CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens. »
(Proverbe sénégalais)

1 « L’acte de transmettre est un processus mémoriel. »[1] Il articule les générations les unes avec les autres dans une temporalité longue [2], verticale et cumulative, résumée au travers de l’image du « feuilleté générationnel »[3]. La transmission de l’histoire familiale par les aïeux, en tant que transmission mémorielle, sert d’assise à la définition du « nous » qui distingue la génération familiale du « eux » [4]. Elle assoit également la construction de la place différenciée de chacun des enfants au sein de la fratrie [5]. Au-delà, la transmission mémorielle est empreinte de références culturelles – valeurs, croyances et pratiques – structurantes pour l’individu et validées – ou invalidées – à l’extérieur de la famille, par la société et ses groupes dominants. Ainsi, transmissions familiales mémorielles et culturelles sont imbriquées dans l’intégration sociale individuelle, entendue comme le processus par lequel chacun apprend, à la fois à devenir membre de la société, dans le respect de ses règles et de ses valeurs, et à y jouer un rôle [6].

2 En contexte migratoire, cette forme d’intégration tropique normative des enfants questionne âprement le rôle des transmissions familiales [7]. Transmettre est alors un processus qui ne va pas de soi, la génération en position de le faire se trouvant à la croisée de modèles normatifs, éducatifs et culturels contradictoires [8]. Dès lors, les parents migrants ancrent leurs transmissions dans des biographies pré-migratoires qui interagissent immanquablement avec les transmissions propres aux autres matrices de l’expérience individuelle post-migratoire. La difficulté pour les descendants – définis ici comme la génération née en France d’au moins un parent migrant – réside alors dans la capacité à réaliser des arbitrages entre les valeurs de leur société de naissance (la société majoritaire) et celles de la société d’origine de leurs parents [9].

3 Cette question des transmissions familiales est particulièrement sensible dans le cadre des migrations maghrébines [10]. En effet, le système anthropologique [11] arabo-musulman présente deux pierres d’achoppement saillantes avec le système français. D’abord, sa dimension communautaire, patrilinéaire et endogame – héritée du système familial arabe – qui soulève la question de la condition féminine, donc celle de l’égalité des sexes. Ensuite, sa dimension religieuse qui pose la question de la sécularisation des références [12]. Dans le contexte normatif universaliste français, l’injonction sociale est alors à la rupture culturelle dans la génération des descendants, particulièrement pour les filles : exhortées à être des exemples d’assimilation en se désaliénant d’une culture perçue comme infériorisante pour elles, leur confrontation au double bind[13] – fidélité versus rupture – interpelle singulièrement le poids de l’héritage familial mémoriel et culturel dans leur intégration sociale.

4 Dès lors, dans cet article, nous nous proposons d’étudier un des enjeux des transmissions familiales en situation migratoire, en tentant de répondre à la question suivante : quels rôles jouent les transmissions familiales culturelles et sexuées dans la manière dont les descendants de migrants maghrébins s’intègrent à la société française ? Nous soutenons l’idée que la transmission familiale des contenus mémoriels, en lien avec les origines, le vécu pré et post-migratoire des parents, et celle des valeurs et pratiques culturelles arabo-musulmanes jouent un rôle central dans l’inflexion des trajectoires sociales des descendant(e) s de migrants maghrébins. Ces transmissions prennent corps sur un continuum entre silence et fierté et produisent des trajectoires d’intégration différenciées en fonction du sexe de l’héritier, du type de projet migratoire, du sexe du transmetteur et de son vécu [14].

5 Ainsi, nous posons l’hypothèse selon laquelle ces transmissions familiales, bien qu’en interaction réciproque avec celles des autres matrices de l’expérience individuelle, représentent un fond apodictique doublement distinctif. D’abord, en tant que mémoire ancrée dans les origines et l’histoire migratoire, il influence de manière décisive l’intégration dans la société française des descendant(e) s de migrants maghrébins. Ensuite, en tant qu’héritage forgé dans les références arabo-musulmanes, il implique des enjeux liés aux rapports sociaux de sexe et représente, dès lors, un outil d’intégration sociale différenciée, au sein d’une même fratrie, qui agit davantage au bénéfice des filles [15].

6 Nous ancrerons notre démonstration dans une perspective sociologique compréhensive typologique [16] issue du retraitement des résultats de notre travail de thèse [17]. Constitués autour de 54 éclairages qualitatifs – dont 28 récits de vie avec des descendantes, de 18 à 40 ans, 3 avec des mères migrantes et 6 avec des frères, le tout intégré dans 7 tableaux de famille – les résultats ont été construits en deux temps. Une première étape descriptive, ethnographique, a permis d’identifier les variations interindividuelles dans la manière de prendre place dans la société française [18] en tant que descendante de migrants maghrébins. Puis, une deuxième étape, de montée en généralités, a dévoilé les variables compréhensives de l’intégration sociale des descendantes, en focalisant l’analyse sur les transmissions familiales à l’œuvre. L’intégration sociale a été mesurée à l’aune de leur engagement dans des études supérieures – combiné à leur accès à un emploi en lien avec ces études pour les plus âgées de l’échantillon – et à l’aune de leur ascension sociale, en comparaison de leurs parents, de leurs frères et du reste de leur fratrie.

7 Notre modélisation idéale-typique a pour but d’appréhender les différents modes de transmissions familiales intergénérationnelles et leurs effets sur l’intégration sociale différenciée des descendants, filles et garçons [19]. Pour ce faire, elle analyse, dans une première partie, les types de transmission des origines puis propose, dans une deuxième partie, une lecture des dimensions sexuées des transmissions culturelles en présentant les types de mémoire biographique transmise par chacun des parents. Cette deuxième dimension donne du relief aux modes de transmission des origines et offre d’aller plus loin dans la compréhension des parcours d’intégration sociale différenciés des descendants.

Transmettre les origines

8 L’analyse des transmissions familiales révèle l’existence de contenus culturels, en lien avec les origines, décisifs pour l’intégration sociale des descendants. Diverses stratégies d’inscription dans la société d’accueil, dépendantes du projet migratoire, définissent dès lors des contextes distincts de transmission de ces origines.

Silence des origines : les conditions d’une sécularisation

9 Ce premier type concerne les migrations pour raisons politiques. Il implique un tabou du vécu pré-migratoire et migratoire qui s’accompagne d’un projet d’installation définitive sans retour au pays d’origine. Le lien avec ce dernier est alors inexistant, en tous cas en parole. Cette intégration sans mémoire fait de la France une terre d’asile pour les parents qui vivent leur statut de migrant comme infamant. Ce type est illustré dans notre enquête par le mode de transmission adopté par une famille de Harkis : « Mon père étant Harki, je crois qu’il y avait cette obligation, fallait être petits, être discrets, se faire oublier. » (Pierre, 41 ans, fils de Harki). La société française est alors perçue comme étant de droit pour les enfants.

10 Les parents possèdent la nationalité française. La langue maternelle n’est jamais transmise pour asseoir leur intégration sans mémoire et la légitimité d’être français pour leurs enfants. Pour autant, le tabou de la migration n’entraîne qu’un gommage partiel des origines qui réapparaissent dans les pratiques quotidiennes et bénéficient d’une transmission par inculcation ordinaire[20] : « Ma mère, elle écoutait des chansons et notamment une chanson de Idir. Et elle cuisine des plats comme là-bas, c’est tout ce qu’elle sait faire. » (Pierre). Cette transmission mimétique, fondée sur une sorte de reproduction génétique, se retrouve dans la manière de vivre les références religieuses sur le registre de l’habitude. Dans ces conditions, les références arabo-musulmanes représentent, au départ, un registre peu structurant pour les descendants. Mais le tabou laisse la porte ouverte aux fantasmes sur les origines. Comme le dit Pierre : « Quand tu sais pas, t’imagines des choses. » Dès lors, l’absence de mémoire a un effet contradictoire sur le long terme. Il peut engendrer un besoin de réaffiliation globale qui passe par un retour aux origines à l’âge adulte au travers de la découverte du pays des aïeux dans une démarche d’identification positive à cette partie manquante de l’héritage. De même, l’inculcation ordinaire par immersion dans un « bouillon culturel » peut susciter un besoin de transmettre de la part des descendants, de manière consciente, des bribes de références d’origine quand ils sont en situation de le faire : « Je sème des petites graines. Ils savent compter jusqu’à 5 en kabyle. Ma fille aime bien mettre des robes kabyles, ils aiment la culture culinaire, les gâteaux. » (Pierre, père de 3 enfants issus d’un mariage mixte). Simultanément, cette résurgence des origines dans la génération née en France cohabite avec une sécularisation des références en tant que Français, ce que Pierre appelle « la perméabilité à la francisation ». Elle se cristallise, particulièrement chez les descendantes, dans la revendication d’un statut de femme « francisée », sous-entendue émancipée [21] vis-à-vis des références arabo-musulmanes, par des droits non négociables : « Je me bats pour les droits des femmes, je reviendrai jamais en arrière à vivre comme là-bas. Je vais à l’encontre de toutes ces filles qui se disent bien parce qu’elles sont vierges, moi j’assume totalement ma francisation. On est en France et je suis une femme libre. » (Sarah, 29 ans, fille de Harkis).

11 Le tabou des origines induit ainsi une curiosité et une appétence pour la compréhension de leur héritage chez les descendants devenus adultes. Pour autant, celles-ci cohabitent avec une sécularisation des références assumée et revendiquée comme base de l’intégration sociale.

Présence sans conscience des origines : les conditions de l’exclusion

12 Ce mode de transmission mémorielle intervient dans le cas de migrations économiques survenues en réponse à un appel de main d’œuvre de l’État français. La migration intervient à l’âge adulte et prend la forme d’un projet migratoire annoncé comme provisoire, le temps de « se mettre sur les rails ».

13 La France est alors un choix de raison pour assurer l’avenir des enfants, mais elle ne représente pas le pays des parents. Dès lors, la démarche d’installation débouche sur une intégration silencieuse, comme preuve de redevabilité vis-à-vis de la terre d’accueil provisoire. L’attachement au pays d’origine reste systématiquement fort et conduit potentiellement à des retours définitifs. Cette affiliation génétique chez les parents migrants confirme la persistance de « l’illusion du provisoire »[22]. Dans le contexte de cette migration adulte, les pratiques coutumières héritées du modèle arabo-musulman sont maintenues, sans être interrogées. La transmission des références liées aux origines y opère par inculcation sans conscience, ce qu’évoque Hizia (30 ans, fille de migrants marocains) quand elle parle de « toutes ces barrières qu’on m’a imposées d’elles-mêmes, pas par la parole, mais par le comportement ». Cette transmission conduit à une religion inculquée sur un mode coercitif. Les préceptes sont présentés comme des obligations pratiques, sans explication, risquant un glissement vers l’obscurantisme. La langue maternelle est transmise à la maison, faute de maîtrise suffisante du français. La nationalité française n’est pas demandée et les sociabilités communautaires, sollicitées au moment de la migration adulte, sont maintenues. Cependant, le délitement des origines se remarque dans les transmissions en direction de la deuxième génération née en France. Tout se passe comme si les grands-parents migrants considéraient leurs petits-enfants comme assimilés, donc entrés dans une démarche de rupture culturelle. Pour recréer le lien, ils font alors un pas en direction des références supposées des petits-enfants, notamment « en leur parlant un mauvais français » (Zina, 35 ans, fille de migrants algériens, mère d’une petite fille de 3 ans).

14 Du point de vue des descendants, la transmission mémorielle sans conscience, se révèle un héritage ipsatif encombrant. En effet, ce qui est transmis « sans parole rejaillit » sous forme d’une altérité à l’occasion du vécu hors de la cellule familiale. Trois alternatives se présentent alors au descendant pour composer avec cet héritage essentialisé et prendre place dans la société au « moment fatidique »[23] de l’entrée dans la vie adulte. La première consiste en l’intériorisation d’un discours dominant source d’une mise à distance des références arabo-musulmanes et d’une désolidarisation vis-à-vis de la communauté maghrébine, comme en témoignent les propos de Sakina, 40 ans, fille de migrants algériens, au sujet des faits d’incivilité dans les quartiers : « Quand on apprend que c’est un tel de telle nationalité qui a fait ce genre de chose, je me dis : “Ben toujours les Arabes !”. Mais dans ces cas-là qu’ils rentrent dans leurs pays ! » À l’autre extrémité, s’affiche, a contrario, le besoin de réassurance identitaire face à un flottement des origines afin de reconstruire la « sécurité ontologique »[24] jusque-là défaillante. La réaffiliation est dans ce cas revendicative et vise à donner du sens à l’héritage contradictoire cristallisé dans l’expérience de l’altérité. Les origines sont alors affichées avec fierté comme des emblèmes brimées par la société française. Faute de cette réaffiliation concrète, un glissement vers une trajectoire d’exclusion peut s’observer. Les garçons et les filles ne sont alors pas exposés aux mêmes effets [25]. Bénéficiaires de plus de libertés, les garçons sont plus socialisés en dehors du contexte familial, dans le quartier et plus exposés aux dérives territorialisées. L’expérience de la discrimination assoie leur construction dans une altérité ethnicisée et un rapport idéalisé aux origines. La propension à la victimisation fait alors passer la réassurance identitaire par un repli communautaire ou religieux cristallisé dans la résurgence d’une pratique religieuse ostentatoire dans la jeune génération : « C’est le contexte ambiant, [...] quand y en a un qui rentre dans la religion, t’en as un deuxième, un troisième dans le cercle des amis du quartier. Ils discutent entre eux, ils se montent le bourrichon sur le rejet des autres, le fait qu’ils ne peuvent pas pratiquer librement... Pour moi, c’est sectaire. » (Mouna, sœur de Zina, 33 ans, fille de migrants algériens, à propos de son frère). Cette réassurance peut également prendre la forme d’une « prophétie auto-réalisatrice »[26]. Le descendant embrasse, dans ce cas, une carrière délinquante qui lui offre la visibilité sociale déniée. A contrario, les descendantes se construisent dans un entre-deux incertain. Tout se passe comme si l’altérité rappelée au quotidien, à défaut de pouvoir prendre sens dans des références non transmises, devenait un frein à la définition de soi, comme une forme d’illégitimité permanente, ici et là-bas [27], beaucoup plus conscientisée par les filles : « Je suis comme on dit “le cul entre deux chaises”. Je me sens ni l’un ni l’autre, parce que les autres nous le font sentir. » (Alia, 25 ans, fille de migrants algériens). « Là, on est considérée comme une Maghrébine ; au pays, on est considérée comme une immigrée. Qu’est-ce qu’on est vraiment ? » (Zina). En filigrane, les filles se trouvent enfermées dans la reproduction de modèles féminins relégués ou dans une identification religieuse oppressante.

15 La transmission sans conscience des origines aboutit donc à une assise identitaire incertaine, source d’une ipséité encombrante, génératrice d’exclusion pour les descendants de l’immigration maghrébine.

Fierté des origines : les conditions de l’intégration

16 Ce type concerne les migrations économiques réussies, intervenues en filigrane d’un vécu pré-migratoire douloureux. Ce dernier est alors utilisé pour témoigner d’un parcours remarquable. Le projet familial d’inscription durable dans la société française et d’ascension sociale est au fondement de ce type.

17 Identifié comme pays des possibles, le rapport à la France est du registre de la reconnaissance mais n’entraîne pas un statut dominé puisque le discours sur la réussite migratoire vient faire contrepoids. La fierté des origines débouche sur une transmission de la langue maternelle en parallèle du français, incontournable. La nationalité française est acquise par les parents et encouragée pour les descendants qui ne sont pas nés français. En même temps, la possession de la nationalité d’origine est ouvertement assumée et devient une ressource. Les retours estivaux aux pays sont fréquents et donnent lieu à l’achat d’une propriété sur place [28]. Les séjours peuvent y être longs, mais jamais définitifs, pour les parents à la retraite. La référence aux origines opère sur le mode de l’ouverture, par le biais d’un « travail conscient »[29] : « Mon père a tout transmis de cette manière-là. Expliquer, comprendre, rien imposer. Toujours garder ta réflexion, c’est ta force. » (Soubhia, 35 ans, fille de migrants marocains). Ce contexte d’éducation par la parole et la réflexion implique une transmission de la religion sur le même registre. Elle est alors perçue comme une pratique personnelle, non revendicative, compatible avec la laïcité, sorte d’éveil spirituel par l’apprentissage de valeurs.

18 Ce registre progressiste provoque une identification positive des descendants à une religion qu’ils considèrent « ouverte et moderne, [...] compatible avec une vie intégrée de bon Français », comme le dit Moussa (29 ans, fils de migrants marocains), au point de l’intégrer dans leur définition d’eux-mêmes : « Je suis une française, tunisienne, musulmane modérée. » (Iliana, 21 ans, fille de migrants tunisiens). Cette définition ethnicisée et religieuse est vécue comme un moyen de distinction vis-à-vis, simultanément, « [...] des Français de souche [...] et des Maghrébins de là-bas. [...] Tu vois la culture, c’est une richesse, c’est pas une arme pour se battre contre, c’est pour réussir. » (Soubhia). Le discours positif sur la migration, allié à la transmission de la mémoire et à la fierté des origines, débouche également sur un refus de la victimisation et une responsabilisation de chacun face à son parcours d’intégration ou de relégation : « Mon père disait : “Oui, mais tu veux quoi, tu veux qu’on t’offre la place du Président ? Si tu fais des études, tu pourras revendiquer quelque chose, mais si tu fais pas d’études, qu’est-ce que tu veux revendiquer ?” » (Soubhia).

19 Ainsi, la fierté des origines, intériorisée comme une ipséité conscientisée, en construisant un lien réaliste à la France et non fantasmé au pays d’origine, se révèle plus qu’un outil [30], une ressource au fondement d’une meilleure intégration sociale de tous les descendants, les sœurs autant que les frères.

Transmettre une mémoire d’homme ou de femme

20 La génération des parents migrants est détentrice de ressources objectives insuffisantes pour assurer une réussite économique et sociale, pourtant projetée, pour les descendants. Parfois confrontée, de surcroît, à sa propre disqualification sociale, cette génération opère, en compensation, une transmission consciente des mémoires biographiques d’homme et de femme, fondée sur l’exemple ou le contre-exemple. En découlent des « ressources subjectives »[31], comme autant de qualités morales, intellectuelles et psychologiques, appuyées sur des valeurs permettant d’agir, donc de s’intégrer dans la société. Ces transmissions biographiques, génératrices de ressources subjectives, sont largement sexuées. Elles dépendent dès lors, dans leurs effets sur l’intégration différenciée des descendants et des descendantes, du sexe et du statut du transmetteur, mais également du type de mémoire biographique transmise.

Mémoires biographiques reléguées : rébellion des filles et victimisation des frères

21 La dimension sexuée de la typologie révèle la transmission par la mère de la mémoire d’une triple relégation, sexuée, culturelle et sociale [32] liée à des vécus cumulés de sœur sacrifiée, d’épouse soumise et de migrante stigmatisée.

22 Le premier de ces vécus s’enracine dans son jeune âge, où elle a été sacrifiée, sous le poids des traditions sexuées, au profit de ses frères. Privée d’une scolarisation réservée aux garçons, son statut de sœur, particulièrement d’aînée, l’enjoint à s’occuper du reste de la fratrie, en l’éduquant ou en travaillant : « Ma mère, c’est un peu une victime du système. Elle s’est occupée de ses frères, alors que, eux, ont fait des études. » (Soubhia à propos de sa mère, orpheline de mère à 9 ans, aînée de 3 petits frères).

23 Le deuxième vécu relégué est celui d’épouse et de migrante. En tant qu’épouse, la mère témoigne du poids du système traditionnel sur la définition d’un statut dominé, durablement privé de libertés. Mariée très jeune, elle dénonce la dimension communautaire qui fait entrer la femme dans la belle famille et la fait simultanément sortir de sa propre famille : « J’étais mariée à 9 ans et demi. Fiancée à 7 ans. C’est le voisin du quartier. Il avait 13 ans de plus. [...] Mon père m’a arraché à ma mère et il m’a donné à quelqu’un d’autre pour travailler ! » (Zayane, mère migrante marocaine). En lien direct avec ce vécu, elle transmet également celui de migrante analphabète, venue dans le cadre d’un regroupement familial. L’expérience de la stigmatisation est alors relayée pour témoigner des obstacles à son intégration, liés à l’absence de maîtrise de la langue et de la connaissance des usages du pays d’accueil.

24 Le dernier vécu relégué est celui de la mère qui se sacrifie pour ses enfants. Il implique, cette fois, un choix conscient, même si largement conditionné par le système anthropologique arabo-musulman dans lequel elle s’est construite. Ce sacrifice ultime fait de la génération des mères-migrantes une génération-pivot qui impulse le changement. Le don de soi en tant que mère revêt alors soit la forme du renoncement à une vie en dehors du foyer pour s’occuper exclusivement de l’éducation de ses enfants, soit celle du travail pour subvenir aux besoins d’un grand nombre d’enfants.

25 Cette transmission de mémoires reléguées opère dans un contexte éducatif d’égalité des sexes, dont la mère est la principale artisane. Dès lors, elle provoque des processus d’identification par la négative chez ses filles qui revendiquent une place libérée des rôles séculaires et exclusifs de mère et d’épouse, comme en témoigne Sarah : « Ma mère nous a éduqués, nous les filles, en nous disant : “Fais comme si tu étais toute seule, à jamais compter sur un bonhomme !’’ » Pour ce faire, elle place l’école comme moyen privilégié : « Ma sœur a été orientée en troisième sur un bac ménage. Donc, ma maman a dit : “Écoutez-moi, si j‘avais voulu que ma fille fasse du ménage, je l’aurais gardée avec moi à la maison. Quel intérêt d’aller faire des études pour ça ? C’est hors de question que ma fille y aille.’’Donc, elle a refusé, elle a tapé du poing sur la table. » (Hizia). La reconnaissance vis-à-vis du sacrifice de sa mère agit comme moteur de la réussite sociale chez la fille qui entre dans un processus de contre-don : « J’ai pas le choix, je suis obligée de réussir, pour ma mère. [...] Je lui dois bien ça, quand je vois tous les sacrifices qu’elle a faits, je pense que j’aurais jamais fait ça à sa place ! » (Djamila, 18 ans, fille de migrants algériens). Cette socialisation chez la descendante peut s’accompagner d’un féminisme radical [33], opposé à la domination masculine : « Le fait de voir la discrimination à l’égard d’une femme, ça me révolte, on devrait toutes l’être (féministes), surtout dans un pays comme le nôtre. » (Iliana). Le père, de son côté, au travers de son parcours de travailleur immigré, est généralement le premier de la famille à avoir vécu la migration. Le projet de réussite économique détermine d’abord une vie de labeur comme destin enfermé dans la condition sociale de migrant. En filigrane d’un positionnement discret, respectueux de la société d’accueil, l’acceptation de discriminations ordinaires accompagne son parcours et lui apprend à « [...] rester à sa place en courbant l’échine » (Hizia). Ensuite, il détermine un statut de père enfermé dans une fonction exclusive de chef de famille qui subvient aux besoins de tous. Sa dignité passe par le travail et le salaire. Dès lors, l’échec de la migration économique aboutit dans son emmurement dans le silence, comme stratégie refuge de « l’homme d’honneur »[34]. Le père, pour ne pas « perdre la face »[35], tente de faire bonne figure en entretenant l’illusion d’une maîtrise de la situation : « Mon père gardait tous les papiers. Quand il fallait faire des courriers, on les écrivait. Il nous dictait, il regardait ce qu’on écrivait comme s’il savait lire. Ça lui donnait de l’importance. L’impression du contrôle. C’est la façon dont les pères ont géré pour exister et donner une image positive. » (Pierre).

26 De fait, cette transmission symbolique par la négative est plus souvent involontaire de la part du père. Mais, quand il ose transmettre consciemment l’expérience de l’invalidation de son projet migratoire pour impulser le changement chez ses enfants, il acte auprès d’eux l’abandon de sa propre ascension sociale, tout en maintenant le choix de la France au profit de leur avenir. Il entre alors lui aussi dans un processus sacrificiel visible : « Mon père, sa vie était là-bas. Mais au fur et à mesure, on était bien là, il y avait l’école, il voulait qu’on fasse des études, qu’on travaille, que ce soit plus facile pour nous que ça l’a été pour eux. » (Nahal, 23 ans, fille de migrants algériens). La valeur du travail est alors transmise comme ressource subjective, en parallèle de celles de pugnacité et de persévérance, au bénéfice de l’investissement scolaire, comme dans le cas du père d’Hizia : « Mon père était commerçant et il était ouvrier chez Peugeot en parallèle, pour subvenir à nos besoins. Double emploi... »

27 Au final, cette transmission biographique corrobore une construction dans l’adversité qui débouche, chez la descendante, sur une rébellion vindicative vis-à-vis du stigmate ethnicisé, motrice de sa trajectoire d’ascension sociale : « Je suis pas là pour faire de la figuration, je suis pas là pour être la Maghrébine de service. J’ai besoin qu’on passe outre ma diversité et qu’on me considère en tant que médecin à l’hôpital. Mais par le biais du travail, pas par le biais de la plainte. Je suis légitime dans ce que je fais. » (Hizia, interne en médecine urgentiste). A contrario, l’impossible identification généalogique à la condition sociale et professionnelle dévalorisée du père [36] provoque une vision désenchantée de la société française et une tendance à la victimisation chez le descendant : « Tu fais faire le même entretien avec mon frère par exemple, t’auras un autre son de cloche et il va te dire : “Voilà, la France est raciste’’. » (Soubhia).

28 Quand ils entreprennent de transmettre leur capital biographique relégué, père et mère donnent du sens à leur propre vécu et œuvrent conjointement à la capacité de leurs enfants à s’intégrer dans la société [37]. Mais, en ancrant ces transmissions dans leur expérience de la relégation [38], les ressources subjectives induites provoquent des trajectoires d’intégration sociale basées sur la dénonciation. Compte tenu des expériences cumulées différenciées entre filles et garçons et de processus de transmission davantage au bénéfice des sœurs que des frères, la dénonciation est couplée à une rébellion source d’une intégration sociale revendicative des descendantes, source d’une victimisation et d’une exclusion des descendants.

Mémoires émancipées : ascension sociale de tous les descendants

29 Cette dimension sexuée de la typologie met en lumière la transmission par la mère de son émancipation vis-à-vis d’un statut féminin multi-relégué essentialisé. La migration représente généralement le point de départ de cette désaliénation.

30 La désaliénation opère d’abord vis-à-vis du statut d’épouse soumise et dépendante d’un mari dominant. Recluse à son domicile, l’épouse vit les premiers temps de la migration comme une confirmation de son statut subordonné pré-migratoire. Mais progressivement, elle développe des stratégies d’émancipation ancrées dans des ressources de débrouillardise et de combativité. Par le biais d’une grande intelligence sociale, elle perçoit très tôt la nécessité de se constituer un réseau de personnes ressources pour appuyer sa propre démarche d’intégration sociale. Elle dépasse son invisibilité de migrante [39] en entrant dans l’espace public et peut même conquérir son indépendance symbolique par le divorce, alors à son initiative. Elle poursuit ensuite son parcours d’autonomisation en redéfinissant son statut de mère. En filigrane de son divorce, la mère se retrouve responsable de la nouvelle famille monoparentale et s’investit de manière renouvelée dans la transmission du care[40]. Malgré le nombre élevé d’enfants, c’est le moment pour elle d’entrer dans la vie active. Son émancipation progressive vis-à-vis du statut maternel dépendant peut aussi se révéler en situation de veuvage. Le refus du destin enfermé dans ce statut donne lieu à un parcours exemplaire de mère maghrébine au foyer qui décide de braver seule les usages pour élever ses enfants dans un pays choisi pour eux : « Après le décès de mon père, notre destin c’était de repartir en Algérie. [...] Ma mère a dit : “Mais pourquoi on repartirait en Algérie ?’’ [...] on parlait derrière son dos qu’elle serait pas capable d’assumer ses enfants, 5 filles, en plus dans un quartier. [...] Elle l’a fait quand-même. Pour nous. » (Zina). Cette dimension révèle la fierté d’une femme qui a réussi seule à conquérir un statut libéré des contraintes sexuées, culturelles et sociales : « Mes enfants me disent que c’est de l’orgueil, mais c’est pas de l’orgueil, c’est ma fierté, c’est ma liberté, parce que moi depuis toute petite, je sais que je peux compter sur personne. Je me suis débrouillée seule pour devenir quelqu’un. » (Zayane). La mère transmet alors, en direction de ses filles, le choix de l’indépendance en tant que femme.

31 Cette même dimension peut également émerger plus précocement, à la faveur d’un contexte éducatif sexué égalitaire, moteur d’une diminution du poids des références traditionnelles arabo-musulmanes. La mère expérimente alors cette égalité dès son plus jeune âge, soit par une prise en charge des rôles traditionnels sexués par une aînée qui l’en déleste ; soit grâce à un environnement social et culturel propice à son émancipation par l’instruction ; soit à la faveur d’une socialisation « à la française » lorsque la migration a été l’œuvre de ses parents. Dans ces conditions, la mère peut être à l’origine d’un déplacement des frontières du genre par une redistribution des fonctions et qualités attribuées à chacun au sein de son couple. Ce renversement complet et précoce des rôles sexués peut même la conduire à être à l’initiative de la migration de son couple. Plus instruite que son mari, elle devient « chef de famille », chargée de faire vivre tout le monde par son travail. Le care échoue alors au père, le public et le professionnel à la mère : « Mon père il n’a pas beaucoup travaillé à l’inverse de ma mère qui a toujours travaillé. Donc, c’est lui qui nous a plutôt élevés, qui a été plus présent que ma mère à la maison. » (Yamah, 33 ans, fille de migrants algériens).

32 En conséquence, la mère émancipée incite à une construction chronologique de la trajectoire sociale de ses filles : réussir, travailler puis se mettre en couple et fonder une famille. « L’ordre pour ma mère, c’est ça, d’abord les études, puis un boulot qui me plaît, après seulement le couple et la famille. » (Saniya, 23 ans, fille de migrants algériens). Découle de ces transmissions l’inscription de la descendante dans un féminisme universaliste égalitaire [41] qui revendique des droits et devoirs équivalents à ceux des hommes. Simultanément, la descendante rejette toute forme de victimisation ou misérabilisme face aux discriminations genrées ou ethnicisées : « J’ai pas un discours misérabiliste, j’ai envie qu’on me traite comme n’importe qui, j’ai pas envie qu’on m’épargne. [...] c’est vrai que je me dis ce que fait un mec je suis capable de le faire, s’il fait 100 pompes, pourquoi j’en ferais pas 100 ? » (Soubhia).

33 De manière moins visible, le fils bénéficie également de ces transmissions, l’égalité de traitement imposée par la mère entraînant une dénonciation précoce du « garçon-roi »[42] propre au système anthropologique arabo-musulman : « Ma mère, elle participe à l’émancipation de ses filles. Dans ce que mes sœurs devaient ou ne devaient pas faire à la maison, elle a jamais laissé les frères décider de comment mes sœurs devaient être. Elles n’ont pas été les larbins de service. » (Danial, 42 ans, fils de migrants algériens). Éduqué dans le respect de la condition féminine, le fils adhère au principe méritocratique et s’investit à son tour dans sa scolarité pour réussir : « Personnellement, j’avais pas surtout envie de décevoir [ma mère], je voulais lui montrer que j’étais capable de réussir, donc fallait être bon à l’école. » (Moussa).

34 Le père peut également transmettre une mémoire positive d’homme en allant chercher dans son propre parcours, ou parfois dans celui de ses aïeux masculins, les éléments de fierté, d’exemplarité et de repères moraux. Lorsque la migration a atteint son but, la réussite sociale est utilisée comme écrin valorisant les qualités mobilisées – hardiesse, mobilité et ouverture sur le monde et les autres – au fondement même de son projet migratoire. En filigrane, émerge la nécessité de ne pas s’enfermer dans un entre soi social ou culturel. Ces transmissions traduisent un contexte éducatif progressiste et soutiennent l’ascension sociale de tous les enfants : « Mon père pour lui, faut s’ouvrir, faut sortir, faut oser, faut rencontrer. [...] C’est un modèle d’ouverture, il a tout compris, il a su nous protéger et nous faire avancer. » (Iliana, dont le père, arrivé seul à 17 ans, en 1969, est aujourd’hui rentier).

35 L’ensemble de ces transmissions biographiques glorieuses, qu’elles soient maternelles ou paternelles, traduit des processus conscients de transmission symbolique positive au service de l’édifice de trajectoires individuelles ascendantes chez les enfants. Ces transmissions s’inscrivent dans un contexte éducatif familial visant le développement de l’égalité des sexes qui bénéficie plus largement aux sœurs, puisqu’elles prônent leur émancipation, mais qui impulse également une réussite sociale par la réussite scolaire chez les frères.

Conclusion

36 Les transmissions familiales culturelles et mémorielles, entendues à la fois comme transmissions des origines et transmissions biographiques sexuées, donnent du sens au vécu de chacun et servent indéniablement d’étayage à l’intégration sociale des descendants. De sorte que pour se soumettre à l’injonction de réussite sociale, les descendants ont besoin de garder les « pieds trempés »[43] dans les références d’origine, invalidant l’hypothèse d’une assimilation par la rupture culturelle. Par la connaissance des origines, par l’exemple ou le contre-exemple, les parents réussissent au contraire à susciter l’acquisition de ressources pour agir et prendre place simultanément dans la filiation et dans la société d’accueil.

37 Chaque parent transmet des contenus en quantité et en qualité différenciés. Si le père est loin d’être absent de ce tableau de transmissions, la mère se révèle actrice pivot des transmissions décisives, lesquelles bénéficient largement à la mobilité sociale de ses filles plus qu’à celle de ses fils : les filles, de manière contextuelle, se révèlent des héritières plus réceptives des mobilisations parentales, sources de trajectoires ascendantes ; les garçons, déchus de leur position traditionnelle dominante et confrontés à d’autres matrices de l’expérience, s’avèrent plus enclins à des identifications par la négative, sources potentielles de désaffiliation familiale et de relégation sociale.

38 Se révèlent ainsi deux idées forces en contexte migratoire maghrébin : d’abord l’existence de lignées familiales de transmissions intergénérationnelles féminines [44] inédites, source d’intégration sociale pour les descendantes ; ensuite, le rôle moteur incontournable des transmissions mémorielles et culturelles dans la poursuite d’un projet d’ascension sociale chez les descendants, transmissions auxquelles tout autre outil mobilisé s’avère subordonné.

Notes

  • [1]
    Dominique JACQUES-JOUVENOT, Gilles VIEILLEMARCHISET (dir.), Socio-anthropologie de la transmission, L’Harmattan, 2012, p. 23.
  • [2]
    Régis DEBRAY, Transmettre, PUF, 1997.
  • [3]
    Michel VERRET, « Âges, générations, époques », Utinam. Autour d’Alain Girard, 1995.
  • [4]
    Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, Albin Michel, 1997.
  • [5]
    Évelyne FAVART, « La transmission familiale : s’approprier le passé familial entre frères et sœurs », Pensée plurielle, vol. 1, n° 11, 2006, pp. 83-89.
  • [6]
    Jacqueline COSTA-LASCOUX, « Assimiler, insérer, intégrer », Projet, n° 227, 1991, pp. 7-15.
  • [7]
    Catherine DELCROIX, « La complexité des rapports intergénérationnels dans les familles ouvrières originaires du Maghreb. L’exemple de la diagonale des générations », Temporalités, n° 2, 2004, pp. 44-59.
  • [8]
    Ahsène ZEHRAOUI, « Transmissions intergénérationnelles au sein des familles franco-maghrébines : portée et limites », Migrations Société, vol. 21, n° 123-124, 2009, pp. 195-204.
  • [9]
    Béate COLLET, Emmanuelle SANTELLI, Couples d’ici, parents d’ailleurs. Parcours de descendants d’immigrés, PUF, coll. « Le Lien social », 2012.
  • [10]
    Nous nous intéressons uniquement aux migrations issues du Petit Maghreb constitué des trois pays de la péninsule atlassienne : Tunisie, Maroc, Algérie.
  • [11]
    Emmanuel TODD, Le destin des immigrés. Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Seuil, 1994.
  • [12]
    Jocelyne STREIFF-FENART, « À propos des valeurs en situation d’immigration : questions de recherche et bilan des travaux », Revue française de sociologie, vol. 47, n° 4, 2006, pp. 851-875.
  • [13]
    Michèle BACHOLLE, Un passé contraignant. Double bind et transculturation, Amsterdam, Éditions Rodopi, 2000.
  • [14]
    La place de l’héritier dans la fratrie joue également un rôle en lien avec des processus de transmissions inter et intragénérationnels renouvelés au sein des familles. Nous ne pourrons développer ces processus dans cet article.
  • [15]
    Noria BOUKHOBZA, « Les filles naissent après les garçons », Revue européenne des migrations internationales, vol. 21, n° 1, 2005, pp. 227-242 ; Erving GOFFMAN, L’arrangement des sexes, La Dispute, 2002 ; Abderrahim LAMCHICHI, « Condition féminine », Confluences Méditerranée, vol. 2, n° 41, 2002, pp. 89-106.
  • [16]
    Dominique SCHNAPPER, La compréhension sociologique : démarche de l’analyse typologique, PUF, 1999 ; Max WEBER, « Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive », in Essai sur la théorie de la science, Plon, 1992 [1917].
  • [17]
    Anne TATU-COLASSEAU, Des transmissions à l’épreuve des situations migratoires : les conditions d’une émancipation individuelle par le loisir sportif des descendantes de migrants maghrébins en quartier populaire, Doctorat de Sociologie sous la direction des professeurs Gilles VIEILLE MARCHISET et Dominique JACQUES-JOUVENOT, Université de Franche-Comté, 2013.
  • [18]
    Emmanuelle SANTELLI, « Du modèle d’intégration à l’analyse des manières de prendre place dans la société : le cas des descendants d’immigrés maghrébins », Migrations Société, vol. 15, n° 86, 2003, pp. 213-225 ; Emmanuelle SANTELLI, « La temporalité intergénérationnelle, une dimension incontournable des parcours », Temporalités [En ligne], 2015, http://temporalites.revues.org/2954.
  • [19]
    Nous n’étudierons pas ici la manière effective dont chacun prend place dans la société, c’est-à-dire de ce que chacun fait de ce qu’on a fait de lui et qui renvoie au travail optionnel d’appropriation de l’héritage par l’héritier.
  • [20]
    Abddelmalek SAYAD, « Le mode de génération des générations immigrées », in L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Tome 2, Les enfants illégitimes, Raisons d’agir, 2006 [1991], pp. 175-194.
  • [21]
    Philippe CARDON, Danièle KERGOAT, Roland PFEFFERKORN (dir.), Chemins de l’émancipation et rapports sociaux de sexe, La Dispute, 2009.
  • [22]
    Abdelmalek SAYAD, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Tome 1, L’illusion du provisoire, Raisons d’agir, 2006. 1re éd. 1991.
  • [23]
    Claude JAVEAU, « Routines quotidiennes et moments fatidiques », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 2, n° 121, 2006, pp. 227-238.
  • [24]
    Anthony GIDDENS, Les conséquences de la modernité, L’harmattan, 1994.
  • [25]
    Catherine DELCROIX, « La complexité des rapports intergénérationnels dans les familles ouvrières originaires du Maghreb. L’exemple de la diagonale des générations », Temporalités, n° 2, 2004, pp. 44-59.
  • [26]
    Le terme est utilisé au sens de Robert K. Merton. Nous l’empruntons ici à Sami ZEGNANI, Dans le monde des cités, PUR, 2013.
  • [27]
    Abdelmalek SAYAD, op. cit., tome 2.
  • [28]
    Jennifer BIDET, Vacances au bled de descendants d’immigrés algériens. Trajectoires, pratiques, appartenances. Thèse de Sociologie, sous la direction de Jean-Yves AUTHIER, 2013.
  • [29]
    Abdelmalek SAYAD, op. cit., tome 2.
  • [30]
    Catherine DELCROIX, Ombres et lumières de la famille Nour. Comment certains résistent à la précarité, Payot, 2001.
  • [31]
    Ibid., p. 58.
  • [32]
    Nacira GUÉNIF-SOUILAMAS, « La fin de l’intégration, la preuve par les femmes », Mouvements, n° 39/40, 2005, pp. 150-157.
  • [33]
    Nathalie HEINICH, Les ambivalences de l’émancipation féminine, Albin Michel, 2003.
  • [34]
    Abdelmalek SAYAD, op. cit., tome 2.
  • [35]
    Erving GOFFMAN, Les rites d’interaction, Éditions de Minuit, 1974.
  • [36]
    Johanna DEVILLERS, « Les rapports de genre à l’épreuve de la transmission : la représentation du couple chez les descendants d’immigrés marocains », Migrations Société, vol. 21, n° 123-124, 2009, pp. 207-223.
  • [37]
    Daniel BERTAUX, Catherine DELCROIX, « Transmissions familiales et mobilités », Migrations Société, vol. 21, n° 123-124, 2009, pp. 89-96.
  • [38]
    Marie Carmen GARCIA, « Des mobilisations de femmes en tant que femmes “racisées” : les militantes des mouvements Ni putes ni soumises et des Indigènes de la République », in Sophie BEROUD, Boris GOBILLE, Abdellali HAJJAT, Michelle ZANCARINI-FOURNEL (dir.), Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Archives contemporaines, 2011, pp. 79-92.
  • [39]
    Françoise GASPARD, « Invisibles, diabolisées, instrumentalisées, figures des migrantes et de leurs filles », in Margaret MARUANI (dir.), Les nouvelles frontières de l’inégalité. Hommes et femmes sur le marché du travail, La Découverte, 1998, pp. 183-192.
  • [40]
    Eléna PULCINI, « Donner le care », Revue du Mauss, 2012, n° 39, pp. 49-66.
  • [41]
    Nathalie HEINICH, op. cit.
  • [42]
    Terme utilisé par un grand nombre de descendantes interviewées.
  • [43]
    Abdelmalek SAYAD, op. cit., tome 2, p. 194.
  • [44]
    Hakima MOUNIR, « Quand les femmes maghrébines remettent la place des hommes en question », Hommes et migrations, n° 1245, 2003, pp. 102-111.
Français

En contexte d’héritage migratoire, le rôle des transmissions familiales mémorielles et culturelles sur les processus d’intégration sociale des descendants peut être questionné. Dans cet article, nous étudions cet objet dans le cas particulier des migrations maghrébines. Dans une perspective de sociologie compréhensive, une modélisation idéale-typique tente d’appréhender les différents modes de transmissions familiales intergénérationnelles et leurs effets sur l’intégration sociale différenciée des filles et des garçons. L’analyse se centre, dans un premier temps, sur la transmission des origines en lien avec le projet migratoire puis, dans un deuxième temps, sur celle de la mémoire biographique transmise en lien avec le statut sexué du transmetteur. Il en ressort à la fois le rôle décisif des transmissions culturelles et biographiques, le statut pivot des mères dans ces transmissions et le bénéfice plus marqué de ces dernières sur les parcours d’intégration des filles.

Anne Tatu-Colasseau
Docteure en sociologie et agrégée d’EPS, est membre du LaSAEA 3189. Sa thèse, Des transmissions à l’épreuve des situations migratoires : les conditions d’une émancipation individuelle par le loisir sportif des descendantes de migrants maghrébins en quartier populaire, menée sous la direction de Gilles VIEILLE MARCHISET et Dominique JACQUES-JOUVENOT, a, notamment, permis de mesurer le rôle des transmissions mémorielles et culturelles familiales dans la construction de trajectoires d’intégration différenciées chez les descendants. Elle a également travaillé, à l’occasion de plusieurs enquêtes financées, sur la question de l’engagement des femmes dans la direction sportive et sur celle des loisirs des habitants de quartiers populaires. Ces différentes recherches l’ont conduite à s’intéresser à l’expérimentation individuelle contextualisée et réinterprétée de la domination et, ainsi, aux contestations en acte des relégations cumulées, particulièrement, en situations interculturelles.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/12/2016
https://doi.org/10.3917/rf.013.0009
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Union nationale des associations familiales © Union nationale des associations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...