CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La traversée psychique d’une grossesse réactiverait des traces psychiques de violences conjugales physiques passées quand bien même la femme enceinte n’est plus en couple avec un conjoint violent. Cette mise en lien s’est imposée à travers l’analyse d’entretiens de recherche réalisés dans le cadre d’un travail doctoral sur la construction du maternel en situation de naissances prématurées. Le surgissement, avec émotion, de violences conjugales anciennes, alors que la thématique de recherche était centrée sur le vécu psychologique d’une grossesse en cours, et que rien, si ce n’est leur propre désir ne les invitait à en parler, nous a interpellées et a suscité notre intérêt. Ces réminiscences ont-elles un lien avec la nécessité de symbolisation qu’engendre le processus de maternalité ? Au-delà de la perlaboration que leur mise en mots peut permettre, quelles fonctions psychiques revêtiraient-elles dans la construction du maternel ?

Violences conjugales, grossesse et risque de prématurité

Contexte

2 Depuis quelques années les conséquences psychiques, physiques et sociales des violences conjugales préoccupent les pouvoirs publics dans le monde [1] et en France : par exemple, en 2010, « la lutte contre les violences faites aux femmes » a été choisie comme grande cause nationale et traduite dans une loi « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants » [2]. Il est ainsi reconnu que les violences conjugales ne concernent pas seulement les partenaires du couple mais aussi leurs enfants. Il semblerait que les travaux réalisés au Canada [3] et aux États-Unis [4] sur les enfants dits « témoins » ou « exposés » [5] aux violences du couple aient participé à cette prise de conscience, comme en témoigne l’intégration de cette problématique dans le quatrième plan interministériel de prévention de la lutte contre les violences faites aux femmes de 2014-2016. Des travaux français [6] mettent aussi en avant les difficultés affectives, sociales, comportementales et cognitives de ces enfants ainsi que des problèmes de santé, des symptômes de stress post-traumatique, des conflits de loyauté ainsi qu’un renversement des rôles observable par un processus de parentification. Différents travaux se sont également intéressés aux conséquences des violences conjugales pendant la grossesse. Ils tentent d’établir un lien entre violences conjugales et grossesse et, plus précisément, entre la survenue d’une grossesse et le début des violences conjugales. Selon l’enquête nationale sur les violences faites envers les femmes en France (Enveff 2000), des violences physiques sont constatées dans 3 à 8 % des grossesses. Ce taux de violence serait trois à quatre fois supérieur en cas de grossesse non désirée. Certains travaux [7] indiquent que la grossesse serait un évènement déclencheur ou aggravant des violences conjugales physiques. Des travaux [8] au sujet des conséquences directes des violences conjugales physiques sur le déroulement de la grossesse, de l’accouchement et sur la santé des femmes et celle de leur enfant ont également été réalisés. Selon la psychiatre Muriel Salmona, la grande majorité des femmes enceintes, victimes de violences conjugales physiques, ne seraient pas repérées par les professionnels de santé et les conséquences traumatiques physiques et psychiques sur leur santé et celle de leur enfant ne seraient pas reconnues comme telles [9]. En effet, les femmes ayant subi des violences physiques avant et/ou pendant la grossesse auraient des risques significativement plus élevés de présenter un grand nombre de pathologies obstétricales. Ainsi, selon une étude de l’OMS en 2013 [10], la violence physique du partenaire intime pendant une grossesse augmenterait aussi la probabilité de fausse couche, de naissance d’enfant mort-né, d’accouchement prématuré et d’insuffisance pondérale à la naissance. Jay Silverman et ses collègues [11] retrouvent des risques augmentés jusqu’à plus de 90 % pour les métrorragies, plus de 60 % pour les ruptures prématurées des membranes, les infections urinaires et les vomissements incoercibles, plus de 48 % pour le diabète et plus de 40 % pour l’hypertension artérielle. Les nouveau-nés de ces femmes ont un risque de prématurité significativement augmenté jusqu’à 37 % et d’hypotrophie jusqu’à 21 %. Une enquête de 2012 [12] étudiant rétrospectivement, sur un département français, le déroulement de la grossesse de femmes victimes de violences conjugales indique un taux d’accouchement prématuré de 23 % contre 7 %. Une récente étude américaine [13], qui a réalisé une méta-analyse avec les données médicales issues de 50 études regroupant plus de cinq millions d’enfants de 17 pays différents, conclut à 2,3 fois plus de naissances prématurées et un poids de naissance 2,5 fois plus faible que la moyenne. Dans ces situations, la prématurité pourrait s’envisager comme une conséquence sur le fœtus de la maltraitance faite à la mère.

Problématique

3 Si les conséquences de violences conjugales pendant la grossesse sont maintenant bien documentées, nous ne connaissons pas de travaux explorant les éventuels effets de violences conjugales passées sur le vécu psychique d’une grossesse. Notre propos est ici d’interroger la fonction des réminiscences des traces psychiques de violences conjugales anciennes dans la traversée psychique d’une grossesse en cours. En référence au concept de Paul-Claude Racamier, le processus de maternalité qu’il définit comme « l’ensemble des processus psychoaffectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme à l’occasion de la maternité »[14] nécessite un travail de symbolisation de l’histoire de la femme enceinte. À travers des remaniements identitaires et identificatoires, la construction du devenir mère, nourrie par le discours social, ferait appel à une fonction de protection de l’autre en soi et à venir, ce qui renverrait la femme enceinte à son rapport à son propre corps dans le lien intersubjectif [15]. Le bouleversement corporel et psychique qu’engage une grossesse pourrait s’envisager comme une occasion pour la femme de remanier son rapport à la fonction de protection du corps. En ce sens, des liens entre narcissisme et subjectivation nécessitent d’être explorés.

4 L’objet de notre article vise donc à mettre en lumière un nouage physique et psychique complexe entre violences conjugales passées, vécu de la grossesse et risques de prématurité. Nous nous proposons de présenter l’analyse de trois situations cliniques afin de montrer comment la mise en jeu du corps, par les mouvements pulsionnels pendant la grossesse, peut réactiver les traces psychiques de violences physiques anciennes subies. Nous discuterons ensuite ces résultats en prenant appui sur des éléments théorico-cliniques afin d’éclairer d’éventuels liens entre ces deux expériences de vulnérabilité corporelle que sont la grossesse et les violences conjugales.

Trois situations cliniques : Élodie, Inès et Mathilde

5 Dans le corpus de notre recherche doctorale (dont nous présentons la méthodologie dans l’encadré ci-après), le surgissement dans le discours, associé à l’expression d’intenses sentiments de honte ou de tristesse, de la narration de vécus de violences conjugales antérieures chez trois d’entre elles, nous a interrogées sur le lien entre le processus de maternalité et les réminiscences d’un rapport au corps violenté.

6 Élodie, Inès et Mathilde nous permettent d’appréhender, au-delà de la singularité de leur histoire, le nouage complexe entre violences conjugales, grossesse et risque de prématurité. Pour deux d’entre elles, hospitalisées en service de grossesses à risques, la réactivation d’un vécu traumatique serait renforcée par un risque d’accouchement prématuré.

7 Une analyse minutieuse de la formulation a été menée sur neuf entretiens de recherche (trois pour chacune) pour repérer à quel moment de la narration et de quelle manière les violences conjugales passées ont été mentionnées au cours du récit de leur vécu psychologique de leur grossesse. Nous verrons que ces violences ne se disent ni aisément, ni à n’importe quel moment. Pour chacune d’entre elles, l’énonciation de ces violences subies se dit avec une intense émotion, ce que nous interprétons comme le signal d’une parole restée en souffrance de ne pas avoir pu se dire auparavant. Pour Élodie, elles prennent la forme d’un aveu au 3e entretien de recherche. Pour Inès, elles s’associent à un sentiment de honte clairement énoncé. Et enfin, Mathilde les évoque très rapidement avec d’intenses émotions de tristesse.

Méthode de la recherche doctorale

Dans le cadre d’une recherche longitudinale et comparative auprès d’une population de femmes primipares afin d’approcher les spécificités de la construction du sentiment maternel en situation de grande prématurité, nous avons rencontré vingt femmes hospitalisées ou non en service de grossesses à risques qui répondaient aux critères suivants : 1er enfant de la femme, grossesse unique, femmes vivant en couple avec le père de leur enfant, francophones et majeures. Aucune n’était dans un isolement social ou familial. Au travers d’entretiens semi-directifs d’une durée moyenne d’une heure, nous leur avons proposé de témoigner du vécu psychologique de leur grossesse et des premiers temps avec leur enfant, la visée étant de repérer comment s’est construite pour elles leur maternalité à travers l’évolution des processus psychiques au cours de la grossesse et après la naissance de l’enfant. Elles ont été sollicitées par le biais de services de maternité et de consultations de sages-femmes en libéral. Avec leur accord, les entretiens ont été enregistrés, transcrits et anonymisés. L’analyse des données discursives visait à explorer les déterminants psychiques sous-jacents par une analyse qualitative des contenus des verbatim[16] et une analyse des procédés discursifs avec une attention particulières portée aux mécanismes défensifs [17]. En lien avec les hypothèses de recherche, les entretiens ont été travaillés selon deux axes : la construction du maternel, à travers le vécu de la grossesse, de l’accouchement et des premiers temps avec l’enfant prématuré et la place que ces femmes accordent au discours médical.

Élodie ou l’ombre de la « mauvaise » personne...

8 Élodie, 32 ans, se déclare épanouie dans sa vie professionnelle, sociale et familiale. Après avoir fait des études pour devenir professeur d’histoire-géographie, Élodie a finalement choisi d’entrer dans la police. Elle vient de réussir un concours pour devenir commissaire de police. C’est sur son lieu de travail qu’Élodie a rencontré Philippe, policier également. En couple depuis quatre ans, ils se sont installés ensemble six mois après leur rencontre et se sont mariés un an et demi plus tard. Précédée d’une fausse-couche précoce à 8 SA, la grossesse en cours, se déroule sans particularité médicale jusqu’à la naissance à terme de Rose. Au long des deux entretiens de recherche, réalisés aux sixième et au huitième mois de grossesse, son projet d’enfant est clairement associé à la recherche de la « bonne personne » ou du « conjoint idéal ». Pour Élodie, ce conjoint idéal est lié à la notion de sécurité : « Il va assurer la sécurité de la famille. » La « bonne personne » est celle qui lui apporte un sentiment de sécurité intérieure. Lors de notre seconde rencontre, Élodie aborde à nouveau cette fonction de protection lorsqu’elle parle de l’évolution de son sentiment de devenir mère : « C’est de plus en plus fort, mais après je sais déjà aussi que je vais ressentir un grand vide quand elle sera plus enfin en moi, parce que ben là j’la, enfin elle est en sécurité elle est avec moi y’a personne qui peut l’embêter enfin voilà, mais une fois qu’elle sera dehors je sais que j’vais ressentir un vide intérieur. » En plus de la sensation sécurisante de complétude narcissique que lui apporterait le fait d’être enceinte, nous entendons aussi qu’elle projette sur son enfant sa peur d’être à la merci d’autrui. La recherche d’un sentiment de sécurité s’articulerait à une fragilité narcissique qui se traduirait dans une peur de l’échec dans ses relations et dans sa capacité d’enfantement : « Y a toujours cette peur de l’échec oui, mais c’est pareil en amitié, j’ai toujours peur de perdre mes amis donc ce qui fait que je suis quelqu’un qui donne beaucoup à mes amis mais sans rien attendre en retour si ce n’est leur amitié, en amour c’est pareil et par contre dans la grossesse je dirais c’est la peur que la grossesse n’arrive pas à terme, voilà c’est plus ça parce ben qu’il y a le désir d’enfant il y a le désir de fonder une famille et voilà disons que la grossesse arrive pas à terme et que, enfin non, pour moi ça serait le gouffre si elle arrivait pas à terme. » C’est à la fin de ce deuxième entretien que finit par se dévoiler la figure de l’homme violent à travers la répétition de l’énonciation d’un « parcours amoureux compliqué ». Avec notre soutien, Élodie a finalement pu lever le voile posé sur cette formulation énigmatique en nommant ces violences conjugales physiques passées : « J’suis partie jeune de chez mes parents pendant mes études pour m’installer avec un homme qui m’a battue pendant un an et demi j’ai toujours j’ai repoussé le départ jusqu’au jour où j’me suis dit si j’pars pas j’vais y rester dans ce couple là j’essayais d’aider la personne et en fait aider un homme qui tape sa femme c’est juste pas possible. » Notons d’ailleurs qu’Élodie ne semble pouvoir donner accès à son scénario inconscient qu’en s’extériorisant de la situation : « un homme qui tape sa femme ». À la lumière de cette révélation, la formulation de la « bonne personne » apparaît comme venant masquer – tout en le révélant – les traces de ce traumatisme. L’ombre de cet homme violent était repérable en filigrane dès le premier entretien lorsqu’Élodie aborde son désir d’enfant : « Depuis que j’ai vingt-cinq ans que j’ai envie d’être maman après j’avais pas forcément la bonne personne à mes côtés on va dire. » Pour Élodie, le désir d’enfant, en mobilisant d’autres enjeux psychiques, semble lui avoir permis de prendre une autre position subjective dans sa vie amoureuse. À noter qu’Élodie a choisi comme époux un policier qui a connu lui-même des violences physiques familiales pendant son enfance, ce qui participe sans doute à des identifications inconscientes dans le tissage de leur lien conjugal. Avoir un enfant, c’est réussir. Au troisième entretien à domicile, après la naissance de sa fille, Élodie ne fera plus référence à son sentiment d’échec ou à ses histoires amoureuses passées. L’évocation de ces violences conjugales avec son précédent conjoint aurait participé à l’élaboration des remaniements psychiques nécessaires à ce moment-là de sa grossesse pour accéder à une représentation de mère suffisamment narcissisée et en capacité psychique d’offrir un espace sécurisant à son enfant.

Inès ou la honte de la rencontre amoureuse

9 Hospitalisée à 25 SA pour MAP, Inès, 33 ans, est restée hospitalisée jusqu’au déclenchement de son accouchement à 37 SA pour donner naissance à Jules. Avant cette grossesse par procréation médicalement assistée pour laquelle un cerclage a été réalisé à 15 SA, Inès a vécu, avec trois conjoints successifs et fait huit fausses couches dont deux tardives à 13 et à 17 SA en raison d’une incompétence cervicale. Rencontrée au sixième et au septième mois de grossesse lors de son hospitalisation pour MAP, l’histoire d’Inès fait apparaître l’impact de la honte dans le processus de subjectivation. Au deuxième entretien de recherche, interpellées par le silence qui plane à ce sujet, nous interrogeons Inès sur sa rencontre avec son conjoint actuel. Inès manifeste de la gêne qu’elle rationnalise en expliquant que leur rencontre s’est faite par Internet, ce qui lui semble être honteux au regard des autres. Elle aurait pu s’en tenir à cette explication mais elle poursuit avec le dévoilement de violences conjugales passées. Le sentiment de gêne associé au fait de dire qu’ils se sont rencontrés sur Internet serait-il un déplacement de la honte d’avoir subi des violences conjugales « même enceinte » ?

Extrait de l’entretien de recherche

Inès : « Après c’est nous, ça concerne moi et lui quoi, ma sœur elle était mise dans la confidence parce que c’était un moment de ma vie qu’était pas facile on va dire donc c’est vrai qu’j’lui racontais tout et... »
Chercheur : « Pas facile par rapport aux fausses couches c’était par rapport à ça ? »
Inès : « Par rapport aux fausses couches et j’ai un passé qu’est quand même assez difficile parce que on m’a quand même frappée j’étais une femme ben voilà avec mon ancien compagnon on m’a quand même frappée et du coup c’est vrai que quand on sort de là c’est dur et c’est vrai que mon passé à part lui et ma sœur qui a été mise dans la confidence, personne n’est au courant parce que c’est j’avais hont’ j’ai même toujours honte de dire par exemple à mes proches de dire que ben la personne avec qui je vivais avant ben me frappait quoi [...]. Il m’a même frappée que j’étais enceinte quoi. »

10 Inès passerait sous silence sa rencontre amoureuse actuelle comme si celle-ci était nouée aux violences conjugales antérieures. La réminiscence de ces violences physiques passées semble lui permettre d’exprimer sa souffrance actuelle de n’avoir pas encore pu mener une grossesse à terme : comment ces bébés qui ne s’« accrochent » pas dans son corps meurtri peuvent-ils fantasmatiquement faire écho pour elle ? Confrontée au réel traumatique de son corps à travers la répétition des fausses-couches, Inès construirait un scénario fantasmatique : « Moi j’suis une incapable au final [...], si j’arrive pas à garder un enfant c’est moi c’est moi et moi seule [...] c’est... c’est mon corps mon corps qui rejette tout ça. » Dans cette formulation s’exprimeraient des mouvements inconscients de rejet de ce qui ferait intrusion dans son corps : s’agirait-il de pulsions destructrices envers le fœtus dans une collusion fantasmatique avec l’intrusion psychique des violences subies ? Autour d’un narcissisme détruit, résonne son sentiment d’échec dans sa vie amoureuse et dans son désir de devenir mère : « C’était dur dur pas parce que c’était c’est lui qui m’manquait non loin d’là mais dur parce que dire que c’est encore un échec [...]. On vit échec sur échec autant niveau bébé autant niveau de sa vie amoureuse, ça c’est quand même un échec. » Ne pas arriver à mener une grossesse à terme et être battue s’inscriraient dans la même logique subjective. Ce scénario plongerait-il ses racines dans sa place fantasmatique dans sa famille ? Pour justifier le fait d’avoir accepté ces violences conjugales, Inès évoque l’image d’elle-même avec laquelle elle s’est construite : « Dans ma famille/dans mon entourage, on disait toujours que celle qui a le plus mauvais caractère c’était moi et donc du coup moi j’l’ai pris comme ça je m’suis dit t’as ton caractère peut-être c’est dû à ça [...]. Pour moi, c’était d’ma faute parce que j’ai mon caractère. » Articulée à un narcissisme blessé, s’exprimerait également une culpabilité refoulée liée à la survenue d’une fausse-couche dans un contexte de violences conjugales. Avec cet ex-compagnon, les violences semblent s’être aggravées avec la grossesse : « Quand je suis tombée enceinte, je pensais que tout allait arrêter parce que moi j’étais quand même enceinte [...], mais en même temps je m’suis sentie un peu piégée on va dire parce que j’étais enceinte, je savais pas où partir, j’avais honte. » Dans un premier temps, Inès pensait qu’être enceinte empêcherait la violence de son conjoint. Or, elle réalise que ce n’est pas le cas. Au contraire, être enceinte redoublerait sa vulnérabilité et nouerait la sexualité et la procréation à la violence. Ainsi, le sentiment de honte aurait empêché tout processus de subjectivation. Inès ne semble pas pouvoir interroger l’éventuelle maltraitance faite au fœtus : « Même si j’ai eu des coups ça a rien à voir avec lui parce que je sais que le médecin il avait détecté une béance de col. » Elle se défend fortement de cette représentation insupportable de ne pas avoir su protéger son corps et par conséquence son bébé : « On va dire que c’est clair que ça n’a rien à voir avec lui. » Néanmoins, cette fausse-couche semble avoir été un évènement déclencheur qui lui aurait permis de se positionner autrement dans la relation à l’objet amoureux : « Quand ça a repris oui j’en ai eu j’en ai eu marre quoi et parce que lui il voulait que je reprenne les médicaments pour retomber enceinte mais je m’voyais pas parce que même si là par contre le désir d’enfant il était là mais pas avec un homme violent parce que moi c’est quelque chose, mon enfant c’est autre chose [...] parce que j’me dis aujourd’hui c’est moi mais demain ce sera ce sera le bébé parce que si il peut m’frapper, il peut aussi frapper l’enfant quoi et là c’était plus possible donc il m’a suppliée, suppliée, suppliée, c’était non parce que faire ça c’est c’est être inconsciente aussi. » Une fonction maternelle de protection pourrait alors s’énoncer : « Moi c’est quelque chose, mon enfant c’est autre chose. » En ce sens, la représentation d’un autre en soi et la nécessité de devoir le protéger pour ne pas le perdre lui permettrait de protéger son propre corps.

Mathilde ou le corps ennemi

11 Mathilde, 26 ans, a une formation d’aide-soignante. En couple depuis trois ans avec son conjoint militaire, elle se retrouve dans un certain isolement affectif et social après l’avoir rejoint dans une autre région française en raison de ses déplacements professionnels. À la suite de la découverte tardive de cette grossesse non désirée, elle décide de revenir s’installer au domicile de ses parents. Ce non-désir d’enfant serait en lien direct avec une IVG subie quatre ans auparavant dans un contexte de violences conjugales physiques qui ont fait l’objet d’une plainte portée en justice et d’une condamnation de son ex-conjoint.

12 Rencontrée lors de son hospitalisation pour MAP pour un diabète gestationnel associé à un retard de croissance in utero dès le huitième mois de grossesse, Mathilde témoigne de l’impact psychique du traumatisme des violences conjugales passées sur le vécu psychique d’une grossesse avec un fort risque de naissance prématurée. Dès le début du premier entretien de recherche, Mathilde met en lien assez rapidement la difficulté du vécu psychologique de sa grossesse actuelle avec la culpabilité d’une IVG passée. Contrairement à Inès et Élodie, les violences conjugales sont énoncées, de façon brutale, dès le début de l’entretien comme si le fait de le dire était incontournable. Elle semble presque encore sidérée par ces évènements. Cette grossesse actuelle n’était pas attendue. Elle avait choisi un homme qui ne voulait pas d’enfant pour ne plus avoir de relations amoureuses « sérieuses ». Elle verbalise le sentiment de ne pas se sentir prête en raison des « séquelles psychologiques d’avoir peur de remplacer le bébé ». Nous pouvons supposer qu’un désir inconscient de retrouver le bébé perdu pourrait être à l’œuvre tout en entraînant la crainte de la répétition de la grossesse précédente. C’est à cet endroit que surgit l’évocation d’une relation amoureuse avec un homme violent pendant trois ans. Les violences subies semblent avoir « gelé » son désir d’enfant. Les difficultés qu’elle rencontre au cours de sa grossesse à savoir un déni partiel de la grossesse, un retard de croissance in utero et une menace d’accouchement prématuré seraient autant de traces dans le corps d’un traumatisme qui n’a pas pu encore être élaboré psychiquement. Au fil des trois entretiens réalisés, à huit, neuf mois de gestation et à onze jours de vie de l’enfant, Mathilde exprime un rapport particulier à son corps. La découverte de la grossesse se fait lors d’une consultation aux urgences pour des douleurs au ventre alors qu’elle est déjà enceinte de deux mois et demi. Au début du sixième mois de grossesse, de nouvelles douleurs abdominales la conduisent aux urgences, ce qui, dit-elle, lui rappelle « son état de grossesse ». Mathilde dit réaliser qu’un bébé est à l’intérieur de son ventre à sept mois de grossesse quand son ventre « sort » sur le trajet du retour chez ses parents : « J’ai dormi pendant le trajet et en trois jours le ventre est sorti. » La précision du sommeil donne à entendre l’idée d’un lâcher prise sur son corps. Mathilde insiste sur l’importance du « visuel » : tant que ça ne se voyait pas, elle ne le ressentait pas, comme si cette grossesse ne parvenait pas s’inscrire symboliquement. Mathilde sentait peu les mouvements fœtaux : « J’avais pas le côté visuel, que il y a un bout, j’étais enceinte mais j’avais pas le bébé. » En fin de grossesse, face aux modifications corporelles, elle parle de son corps en tant qu’ennemi : « Notre corps, notre ennemi, il nous met des bâtons dans les roues, on est trois : le corps, le bébé et moi. » Mathilde semble coupée de son corps pendant sa grossesse. Pouvons-nous le penser comme un effet de l’emprise passée, « force qui vise à couper ce qui lie la tête au corps »[18] ? De plus, l’emploi du mot « bâton » résonne avec le corps frappé. Après la naissance de son enfant, lors du troisième entretien, Mathilde dira : « Il était bien il serait resté plus longtemps c’est sûr, ils m’ont déclenché pour le diabète pas pour le p’tit, donc ça veut tout dire, le problème c’était mon corps et pas le bébé, le problème c’est pas qu’il était pas bien ou que ça lui plaisait pas, ça avait rien à voir en fait. » Cette parole révèle la dimension fantasmatique, associée à un sentiment de culpabilité inconsciente, dans lesquels Mathilde était prise par rapport à sa grossesse : le bébé ne devait pas être bien en elle. Cette projection exprimerait sa difficulté à vivre cette grossesse dans un rapport au corps encore meurtri : « Le problème c’était mon corps. » Dans cet état psychique, les processus de régression narcissique et d’investissement corporel s’avèrent particulièrement conflictuels et éprouvants. Pour s’en défendre et tenter de contrôler l’angoisse qui la déborde, Mathilde cherche à séparer les choses : le corps, le bébé et elle. Elle opère également une disjonction entre le corps enceint et le corps érotisé : « Une femme enceinte n’a pas de sexualité dans le regard social », dit-elle. Dans cette traversée psychique de la grossesse, Mathilde tenterait de construire des représentations sur lesquelles s’appuyer pour tenter de penser ce qui ferait limite dans le rapport à l’autre afin de se protéger d’angoisses menaçant son intégrité psychique. La narration de ces violences conjugales passées serait aussi l’occasion d’une élaboration de la perte de la grossesse antérieure afin que ce bébé puisse prendre sa propre place, différenciée de celle du bébé perdu.

Discussion

13 Du fait de la mise en jeu du corps, le processus de maternalité engage des remaniements corporels et psychiques complexes. Dès les années 50, de nombreux travaux convergent et mettent en lumière la spécificité de certaines modifications du fonctionnement psychique maternel pendant la grossesse et la période qui entoure la naissance. Les travaux de Grete-Lehner Bibring [19] et Therese Benedek [20], psychanalystes anglo-saxons, mettent en lumière le fait qu’une grossesse, et tout particulièrement la première, est une période de crise identitaire et de maturation psychique pour la femme qui devient mère. Comparant la grossesse à la crise d’adolescence, ils décrivent ces différents points repérables dans les deux processus de l’adolescence et de la maternalité : effets sur le sentiment d’identité personnelle et sur celui de l’intégrité avec les transformations corporelles et hormonales, changement de statut social, réactivation et remaniement des conflits infantiles, en particulier des conflits précoces oraux et des conflits œdipiens, dissolution et reconstruction des identifications précoces, en particulier à la mère, réorganisation de l’organisation défensive et enfin transformation de l’image du corps vécu. Dans les années 70, Pierre-Claude Racamier [21], psychiatre, psychanalyste, évoque un processus de régression narcissique qui vient modifier la relation d’objet qui s’avère alors plus indifférenciée du fait de porter un autre en soi : « La relation d’objet s’établit sur le mode de la confusion de soi et d’autrui [...], le sens de l’identité personnelle devient fluctuant et fragile. » Plus récemment, Monique Bydlowski, psychiatre, psychanalyste, évoque la « transparence inhabituelle du psychisme »[22] pour qualifier ce fonctionnement psychique maternel particulier qui se caractérise par un abaissement des résistances habituelles face au refoulé inconscient, et par un surinvestissement de l’histoire personnelle et des conflits infantiles. Ce processus de régression narcissique amènerait la future mère à revisiter son histoire, ses conflits infantiles et plus particulièrement les liens à sa propre mère pour développer progressivement, au cours des derniers mois de grossesse, un état de préoccupation maternelle primaire, décrit par Donald W. Winnicott [23], qui la centrerait alors sur son bébé dans un processus d’identification régressive. Ces deux processus de maturation psychique et de régression narcissique amèneraient la femme enceinte à un retour vers soi à travers une expérience corporelle et psychique. La position de passivité qu’impose la grossesse « position incontournable du fait de l’investissement corporel temporaire par un autre en devenir »[24] susciterait « diverses angoisses en lien avec un corps qui peut sembler affaibli, malmené, envahi et dont l’évolution n’est pas maîtrisable »[25]. Des angoisses d’envahissement ou d’intrusion liées aux « angoisses du féminin », définies par Jacqueline Schaeffer comme étant celles de « l’ouverture et de la fermeture du corps »[26], peuvent être réactivées. Chez une femme ayant vécu des violences conjugales physiques, ces angoisses propres au phénomène gestationnel pourraient-elles entrer en collision avec celles liées à l’effraction menaçante et dangereuse des violences subies par ce même corps ? Dans le travail de subjectivation du pulsionnel qu’impose la grossesse, la réactivation, par l’intrication pulsionnelle, des traces psychiques des violences confronterait la femme enceinte à une fantasmatique pouvant rendre menaçant l’objet interne que représente le fœtus. Dans ce contexte, une hospitalisation pour MAP peut alors être vécue de façon traumatique par le télescopage entre les élaborations fantasmatiques et l’évènement dans la réalité. Les mouvements inconscients d’incorporation et de rejet du fœtus à l’œuvre pendant la grossesse peuvent prendre alors une coloration particulière par leur nouage à des angoisses primitives.

14 Dans le processus de maternalité, le processus de régression appelant à un réinvestissement du narcissisme laisse apparaître une fragilité chez ces trois femmes. C’est précisément à cet endroit que se disent avec émotion les violences conjugales passées. Pour deux d’entre elles, Élodie et Inès, l’émergence d’une position maternante de protection vis-à-vis de l’enfant à venir qui prend corps dans leur corps entrerait en écho ou en conflit avec une position subjective dans une relation à l’objet d’amour, relation passée qui n’a pas permis la protection de ce même corps. L’affect de honte associé à ces représentations qui, de manière générale, enjoint à se taire, serait ici dépassé par la nécessité de symbolisation qu’engendre le processus de maternalité. Ce mouvement psychique de subjectivation serait l’indicateur d’un impact psychique des violences psychiques sur la construction du maternel. Ce travail d’élaboration par ces réminiscences serait nécessaire pour pouvoir réinvestir leur narcissisme afin de se représenter en tant que mère pouvant assurer une fonction protectrice de l’autre en elle et à venir, ce qui correspond aux représentations sociales de la fonction maternelle. L’identification à une position maternelle de protection permettrait un investissement libidinal du fœtus sans se sentir dangereuse pour lui, ni à l’inverse menacée par lui. La traversée psychique de la grossesse serait l’occasion d’une (ré)-élaboration des traces psychiques de violences conjugales physiques passées permettant ainsi un processus de subjectivation. Les réminiscences de violences conjugales passées pourraient alors s’envisager comme une tentative d’élaboration de cette fonction de protection que la construction du maternel appelle et qui serait précisément défaillante chez la femme qui subit des violences conjugales. Selon Dominique Cupa, le double interdit du toucher, antérieur aux interdits œdipiens, peut nous aider à penser la défaillance de la fonction de protection de son propre corps dans le lien intersubjectif : « L’interdit primaire porte sur le contact global, la fusion des corps, et le désir d’entrer, d’envahir le corps de l’autre [...]. L’interdit secondaire s’oppose à la pulsion d’emprise et à la pulsion de cruauté, il n’est pas possible de toucher à tout, de prendre tout, de tout maîtriser, de s’approprier agressivement, de forcer les limites de l’autre. »[27] Dans les violences conjugales, ces interdits seraient précisément transgressés. Élodie, Inès et Mathilde n’ont pas vécu de violences familiales dans leur enfance. Leurs récits nous incitent à penser qu’elles semblent avoir pu prendre appui sur des identifications familiales positives pour sortir de la relation violente et pour se représenter en tant que mère protectrice. Mais dans le cas de répétitions de violences conjugales subies visant à réélaborer des données infantiles [28], l’ancrage puissant des affects infantiles complexifie sans doute l’accès à une position maternante de protection. Certains travaux [29] soulignent que les femmes victimes de violences conjugales présenteraient un défaut d’investissement de leur corps, de leur image dont résulterait une difficulté à être relié psychiquement à leur corps, à se représenter sa douleur. Cette difficulté de symbolisation serait en rapport avec un holding[30] défaillant pendant l’enfance en lien avec des imagos maternelles destructrices ou abandonniques. Ce défaut d’investissement maternel ferait alors « le lit de la honte future et d’une possibilité à désinvestir son corps »[31]. L’expérience de la grossesse qui vient convoquer le corps comme réceptacle réactiverait ce manque de holding. En effet, comment être contenante lorsque l’on n’a pas suffisamment été contenue soi-même ? Les modifications de l’image corporelle viendraient réactiver des fragilités au niveau des enveloppes corporelles et psychiques.

Conclusion

15 Ces trois situations cliniques éclaireraient le nouage physique et psychique entre violences conjugales passées, grossesse et risques de prématurité, tout en dévoilant la complexité dans son articulation au narcissisme et la nécessité de symbolisation de cette expérience corporelle et subjective qu’est la grossesse. L’intériorisation d’une image honteuse de soi autour de la question de la sexualité se nouerait à celle de la procréation : comment dire ce corps sexué qui donne la vie et ce même corps érotisé qui a reçu des coups ? Dans cette période intense de remaniements psychiques qu’est la grossesse, ces réminiscences seraient l’occasion de remanier son rapport à son propre corps dans le lien intersubjectif à l’autre. Dans la perspective de ce nouage complexe, nous ajoutons que la prématurité elle-même serait potentiellement source de maltraitance infantile. En effet, les difficultés de nouages des liens précoces [32] liées aux conditions d’une naissance très prématurée sont considérées comme un facteur de haut risque de maltraitance [33] en lien avec une trop grande difficulté d’ajustement relationnel avec un bébé perçu comme frustrant, peu gratifiant, source de réactions de rejets et d’agressivité [34]. Le bébé né très prématurément peut alors se retrouver être le support de projections persécutives en devenant le représentant de l’échec de la grossesse idéale et du bébé idéal. Malgré ce petit nombre de situations, ces réflexions nous donnent à penser des pistes d’intervention, notamment en termes de prévention au cours de l’accompagnement de la grossesse. Des études canadiennes [35] montrent que seulement 25 % des femmes victimes de violences conjugales en parleraient spontanément à leurs médecins. Une formation au sujet de l’impact des violences conjugales, passées ou actuelles, sur le processus de maternalité aux différents acteurs de soin accompagnant les femmes enceintes participerait au dépistage des violences pendant la grossesse mais sensibiliserait aussi au lien entre ces deux expériences de vulnérabilité corporelle.

Notes

  • [1]
    Convention d’Istanbul : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, avril 2011.
  • [2]
    Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010.
  • [3]
    Andrée FORTIN, Mireille CYR, Lise LACHANCE, « Les enfants témoins de violence conjugale. Analyse de facteurs de protection », n° 13, coll. « Études et analyses », Montréal, Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, 2000 ; Karine RACICOT, Andrée FORTIN, Christian DAGENAIS, « Réduire les conséquences de l’exposition de l’enfant à la violence conjugale : pourquoi miser sur la relation mère-enfant ? », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, vol. 86, 2010, pp. 321-342.
  • [4]
    Samantha WOOD, Marilyn SOMMERS, « Consequences of intimate partner violence on child witnesses : a systematic review of the literature », Journal of Child and Adolescent Psychiatric Nursing : official publication of the Association of Child and Adolescent Psychiatric Nurses, vol. 24, 2011, pp. 223-236.
  • [5]
    Le passage de « témoin » à « exposé » est indicatif de la prise en compte des différentes réalités de l’exposition de l’enfant à la violence conjugale : être témoin direct des épisodes violents (voir ou entendre), être soi-même victimisé ou impliqué lorsqu’ils surviennent (par ex. tenter d’intervenir), être exposé à leurs contrecoups (climat de peur, silence lourd, mère blessée, arrestation, etc.) ou entendre le récit des actes subis.
  • [6]
    Nathalie SAVARD, Chantal ZAOUCHE GAUDRON, « Points de repères pour examiner le développement de l’enfant exposé aux violences conjugales », La revue internationale de l’éducation familiale, vol. 29, 2011, pp. 13-35.
  • [7]
    Julie GAZMARARIAN et al., « Prevalence of violence against pregnant women », The Journal of the American Medical, vol. 275, pp. 1915-1920, 1996 ; Alex HELTON, Judith Mc FARLANE, Elisabeth ANDERSON, « Battered and pregnant : a prevalence study », American Journal of Public Health, vol. 77, 1987, pp.1337-1339 ; Sandra MARTIN, Linda MACKIE, Lawrence KUPPER, Paul BUESCHER, Kathrin MORACCO, « Physical Abuse of Women Before, During, and After Pregnancy », The Journal of the American Medical, vol. 12, 2001, pp. 1581-1584 ; Donna STEWART, Anthony CECUTTI, « Physical abuse in pregnancy », Canadian Medical Association Journal, vol. 1498, 1993, pp. 1257-1263.
  • [8]
    Mélanie PELIZZARI et al., « Interruptions volontaires de grossesse et violences : étude qualitative auprès de Médecins généralistes d’Île-de-France », Cliniques méditerranéennes, vol. 88, 2013, pp. 69-78.
  • [9]
    Muriel SALMONA, « Grossesse et violences conjugales : impact sur l’enfant », Revue l’observatoire, vol. 59, 2008
  • [10]
    Étude de l’OMS, « Global and regional estimates of violences against women : prevalence and health effect of intimate partner violence and non-parter sexual violence », 2013.
  • [11]
    Jay SILVERMAN, Michele DECKER, Elizabeth REED, Anita RAJ, « Intimate partner violence victimization prior to and during pregnancy among women residing in 26 U.S. states : Associations with maternal and neonatal health », Journal américain d’Obstétrique et de Gynécologie, vol. 195, 2006, pp. 140-148.
  • [12]
    Hélène JOUDRIER, « Violences conjugales et grossesse en médecine générale », Thèse de médecine générale, Faculté de médecine Pierre et Marie Curie, Paris, 2012.
  • [13]
    Bryan DONOVAN et alii, « Intimate partner violence during pregnancy and the risk for adverse infant outcomes : a systematic review and meta-analysis », Journal international d’Obstétrique et de Gynécologie, vol. 123, 2016, pp. 1289-1299.
  • [14]
    Paul-Claude RACAMIER, « A propos des psychoses de la maternalité », in Mère mortifère, mère meurtrière, mère mortifiée, ESF, La vie de l’enfant, 1978, p. 44.
  • [15]
    Au sens de René Kaës, le lien intersubjectif serait un lien reposant sur des alliances inconscientes entre les deux sujets du couple dont le but serait de le conserver car lui seul permettrait d’atteindre les buts inconscients de chacun.
  • [16]
    Alain BLANCHET, Anne GOTMAN, L’entretien, Armand Colin, Série : l’enquête et ses méthodes, 2007.
  • [17]
    Catherine AZOULAY, Michèle EMMANUELLI, « La feuille de dépouillement du TAT : nouvelle formule, nouveaux procédés », Psychologie clinique et projective, n° 6, 2000, pp. 305-327 ; Dominique MAINGENEAU, Johannes ANGERMÜLLER, « Discourse analysis in France. A conversation », Forum Qualitative Social Research, n° 8 (2), 2007, Art. 21, http://nbnresolving.de/urn:nbn:de:0114-fqs0702218.
  • [18]
    Liliane DALIGAND, « Violences conjugales. Aspects psychopathologiques », Éthique et santé, vol. 12, issue 4, 2015, p. 255.
  • [19]
    Grete-Lehner BIBRING, « Some considerations of the psychological processes in pregnancy », The Psychoanalytic Study of the Child, n° 14, 1959, pp. 113-121.
  • [20]
    Therese BENEDEK, « Parenthood as a developmental phase : a contribution to the libido theory », Journal of the American Psychoanalytic Association, n° 7, 1959, pp. 389-417.
  • [21]
    Paul-Claude RACAMIER, « La maternalité psychotique », De psychanalyse en psychiatrie, Études psychopathologiques, pp. 193-242, 1979, p. 200.
  • [22]
    Monique BYDLOWSKI, « Je rêve un enfant, l’expérience intérieure de la maternité », Odile Jacob, 2010, p. 89.
  • [23]
    Donald Wood WINNICOTT, « La préoccupation maternelle primaire », De la pédiatrie à la psychanalyse, Science de l’homme, 1989 [1956], pp. 285-291.
  • [24]
    Camille PASCAL et al., « Expérience de passivité et affects d’angoisse dans le temps de la grossesse », Dialogue, n° 192, pp. 137-148, 2011, p. 137. En ligne
  • [25]
    Ibid., p. 146.
  • [26]
    Jacqueline SCHAEFFER, Le refus du féminin, PUF, 1997, citée par Camille PASCAL, art. cit., p. 138.
  • [27]
    Dominique CUPA, « La pulsion de cruauté », Revue française de psychanalyse, vol. 66, pp. 1073-1089, 2002, p. 1076.
  • [28]
    Claire METZ, Marie-Paule CHEVALERIAS, Anne THEVENOT, « Les violences dans le couple au risque d’en mourir : parole de femmes », Annales Médico-Psychologiques, vol. 175, 2017, pp. 692-697.
  • [29]
    Marie-José GRIHOM, « Être à soi-même sa propre fin ou être un maillon », Dialogue, n° 204, 2014, pp. 49-61.
  • [30]
    En référence aux travaux de Winnicott, le terme de holding, qui signifie maintien, désigne l’ensemble des soins donnés par la mère à l’enfant pour répondre à ses besoins physiologiques et qui s’adaptent aux changements physiques et psychologiques de l’enfant. Ils ont pour fonction essentielle d’éviter à l’enfant d’interrompre le sentiment de continuité d’être.
  • [31]
    Marie-José GRIHOM, « Pourquoi le silence des femmes ? Violence sexuelle et lien de couple », n° 208, 2015, p. 81.
  • [32]
    Ayala BORGHINI, Carole MULLER NIX, « Traumatisme parental et conséquences lors d’une naissance prématurée », Contraste, n° 41, 2015, pp. 65-84.
  • [33]
    Gisèle APTER, Annick LE NESTOUR, « Repérages et risques de maltraitance en période périnatale », Journal de Pédiatrie, n° 14, 2011, pp. 47-52.
  • [34]
    Daniel SIBERTIN-BLANC, « Naître grand prématuré et après ? », Psychiatrie de l’enfant, n° 45, 2002, pp. 437-482.
  • [35]
    Dans le rapport au Ministre chargé de la Santé réalisé par Roger HENRION, Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé, Ministère de la Santé, Paris, La Documentation française, 2001.
Français

Le repérage de la réactivation de traces psychiques de violences conjugales anciennes dans le cadre d’entretiens de recherche réalisés dans une recherche doctorale sur la construction du maternel en situation de naissances prématurées renseigne sur les liens entre narcissisme et subjectivation. À partir de l’analyse de neuf entretiens de recherche menés avec deux femmes enceintes hospitalisées pour menace d’accouchement prématuré (MAP) et une femme enceinte pour laquelle la grossesse se déroule sans particularités médicales, nous tenterons d’éclairer le nouage complexe entre violences conjugales passées, grossesse et risque de prématurité.

Cécile Bréhat
psychologue clinicienne, est doctorante en psychologie clinique et chargée d’enseignements à l’Université de Strasbourg dans le laboratoire de Psychologie et psychopathologie cliniques (EA 3071 : Subjectivité, lien social et modernité). Ses recherches s’inscrivent dans le champ de la périnatalité. Sa thèse étudie la construction du maternel dans les situations de grande prématurité, envisagées comme ayant valeur de « loupe grossissante » sur les processus de maternalisation tout en prenant en compte la particularité de l’impact subjectif du contexte de médicalisation de ces naissances. Elle a récemment publié avec Anne Thevenot « Les prémas ne seraient-ils pas de vrais bébés ? », Dialogue, 2018.
Anne Thevenot
psychologue clinicienne, est professeur des Universités en psychologie clinique en l’Université de Strasbourg dans le laboratoire de Psychologie et psychopathologie cliniques (EA 3071 : Subjectivité, lien social et modernité). La spécificité de ses recherches centrées sur l’étude de la construction subjective en lien avec les mutations sociales est de mettre l’accent sur l’articulation entre des problématiques psychiques singulières et les enjeux repérables dans les discours collectifs. Ses recherches prennent appui dans le champ social sur l’évolution des législations organisant les liens familiaux et dans le champ clinique en étudiant différentes modalités d’exercice de la conjugalité et de la parentalité. Elle a notamment publié : « Les violences dans le couple au risque d’en mourir : paroles de femmes », Annales médico psychologiques, 2017 ; « La famille éternelle, une construction sociale », La pensée, 2016 ; « Le lien mère-enfant à l’épreuve des violences conjugales », Cliniques Méditerranéennes, 2015 ; « Fragilisation de l’interdit de l’inceste au sein de configurations familiales sans liens biologiques », Le divan familial, 2015 ; « De quelques malentendus dans la professionnalisation de l’accueil familial », L’évolution psychiatrique, 2015 ; « Homoparentalité, que nous apprennent des recherches récentes ? », La pensée, 2013 ; « Professionnalisation des assistantes familiales et intérêt de l’enfant accueilli », Pratiques psychologiques, 2012 ; « Étude de cas d’un adolescent pris dans les jeux vidéo, mort de la socialisation traditionnelle ? », Études sur la mort, 2011.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/04/2019
https://doi.org/10.3917/rf.016.0129
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Union nationale des associations familiales © Union nationale des associations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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