démariage[26], Irène Théry invite à considérer la famille comme une institution sociale, y compris au sens juridique du terme, en montrant comment la justice, par exemple lors des divorces et des recompositions après séparation, contribue à normaliser l’image d’une « séparation réussie ». En Suisse, autour de Jean Kellerhals, plusieurs enquêtes se sont efforcées d’identifier différents types de fonctionnement familial fondés sur des manières contrastées d’organiser les relations et les rôles de genre, de déterminer les objectifs du groupe familial et de concevoir le lien à son environnement. Ces travaux montrent que ces « styles familiaux » ne se réduisent pas au seul type de la famille relationnelle et sont associés à des positions dans la hiérarchie sociale (profession et niveau de revenu) et culturelle (niveau de diplôme) [27]. Enfin, d’autres analyses soulignent que la montée de l’individualisme est à l’origine d’une « prolifération des normes » qui, en empruntant des circuits très divers, transforme l’encadrement normatif de l’institution familiale plutôt qu’elle ne l’érode [28], contrairement à ce que suggère la thèse de la famille relationnelle.

Conclusion : les facettes anthropologiques et politiques du pluralisme familial

36 Depuis les années 1990, la catégorie « sociologie de la famille » s’est donc recomposée. A-t-elle pour autant perdu de sa pertinence ? Sans doute non, car en s’ouvrant à des éclairages transversaux à même de mieux décrire et analyser le pluralisme familial, c’est-à-dire la variété croissante des manières de « faire famille », elle s’est également profondément renouvelée. Peut-être en résulte-t-il un savoir plus fragmenté et une moindre unification conceptuelle et théorique. Cette diversité ne se résume toutefois pas à une controverse entre une approche fondée sur la famille relationnelle et une autre relevant de la théorie de la reproduction sociale. L’optique d’une sociologie du pluralisme familial exige, selon nous, de relever deux enjeux de connaissance, l’un anthropologique, l’autre politique.

37 Le premier consiste à réarticuler famille et parenté. Les mutations de la famille sont à analyser à travers leurs effets sur la parenté entendue à la fois comme « système » de règles organisant les échanges entre individus apparentés et comme « modèle » de croyances définissant ce qui fonde le lien de parenté dans la société. Aucune des questions relatives aux transformations de la famille, qu’il s’agisse de la séparation conjugale, de la multiplication des pères et des mères, de l’infertilité (biologique ou sociale), des nouvelles techniques de reproduction, des orientations sexuelles, de la circulation des enfants dans la famille, de la transmission des statuts et des richesses, etc., n’est tout à fait inédite une fois replacée à l’échelle de l’analyse comparée de la parenté. D’autres sociétés, en d’autres lieux ou temps, les ont résolues à leur manière. Au regard de la parenté, il n’y a pas de nouveauté ou de rupture radicale contrairement à ce que pourrait suggérer un regard focalisé sur tel ou tel aspect de la famille. Les remaniements continus de la famille ne font pas disparaître la parenté. Seule une approche qui réinscrit la famille dans la parenté, analyse la manière dont ses diverses composantes – filiation, alliance, résidence, genre, croyances relatives à l’engendrement, etc. – fabriquent des appartenances, des loyautés, des droits et des devoirs, qu’ils soient ou non hiérarchisés, formalisés, fixes ou labiles, permet de prendre la vraie mesure du pluralisme familial. Inversement, rien dans ces règles et croyances de parenté n’est réellement immuable car la parenté n’est pas et n’a jamais été une entité close, repliée sur elle-même. S’exercent continûment en son sein les changements sociaux, économiques, politiques et culturels du monde extérieur et, réciproquement, elle contribue à transformer la société à travers les rapports de génération et de genre. Le pluralisme familial se déploie à l’intérieur d’une matrice, celle de la parenté des sociétés euraméricaines, pour ne parler que du cas français, dont les grands traits évoluent à bas bruit et à un rythme lent.

38 Si les effets anthropologiques du pluralisme familial contemporain ne peuvent être appréciés qu’à l’échelle de l’analyse comparée de la parenté, en comprendre les causes exige d’établir un lien avec le pluralisme des « styles de vie ». Tel est le deuxième enjeu. Il importe de comprendre la manière dont les principes de la démocratie, en gagnant l’espace de la vie privée, modifient l’équilibre entre liberté de choix et définition institutionnelle de la famille, ainsi que, par voie de conséquence, le statut des normes familiales qui, plus que par le passé, deviennent matière à critiques et revendications. Cela n’implique nullement de devoir renoncer à la catégorie « sociologie de la famille » à condition de lui adjoindre cette dimension politique, devenue partie intégrante de son objet.

Notes

  • [1]
    Jean-Hugues DECHAUX, 1995, « Orientations théoriques en sociologie de la famille : autour de cinq ouvrages récents », Revue française de sociologie, vol. 36, n° 3, 1995, pp. 525-550.
  • [2]
    Les auteurs remercient François de Singly et Michel Bozon pour les informations institutionnelles recueillies sur les décennies 1980 et 1990.
  • [3]
    Les expressions entre guillemets sont extraites du texte présentant la création du séminaire cosigné par Michel BOZON, Henri LERIDON et François DE SINGLY, alors membres du comité d’organisation.
  • [4]
    Agnès MARTIAL, « Les trois temps des pluriparentalités en France. Une analyse de travaux empiriques contemporains », Revue des politiques sociales et familiales, vol. 139-140, n° 2-3, 2021, pp. 89-97.
  • [5]
    Cette intention d’ouvrir la sociologie de la famille à l’anthropologie de la parenté est très explicite dans les premières éditions de Sociologie de la famille. Elle s’atténue à partir de la 6e édition, profondément remaniée, qui date de 2006.
  • [6]
    M. David SCHNEIDER, A critique of the study of kinship, University of Michigan Press, 1984.
  • [7]
    Certaines autrices et certains auteurs sont cités pour leur œuvre dans leur ensemble, à titre de repères chronologiques.
  • [8]
    Florence WEBER, Penser la parenté aujourd’hui. La force du quotidien, Rue d’Ulm, 2013.
  • [9]
    Jean-Hugues DECHAUX, Marie-Clémence LE PAPE, Sociologie de la famille, La Découverte, 2021.
  • [10]
    François de SINGLY (dir.), La famille, l’état des savoirs, La Découverte, 1992.
  • [11]
    Arnaud REGNIER-LOILIER (dir.), Portraits de familles. L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles, Ined, 2009.
  • [12]
    Jean-Sébastien EIDELIMAN, « Familles à l’épreuve », Ethnologie française, vol. 39, n° 3, 2009, pp. 435-442.
  • [13]
    François de SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, Nathan, 1993.
  • [14]
    François de SINGLY, Le soi, le couple et la famille, Nathan, 1996.
  • [15]
    Andrée MICHEL, Sociologie de la famille et du mariage, Puf, 1972.
  • [16]
    Céline BESSIERE, Sybille GOLLAC, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, La Découverte, 2020.
  • [17]
    Soulignons ici le rôle clé des travaux de Christine DELPHY : L’ennemi principal, tomes 1 et 2, Paris Syllepse, 1997 et 2001. Son article pionnier, déjà titré « L’ennemi principal », date de 1970.
  • [18]
    François de SINGLY, Fortune et infortune de la femme mariée, Puf, 1987.
  • [19]
    Michel BOZON, François HERAN, La formation du couple, La Découverte, 2006.
  • [20]
    Andrée MICHEL, Activité professionnelle de la femme et vie conjugale, édition du Cnrs, Paris, 1974.
  • [21]
    Jean KELLERHALS, Jean-François PERRIN, Geneviève STEINAUER-CRESSON, Laura VONECHE, Geneviève WIRTH, Mariages au quotidien. Inégalités sociales, tensions culturelles et organisation familiale, Lausanne, édition Favre, 1982 ; Josette COENEN-HUTHER, « Dominance et égalité. Un réexamen de la théorie des ressources à la lumière des sous-cultures familiales », Cahiers du genre, n° 30, 2001, pp. 179-204.
  • [22]
    Danielle CHABAUD-RYCHTER, Dominique FOUGEYROLLAS, Françoise SONTHONNAX, Espace et temps du travail domestique, Méridiens, 1985 ; Marie-Agnès BARRERE-MAURISSON, « Structures économiques et structures familiales : émergence et construction d’une relation. La sociologie de la famille en question », L’Année sociologique, vol. 37, 1987, pp. 67-91.
  • [23]
    Agnès PITROU, Vivre sans famille ? Les solidarités familiales dans le monde d’aujourd’hui, Privat, 1978.
  • [24]
    Dominique FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL, « L’entraide familiale : de l’universel au particulier », Sociétés contemporaines, n° 17, 1994, pp. 51-73. Alain DEGENNE, Ghislaine GRIMLER, Marie-Odile LEBEAUX, Yannick LEMEL, « La production domestique atténue-t-elle la pauvreté ? », Économie et Statistiques, n° 308-309-310, 1997, pp. 159-186.
  • [25]
    Marie-Clémence LE PAPE, « Les familles populaires ne sont pas modernes à la maison », in Olivier MASCLET (dir.), La France d’en bas ? Idées reçues sur les classes populaires, Le Cavalier Bleu, 2019, pp. 83-91.
  • [26]
    Irène THERY, Le démariage. Justice et vie privée, Odile Jacob, 1993.
  • [27]
    Eric WIDMER, Jean KELLERHALS, René LEVY, Mesure et démesure du couple, Payot, 2004.
  • [28]
    Jean-Hugues DECHAUX, « Ce que « l’individualisme » ne permet pas de comprendre : le cas de la famille », Esprit, n° 365, juin, 2010, pp. 94-111.
Français

L’article porte un regard rétrospectif sur la sociologie de la famille en France au cours des trente dernières années (1990-2020). La décennie 1990 a marqué un temps fort de la reconnaissance académique et institutionnelle de cette spécialité de la recherche sociologique après une longue période de faiblesse. Qu’en est-il depuis ? Sont ainsi analysées les évolutions du lexique, des approches, des méthodes d’enquête et des théories propres à cette spécialité. Il ressort une diversification et un décloisonnement du savoir impulsés par des recherches qui ne se réclament plus nécessairement de la sociologie de la famille stricto sensu mais contribuent à l’enrichir par ces apports « latéraux ». Simultanément, les contours de la spécialité sont devenus plus évanescents : en raison de cette ouverture à d’autres domaines de recherche (comme le genre, la sexualité, les migrations), la pertinence de la catégorie « sociologie de la famille » fait l’objet de discussions qui affleurent dans les orientations théoriques qui, bien qu’ayant toujours été diverses, se recomposent sur de nouvelles bases.

Jean-Hugues Déchaux
Professeur de sociologie à l’Université Lumière Lyon 2, membre du Centre Max Weber (CNRSUMR 5283, Lyon). Sociologue de la famille et de la parenté, ses dernières recherches portent sur les nouveaux modes de procréation et la génomique procréative. Il est l’auteur de nombreux articles, français et internationaux, et de plusieurs ouvrages dont Sociologie de la famille (La Découverte, 3e édition en collaboration avec Marie-Clémence Le Pape, 2021). Ses dernières publications sont : « Que nous enseigne la controverse sur la naissance des jumelles chinoises ? Le regard du sociologue », Revue générale de droit médical, n° 77, 2020, pp. 213-228 ; « Being born in the era of genomics », in Ingrid Voléry, Marie-Pierre Julien (dir.), From Measuring Rods to DNA Sequencing : Assessing the Human, Palgrave Macmillan, 2020, pp. 125-152.
Marie-Clémence Le Pape
Sociologue de la famille, maîtresse de conférences à l’Université Lumière Lyon 2. Depuis 2014, elle est collaboratrice extérieure au Bureau « Jeunesse, famille » de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et, depuis 2019, elle intervient comme personnalité qualifiée au Conseil de la famille du HCFEA (Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge). Ses travaux ont notamment porté sur le quotidien des familles populaires (alimentation, pratiques éducatives), la transformation des relations familiales avec le passage à l’âge adulte (et plus particulièrement les déterminants et les effets inégalitaires de l’aide familiale apportée aux jeunes adultes), les injonctions à la « bonne parentalité » véhiculées par les campagnes de santé publique à destination des familles. Elle est l’autrice, avec Jean-Hugues Déchaux, de l’ouvrage de synthèse sur la Sociologie de la famille (La Découverte, coll. : « Repères », 2021).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2023
https://doi.org/10.3917/rf.020.0190
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