CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Au mois d’avril 2020, le Tribunal fédéral suisse (TF) s’est penché sur les conséquences fiscales du paiement des contributions d’entretien en faveur des enfants après un divorce. Cet arrêt a retenu notre attention, en tant qu’il porte sur des aspects très concrets de l’entretien de la famille et s’inscrit dans une problématique générale de fiscalité et d’égalité de traitement après une séparation ou un divorce.

2Les faits sont les suivants : A.A. et C.A. sont divorcé·es depuis mars 2010. Selon le dispositif du jugement de divorce, les parents exercent l’autorité parentale conjointe sur leurs deux enfants communs et une garde alternée a été mise en place.

3A.A., le père, s’est engagé par convention à verser une contribution d’entretien en faveur de chaque enfant par pallier de CHF 1’000.-, puis CHF 1’200.- dès 10 ans révolus et CHF 1’500.- dès 15 ans révolus et « jusqu’à la majorité, voire au-delà mais au maximum jusqu’à l’âge de 25 ans en cas d’études sérieuses et suivies » [1].

4C.A. (la mère) s’est engagée à prendre en charge les primes d’assurances des enfants, les avances de frais médicaux hors thérapies, les frais de garde et d’habillement, les frais scolaires, les frais relatifs aux loisirs ainsi qu’aux activités parascolaires et extrascolaires. En outre, le recourant est chargé d’avancer la totalité des frais de thérapie des enfants, étant précisé que les remboursements par les assurances se font sur un compte ouvert par les parties, destiné à l’entretien des enfants.

5Les parties ont renoncé à toute contribution l’une envers l’autre.

6A.A. s’est remarié avec B.A. Dans leurs déclarations fiscales de 2011 à 2013 pour l’impôt sur le revenu, le couple a inscrit deux charges de famille pour les enfants du recourant, en sollicitant chaque année une déduction entre CHF 28’000 et CHF 30’000.- au titre de paiement de contributions d’entretien. À la demande de l’administration fiscale cantonale, ils ont déposé des justificatifs portant sur les frais d’entretien des enfants en précisant que A.A. n’avait plus versé la totalité des contributions d’entretien telles que prévues selon le jugement de divorce depuis 2011, celui-ci compensant partiellement avec les dépenses qu’il avait directement assumées en lien avec l’entretien des enfants (et qui étaient à la charge de C.A. selon le jugement de divorce). L’administration fiscale a admis la déduction des contributions d’entretien pour la totalité des frais médicaux des enfants payés par le recourant, à l’exclusion des autres montants. A.A. et B.A. ont recouru au TF contre cette décision.

Le jugement du Tribunal fédéral

7Selon les recourants, certaines dépenses effectuées pour les enfants ont remplacé – dans les faits – le versement à la mère des contributions d’entretien mensuelles telles que prévues dans le jugement de divorce. Ils souhaitent donc obtenir la déductibilité de l’entretien jusqu’à concurrence du montant prévu dans le jugement de divorce.

8Le recourant a produit différents justificatifs pour les dépenses engagées pour ses enfants entre 2011 et 2013. Selon la Cour de justice, et à juste titre selon le Tribunal fédéral, ces justificatifs ne permettent pas de distinguer entre, d’une part, les frais qui correspondent véritablement à un versement indirect des contributions d’entretien et, d’autre part, les frais qu’il devrait de toute manière assumer en raison de son droit de garde (alternée) et de son obligation d’entretien à l’égard des enfants (consid. 3).

9Selon la Cour de Justice, le dispositif du jugement de divorce mentionne très clairement les dépenses que les contributions d’entretien devaient couvrir. Elle a constaté en outre que depuis 2011, le recourant ne versait plus régulièrement la contribution d’entretien mensuelle prévue dans le jugement de divorce. Ces faits ne sont pas réellement contestés par le recourant dont l’argumentation porte sur le traitement fiscal du nouveau système de paiement de l’entretien des enfants qu’il a mis en place après le jugement de divorce, entre 2011 et 2013 (consid. 4).

10Le Tribunal fédéral examine si la Cour de justice pouvait refuser la déductibilité de la partie des contributions d’entretien qui n’étaient pas versées à la mère, mais qui correspondaient prétendument à des dépenses effectuées directement par le recourant à l’attention des enfants.

11Le Tribunal fédéral rappelle les contours du système fiscal prévu pour les dépenses de la famille, en application de la LIFD [2] : d’une manière générale, un·e contribuable ne peut pas déduire de son revenu ses frais d’entretien et ceux de sa famille (art. 34 let. a LIFD). Les contributions d’entretien dues en vertu du droit de la famille font toutefois exception à la règle. Conformément au principe de la correspondance, la personne séparée ou divorcée qui verse des contributions d’entretien selon le droit de la famille peut les déduire (art. 33 al. 1 let. c LIFD), tandis que la personne qui obtient ces mêmes contributions d’entretien est imposée sur celles-ci (art. 23 let. f ; consid. 5.1 – 5.2).

12Dans cette logique fiscale, seules les prestations versées aux fins de couvrir les besoins courants qui n’ont pas pour effet d’augmenter la fortune du bénéficiaire sont soumises à cette règle. C’est pourquoi les prestations en capital, même si elles servent ultérieurement à couvrir l’entretien en sont exclues, dans la mesure où elles conduisent à une augmentation de fortune du bénéficiaire [3]. En revanche, les prestations d’entretien versées de manière régulière ou irrégulière ou les paiements indirects des primes d’assurance-maladie ou d’écolage peuvent constituer des contributions d’entretien reconnues comme étant déductibles fiscalement après une séparation ou un divorce (consid. 5.3).

13Dans le cas d’espèce, le recourant n’a pas démontré avoir payé les contributions d’entretien telles que prévues par le jugement de divorce. Le Tribunal fédéral est amené à examiner si le recourant a droit aux déductions fiscales correspondantes au motif qu’il a convenu de manière informelle avec la mère d’assumer directement le paiement de certains frais d’entretien des enfants. Ces frais ne lui incombaient pas selon le jugement de divorce, mais il les a assumés en lieu et place du versement de la contribution d’entretien mensuelle régulière. Le Tribunal fédéral rappelle que si ces déductions fiscales sont acceptées, les montants correspondants doivent être imputés à la mère au titre de revenus chez l’autre parent, conformément au principe de la concordance (consid. 6.1-6.4).

14Le Tribunal fédéral examine également l’aspect civil de cet arrangement informel entre les parents. Il le qualifie de remise de dette accordée par le parent gardien au nom et pour le compte des enfants [4]. Toutefois, les arrangements « civils » entre les parties qui s’écartent du jugement de divorce ne sont en principe pas déterminants pour l’autorité fiscale, s’agissant à tout le moins du taux d’imposition plus favorable et des déductions sociales pour les enfants communs (consid. 6.5 – 6.6).

15En matière fiscale, le contribuable qui souhaite obtenir des déductions fiscales en raison du paiement de contributions d’entretien doit apporter la preuve de la conclusion d’un accord clair et chiffré de la charge d’entretien. Il doit en outre démontrer qu’il a exécuté ses obligations financières. Or, en l’espèce, le recourant n’est pas parvenu à établir qu’il se serait engagé à prendre systématiquement en charge certains frais d’entretien déterminés. Il n’a pas non plus prouvé que la mère avait accepté que ce report de charges s’assimile à un paiement des contributions d’entretien sous forme indirecte, imposable chez elle (consid. 6.7).

16Selon le Tribunal fédéral, le procédé informel mis en place par le recourant ne permet pas de poser une limite claire entre, d’une part, les frais (déductibles) qui résulteraient du réaménagement des modalités du paiement des contributions d’entretien fixées par jugement et, d’autre part, les autres frais d’entretien de la famille (non déductibles) qui interviennent notamment pendant l’exercice du droit de garde à charge du parent accueillant l’enfant. Il retient que les parents ne se sont pas accordés sur un nouveau système de paiement des contributions d’entretien précis, contrôlé et contrôlable. Considérant que le recourant n’a pas apporté la preuve d’un arrangement clair démontrant qu’il aurait payé les contributions d’entretien pour ses enfants sous forme indirecte, le Tribunal fédéral considère que l’on ne peut reprocher à la Cour de justice de ne pas avoir accepté la déduction fiscale revendiquée par les recourants en application de l’art. 33 al. 1 let. c LIFD (consid. 6.8).

Analyse de l’arrêt

Généralités

17Ce jugement du TF, même s’il n’est pas destiné à la publication, illustre la problématique délicate liée aux modalités de versement des contributions d’entretien après une séparation ou un divorce, dans le cadre du système fiscal suisse actuel.

Importance du jugement de divorce ou de la convention ratifiée

18Cette affaire doit être examinée à la lumière de la jurisprudence récente en matière d’imposition des familles [5] : seules les contributions d’entretien dues sur la base du droit de la famille sont déductibles, à l’exclusion des contributions versées volontairement (« freiwillig erbrachte Alimente ») [6].

19Ainsi, les prestations doivent reposer sur un jugement ou sur une convention ratifiée par l’autorité de protection de l’enfant ou par le juge [7]. Elles sont déductibles fiscalement, à la double condition d’être effectivement versées [8] et que la convention soit contraignante pour les parents, avec notamment une mention chiffrée des contributions d’entretien [9]. La référence à une convention ratifiée ou à un jugement de divorce permet ainsi de poser une limite entre les « véritables » contributions d’entretien (« dues en vertu du droit de la famille ») des autres dépenses qui constituent plutôt des frais non déductibles telles que celles liées à l’exercice du droit de garde. En outre, il est plus aisé pour les autorités fiscales d’assurer le respect du principe de la concordance en considérant uniquement les contributions d’entretien fondées sur les conventions ratifiées et les jugements de divorce, à l’exclusion de toute prise en compte des autres éventuels accords entre les parents.

Particularités et enseignement de l’arrêt examiné

20La problématique de l’arrêt examiné porte intrinsèquement sur la question de la preuve. D’après le Tribunal fédéral, la Cour de justice n’a pas établi les faits de manière arbitraire en jugeant que le recourant n’avait pas réussi à démontrer que les dépenses qu’il a assumées directement constituaient des contributions d’entretien. Le fait que l’accord entre les parents ait été passé de manière « informelle et non écrite » a vraisemblablement été déterminant. Le recourant aurait en outre dû démontrer son engagement à prendre « systématiquement » certaines dépenses à sa charge, ainsi que l’acceptation de son ex-épouse d’être imposée sur ces prestations.

21Cet arrêt rappelle ainsi clairement qu’il appartient au contribuable de démontrer la déductibilité de ses dépenses. Il doit dans ce cadre non seulement apporter la preuve de l’effectivité des dépenses, mais aussi celle que chaque dépense est déductible au sens de la loi, dans un système dans lequel la déductibilité des contributions d’entretien constitue une exception au principe général selon lequel les dépenses d’entretien de la famille ne sont pas déductibles [10].

Mise en perspective du système fiscal avec les règles du droit civil

Généralités

22La fiscalisation des contributions d’entretien soulève diverses problématiques variées, avec un ancrage étroit en droit des familles, raison pour laquelle il apparaît nécessaire d’expliquer brièvement les principes fondant l’obligation d’entretien en faveur des enfants.

Modalités de la prise en charge des enfants par les parents selon le Code civil

23En vertu de l’art. 296 CC, l’enfant est soumis pendant sa minorité, à l’autorité parentale conjointe de ses père et mère, sauf si le bien de l’enfant commande une attribution exclusive de l’autorité parentale à un seul des parents (art. 298 CC), ce qui constitue donc l’exception.

24Selon l’art. 276 CC, l’entretien des enfants est assuré par les soins, l’éducation et les prestations pécuniaires (al. 1). Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2). Selon l’art. 298 al. 2 ter CC, lorsque l’autorité parentale est exercée conjointement, l’autorité examine, selon le bien de l’enfant, la possibilité de la garde alternée, si le père, la mère ou l’enfant le demande.

25À ce titre, la réforme du Code civil sur l’autorité parentale (entrée en vigueur le 1er juillet 2014) et l’entretien de l’enfant (entrée en vigueur au 1er janvier 2017) a cherché à mettre les deux parents sur un pied d’égalité, aussi bien en matière d’autorité parentale, de garde, que de prestations pécuniaires [11]. Parallèlement, le législateur a reconnu le statut particulier de la garde alternée en mentionnant expressément ce mode de garde à l’art. 298 al. 2 ter CC.

26Dans les décisions relatives au sort de l’enfant, il n’existe pas de solution unique sur le mode de prise en charge des enfants. La garde alternée, qui se définit comme une prise en charge de l’enfant selon des périodes plus ou moins égales entre les parents [12], est une des modalités d’exercice des relations personnelles entre l’enfant et ses parents, à côté de la garde exclusive ou prépondérante attribuée à l’un des parents [13].

Méthode de calcul des contributions d’entretien en droit civil

27Le législateur n’a pas prévu de méthode spécifique permettant de fixer le montant de la contribution d’entretien due par les père et mère. L’art. 285 CC prévoit uniquement que la contribution d’entretien doit correspondre aux besoins de l’enfant ainsi qu’à la situation et aux ressources de ses père et mère et qu’elle doit aussi servir à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers.

28Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a précisé la méthode de calcul de ces contributions d’entretien, selon les principes suivants :

29

  1. L’entretien convenable de l’enfant est composé d’une part des frais directs (« coûts effectifs »), et, d’autre part, des frais indirects (frais de prise en charge) [14].
  2. Il n’existe pas de méthode uniforme en Suisse pour calculer les frais directs de l’enfant. La majorité des tribunaux se fonde sur une méthode concrète, alignée sur les directives applicables pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites (LP [15]). Selon ces directives, font partie des besoins strictement nécessaires, un montant de base couvrant notamment la nourriture, l’habillement, les frais pour les soins corporels (CHF 400.- par mois pour un enfant de moins de 10 ans, puis CHF 600.- par mois), ainsi que les frais effectifs pour le logement et les primes d’assurance maladie obligatoire. En fonction des situations financières, ces coûts sont augmentés des frais pour des dépenses non strictement nécessaires (primes d’assurances complémentaires, loisirs, etc.). Enfin, en cas de situation favorable, on peut ajouter un montant supplémentaire en tenant compte du niveau de vie aisé du parent débirentier [16].
  3. Les frais directs de l’enfant sont répartis entre les parents en tenant compte, d’une part, de la prise en charge effective quotidienne par chaque parent et d’autre part, du « disponible » de chaque parent (différence entre les revenus et les charges du parent).
  4. Le Tribunal fédéral a imposé une méthode spécifique de calcul pour les frais indirects, il s’agit de la méthode dite des frais de subsistance du parent gardien (Lebenshaltungskosten)[17]. La méthode vise à garantir, économiquement parlant, que le parent qui assure la prise en charge de l’enfant puisse subvenir à ses propres besoins tout en s’occupant de l’enfant. Pour calculer les frais de subsistance du parent gardien, il convient de se fonder sur son minimum vital du droit des poursuites (LP), qui peut ensuite être augmenté (notamment par les postes liés aux primes d’assurances privées ou aux impôts) en fonction des circonstances spéciales du cas d’espèce. Naturellement, si le parent gardien travaillant à temps partiel ou à temps complet couvre ses frais de subsistance lui-même, il n’y a pas de frais indirects à couvrir par l’autre parent. En revanche, si seule une partie de ces frais sont couverts, la différence entre le revenu et les frais de subsistance constitue les frais indirects [18].
  5. Les mêmes principes s’appliquent en cas de garde alternée, ce qui conduit à ce que dans une telle constellation, un parent soit amené à payer les coûts directs et indirects de l’enfant, si l’autre parent ne parvient pas à assumer ses propres frais de subsistance, même avec une garde alternée.
  6. Enfin, selon les lignes directrices générales du droit civil des familles établies par le Tribunal fédéral, en principe, il ne peut pas être exigé d’un parent qui s’occupe d’un enfant qu’il travaille avant que l’enfant entre à l’école obligatoire. Dès que le plus jeune enfant est entré à l’école obligatoire, il peut être exigé du parent qu’il travaille à 50 %, puis à 80 % dès l’entrée à l’école secondaire et à 100 % dès les 16 ans de l’enfant. Ces lignes directrices peuvent s’appliquer y compris lorsque le couple a opté pour une garde alternée [19].

30Pour ces deux composantes de l’entretien des enfants (frais directs et indirects), le droit civil des familles se fonde essentiellement sur les normes du minimum vital établies en droit des poursuites, éventuellement élargi à d’autres dépenses existantes, en fonction de la situation financière des parents. Il est intéressant d’examiner quels sont les postes du minimum vital du droit des poursuites qui sont ainsi pris en compte, puisque pour rappel, ils permettent de fixer la contribution d’entretien à verser pour les enfants, contribution qui est ensuite déductible fiscalement. Selon les directives en matière de minimum vital du droit des poursuites, établies par chaque canton, on retrouve systématiquement les postes suivants :

31

  • un montant de base mensuel qui couvre notamment les frais d’alimentation, de vêtements et linge, soins corporels et de santé ;
  • le loyer et ses frais accessoires [20] ;
  • les primes d’assurance maladie et accident ;
  • les frais de formation, y compris les frais de transports et des fournitures scolaires lorsque ces frais existent.

32En réalité, le système mis en place permet souvent aux contribuables débiteurs de contributions d’entretien de déduire davantage de dépenses que les personnes qui vivent avec leurs enfants (et qui bénéficient essentiellement des seules déductions sociales). Ce système questionne en tant qu’il traite différemment la prise en compte fiscale de certaines dépenses, comme celles relatives à la nourriture et à l’habillement, si le parent vit avec ses enfants ou s’il verse des contributions d’entretien [21].

Inégalités fiscales et garde alternée

33Selon le Tribunal fédéral, il convient de distinguer les frais découlant de l’obligation d’entretien de la famille intervenant pendant l’exercice du droit de garde à charge du parent accueillant les enfants et ceux assumés au titre des contributions d’entretien fixées par un jugement ou par une convention de divorce. Si l’on se réfère à la manière dont sont calculées les contributions d’entretien en droit des familles, ces frais sont pourtant les mêmes : ils concernent tout ce qui sert à nourrir, habiller, loger ou encore éduquer l’enfant. Du point du vue fiscal, si le parent fait ménage commun avec l’enfant, il ne peut déduire ces dépenses de manière effective mais profite de dégrèvements forfaitaires. À l’inverse, si le parent vit séparé et qu’il couvre ces dépenses par le paiement d’une contribution d’entretien, il peut déduire les contributions d’entretien versées. Or, cette frontière de ménage commun est difficile à établir en cas de droit de visite élargi, ou de surcroît en cas de garde alternée. Elle présente une systématique artificielle, puisqu’elle ne dépend en réalité que de la manière dont les parents se sont entendus pour le paiement concret de ces frais.

34En particulier en cas de garde alternée, les parents se partagent par moitié le paiement des frais liés à la nourriture, puisqu’ils accueillent chacun l’enfant de manière alternée pour des périodes plus ou moins égales [22]. Ils ont du reste chacun une charge de logement imputable à l’accueil de l’enfant. En revanche, les parents doivent déterminer comment ils se répartissent la participation effective à l’habillement, aux soins corporels ou aux loisirs. Parfois les parents optent pour un compte commun sur lequel leurs contributions respectives sont versées, d’autres fois ils décident qu’un seul des parents se charge d’assumer ces frais, à charge pour l’autre de rembourser ces dépenses directement ou de verser une contribution d’entretien calculée en fonction de cette répartition concrète des dépenses.

35Finalement, le montant de l’éventuelle contribution d’entretien est fixé selon le revenu de chaque parent mais aussi de la répartition effective des coûts directs de l’enfant. Or, d’un point de vue fiscal, seul le parent qui verse une contribution d’entretien pourra déduire fiscalement la contribution d’entretien de son revenu, alors que ce montant sera imposé auprès de l’autre parent. En d’autres termes, en cas de garde alternée, lorsqu’un parent achète directement des habits pour son enfant lorsqu’il est avec lui, il ne peut pas les déduire fiscalement. En revanche, si en cas de garde alternée un parent verse à l’autre un montant mensuel régulier qui sert, entre autres, à acheter les vêtements à l’enfant, il pourra déduire fiscalement ces frais de son revenu, tandis que ce montant sera imposable auprès de l’autre parent.

36On peut ainsi constater que des différences fiscales majeures peuvent se produire selon l’organisation financière des parents après leur divorce ou leur séparation. Contrariant le principe de l’imposition selon la capacité contributive, des situations semblables sont en conséquence souvent imposées différemment. Il nous apparaît dans ce cadre que le système est largement insatisfaisant, et cela d’autant plus alors que la garde alternée est de plus en plus souvent aménagée après une séparation ou un divorce.

Pistes de réflexion au regard de l’égalité de traitement

Contextualisation

37Depuis des décennies, le régime de l’imposition des familles fait l’objet d’intenses discussions sur le plan politique. Celles-ci se focalisent essentiellement sur la problématique de l’égalité de traitement entre couples mariés et concubins, compte tenu des fortes différences fiscales qui découlent de l’imposition commune des premiers et de l’imposition séparée des seconds. Le traitement fiscal des familles monoparentales et recomposées doit néanmoins être pris en compte dans ce contexte afin d’assurer le respect de l’ensemble des rapports d’égalité.

38Dans le droit en vigueur, l’application du barème pour couples mariés aux familles monoparentales est intrinsèquement paradoxale. En effet, ce barème sert fondamentalement à tenir compte de la capacité contributive des couples mariés (selon la prémisse que ceux-ci forment une unité économique). L’allègement fiscal qui est induit par le barème pour couples mariés (qui est variable et qui dépend du revenu imposable) ne s’accorde guère avec la nécessité de prendre en considération les coûts supplémentaires supportés par les ménages monoparentaux (ceux-ci étant fixes et ne dépendant pas du revenu imposable).

39La question se pose dès lors d’examiner quel régime peut être envisagé pour favoriser l’égalité de traitement en droit fiscal des familles.

Nécessité de fiscaliser les contributions d’entretien

40L’arrêt en question met en évidence la difficulté, en droit fiscal, d’appréhender la question de l’imposition des contributions d’entretien en droit des familles. En l’espèce, les circonstances de l’arrêt semblent indiquer que le père a été défavorisé par le refus de tenir compte de certains de ses frais pour enfant, alors qu’il exerce une garde alternée et paie effectivement une partie des frais des enfants, sans que cela ne soit reconnu fiscalement, ni à travers le barème parental, ni à travers l’étendue des déductions sociales.

41La fiscalisation des contributions d’entretien n’est pas une évidence en soi. Dans ce cadre, il sied de rappeler que les contributions n’étaient pas déductibles, respectivement pas imposées, avant l’entrée en vigueur de la LIFD. Ainsi, dans son Message sur l’harmonisation fiscale du 25 mai 1983 [23], le Conseil fédéral soulignait que l’art. 23 let. f LIFD venait instaurer une nouvelle règlementation en rendant les contributions d’entretien imposables, respectivement déductibles.

42Dans ce contexte, on peut du reste relever que tous les régimes fiscaux contemporains ne fiscalisent pas nécessairement les contributions d’entretien. À titre d’illustration, la Nouvelle-Zélande exempte les prestations obtenues par l’époux ou l’ex-époux pour son entretien et pour l’entretien des enfants [24] et en exclut la déductibilité par le jeu de la « private limitation »[25], dans une logique fiscale toutefois singulièrement différente au sein de laquelle les dépenses privées sont surtout considérées dans un second temps dans le cadre des crédits d’impôt [26].

43Par ailleurs, dans les pays voisins qui fiscalisent les contributions d’entretien, il n’est pas rare d’entendre des voix s’élever contre un système qui discriminerait les femmes. Ainsi, les sociologues françaises Céline Bessière et Sibylle Gollac [27] ont récemment remis en cause ce système du point de vue de l’égalité entre hommes et femmes : « Pour les hommes et les femmes des classes moyennes et supérieures qui paient l’impôt sur le revenu, la fiscalisation des pensions alimentaires n’est donc pas neutre du point de vue de l’inégalité économique de genre. Les femmes séparées doivent déclarer des pensions au titre de leurs revenus et payer des impôts dessus, alors que les hommes débiteurs les déduisent au contraire de leurs revenus imposables. La raison d’être de cette fiscalité est mystérieuse : pourquoi un père séparé déduirait-il de ses impôts sur les revenus sa contribution à l’entretien (alimentation, logement, autres frais) de ses enfants, alors que ce n’est pas le cas des parents qui vivent avec leurs enfants. » En effet, on constate que ce sont les hommes français qui versent une pension dans 97 % des cas (même si une telle pension n’est fixée que dans 20 % des procédures de divorce) [28]. Une proportion similaire se retrouve en Suisse (selon les dernières statistiques, les femmes représentent 97,5 % des ménages monoparentaux percevant des contributions d’entretien) [29].

44La doctrine suisse s’est parfois montrée réticente à accorder une importance déterminante à l’égalité des genres en matière fiscale. Ainsi, en lien avec la question du choix entre les régimes de l’imposition individuelle et de l’imposition commune, une partie de la doctrine considère qu’il n’est pas du ressort du droit fiscal d’encourager les épouses à percevoir un revenu, respectivement s’accommodent à l’idée que la fiscalité puisse décourager les épouses à exercer une activité lucrative [30]. Le Tribunal fédéral a semblé abonder dans ce sens dans la jurisprudence Hegetschweiler, en considérant que n’était pas déterminant le fait que les épouses soient – dans les faits – le plus souvent susceptibles de renoncer à un emploi [31]. Nous nous alignons toutefois sur l’autre courant doctrinal d’après lequel le droit fiscal doit tenir compte de la situation sociétale et permettre autant que possible une égalité en fait entre les genres [32], en tant qu’il s’agit d’un facteur – parmi d’autres - permettant de favoriser le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes.

45La question du traitement fiscal des contributions d’entretien ne saurait être examinée autrement qu’à la lumière du principe de l’imposition selon la capacité contributive, d’après lequel chaque contribuable doit participer à la couverture des dépenses publiques en fonction de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens [33]. Concrètement, les contribuables qui disposent de la même capacité économique doivent supporter une charge fiscale identique tandis qu’une différenciation dans l’imposition doit être opérée dans les autres cas [34]. En l’occurrence, et cela n’est pas contesté au sein de la doctrine fiscaliste suisse, il se justifie pleinement de tenir compte du fait que le contribuable qui verse des contributions d’entretien est appauvri dans la même mesure, tandis que l’appréhension fiscale des contributions d’entretien obtenues par le crédirentier est nécessaire afin de déterminer sa capacité contributive [35].

46En conséquence, nous soutenons en premier lieu que le régime ne saurait être remis en cause dans son ensemble. Il demeure en effet opportun de permettre la déductibilité des contributions d’entretien pour le parent débirentier, respectivement de les imposer auprès de l’autre parent.

Nécessité d’exonérer le minimum vital et mécanismes fiscaux envisageable

Principes juridiques considérés

47Comme cela a déjà été soulevé, la loi pose premièrement le principe que les frais d’entretien du contribuable et de sa famille ne sont pas déductibles [36]. Ainsi, la considération de ce type de dépenses intervient essentiellement par le biais des déductions sociales et de l’aménagement du barème d’imposition [37]. Le Tribunal fédéral reconnaît certes que le droit à des conditions minimales d’existence trouve application dans le domaine fiscal [38], en énonçant notamment qu’« il serait paradoxal d’exiger de l’État qu’il garantisse à une personne dans le besoin les moyens indispensables pour maintenir des conditions minimales d’existences d’une part, et de lui donner, de l’autre part, la possibilité d’entamer à nouveau ces moyens en les imposant » [39]. Tout à la fois, la Haute-Cour fait malheureusement preuve d’une grande réserve au moment de tirer les conséquences qui s’imposent de la garantie du minimum vital. Elle a ainsi soutenu que le droit constitutionnel à des conditions minimales d’existence est contrebalancé par le principe de la généralité de l’impôt, d’après lequel tout·e assujetti·e doit contribuer aux dépenses publiques « ne serait-ce que par un versement symbolique » [40]. En conséquence, les législateurs cantonaux peuvent librement fixer des régimes fiscaux qui ne tiennent guère compte du minimum vital des contribuables.

48La doctrine rejette très largement le raisonnement susmentionné du Tribunal fédéral en soutenant que l’exonération du minimum vital est compatible avec le principe de la généralité de l’impôt [41]. Corollairement, le principe de la capacité contributive restreint la portée de l’art. 34 let. a LIFD dans la mesure où les revenus nécessaires à la couverture des besoins vitaux ne doivent pas être disponibles pour l’impôt [42]. Il est ainsi nécessaire d’aménager un système fiscal cohérent qui, sur la base de règles de droit générales et applicables à tous les contribuables (indépendamment de leur éventuelle indigence), permet de respecter conjointement le principe de l’égalité de traitement et la garantie du minimum vital pour chaque contribuable, quelle que soit sa situation personnelle et familiale.

49Dans l’idéal, les contribuables devraient ainsi pouvoir déduire toutes les dépenses que l’on juge « nécessaires à la vie » [43], c’est-à-dire les dépenses qui correspondent aux coûts de l’alimentation, de l’habillement, de l’hébergement, de la santé ou encore des loisirs, pour autant qu’elles ne soient pas effectuées pour de simples raisons de confort personnel ou qu’elles soient particulièrement coûteuses (à l’inverse des dépenses de luxe ; « Luxusausgaben ») [44].

Problématique et pistes envisageables en droit fiscal

50En appliquant les principes susmentionnés, on retient que les dépenses consenties par un parent débiteur de contributions d’entretien durant l’exercice de sa garde peuvent typiquement être qualifiées de nécessaires et que la déductibilité devrait dès lors être ouverte dans une certaine mesure à tout le moins. On constate toutefois que le parent débirentier peut uniquement prétendre à la déductibilité des contributions d’entretien, à l’exclusion (notamment) de toute attribution de la déduction pour enfant [45] et de l’application d’un barème d’imposition plus avantageux [46]. Cette situation n’est pas idéale dès lors qu’elle conduit à nier la déductibilité de dépenses qui grèvent pourtant bel et bien la capacité contributive des contribuables débiteurs des contributions d’entretien.

51La prise en compte fiscale de ces dépenses d’entretien demeure cependant particulièrement délicate, du fait de la nécessité de recourir très souvent à des déductions schématiques et forfaitaires. Il n’est ainsi pas concevable, sous l’angle de la praticabilité de l’imposition, de permettre précisément la déductibilité de chaque dépense liée à l’habillement ou encore à l’alimentation des enfants, ni chez le parent débiteur, ni chez le parent créancier. Concrètement, on constate que l’entretien des enfants qui est assuré en marge du versement de contributions d’entretien dépend de deux variables importantes, relatives premièrement aux modalités de la garde alternée et deuxièmement à l’étendue des contributions d’entretien. Dans ce contexte, il s’agit de se demander si un mécanisme schématique pourrait permettre de tenir compte de chacune de ces variables.

52Concernant la première variable, nous émettons l’idée que le régime fiscal puisse tenir compte de la répartition de la garde afin de répartir proportionnellement les déductions sociales liées aux enfants de manière plus égalitaire. Concrètement, plutôt que d’octroyer l’intégralité de ces déductions sociales au parent qui reçoit les contributions d’entretien, il s’agirait de répartir la déduction en fonction de des modalités de l’aménagement de la garde. Ainsi, le parent qui verserait les contributions d’entretien tout en exerçant la garde d’un enfant à hauteur de 20 % bénéficierait de la déduction sociale liée à cet enfant à hauteur de 20 % également. Cela correspondrait davantage à ses dépenses effectives, dès lors qu’il assure des dépenses effectives pour l’entretien des enfants en marge des contributions d’entretien versées. Inversement, il se justifie aussi de réduire la déduction sociale à l’égard du parent créditeur des contributions d’entretien lorsque l’autre parent assure également la garde, du fait que les dépenses concrètes sont réduites dans la même proportion. À notre sens, cette solution serait par ailleurs praticable dès lors qu’elle se réfère à un critère clair qui ressort expressément d’un jugement de divorce ou d’une convention ratifiée. La loi pourrait s’y référer de manière simple et l’application de ce régime ne devrait pas entraîner une surcharge administrative conséquente pour les administrations fiscales.

53Concernant la seconde variable, les exigences de la praticabilité de l’imposition rendent difficiles l’appréhension des accords « au cas d’espèce » de droit civil par des normes fiscales générales et abstraites. Il est bien sûr inconcevable de requérir de l’office de taxation qu’il se plonge dans les modalités des conventions ou jugement de divorce afin de déterminer – au cas par cas – la répartition de la déduction sociale pour enfants.

54En synthèse, on constate que la fiscalité peut apporter sa part de réponses, en l’occurrence qu’elle pourrait être réformée afin de prévoir le partage des déductions sociales lors de garde alternée entre les parents. Toutefois, le fort schématisme qui caractérise inévitablement les mécanismes fiscaux empêche la prise en compte précise des modalités d’entretien qui régissent l’aménagement de la garde des enfants. En conséquence, et même si la réforme fiscale proposée devait se concrétiser, il convient de tenir compte des implications fiscales concrètes pour toute convention d’entretien dans le cadre des procédures civiles en droit des familles. Un contrôle individuel et concret (lors de la fixation des contributions d’entretien) demeure ainsi préférable à une solution générale et abstraite (lors de la détermination de la capacité contributive fiscale).

Prise en compte des charges fiscales lors de la fixation des contributions d’entretien en droit civil

55Selon le Code civil, les enfants né·es de parents mariés et de parents non mariés doivent être traité·es de manière semblable s’agissant des contributions d’entretien [47]. Dans ces deux situations, les parents doivent se partager entre eux la responsabilité financière des enfants, en fonction de leurs ressources, après paiement des charges incompressibles. Afin de respecter ce principe, et dès lors que le droit fiscal ne peut pas appréhender parfaitement les modalités des contributions d’entretien lors de la détermination de la capacité contributive, il est indispensable de tenir compte des aspects fiscaux lors de la fixation des contributions d’entretien.

56C’est pourquoi, dans la mesure où les contributions d’entretien pour enfants sont ajoutées au revenu imposable du parent qui perçoit les contributions d’entretien pour l’enfant, et déduites du revenu du parent qui les paie, ce montant devrait systématiquement être pris en compte dans le calcul des coûts de l’enfant [48]. Concrètement, il est donc impératif d’augmenter les contributions d’entretien de la part d’impôt qui les grève inévitablement, et ce en faveur du parent crédirentier. Inversement, il s’agit aussi de tenir compte des impacts fiscaux relatifs à l’entretien assuré par le parent crédirentier en sus du versement des contributions d’entretien. Cette question est moins discutée bien qu’elle soit tout autant problématique. En présence d’une garde alternée, comme l’illustre l’arrêt examiné, on a en effet relevé que le parent débirentier peut uniquement déduire les contributions d’entretien versées, à l’exclusion de toute autre dépense qu’il engagerait dans le cadre de la garde des enfants. En l’absence (ou en l’attente) d’une réforme fiscale, il convient que cet aspect soit considéré au moment de la fixation des contributions des entretiens. Concrètement, il s’agit donc de tenir compte du fait que le parent débirentier est imposé sur des ressources dont il ne dispose pas (celles-ci étant affectées à l’entretien des enfants durant la garde). Dans l’éventualité où le minimum vital du parent débirentier serait atteint par cette imposition, il s’agirait donc de réduire le montant des contributions d’entretien dans une proportion équivalente.

Conclusion

57Comme toute problématique mettant aux prises deux domaines juridiques bien distincts, la question de la fiscalisation des contributions d’entretien soulève de nombreuses difficultés. Dans ce contexte, il n’est pas rare que civilistes et fiscalistes se renvoient la balle. Les civilistes attendent que le droit fiscal tienne davantage compte de la réalité économique qui caractérise les situations très contrastées qui se présentent. Habitués à une approche concrète, où la fixation des contributions d’entretien est effectuée avec une grande finesse au cas par cas, ils attendent peut-être des réformes fiscales qu’elles résolvent toutes les difficultés. À l’inverse, les fiscalistes connaissent les exigences du principe de la praticabilité de l’imposition et supposent plutôt qu’une prise en considération des implications fiscales des contributions d’entretien au moment de leur fixation permet plus de précision.

58Nous soutenons que des solutions peuvent provenir tant du droit fiscal que du droit civil. Du droit fiscal d’abord, dès lors qu’il serait envisageable d’effectuer une répartition de la déduction pour enfant en cas de garde alternée. Une telle solution est à notre sens plus égalitaire tout en demeurant praticable. Du droit civil ensuite, compte tenu du fait que la fixation des contributions d’entretien devrait tenir compte de leur impact fiscal. Cette démarche devrait être effectuée tant en faveur qu’en défaveur du parent qui reçoit les contributions d’entretien, en fonction essentiellement des modalités de la garde alternée.

Notes

  • [1]
    Cette formulation ne correspond pas à l’art. 277 du Code civil (CC) ; en effet, l’art. 277 CC ne fixe pas de limite d’âge s’agissant d’une contribution d’entretien d’un·e enfant majeur·e poursuivant des études régulières.
  • [2]
    Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) du 14 décembre 1990, RS 642.11.
  • [3]
    ATF 125 II 183 consid. 4-8 p. 185 ss.
  • [4]
    ATF 107 II 10 consid. 2 p. 13.
  • [5]
    Voir notamment ATF 131 II 553 et les arrêts récents, TF 2A.37/2006 du 1er septembre 2006, in : RDAF 2007 II 137, consid. 3.4 p. 138 ; TF 2C_242/2010 du 30 juin 2010, consid. 2.3 ; TF 2C_436/2010 du 16 septembre 2010, consid. 5.2.
  • [6]
    Peter LOCHER, Kommentar zum DBG, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, I. Teil, Art. 1-48 DBG, Allgemeine Bestimmungen, Besteuerung der natürlichen Personen, Thewil/Bâle, 2001, N. 44 as art. 33.
  • [7]
    Voir notamment TF 2A.37/2006 du 1er septembre 2006, in : RDAF 2007 II 137, consid. 3.4 p. 138 ; TF 2C_242/2010 du 30 juin 2010, consid. 2.3 ; TF 2C_436/2010 du 16 septembre 2010, consid. 5.2 ; cf. Christine JAQUES, « Les frais liés à l’entretien de l’enfant : de quelques développements sur les allégements fiscaux en vigueur dès 2011 », in : ASA/Archives, 80 (2011-2012), p. 240 ss.
  • [8]
    TF 2C_585/2014 du 13 février 2015, consid. 5.1 et réf. citées ; Christine JAQUES, inYves NOËL, Florence AUBRYGIRARDIN (éd.), Impôt fédéral direct : commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2e éd., Bâle, 2017, N. 27 ad art. 33.
  • [9]
    Hugo CASANOVA, Recht und Unrecht der Familienbesteuerung, in : RDS 2010, n. 129, pp. 187-215 ss, p. 203. Dans ce sens, mais dans le contexte de l’attribution des déductions sociales, cf. not. : ATF 131 II 553 consid. 3.5 p. 557 s. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral s’en tient à la répartition de la garde des enfants fixée par le jugement de divorce et refuse de prendre en compte l’« arrangement à bien plaire et à titre précaire entre les parents » duquel découlait une garde alternée.
  • [10]
    CR LIFD-JAQUES, op. cit., N. 22 s. ad art. 33.
  • [11]
    Message du Conseil fédéral du 16 novembre 2011 concernant une modification du Code civil suisse (autorité parentale), FF 2011 8315 ; Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 concernant la révision du Code civil (entretien de l’enfant), FF 2014 511.
  • [12]
    TF 5A_46/2016, consid. 4.4.3.
  • [13]
    Michelle COTTIER, Eric D. WIDMER, Sandrine TORNARE, Myriam GIRARDIN, Étude interdisciplinaire sur la garde alternée, Genève, mars 2017, disponible sur le site de l’administration fédérale, www.bj.admin.ch, p. 42s.
  • [14]
    ATF 144 III 377, consid. 7.1.1 p. 379.
  • [15]
    Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LP), RS 281.1.
  • [16]
    TF 5A_102/2019 du 12 décembre 2019, consid. 4.2.
  • [17]
    ATF 144 III 377, consid. 7.1.1 p. 379.
  • [18]
    Ainsi par exemple, les frais de subsistance d’un parent gardien seraient calculés comme suit : CHF 1’200.- de montant de base forfaitaire selon le droit des poursuites (couvre l’alimentation, les vêtements, les soins corporels, l’entretien du logement, les frais culturel, les dépenses pour l’électricité), CHF 400.- de prime d’assurance-maladie obligatoire, CHF 1’200.- de frais de logement, CHF 100.- de frais professionnels et CHF 300.- d’impôts, soit un total de CHF 3’200.- par mois de frais de subsistance. Si ce parent travaille à 50 % seulement pour s’occuper de son enfant et réalise un salaire de CHF 2’000.- par mois, les frais indirects s’élèvent alors à CHF 1’200.- par mois.
  • [19]
    ATF 144 III 481, consid. 4.7.6.
  • [20]
    Dans le cadre du calcul des contributions d’entretien pour enfant en droit des familles, on reconnaît qu’une part du loyer effectif concerne les enfants. En général, c’est le montant de 15 % à 20 % par enfant, puis dégressif en fonction du nombre d’enfants vivant dans le logement (TF 5A_583/2018, consid. 3.2 ; voir également TF 5A_858/2018, consid. 4.2 - 4.3).
  • [21]
    À cela s’ajoute le fait qu’indépendamment du logement commun, les personnes vivant en concubinage ne sont pas traitées comme une unité économique. La discrimination découle de la vie commune, d’une part, et du lien du mariage, d’autre part.
  • [22]
    TF 5A_46/2015, consid. 4.4.3 et les arrêts cités : arrêts TF 5A_928/2014 du 26 février 2015 consid. 4.2 ; TF 5A_345/2014 du 4 août 2014 consid. 4.2 ; TF 5A_866/2013 du 16 avril 2014 consid. 5.2.
  • [23]
    Message du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur l’harmonisation des impôts directe des cantons et des communes ainsi que sur l’impôt fédéral (Message sur l’harmonisation fiscale), FF 1983 III p. 1 (ci-après : Message sur l’harmonisation fiscale).
  • [24]
    Income Tax Act 2007 du 1er novembre 2007 (Nouvelle-Zélande ; 2007 N° 97 ; ci-après : ITA 2007), s. CW 32.
  • [25]
    ITA 2007, s. DA 2 (2). La private limitation empêche en effet la déductibilité des dépenses de nature privée, incluant toutes les dépenses d’entretien de la famille. Ce mécanisme s’insère dans le régime fiscal néo-zélandais aux côtés de l’« employment limitation » qui interdit la déductibilité des dépenses liées à une activité lucrative dépendante (cf. ITA 2007, DA 2 (4)).
  • [26]
    La détermination des crédits d’impôt néo-zélandais est effectuée sur la base du revenu familial, qui diffère du revenu imposable du fait que certains revenus y sont ajoutés ou retirés, tandis que des déductions qui sont impossibles pour la détermination du revenu imposable deviennent possibles, et inversement. Dans ce cadre, les contributions d’entretien sont considérées tant pour le parent débirentier (ITA 2007, MB 13 (1)) que pour le parent crédirentier (ITA 2007, MB 1 (2) (a)).
  • [27]
    Céline BESSIÈRE, Sibylle GOLLAC, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, La Découverte, 2019.
  • [28]
    Ibid., note 27, p. 293 (e-version du livre).
  • [29]
    Actualité OFS, Démos 1/2020, divorces, p.13.
  • [30]
    D’après ce courant doctrinal, la poursuite de l’égalité des genres en faits relèverait de mesures d’ordre extra-fiscal (Olivier EICHENBERGER, Individualbesteuerung der natürlichen Personen in der Schweiz : Modelle, Vor- und Nachteile sowie Alternativen, thèse, Berne/Stuttgart/Vienne, 2008, N. 61 in fine) et la fiscalité n’aurait guère d’influence sur la propension des femmes à travailler (Lydia MASMEJAN-FEY, L’imposition des couples mariés et des concubins. Étude de droit suisse, thèse Lausanne, 1992, p. 98 s.).
  • [31]
    ATF 110 Ia 7 1b p. 11 (non traduit au JdT 1986 I 37). Dans le contexte des frais de garde des enfants par des tiers, le Tribunal fédéral s’est néanmoins par la suite montré plus nuancé en tenant compte des implications de l’art. 8 al. 3 Cst. féd. (arrêt TF 1C_161/2009 du 3 mars 2010, consid. 5.6.2).
  • [32]
    Dans ce sens, cf. not. : Elmar REIZE, Die Ehegattenbesteuerung als verfassungsrechtliches und steuerrechtliches Problem, thèse, Zurich 1976, p. 54 s. ; Werner MOSER, « Problematische Familienbesteuerung : Bemerkungen zu den eidgenössischen Steuerharmonisierungsprojekten », in : RDS 1983 I pp. 539-550 , p. 545 s. ; Regina KIENER, Gabriela MEDICI, Umsetzung SCHWEIZ, in : CEDAW, Kommentar zum Übereinkommen der Vereinten Nationen zur Beseitigung jeder Form der Diskriminierung der Frau, Allgemeine Kommentierung – Umsetzung in der Schweiz – Umsetzung in Österreich, Berne, 2015, N. 7 ad Art. 13.
  • [33]
    ATF 140 II 157 consid. 7.1 p. 161 ; ATF 136 I 49 consid. 5.2 p. 60 ; ATF 133 I 206, RDAF 2007 II 505 consid. 6.1 p. 513 s. ; ATF 122 I 101, RDAF 1997 II 185 consid. 2 b/aa p. 186 ; ATF 122 I 305 consid. 6a p. 313 ; ATF 114 Ia 321 consid. 3b p. 323 s. ; EICHENBERGER, op. cit., N. 78 et réf. citées ; Thierry OBRIST, Introduction au droit fiscal suisse, 2e éd., Bâle/Neuchâtel, 2018, N. 27.
  • [34]
    ATF 140 II 157 consid. 7.1 p. 160 s.
  • [35]
    CR LIFD-JAQUES, op. cit., N. 26 ad art. 33.
  • [36]
    Art. 34 let. a LIFD.
  • [37]
    Yves NOËL, in : Impôt fédéral direct : commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2e éd., Bâle, 2017, N. 4 ad art. 34.
  • [38]
    Arrêt TF 2C_245/2010 du 25 janvier 2011, in : RDAF 2012 II 1 consid. 2.4 p. 5 ; ATF 122 I 101, RDAF 1997 II 185 consid. 2b/ cc p. 187 in fine.
  • [39]
    ATF 122 I 101, RDAF 1997 II 185 consid. 2b/cc p. 187 in fine ; cf. aussi : arrêt TF 2C_245/2010 du 25 janvier 2011, in : RDAF 2012 II 1 consid. 2.4 p. 5 ; ATF 133 I 206, RDAF 2007 II 505 consid. 7.2 p. 515 s. ; arrêt TF 2C 534/2014 du 7 août 2015, consid. 3.2 ; arrêt TF 2P.78/1995 du 24 mai 1996, consid. 3c p. 438.
  • [40]
    Arrêt TF 2C_245/2010 du 25 janvier 2011, in : RDAF 2012 II 1 consid. 2.4 p. 5 ; cf. aussi : ATF 122 I 101, RDAF 1997 II 185 consid. 2b/cc p. 187 s. ; arrêt TF 2P.78/1995 du 24 mai 1996, consid. 3c p. 438 in fine.
  • [41]
    Cf. not. : Ernst BLUMENSTEIN, Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7e éd., Zurich, 2016, p. 276 ; Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Felix RICHNER, § 1-284 - Vorbemerkungen zum Steuergesetz (vom 8. Juni 1997), in : Kommentar zum harmonisierten Zürcher Steuergesetz, Berne, 1999, pp. 1-23, N. 24 ; Charlotte GYSIN, Der Schutz des Existenzminimums in der Schweiz, Bâle/Genève, 1999, N. 633 et réf. citées ; Fabien LIÉGEOIS, La disponibilité du revenu : le moment de l’acquisition en droit fiscal suisse, Zurich, 2018, N. 321 ss
  • [42]
    Cf. not. LOCHER, Kommentar, N. 6 ad art. 34 et N. 20 ad art. 25.
  • [43]
    Pour une rare allusion à cette terminologie venant du Tribunal fédéral, cf. ATF 110 Ia 7, JdT 1986 I 37 consid. 4b p. 47.
  • [44]
    Cf. arrêt TF 2C_1187/2016 du 2 février 2017, consid. 3.1 et arrêts TF 2C_479/2016 et 2C_480/2016 du 12 janvier 2017, consid. 3.2.
  • [45]
    La déduction pour enfant de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD ne peut en effet pas être partagée lorsque les parents demandent la déduction d’une contribution d’entretien.
  • [46]
    Le barème parental de l’art. 36 al. 2bis LIFD est ainsi attribué au seul parent qui assume « l’essentiel de l’entretien », c’est-à-dire le cas échéant au parent qui reçoit des contributions d’entretien (ATF 141 II 338 consid. 4.4 p. 344 ; cf. Circulaire n° 30 du 21 décembre 2010 sur l’imposition des époux et de la famille selon la loi sur l’impôt fédéral direct (LIFD), ch. 14 p. 29 ss).
  • [47]
    Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse, FF 2014 511, 522ss.
  • [48]
    Voir à ce sujet MAIER, Die konkrete Berechnung von Kinderunterhaltsbeiträgen, FamPra.ch 2020 314, not. p. 362ss.
Français

L’article examine les conséquences fiscales des contributions d’entretien en faveur des enfants après une séparation ou un divorce, en particulier en cas de garde alternée, à la lumière d’une décision du Tribunal fédéral suisse d’avril 2020, sous référence 2C_544/2019. Cet arrêt confirme le refus de l’autorité fiscale de prendre en compte les frais directs qu’un père exerçant la garde alternée paie en faveur de ses enfants, en lieu et place de verser la contribution d’entretien fixée dans le cadre d’un jugement de divorce. C’est l’occasion de mettre en lumière l’absence de corrélation entre le régime fiscal des contributions d’entretien et les règles de droit civil permettant de fixer les contributions d’entretien en cas de séparation et de divorce, en particulier en cas de garde alternée. Des pistes de réflexion sont proposées, aussi bien pour la pratique des tribunaux en droit de la famille que pour l’autorité législative qui tente depuis de nombreuses années de réformer le système d’imposition de la famille.

Sabrina Burgat
professeure ordinaire à la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel (Suisse), chaire de droit des familles et droit privé de la santé. Elle est également membre de l’Institut de droit de la santé de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel. Titulaire d’un doctorat en droit (2011), ses axes de recherche portent sur le droit médical et le droit des familles, avec en toile de fond la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement. Elle a notamment publié en 2018, l’ouvrage Droit des familles (5e édition, Bâle, 2018, avec Olivier Guillod) et « Les nouvelles lignes directrices du Tribunal fédéral en matière de contributions d’entretien en droit des familles, analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_384/2018 » dans la Newsletter DroitMatrimonial.ch, novembre 2018. Elle est également avocate spécialiste FSA en droit des familles, inscrite au barreau de Neuchâtel et co-directrice de la newsletter de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, droitmatrimonial.ch. Elle a participé en qualité de post-doctorante à un projet de recherche financé par le Fonds national suisse de la recherche, intitulé « Familles et égalité de traitement » de 2016 à 2019.
Thierry Bornick
chargé d’enseignement à la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel (Suisse), chaire de droit fiscal. Il est également avocat-stagiaire à Neuchâtel. Il a récemment soutenu sa thèse de doctorat (2019) sur le thème de l’imposition des familles en Suisse et a, dans ce cadre, proposé un passage à une imposition individuelle pour l’impôt fédéral direct et pour les impôts cantonaux et communaux. Il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs articles publiés notamment dans la Revue de droit administratif et fiscal (RDAF) et dans la Revue européenne et internationale de droit fiscal (REIDF). Il a également participé en qualité de doctorant à un projet de recherche financé par le Fonds national suisse de la recherche, intitulé « Familles et égalité de traitement » de 2016 à 2019.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 30/06/2021
https://doi.org/10.3917/rf.018.0044
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