1 Le conte, ce récit premier, qui a captivé et captive encore petits et grands, possède une place toute particulière dans le monde des arts et de la culture. Œuvre parlée, écrite ou mise en image, il est aussi un acte de communication au cœur des relations humaines. Dans le cadre de la famille, la pratique du conte prend une dimension affective, inscrite dans une répétition quotidienne conçue par certains parents comme un rituel essentiel. Permettant de franchir la limite entre le monde diurne et nocturne, le moment de raconter une histoire à l’enfant avant de dormir est un temps d’arrêt offert au partage affectif autant qu’aux jeux des mots, des images et des sens.
2 Dans cet article, il sera question du conte dans le contexte familial contemporain du Québec. L’entrée dans l’univers intime de « l’heure du conte en famille » s’est opérée à travers un terrain ethnographique auprès de 21 familles québécoises. Cette approche particulière a permis de poser la recherche dans un cadre sémio-anthropologique. Un cadre à la fois théorique et méthodologique qui a permis de faire émerger une dimension originale du conte comme récit inscrit dans un espace-temps quotidien dont l’usage possède une valeur rituelle.
3 L’approche, que je qualifie de sémio-anthropologique, explore plus précisément l’incarnation même du conte dans la vie de tous les jours : c’est-à-dire le contexte relationnel au sein duquel il se manifeste. J’ai étudié cette facette peu explorée du conte, en me plaçant dans une perspective inspirée de l’interactionnisme symbolique, plus particulièrement de l’idée de la « mise en scène du quotidien » développée par Erving Goffman. L’interactionnisme symbolique suppose de s’intéresser « à ce qui se joue entre les acteurs dans la détermination mutuelle de leur comportement [...], dans le lien de sens et d’action qui se noue entre les acteurs en présence » [1]. Plus encore, je souhaitais mettre en lumière le jeu du langage dans l’interaction. Pour cela, je me suis appuyée sur les travaux de Wittgenstein pour qui l’usage du langage est ce qui en fonde la signification. Ainsi, au lieu de chercher à expliquer le langage du conte, j’ai cherché à saisir comment l’usage qui en est fait peut le rendre signifiant. L’observation du « langage en acte » était l’occasion de passer du cadre de l’interprétation d’un texte narré à une interprétation du contexte à l’intérieur duquel survient la narration. En me penchant précisément sur cette dimension contextuelle, plus encore, sur la découverte des usages du conte, mon objectif était de saisir ce qui fait du conte un « moment » de la vie familiale.
4 Chaque famille a ainsi été observée dans le contexte habituel de la narration du conte et les parents ont été interrogés individuellement sur leur pratique. À travers l’observation participante et les entretiens réalisés, le moment du conte en famille nous dévoile ce dernier non plus seulement comme un texte ou une œuvre, mais bien comme un contexte structuré à l’intérieur duquel les parents et les enfants expérimentent une façon d’être ensemble les reliant au reste de la société.
Une pratique quotidienne
5 Tout d’abord, le temps, le lieu et le déroulement de la pratique du conte mettent en place un espace de sens et des sens qui fait de la pratique un moment d’intimité et d’affectivité. « L’heure du conte » comme l’appellent les parents, a lieu le soir, juste avant de dormir. Elle se met en place dans le déroulement de la vie familiale à la même heure tous les soirs et dure entre 10 et 30 minutes [2]. Ce moment clôt la journée en permettant la transition entre la vie éveillée et le sommeil. Le plus souvent, il a lieu dans l’endroit de la maison dédié au repos : la chambre. Parfois, toute la famille s’installe dans la chambre des parents, mais plus souvent, c’est dans celle des enfants qu’elle prend place. L’activité de « contage » observée dans les familles, autrefois pratiquée au coin du feu, offre l’occasion de constater que ce moment prend, de nos jours, une dimension plus intime. Dans plusieurs familles, on partage même le lit, chose qui s’avère hautement critiquée, sinon carrément interdite par les parents en d’autres circonstances. Le temps de repos qu’il procure dans l’espace intime de la chambre nous fournit donc un premier indice sur la portée affective qu’a pris la pratique dans la famille contemporaine.
6 Le déroulement précis de l’activité vient aussi confirmer cette intuition. Celui-ci comprend cinq étapes selon un même scénario suivi dans toutes les familles : 1) l’initiation, 2) l’installation, 3) la narration, 4) la conclusion, 5) la séparation. Chacune des étapes révèle quelque chose de fondamental sur la pratique. L’initiation dévoile par exemple un fait important : si le parent est celui qui invite l’enfant à se préparer à entendre le conte, c’est l’enfant qui choisit ce qu’il souhaite se faire raconter. Les parents insistent par ailleurs sur l’autonomie et la confiance qu’il importe d’inculquer aux enfants dans ce type d’activités au quotidien. Par la suite, au moment de l’installation, une autre découverte fascinante émerge : tous les membres de la famille prennent place autour du livre de façon à pouvoir voir les images. Cette façon de faire illustre l’importance du livre lui-même dans la pratique contemporaine du conte. Elle fait clairement apparaître l’apport concret de l’objet-livre dans la matérialisation des frontières entre réalité et fiction. Ouvrir et fermer le livre permet d’omettre les formules traditionnelles – par exemple le « Il était une fois » – et de poser les limites entre ce qui est « dans le livre » et ce qui est « dans la vie ». Nous reviendrons par ailleurs plus en détail sur l’apport concret du livre dans la « ritualisation » de la pratique du conte.
7 L’étape de la narration met en évidence l’importance de la voix et de tout ce qui a trait à l’univers acoustique sur le ressenti du récit. La voix du parent qui raconte ancre le langage fugace dans la présence du corps : par elle, les signes deviennent des choses. Pour l’enfant qui ne sait pas lire, la voix du parent transforme les mots écrits inaccessibles en une réalité communicable. Plus encore, par l’intonation toute particulière que mettent les parents dans le récit, l’enfant comprend qu’il s’agit d’un moment spécial. Les parents chuchotent certains passages particulièrement angoissants, ou encore, ils prennent une voix grave pour jouer les méchants. Ces variations dans la voix n’amusent pas seulement l’enfant, elles l’initient à la trame du récit et accentuent l’intensité dramatique de l’histoire partagée.
8 La séparation qui suit la conclusion du récit est aussi une étape cruciale. Dans les sociétés occidentales comme la nôtre, où les parents et les enfants dorment chacun dans leur chambre, l’importance de l’activité de contage est exacerbée par la nécessité de se séparer ensuite pour la nuit. En permettant aux parents et à leurs enfants de vivre un instant précieux de communion avant de passer à la solitude du rêve, le moment du conte détient un caractère presque sacré.
Un rituel familial
9 Le temps, le lieu et le scénario du moment du conte nous montrent que la pratique du conte est empreinte d’une sensibilité particulière. Mais plus encore, ils traduisent le caractère rituel qu’il revêt pour les familles. Le moment du conte est ritualisé par la pratique quotidienne qu’en font les familles. D’abord, il se fait rite de séparation en permettant aux parents et aux enfants de se témoigner de l’affection et d’adoucir ainsi la séparation imposée par la culture. Il est aussi utilisé comme un rite d’endormissement qui sert à apaiser et calmer l’enfant en prévision du coucher. Enfin, aux yeux des parents, il est un rituel qui entre dans l’éducation de l’enfant en lui permettant de se conformer au temps social.
« Pour moi, lire une histoire avant de se coucher, c’est un rituel. Ça fait partie de son rituel. À moins que je ne sois pas là..., c’est papa qui va être pogné pour la raconter. Mais c’est vraiment un rituel que j’ai instauré pour le dodo. C’est l’histoire, une chanson et dodo. C’est vraiment notre petit rituel. Pour moi, cela a toujours été important de se faire raconter des histoires ou d’en entendre, même si je ne les invente pas. » [FAM-03] [3]« Moi, je trouve ça important [le moment du conte] pour le rituel. » [FAM-05]
11 L’intégration de cette activité commune et prévisible, soir après soir, permet de rassurer l’enfant et de lui construire un environnement sécurisant. L’histoire est attendue par l’enfant, et offre un repère sûr dans un quotidien qui ne l’est pas toujours.
? Rite de séparation
12 Dans les sociétés occidentales, l’enfant est appelé à dormir seul dès son plus jeune âge (ce qui n’est pas le cas dans toutes les sociétés). Ce simple fait culturel contribue à l’importance rituelle du moment du conte et lui donne également cette dimension affective caractéristique. Par la médiation du raconter, le rituel du dodo en entier prend toute sa force : des mots s’échangent, des émotions sont canalisées, des expériences imaginatives se mettent en marche et permettent d’ancrer les participants dans un univers commun. C’est une sortie du quotidien, mais totalement liée à la temporalité qui la définit : l’heure d’aller dormir. Génératrice d’anxiété, l’heure du coucher des enfants s’entoure de toute une préparation au sommeil qui vise à atténuer la transition en cumulant une série de tâches (se laver, se brosser les dents, faire pipi) que doit accomplir l’enfant avant de se mettre au lit. La pratique du conte s’intègre dans la suite de ces prémisses au sommeil. Elle agit même parfois comme un incitatif que les parents brandissent pour accélérer le déroulement de la routine préparatoire. Ceux-ci vont inciter l’enfant à se dépêcher s’il veut avoir une histoire ou s’il veut que celle-ci dure plus longtemps. Cette étape de la vie quotidienne des familles fait souvent naître des négociations de toutes sortes entre les parents et les enfants : les uns voulant retarder l’heure de tombée du rideau par diverses stratégies de diversion, les autres souhaitant faire respecter l’ordre préétabli de l’heure du coucher sans brusquer la séparation qu’il sous-tend.
13 C’est là qu’advient le moment du conte et que se met en marche le scénario de la pratique tel que nous l’avons établi : les enfants choisissent le conte, tout le monde s’installe, la narration démarre, puis se termine et avec la fin de l’histoire arrive le moment de la séparation. Le parent embrasse l’enfant et lui souhaite de passer une bonne nuit. Il éteint la lumière et quitte la chambre. Pour Karen Gainer Sirota [4], qui a réalisé une étude sur les routines de préparation au coucher dans 32 familles provenant de la classe moyenne de Los Angeles en Californie [5], la lecture de l’histoire avant de dormir constitue une étape fondamentale de la routine qui permet sans conteste de passer à l’étape décisive des adieux pour la nuit. Tel que nous l’a démontré notre propre terrain de recherche, à travers l’expérience sensorielle qu’il met en œuvre, le moment du conte assure une transition vers la séparation en réaffirmant, dans la proximité des corps et des esprits, le lien parent-enfant. En cela, cet instant significatif donne l’assurance nécessaire à l’enfant pour envisager et vivre la séparation. Il n’est pas anodin de voir le conte prendre place dans ce contexte particulier puisque son contenu et sa structure même visent à symboliser cette difficile articulation entre autonomie et interdépendance que doit assumer tout être humain. Les contes ont même souvent été comparés aux rites de passage [6], agissant tels des récits d’initiation où l’enfant est mis devant des personnages qui, pour devenir adultes, doivent se séparer des parents et parcourir un certain nombre d’étapes ou d’épreuves [7]. Le conte a fonction de « passeur » au même titre que le rituel.
? Rite d’endormissement
14 Une étude sur les rites d’endormissement faite par la pédopsychiatre Sophie Sauzade et l’anthropologue Daniel Bley, auprès de mères et d’enfants camerounais et français, a révélé que les enfants éprouvant des problèmes psychiatriques étaient des enfants sans rites d’endormissement. Dans les familles qu’ils ont rencontrées, la pratique du conte ne fait plus partie du rituel de l’heure du coucher et les enfants passent le plus souvent assez drastiquement des activités du repas ou du jeu au sommeil : « la nuit n’est plus ritualisée » [8]. Le conte en cela est vu comme une porte d’entrée vers le monde du rêve. Aussi, ces chercheurs ont pu constater que plusieurs enfants vont eux-mêmes recréer l’univers du moment du conte en écoutant un DVD ou une cassette de leur film de Disney préféré juste avant de dormir. L’heure de dormir devient alors moins brutale et s’inscrit comme la poursuite des aventures entreprises dans le conte à travers le rêve. L’analogie entre le conte et le rêve a d’abord été notée par Freud pour être ensuite reprise par diverses théories psychanalytiques. De plus, des études empiriques auprès des enfants sont venues confirmer les intuitions de Bruno Bettelheim [9] concernant la signification dense des contes merveilleux pour les enfants ainsi que la réflexion profonde et le calme qu’elle induit chez eux [10]. Le conte amène doucement l’enfant dans une zone d’endormissement [11] rassurante. Il se présente comme une sortie du réel accompagnée, par la voix et la présence du parent, mais aussi par la structure du texte et les figures archétypiques qu’il met en jeu.
15 Profondément ancré dans les pratiques du quotidien en famille, le rituel du dodo dont le conte fait partie représente une forme de ce que Karen Sirota appelle les « habitudes du cœur » [12]. Ce sont des petits rituels banals auxquels tous se livrent en permanence sans y penser et qui constituent le cœur de la vie familiale. La pratique du conte, orientée dans le sens que lui offre le rituel plus large de la préparation au coucher, suit son propre scénario tout en s’intégrant dans une mise en scène plus large conduisant le comportement des participants vers la consécration finale de la séparation. La ritualisation du moment du conte à travers les rites de l’endormissement permet au texte de prendre une dimension symbolique pour l’enfant et le parent qui peuvent, ensemble, concrétiser la fin de la journée.
? Rituel éducatif
16 Pour les parents, le fait de raconter un conte à l’enfant avant de le coucher est aussi conçu comme une pratique éducative. Les parents, soucieux de favoriser le bon développement de l’enfant, considèrent l’activité comme un moyen de stimuler l’apprentissage. En cela, ils différencient leur pratique de celle de la génération précédente :
« Ça arrivait quand même que nos parents nous racontent des histoires, mais ce n’était pas aussi... Ça n’embarquait pas autant dans un rituel. Maintenant, on nous dit : “C’est important, c’est un moment d’intimité, ça aide à développer le langage, ça aide à favoriser la lecture, ça va faciliter les apprentissages à l’école, etc.” » [FAM-09]
« Je transmets ce que j’ai reçu mais je sais aussi que c’est important pour développer le vocabulaire, éveiller l’esprit. Mais ce n’est pas juste pour le vocabulaire non plus. C’est pour les péripéties, la manière de structurer le récit. Ça passe des messages aussi. Des leçons de vie. Et ça développe l’imaginaire. Il y a beaucoup d’avantages. » [FAM-10]
18 Le discours des parents est en cela redevable de l’apologie contemporaine de ces micro-rituels dont les spécialistes de l’enfance et même le gouvernement du Québec [13] font l’apologie. L’appréhension du rituel du conte se base sur l’importance de la lecture mais aussi d’une routine dans l’éducation des enfants. Dans un monde où tout va si vite et où tout change constamment, les enfants ont besoin de repères stables pour se construire. Les parents sont donc encouragés à créer ou recréer des séquences d’actions qui se répètent jour après jour. La participation des enfants aux activités quotidiennes dans la maison (repas, bain, tâches domestiques) est recherchée puisqu’il a été démontré qu’elle possède une incidence critique sur la construction des relations sociales et de la signification culturelle [14]. Il est aussi généralement reconnu que la nature récurrente et prévisible de ce type d’interactions offre un espace fertile à l’enfant pour lui permettre de reconnaître et d’interpréter des situations, comportements ou émotions. Il peut y apprendre à parler et à agir en étant sensible au contexte dans lequel se déroule la communication [15]. Il peut également y exercer son influence sur la sphère sociale comme un acteur au même titre que les autres, contrairement à la situation générale que lui assigne son statut particulier [16]. Les parents québécois d’aujourd’hui, soucieux de l’importance que peuvent détenir ces interactions répétitives et sécurisantes dans le quotidien de l’enfant, vont spontanément évoquer l’importance qu’elles détiennent dans l’éducation de l’enfant.
19 Les parents se prêtent donc au jeu du conte chaque soir avant le coucher par plaisir, mais aussi par devoir. Le rituel n’est pas un automatisme. Si le moment du conte paraît s’être installé de façon tout à fait naturelle pour plusieurs, certains affirment se l’être « imposé ». Que ce soit sous la suggestion de lectures ou à travers les conseils directs d’un spécialiste, des parents décident de mettre en place un ensemble de pratiques rituelles offrant un environnement propice à stimuler la confiance et le sentiment de sécurité de l’enfant. Il est à noter que plusieurs n’ont pas connu eux-mêmes le moment du conte étant enfants, donc pour eux, il s’agit véritablement de suivre la tendance contemporaine. Dans un contexte marqué par ce que l’on décrit comme le « déclin du social » (A. Touraine), cette ritualité au quotidien semble pouvoir offrir, à la fois dans son contenu éthique et esthétique, une constance et une stabilité dite nécessaire à l’individu. Les rites familiaux se révèlent de plus indispensables à l’éducation et à la socialisation des enfants, surtout dans l’optique de leur entrée à l’école.
« Cela va créer une habitude. À la garderie, c’est ce que nous disait l’éducatrice. Ils vont manger à 11h30 et vers 12h, c’est l’heure de la sieste, donc elle s’installe et leur raconte une histoire. Et après, quand l’histoire est finie, elle ferme le livre et chaque enfant s’en va se coucher sur son tapis pour s’endormir. C’est en parallèle avec ce qui se vit à la maison. » [FAM-09]
21 En outre, en faisant appel à l’émotion, au geste et à la parole, ces rites instaurés dans la famille créent du lien. Les techniques du corps (manières de se mouvoir, de se tenir, de garder une distance ou, au contraire, de se rapprocher) ainsi que toutes les postures et les gestes adoptés [17] dans la pratique du conte soudent le lien entre les parents et les enfants. Le temps passé ensemble à se raconter ou plutôt à se lire des histoires se fonde alors moins sur l’échange d’un message que sur une performance culturelle [18]. Le moment du conte est générateur d’une interaction qui va au-delà de l’échange des mots, c’est une interaction culturellement ancrée dans le quotidien. Les familles québécoises à l’étude suivent ainsi le même schéma, avec quelques variantes certes, mais où domine tout de même une grande homogénéité dans le temps, l’espace et le scénario suivi. Ainsi, on peut dire que la séquence d’actions et de gestes qui caractérise le moment du conte est organisée et significative. Elle se joue de façon originale et unique pour chaque famille, mais demeure une pratique collectivement partagée. Plus qu’un rituel personnel instauré au bénéfice d’un ou deux individus, on voit bien que le moment du conte est une forme d’être ensemble qui s’inscrit dans la nature même des interactions quotidiennes. Chaque famille redéfinit le rituel en y participant comme elle redéfinit le récit en le racontant. En somme, la narration d’un conte avant de dormir relève d’une ritualité qui fait la démonstration du potentiel de variabilité présent au sein même de la codification des comportements de la pratique. Derrière l’instant unique qu’en fait chaque famille, l’heure du conte s’avère un cadre précieux qui donne sens à l’instant fatidique qui va suivre : la séparation nécessaire au sommeil.
Ritualisation par le livre
22 Le livre est, dans la pratique du conte en famille, un objet qui contribue à la ritualisation du processus. La structure offerte par le livre permet, non seulement de tracer une frontière entre la réalité et la fiction, mais aussi de délimiter la durée en posant matériellement un début et une fin à la narration. Ainsi, si le livre devient un élément de la pratique quasi-indispensable pour les familles québécoises, le texte ne l’est pas pour autant, les images et la parole peuvent suffire à faire le moment « conte ».
23 L’usage du livre dans la pratique du conte en famille, largement répandu de nos jours, apporte une ritualisation encore plus forte puisqu’il matérialise les frontières du récit. En s’ouvrant et en se refermant, le livre vient mettre un terme à l’histoire comme au rite. Il affirme de plus la permanence des choses puisque, l’objet demeurant, l’expérience est renouvelable. Ainsi, le livre, matériau brut de la narration, élément phare de la pratique, est sans conteste un objet dont les parents usent de différentes façons pour ancrer le moment du conte au quotidien comme rite familial significatif.
24 Jean Perrot dit que « selon la tradition, le livre de Dieu disposait de l’ordre des choses ; réciproquement, le livre de l’homme, par la grille qu’il projette sur l’univers, est l’ordonnateur de la raison pratique » [19]. Le livre et le rite sont depuis longtemps associés l’un à l’autre : nous n’avons qu’à penser au caractère solennel que détient encore aujourd’hui, dans certains pays, la Bible, par exemple, dans le cadre judiciaire du serment. Dans la pratique du conte en famille, il se présente comme la pierre angulaire du rituel mis en place par les parents. Plusieurs parents fondent même l’existence de cette pratique sur le livre et l’importance de la lecture. C’est donc dire que cet objet (particulier s’il en est un, mais objet tout de même) constitue plus qu’un guide dans l’expérience rituelle. Il engendre, en quelque sorte, cette expérience : « Entre les objets et nous se créent des liens, comme si la possibilité dont nous disposons, grâce à eux, de nous situer dans l’espace, et par là même, de parvenir à une connaissance de nous-mêmes, se traduisait par une reconnaissance (au sens affectif) à leur égard des repères qu’ils nous offrent et que nous appréhendons avec nos sens. C’est ce qui nous permet de nous investir dans ces objets, de les charger de sens de telle sorte qu’ils nous renvoient quelque chose de nous-mêmes, nous donnant ainsi la possibilité d’apprivoiser notre environnement. Les rituels sont des façons d’affirmer et de rappeler ces investissements. » [20]
25 Pour les parents, le livre représente un repère dans l’espace et dans le temps. L’observation des familles a su démontrer que, non seulement les membres de la famille participant au rituel du conte se placent par rapport à lui, mais que le rituel se déroule en adéquation avec l’objet-livre tel qu’il est constitué. Ainsi, la longueur de l’histoire prescrit la durée du moment du conte [21]. La forme et la dimension du livre, elles, maximisent la proximité et minimisent la mobilité physique des corps des participants [22]. La pratique du conte sert, en ce sens, à le mettre en valeur et à faire la démonstration à l’enfant de son usage et du plaisir qu’il recèle. L’oralisation du livre dans le cadre de la pratique du conte en famille ne consacre ni plus ni moins que la « sacralisation » de celui-ci. Mis à l’avant-scène par les parents, il s’impose non seulement comme un moyen, mais bien comme une fin : le livre pour le livre.
26 Un autre fait que nous avons remarqué est que la pratique du conte dans les familles s’opère principalement par le concours du livre, mais pas n’importe lequel : le livre « pour enfants ». La place dévolue à ce livre spécifiquement dédié à l’enfance démontre la spécificité de son public, de sa fonction ainsi que des usages qui en sont faits. Les parents ne vont pas puiser les contes dans les éditions originales ou dans les livres généraux, mais bien dans les livres s’adressant aux enfants. Il suffit d’entrer dans une librairie ou une bibliothèque pour constater l’importance qu’on accorde aujourd’hui à cette catégorie de livres : une importante exposition en est faite et une vaste superficie du plancher y est consacrée. Apparue comme genre littéraire reconnu et secteur éditorial au cours du XVIIIe siècle, la littérature pour enfants (devenue aujourd’hui « littérature jeunesse ») s’est véritablement distinguée avec la reconnaissance du statut particulier de l’enfant. Conçu et édité par des adultes, le livre pour enfant a longtemps eu pour objectif d’enseigner la bonne façon de se comporter ou de transmettre une morale. Or, de nos jours, il se conçoit comme un objet favorisant certes l’épanouissement de l’enfant mais en s’adaptant à une sensibilité qui lui est propre. Il est pensé en fonction des destinataires des récits qu’il contient, de sa fonction, mais aussi des usages de la pratique de la lecture en famille.
27 De plus, le livre pour enfants a une présence matérielle forte (importance des images, dimensions variées, dynamisme des couleurs, etc.). Aussi fait-il l’objet d’un investissement physique et sensoriel différent du livre pour adultes. Dans le livre pour enfant, le texte et l’image sont indissociables. Ils conditionnent ensemble la lecture et l’interprétation du récit. Dans certains cas, l’album pour enfants renverse même la primauté de l’écrit sur l’image en utilisant celui-ci à titre de commentaire ou de prolongement des illustrations. Certains vont même jusqu’à délaisser complètement le texte et donner la parole aux images. Parents et enfants deviennent alors maîtres du récit, créant oralement leur propre version de l’histoire à partir des images et de leur imaginaire. La liberté offerte par l’image permet au parent qui raconte de s’écarter de la lecture proprement dite et d’entrer dans toutes les potentialités narratives du récit proposé. Les illustrations permettent aussi à l’enfant de prendre part à l’histoire de manière plus active. Il peut y déceler des détails qui s’ajoutent à l’histoire et qui ne se retrouvent pas dans le texte. Il peut identifier les personnages, les lieux, les actions mis en scène dans le récit et les faire revivre.
28 Selon les observations de la pratique du conte faites dans les familles, la majorité des interactions entre les enfants et les parents se situent autour de l’image. Certains pères ou mères vont même, de temps à autre, se servir exclusivement de l’image et improviser une histoire pour le simple plaisir de décoder ensemble les émotions et les événements vécus par les personnages. Les images agissent comme des alternatives interprétatives au texte élargissant sa portée symbolique. Les techniques contemporaines ont permis de décloisonner le monde de l’illustration enfantine. Infographie, technique mixte, photogravure, modélisation en trois dimensions dans ce qu’on appelle les livres « pop-up » viennent redéfinir l’esthétique du livre pour enfant. Aujourd’hui, les ressources exploitées par l’édition pour rejoindre l’enfant et la famille sont infinies : livres-jeu, livres animés, livres à sentir, à toucher, à croquer, livres en carton, en papier glacé, en plastique, en caoutchouc, en peluche, etc. Les tablettes des bibliothèques et des librairies sont envahies par une foule d’objets-livres qui se prêtent littéralement à tout, sauf à l’ordre strict des rayons.
29 Par conséquent, les contes merveilleux classiques se présentent eux aussi sous toutes les formes. Plusieurs regroupements sous diverses appellations (contes de Grimm, contes africains, contes d’animaux, premiers contes, etc.) apparaissent pour les catégoriser, mais, on peut dire que le conte, en général, a maintenu sa popularité comme récit adressé aux enfants et a évolué de concert avec le reste de la littérature consacrée à l’enfance. Il est très rare, par exemple, aujourd’hui, de voir de volumineux recueils de contes, contenant peu d’images comme ceux du XVIe siècle, être destinés aux enfants. Plusieurs contes, surtout les classiques littéraires, se sont affranchis des recueils pour vivre une existence indépendante à travers l’album jeunesse qui permet d’exploiter le dialogue entre le texte et l’image et de faire ressortir les nombreuses résonnances symboliques de ces histoires populaires. En somme, le recours au livre s’inscrit en continuité avec la pratique traditionnelle du conte en famille tout en étant porteur des particularités propres à la vie des familles contemporaines.
30 Le livre pour enfants donne forme à l’acte de raconter en famille où il devient le médiateur de la relation de communication. Les participants au rite n’observent plus directement le conteur, mais regardent ensemble dans la direction du livre. Ils s’y projettent les uns les autres tout en gardant la distance des spectateurs. Le livre se fait écran pour leur renvoyer une image du monde, une expérience, un savoir que chacun est invité à commenter ou à interroger. Le livre, et ses images surtout, est un espace pour explorer le monde abstrait de l’émotion. L’immobilité et la proximité avec lesquelles les images sont considérées permettent à chacun d’entrer dans l’histoire et de décrypter les actions autant que les expressions. Les personnages, leurs visages, postures, gestes, mimiques sont l’objet d’interventions récurrentes de la part des parents et des enfants qui cherchent à comprendre derrière ces manifestations ce qui est à l’œuvre dans l’histoire.
31 Les images du livre accolées au récit qu’on en fait pour l’enfant ont une fonction agrégative, elles le mettent en lien avec l’autre. Prises dans le rite, les images servent le déploiement et le partage d’un monde imaginal [23] commun, encore inaccessible par les mots seuls. Par l’interaction qu’elle stimule entre le parent et l’enfant, l’image devient reliante. La fréquence et l’intensité des échanges qui surviennent autour de l’image entre les participants confirment son importance autant pour les parents que pour les enfants. Étant inexorablement liées au monde dans lequel nous évoluons, les images fondent notre rapport à celui-ci. Il semble donc que les illustrations du livre soient une partie intégrante du rituel éducatif en ce qu’elles permettent d’élever le regard autant que l’esprit. Un regard qui quittera par la suite le livre pour se porter vers d’autres médias avec cette acuité nouvellement acquise. Plus qu’agrément ou que fioriture, l’image dans les livres que l’on raconte aux enfants fait de l’objet-livre un élément indispensable du rituel du conte puisqu’il favorise une approche sensible du monde, à laquelle les parents adhèrent fortement.
32 Le caractère indispensable du livre dans la pratique du conte en famille, aujourd’hui, n’est pas seulement redevable au fait qu’il soit devenu un palliatif à la mémoire, mais aussi au fait qu’il offre en lui-même une expérience accessible à tous. Dispositif réflexif, plastique et spatial, le livre donne une dimension toute particulière à l’acte de raconter. Participant d’une manière nouvelle à la « tradition du conte », la pratique contemporaine du conte en famille, telle qu’elle se présente dans les familles québécoises, est une expérience affective et sensorielle qui dépasse le cadre de la lecture. La lecture est bien au cœur de celle-ci, mais agit en constante interdépendance avec la mémoire et l’oralité. Elle devient par là une pratique de lecture qui s’exerce à l’intérieur d’une interaction entre un lecteur et un auditeur engagé dans une relation. Dans cette optique, la lecture faite par les parents se rapproche plus d’un fait de communication. Ce que nous avons observé sur le terrain, c’est du littéraire oralisé, interprété et communiqué. L’oralisation de la lecture du conte à l’enfant transporte la signification de la compréhension du texte vers l’acte de l’exprimer, qui devient à la fois production et interprétation. Ce point de vue nous met au cœur d’une praxis du lire qui démontre bien l’importance de considérer sa définition rituelle.
33 Les livres utilisés dans les familles sont des livres pour enfants choisis précisément pour cette forme qui se prête particulièrement bien à l’interaction et à l’amalgame de l’oralité, du texte et des images. La lecture est donc au cœur de la pratique du conte, mais comme elle agit toujours en interdépendance avec la situation de communication orale, elle dépasse largement le cadre d’une lecture stricto sensu. Ce que l’on observe, en fait, c’est du « littéraire oralisé ». Les parents conteurs suivent la trame du récit du livre, mais s’écartent parfois du texte. Une lecture littéraire extirpe les mots de l’emprise de la communication, alors que celle dont on parle vise, au contraire, un partage immédiat et sensible entre les êtres en présence. En cela, il existe bel et bien une raison de revendiquer que le conte, de par la pratique qu’en font les familles, n’a pas perdu le dynamisme de la tradition orale par l’introduction du livre, de l’animation ou d’autres médias de transmission puisqu’il demeure malgré tout ancré au cœur d’une interaction vivante et créative.
Conclusion
34 Ainsi, le livre est un gardien de la mémoire des contes, mais surtout un objet rituel qui permet aux parents d’offrir à l’enfant un accès direct et dynamique à une culture symbolique et à un imaginaire vaste et diversifié qu’il découvre ou redécouvre en même temps que lui. Mis en mouvement par la parole, le conte prend le livre comme cadre, mais s’anime dans le corps du parent et met en mouvement son langage et ses figures. Moins en accord avec des croyances ou des traditions entendues comme une adhésion flottante, souple ou habituelle à un style de vie, à une sous-culture ou à un ensemble de valeurs et de comportements, ce moment de la vie contemporaine des familles s’inscrit avant tout dans une participation active à l’institution de la famille.
35 Le modèle à géométrie variable qu’elle représente aujourd’hui se fonde sur l’amour et l’intimité entre ses membres. Aussi, le comportement rituel dans les familles québécoises rencontrées reflète une manière d’être ensemble, une forme de communication qui crée un « esprit de famille ». Les individus engagés dans l’action reconnaissent un schéma propre à établir un sentiment d’unité, de confiance et de sécurité. Par conséquent, il n’est pas essentiel de raconter les histoires héritées ou transmises par les générations précédentes puisque c’est le sentiment ou l’émotion qu’offre le moment du conte qui lui donne sa valeur et son intensité. L’importance de raconter une histoire chaque soir se situe non pas dans le contenu spécifique à transmettre, mais bien dans l’agir rituel par lequel il est transmis. La ritualisation du moment du conte consiste alors à l’intégration d’un discours [24] social plus large portant sur le rôle de la famille et l’éducation des enfants.
Notes
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[1]
David LE BRETON, L’interactionnisme symbolique, Paris, PUF, 2004, p. 6.
-
[2]
La durée varie selon l’âge des enfants et selon la période (vacances, année scolaire, etc.).
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[3]
Afin d’assurer la confidentialité des participants, chaque famille a reçu un numéro et tous les entretiens ont été « anonymisés ».
-
[4]
Karen G. SIROTA, « Habits of the Heart : Children’s Bedtime Routines as Relational Work », Text & Talk, vol. 26, nos 4-5, 2006, pp. 493-514.
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[5]
Les données proviennent de l’analyse d’un corpus de vidéos tournées de façon naturelle (appareil caméra seul) pendant une semaine, les caméras se mettant en marche le matin, la fin d’après-midi et le soir durant trois jours, soit deux jours en semaine et le dimanche. Les interactions de la préparation au coucher ont donc pu être observées trois soirs dans chaque famille.
-
[6]
Catherine PICARD, « Contes et thérapie », Dialogue, vol. 2, n° 156, 2002, pp. 15-22. En ligne
-
[7]
Dans la perspective des parents québécois, la séparation est un élément fondamental dans le parcours éducatif des enfants, au cœur de son apprentissage de l’autonomie et de sa construction identitaire.
-
[8]
Sophie SAUZADE, Daniel BLEY, « Le sommeil chez les enfants, approche ethno-psychologique (France-Cameroun) », Psy Cause : Le sommeil et le rêve, n° 38, 2003, pp. 17-21.
-
[9]
Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, Paris, Robert Laffont, 1976.
-
[10]
William C. CRAIN, Esterina D’ALESSIO, Brenda MCINTYRE, Leslee SMOKE « The Impact of Hearing a Fairy Tale on Children’s Behavior », Journal of Genetic Psychology, vol. 143, n° 1, 1983, pp. 9-17 ; Pierre LAFFORGUE, Petit Poucet deviendra grand. Le travail du conte, Bordeaux, Mollat, 1995.
-
[11]
Pierre FÉDIDA, « Le conte et la zone d’endormissement », Psychanalyse à l’Université, vol. 1, 1975, p. 1.
-
[12]
Traduction libre de « habits of the heart ».
-
[13]
Institut national de santé publique du Québec, Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans, 2011.
-
[14]
Charles M. SUPER, Sara HARKNESS, « Culture and parenting », in M. H. BORNSTEIN (dir.), Handbook of Parenting, New Jersey, Erlbaum, 2001, pp. 253-280.
-
[15]
Elinor OCHS, « Introduction », in Bambi B. SCHIEFFELIN, Elinor OCHS (dir.), Language Socialization Across Cultures, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 1-13.
-
[16]
William A. CORSARO, The Sociology of Childhood, Thousand Oaks, CA, Pine Forge Press, 1997.
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[17]
Une analyse des postures et gestes accomplis pendant la pratique a révélé l’implication du corps dans la signification rituelle du conte en famille. Chaque observation a par ailleurs fait l’objet d’un descriptif détaillé quant au mouvement, à la proximité et aux mimiques accompagnant la narration.
-
[18]
Yves WINKIN, « La notion de rituel chez Goffman. De la cérémonie à la séquence », Hermès, n° 43, 2005, pp. 69-76.
-
[19]
Jean PERROT, Du jeu, des enfants et des livres, Paris, Cercle de la Librairie, 1987, p. 94.
-
[20]
Yvonne JOHANNOT, « Qu’en est-il des rituels autour du livre ? », in Monique SEGRÉ (dir.), Mythes, rites, symboles dans la société contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 240.
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[21]
Le choix du conte est fait en fonction de l’épaisseur du livre ou de la longueur du texte. Les histoires courtes sont privilégiées par les parents.
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[22]
L’une des familles nous a offert l’occasion d’observer l’effet rassembleur du livre en inventant une histoire dans un premier temps, et en lisant l’autre par la suite. Lors de la première histoire, la mère se tient sur l’un des lits (celui de la plus jeune) et sa fille est sur l’autre (le sien). Elles se tiennent donc à bonne distance l’une de l’autre et se font face. Quand elles prennent le livre pour le conte suivant, la fillette s’assoit sur sa mère et elle reste collée l’une à l’autre tout au long du récit. La différence évidente entre les deux narrations sur le plan corporel montre à quel point, dans ce cas, le livre joue un rôle fondamental.
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[23]
Gilbert DURAND, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1969.
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[24]
Le discours est entendu tel que Michel Foucault le définit : « Il est tout autant dans ce qu’on ne dit pas, ou qui marque par des gestes, des attitudes, des manières d’être, des schémas de comportement, des aménagements spatiaux. Le discours, c’est l’ensemble des significations contraintes et contraignantes qui passent à travers les rapports sociaux. » Michel FOUCAULT, Dits et écrits : 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 123.