1 La naissance est aujourd’hui en France un moment bien particulier, qui constitue pour beaucoup de jeunes parents l’une des dernières étapes du processus d’entrée dans l’âge adulte. C’est particulièrement le cas en Picardie, région où la crise économique revêt un caractère très accentué, où les raisons d’avoir confiance en l’avenir semblent ténues pour les jeunes, mais où la fécondité se maintient à un niveau élevé. Ce moment n’est pas uniquement vécu dans la sphère privée, mais il est également encadré de façon intensive par l’institution médicale puisque la quasi-totalité des grossesses sont aujourd’hui suivies dès les premiers mois par des professionnels de la naissance qui, alors, non seulement exercent sur les futures mères une action purement technique, mais endossent aussi un rôle prescripteur [1]. La forme que revêt cet accompagnement, sa régularité tout au long de la grossesse puis du séjour en maternité lors de l’accouchement, tendent à s’apparenter à un rituel remplaçant, peut-être, les rites traditionnels aujourd’hui en perte de vitesse [2]. Dans les sociétés traditionnelles, la naissance pouvait se lire, selon Arnold van Gennep [3], comme un rite de passage assurant la fonction sociale de la transformation de la mère d’enfant en adulte. Qu’en est-il aujourd’hui ? La procréation assure-t-elle encore cette transition ou entre-t-elle en concurrence avec d’autres modèles d’accession à l’âge adulte ?
2 À travers l’étude des trajectoires familiales, amicales, scolaires, politiques et professionnelles de mères ou futures mères, rencontrées dans le cadre d’un projet de recherche portant sur les conditions sociales et politiques de la naissance en Picardie [4], on cherchera à comprendre comment l’entrée dans le statut de parents peut connaître des variations qui retentissent sur l’efficience de la notion de rite de passage appliquée à la naissance. On tentera ensuite d’analyser la manière dont les jeunes femmes sont soumises à l’imposition d’une norme éducative, dès la déclaration de la grossesse et plus particulièrement lors de leur séjour à la maternité, en mettant en évidence la fonction sociale de cet encadrement. Le rituel de l’apprentissage des soins aux bébés sera particulièrement analysé, les auxiliaires de puériculture transmettant des manières de faire en mobilisant une pédagogie particulière qui allie discours normatif, démonstrations et mises en situation, mais aussi manières d’être. L’attitude des parents, leurs capacités à interroger les auxiliaires, à les imiter ainsi que leur propension à s’en remettre à elles, donc à se plier aux rituels, donnent lieu à des jugements sur leurs compétences éducatives et à une validation – ou non – de leur capacité à endosser le rôle de parents. En ce sens, nous nous interrogerons sur la possibilité d’utiliser la notion de rite d’institution élaborée par Pierre Bourdieu.
3 Ainsi, pour comprendre l’efficacité de cette action institutionnelle, qui s’exerce à travers la prescription de pratiques qui contribuent à circonscrire des manières d’être parents, nous essayerons de replacer la maternité parmi toutes les institutions qui, remplissant une fonction similaire, peuvent être porteuses de définitions concurrentes, à commencer par la famille. La variabilité des processus d’entrée dans le statut de parent renvoie en effet peut-être aux façons de trouver sa place dans l’espace social des façons d’être parents, dans les déclinaisons des pratiques par lesquelles elles prennent corps, selon les propriétés sociales (origine sociale, trajectoire) des agents qui organisent dans ce cadre le passage de la « jeune fille » à la « jeune mère ».
4 Nous nous appuierons ici sur deux enquêtes réalisées dans deux maternités de Picardie, l’une de niveau 1 située à Amiens, l’autre de niveau 3 se trouvant dans une ville de moyenne importance de l’Aisne. Cette étude comporte deux volets. Le premier regroupe des observations du travail quotidien des personnels assurant le suivi post-natal, notamment celui des sages-femmes et des auxiliaires de puériculture. Le second est constitué d’une cinquantaine d’entretiens semi-directifs réalisés à la maternité auprès de femmes (et plus rarement d’hommes) venant d’avoir un enfant.
Devenir parent, des trajectoires sociales et genrées différenciées
5 Aujourd’hui en France, la naissance du premier enfant constitue, selon de nombreux travaux l’un des indicateurs les plus pertinents de la fin de la période de jeunesse [5]. De manière classique, le modèle d’entrée en parentalité impliquait une simultanéité de l’achèvement des études, de l’obtention d’un emploi stable, de la mise en couple et finalement de la procréation. Mais l’allongement de la durée d’études, les trajectoires plus heurtées de décohabitation [6] et l’évolution des stratégies de mise en couple [7] ont entraîné une désynchronisation des variables professionnelles (passage du système scolaire à l’emploi stable) et familiales (passage de la famille d’origine à la famille de procréation [8]). Ces phénomènes conduisent à distendre cette période de transition entre l’enfance et la vie adulte. Le sentiment d’être adulte intervient d’ailleurs plus tardivement dans les trajectoires, particulièrement en ce qui concerne les jeunes de milieux privilégiés qui disent ne se sentir vraiment adultes, et bien souvent le regretter, que très tardivement [9]. En conséquence, la décision d’avoir un premier enfant intervient en moyenne plus tardivement dans les trajectoires, lorsque les situations professionnelles et familiales sont en voie de stabilisation (c’est-à-dire s’approchent de celles que l’on rencontre, de façon idéale typique, à l’âge « adulte »), d’où un recul de l’âge au premier enfant (27,6 ans en 2000, il est de 28,3 ans en 2008) [10].
6 Néanmoins, si ce nouveau modèle d’entrée dans la vie adulte est devenu dominant dans la société française, il n’en demeure pas moins que des différences sont observables en fonction des trajectoires sociales, mais aussi en fonction du sexe. Si la majorité des couples de moins de trente ans de « milieu populaire » que nous avons rencontrés se caractérisent par la divergence de leurs comportements lors de l’entrée dans la vie adulte avec ceux de la génération précédente, s’ils semblent être eux aussi gagnés par la tendance à l’allongement de la période de la jeunesse, parce qu’ils ont bénéficié de la vague de démocratisation de l’enseignement secondaire français des années 1980, leur mode de mise en couple diffère de celui observé chez les jeunes d’une classe sociale « plus élevée ». En effet, la rencontre du partenaire, fidèle en cela au modèle populaire traditionnel, intervient souvent relativement tôt dans la vie, lors de l’adolescence, soit parce que les deux protagonistes fréquentent le même établissement scolaire, soit parce qu’ils ont été présentés par des amis communs. Les modalités de rencontre de ces couples se rapprochent donc de celles observées depuis longtemps par les sociologues français de la famille avec une prédominance des lieux publics sur les lieux privés [11]. Cette mise en couple précoce ne débouche sur une cohabitation que quelques années plus tard (en moyenne deux ans pour notre échantillon), lorsque l’un des deux membres du couple, le plus souvent l’homme, commence à travailler. Le mariage n’est plus considéré comme un rite préalable, mais plutôt comme un moyen a posteriori de valider une famille déjà constituée.
7 La condition primordiale de la procréation, c’est alors l’insertion durable dans l’emploi. Cette aspiration est de l’ordre de l’évidence : dans la quasi-totalité des couples rencontrés, l’un au moins des deux parents a terminé ses études et a obtenu un CDI à la naissance du premier enfant. Le projet d’avoir un enfant ne se fait jour que lorsque ces conditions sont réunies [12].
8 Cependant, parallèlement à ce modèle dominant, nous avons pu mettre en évidence la persistance d’un modèle populaire alternatif d’entrée dans l’âge adulte, dans lequel les étapes de transition sont très rapprochées [13]. Il concerne essentiellement des jeunes femmes possédant peu de « capital scolaire », dont la première grossesse intervient alors qu’elles n’ont pas achevé leurs études ou que leur insertion sur le marché professionnel reste précaire ou intermittente. Si elles ont pu former un couple stable, rarement dans le cadre d’un mariage, elles se replient alors sur leur rôle de mère de famille, abandonnant toute velléité de poursuite d’études ou d’insertion professionnelle, confortées en cela par le dispositif d’APE quand elles peuvent en bénéficier (congé parental) [14]. Sinon, elles deviennent des mères célibataires et sont, dans le cas où les relations qu’elles entretiennent avec leur famille sont difficiles, placées dans des foyers d’accueil spécialisés qui vont tenter pendant les trois premières années de l’enfant, de les amener à « l’autonomie », c’est-à-dire à une insertion professionnelle [15]. Dans cette modalité particulière de passage à l’âge adulte dans laquelle les phases de transition sont raccourcies et qui diverge grandement du modèle dominant dans la société française, le moment de la naissance est vécu comme une transition essentielle. En effet, il s’apparente à un rite de passage, distinguant radicalement le statut antérieur (celui d’enfant et de fille) du statut nouvellement acquis (adulte et mère) [16], comme le souligne une des jeunes mères rencontrées : « Depuis que j’ai eu K. (prénom de l’enfant), je me suis sentie une autre personne [...]. Maintenant, c’est Madame et pas Mademoiselle, enfin d’après la loi. » (16 ans, sans diplôme, célibataire).
9 La notion de rite de passage permet en effet de caractériser une certaine catégorie de rites, tant anciens que modernes, « qui accompagnent chaque changement de lieu, d’état, de position sociale et d’âge » [17]. La caractéristique principale de ces actes religieux ou magiques est d’être exécutée selon un certain ordre, leur enchaînement important autant que leur contenu. Une succession de trois étapes doit pouvoir être observée : la première étape est celle de séparation de l’état antérieur et de préparation à l’état ultérieur (étape préliminaire), la seconde étape est une étape de mise en marge (étape liminaire) et la troisième une étape de réintégration à la société (étape post-liminaire). Si ces trois étapes sont bien franchies, l’individu considéré est reconnu comme possédant un nouveau statut social. Or, dans le cas de la naissance, on peut observer que les futures mères sont soumises à un certain nombre d’interdits (en particulier alimentaires, mais aussi par rapport à leur consommation de tabac ou d’alcool) répétés lors des visites médicales obligatoires et largement repris par les magazines spécialisés, qu’elles sont incitées à modifier leur comportement dans l’intérêt de l’enfant à venir et que leur sont proposés des cours de préparation à la naissance dont le but est de les préparer à l’épreuve qu’elles vont subir (l’accouchement) [18]. De même, le moment de l’accouchement proprement dit et du séjour à la maternité peut, à première vue, être considéré comme un moment de mise en marge, de réclusion, puisque l’accès à la parturiente reste contrôlé et limité.
10 Néanmoins, le moment de la sortie de la maternité qui devrait, selon le schéma de van Gennep voir se dérouler des rituels d’agrégation, afin de permettre le retour à la vie normale, ne donne souvent pas lieu à une cérémonie particulière. De plus, la majorité des femmes interrogées, à l’exception de certaines mères adolescentes, ne semble pas considérer que cette première naissance leur ait permis d’accéder à un nouveau statut social, mais qu’en revanche, elle a été l’aboutissement d’un processus de longue durée de transition vers ce nouveau statut d’adulte.
11 L’importance très diverse de l’accession au statut de parent en fonction des trajectoires scolaires, professionnelles et familiales antérieures nous amène donc à relativiser la pertinence de cette notion de rite de passage. L’enquête menée par observations et par entretiens dans deux maternités de Picardie nous a alors conduits à nous pencher sur la notion alternative de rite d’institution [19].
Un accompagnement ritualisé des mères au sein de l’institution hospitalière
12 L’hôpital, en tant qu’institution, joue un rôle éducateur. Il s’agit ici de transmettre des manières légitimes d’être mère dans un temps relativement restreint, cinq jours en moyenne dans les maternités observées [20]. Comme l’avait montré dans un autre cadre institutionnel, celui de l’armée, Louis Pinto, le moyen le plus efficace pour mener à bien ce travail d’inculcation non seulement de savoir-faire, mais aussi de savoir-être, est d’utiliser des rituels, immuables et codifiés [21]. Bernadette Tillard, lors de son enquête auprès de femmes de milieux populaires rencontrées dans une maternité du nord de la France, observe elle aussi que les pratiques actuelles autour de la naissance constituent un ensemble d’activités ritualisées [22].
13 Toutefois, si l’on considère l’accompagnement médical et paramédical de la grossesse, l’accouchement et la naissance comme un processus rituel ou ritualisé d’accès au statut de mère, force est de constater qu’il s’exerce de manière fort différente selon les propriétés des femmes auxquelles il s’applique. En revendiquant un traitement uniforme des femmes qui deviennent mères à l’occasion de leur séjour à la maternité, l’hôpital contribue à faire reconnaître l’efficacité symbolique de son action en se présentant comme institution garantissant la possession des attributs juridiques, relationnels et techniques, nécessaires à l’occupation du statut de mère. Mais dans le même temps, comme la maternité confère une dimension sociale et symbolique (devenir parent), alors qu’elle découle avant tout d’une dimension biologique (la naissance), elle engendre un traitement des femmes différencié selon des écarts (réels ou supposés) que celles-ci présentent par rapport aux attentes associées au statut de mère. L’efficacité symbolique du rite repose ainsi sur l’institutionnalisation d’un fait qui, construit comme biologique, permet d’obturer à la fois les conditions sociales dans lesquelles il a été produit et les variations de l’action des professionnels qui en résultent.
14 Car ce sont bien les fortes variations du traitement dont les femmes font l’objet qui frappent l’observateur, que ce soit dans les pratiques ou dans les discours des différentes catégories de personnel. En s’appuyant sur nos observations, il semble que, par exemple, le confort accordé dans l’utilisation des moyens matériels de la maternité soit moindre pour les femmes issues de milieu modeste. L’accès aux chambres individuelles (environ un tiers des lits disponibles) paraît ainsi facilité pour les femmes occupant des positions moyennes ou supérieures dans la hiérarchie sociale, et ce, malgré la règle explicite selon laquelle les lits seraient attribués selon l’ordre d’arrivée dans le service. De même, la plus ou moins grande tolérance face au non-respect de certains points du règlement intérieur paraît fonctionner selon cette même logique, comme ce peut être le cas des petites infractions aux heures de début ou de fin des visites.
15 Mais c’est surtout à propos des façons de s’occuper d’un nouveau-né que s’observent le plus clairement les décalages par rapport au traitement indifférencié que prétend effectuer l’institution [23]. Les auxiliaires de puériculture sont ainsi chargées d’encadrer les opérations de change, de nourrissage et, plus largement, toutes les actions parentales sur le nourrisson. C’est le bain qui, à titre d’exemple, retiendra ici notre attention : l’apprentissage de la façon dont on lave un nouveau-né constitue en effet une des tâches les plus complexes que les nouveaux parents doivent s’approprier. Cette complexité réside dans le fait que le bain regroupe une succession de séquences qui supposent, pour chacune, la maîtrise de gestes, de techniques, mais aussi de façons d’interagir avec le nouveau-né.
16 Les difficultés liées à cette phase se voient redoublées par l’attention particulière qu’y porte l’institution. Le bain, donné tous les jours, est l’objet d’un apprentissage explicite. Dans le cadre d’un séjour ordinaire de cinq jours, le nouveau-né va prendre trois à quatre bains : le premier, deux jours après la naissance, est réalisé, dans la majorité des cas, par l’auxiliaire de puériculture ; le second est effectué par la mère assistée, de façon étroite, par la professionnelle qui, les jours suivants s’effacera plus ou moins selon les acquisitions de la mère.
17 Le dispositif d’apprentissage du bain (et on pourrait en dire autant des autres tâches prises en charge par les auxiliaires de puériculture) consiste donc en une mise en situation progressive des parents. Par-là, l’institution tend à transmettre uniformément un dispositif technique qu’elle a défini en visant à garantir la bonne santé quotidienne du nourrisson, mais aussi à vérifier moins la maîtrise effective de ces techniques par les parents que leur capacité pratique à les acquérir et à les mettre en œuvre, c’est-à-dire à se conformer aux manières légitimes de donner le bain, constitutives, avec d’autres, du rôle de mère. La maîtrise de l’utilisation du matériel, des procédures de savonnage, d’immersion, de rinçage, de séchage, d’habillage, de nettoyage des yeux, des oreilles, du nez, du cordon ombilical et de toutes celles qui assurent la continuité de la séquence, manières de prendre ou de contraindre le corps du nouveau-né tout en gérant, dans le même temps, le matériel nécessaire (serviettes sèches et humides, positionnement des produits, organisation du propre et du sale) permettent aux auxiliaires de puériculture d’évaluer la possession de savoirs pratiques ad hoc.
18 Si la répétition quotidienne de la séquence rend possible l’appropriation de sa dimension technique, l’utilisation d’un discours d’accompagnement permet d’en souligner les principes. S’il s’agit bien d’imiter l’auxiliaire, de reproduire ses gestes et attitudes, c’est aussi la maîtrise par les mères des logiques qui les organisent que cherchent à repérer les professionnelles. Or, si l’on n’a constaté que des variations marginales dans les pratiques des auxiliaires de puériculture (et qui renvoient sans doute à des différences entre générations), les discours qui, pourrait-on dire, accompagnent le rituel, sont quant à eux très différents, y compris chez une même professionnelle. Ainsi, alors que le dispositif technique, tel que défini par l’institution, demeure relativement stable, il fait l’objet de justifications contrastées, voire opposées, qui varient en fonction de l’idée que les professionnelles se font de leur interlocutrice. Sans complètement en rendre raison, les auxiliaires le signalent d’ailleurs lorsqu’elles disent « s’adapter en fonction de la dame », « tenir compte de ses capacités ».
19 D’une mère à l’autre – ce qui, dans la quotidienneté du travail dans le service, peut signifier d’une chambre à l’autre, d’un instant à l’autre – les discours qui accompagnent le moment du bain vont ainsi d’une explicitation prolixe et techniciste à une quasi-absence de commentaires en passant par une sorte de relativisation du dispositif au profit du « bien-être ».
20 Ce sont les mères les plus modestes qui font l’objet des prescriptions les plus explicites. Ces femmes, que les professionnelles, entre elles, peuvent nommer les « jeunettes », les « cas soc’ » (« cas sociaux »), les « dames d’origine immigrée », font l’objet de « conseils » explicites, de remarques normatives, qui accompagnent la réalisation des différentes étapes du bain. Pour elles, plus que pour toutes les autres, le rite d’institution dans le statut de mère prend la forme d’une prescription et d’un contrôle de ses capacités à y accéder. Les auxiliaires de puériculture insistent donc fortement sur la maîtrise technique de la procédure. Pour ce faire, elles ont le plus souvent recours à de supposées évidences : « il faut que l’eau soit à 37° parce que c’est la température du corps », « retirez la serviette pour habiller bébé, sinon ses vêtements vont être humides », « vous devez bien nettoyer le cordon à chaque change, autrement, ça risque de s’infecter »). La plupart des gestes sont ainsi commentés, y compris ceux qui relèvent des interactions entre la mère et son enfant : elles indiquent ainsi par exemple, lorsque le bébé est immergé, qu’il s’agit d’un bon moment pour lui parler « parce que ça le rassure », « parce que c’est important ». Empruntant parfois la forme scolaire, le discours d’accompagnement peut se muer en interrogations dont on ne sait si elles ont pour but de souligner par la violence qu’elles recèlent l’importance de la phase ou le déficit de maîtrise (supposé) des mères : « Alors, est-ce que vous savez ce que c’est le lait qu’il y a dans les biberons ? », « comment, à votre avis, on peut faire pour bien nettoyer le nez de bébé ? »
21 À l’opposé, toutes ces formes de discours tendent à se réduire lorsque leur interlocutrice présente les signes d’une appartenance aux catégories les plus socialement élevées qui les placent dans une position dominée dans l’interaction. Leur attitude consiste alors à faire la démonstration des pratiques et, le cas échéant, à répondre aux questions. Les jugements officieux qui circulent alors à propos de ces mères qui semblent dénier à l’institution (ou tout du moins, à ces professionnelles) sa légitimité à les instituer, trahissent la dimension sociale qui sous-tend cette relation : entre les membres du personnel, ces mères sont souvent décrites comme ne suivant pas les conseils, telle femme sera désignée comme faisant « un peu ce qu’elle veut », ou comme appartenant à la catégorie des « chieuses ».
22 Enfin, la relation la plus évidente socialement semble établie avec des femmes se situant dans des positions intermédiaires, décrites comme des « gentilles dames », des « dames sympas », notamment par les sages-femmes et les infirmières, même si les auxiliaires de puériculture, tout en appréciant leur bonne volonté à suivre les « conseils », leur reprochent parfois de « poser beaucoup de questions », de « couper les cheveux en quatre », autrement dit de trop y croire alors qu’elles présentent, manifestement, aux yeux des agents de l’institution, toutes les qualités de la « bonne mère ». Dans leur cas, notamment lorsque la proximité sociale entraîne une certaine forme de sympathie, les auxiliaires de puériculture peuvent s’autoriser à assouplir le dispositif. Celle-ci, s’adressant à une mère qu’elle perçoit comme « voulant trop bien faire » (elle pose beaucoup de questions, tremble lorsqu’elle doit agir), lui indique : « après nous, on vous montre, et puis, bon, quand vous serez rentrée chez vous, vous allez adapter » et, un peu plus tard, « il faut aussi faire en fonction de comment vous le sentez ».
23 Si l’on peut parler ici de rite d’institution, en tant qu’ensemble de pratiques et de discours autorisant la reconnaissance du statut de mère, c’est dans la mesure où, au niveau institutionnel, il introduit des distinctions pensées comme biologiques entre les catégories d’agents susceptibles d’y accéder : selon le sexe bien sûr (d’où la grande difficulté de la maternité à traiter les pères), mais aussi, selon l’âge (les « jeunettes » vs les « dames ») ou encore les « capacités ». De la même façon que le rite d’institution conduit, pour reprendre le mot de Pierre Bourdieu, l’héritier à être hérité par l’héritage, le statut de mère impose à la femme de se conformer à ce par quoi l’institution la définit, les écarts à la norme se traduisant par des variations des modes d’institutionnalisation : le contrôle explicite visant à faire respecter, presque à la lettre, les formes légitimes de la maternité, s’exerce d’abord sur celles qui semblent en être les plus éloignées ; il se réduit, s’euphémisme, pour celles qui, présentant les propriétés ad hoc, sont enclines à reconnaître l’efficacité symbolique du séjour dans l’institution ; et il tend à s’effacer pour celles qui, mobilisant d’autres formes de légitimité, paraissent ne pas solliciter cette reconnaissance de l’institution.
Une efficacité symbolique socialement déterminée du rite
24 Ces variations tendent à mettre en évidence, d’une part, que loin de se fonder sur du biologique, le rite d’institution s’adosse à des différences éminemment sociales, et d’autre part que l’appartenance aux différentes fractions de la hiérarchie sociale conduit à entretenir des rapports de reconnaissance plus ou moins fort vis-à-vis de l’institution hospitalière et par conséquent, à accorder plus ou moins d’importance à d’autres instances de reconnaissance du statut de mère, à commencer par la famille. En effet, malgré son imposante présence en France, l’encadrement médical et paramédical des futures mères ne saurait résumer, à lui seul, l’action institutionnelle qui sanctionne l’entrée dans le statut de parent. À travers cette plus ou moins grande reconnaissance, c’est tout le rapport à soi comme adulte, à sa propre famille et aux institutions qui se donne à voir et s’éclaire par la prise en compte des trajectoires sociales antérieures et des modes de socialisation.
25 Par exemple, dans l’une des maternités observées, lors de la naissance de l’enfant, est systématiquement proposée une « tétée d’accueil », présentée comme un rituel permettant à la nouvelle mère de recevoir symboliquement son enfant. Cette pratique est décrite par un certain nombre de femmes ayant décidé de ne pas allaiter comme une violence symbolique, un non-respect de leurs choix d’éducation, comme dans l’extrait d’entretien suivant : « ... ça a été décidé euh... au départ, j’voulais pas trop. Mais ils m’ont dit de donner la tétée après l’accouchement et bon... Parce que j’voulais pas qu’il y ait de conflits. Et puis finalement, c’était plus simple. C’était beaucoup plus simple. Voilà. [...] Mais, elle me faisait mal. J’ai voulu euh, mais elle me faisait trop mal donc euh, j’ai arrêté tout de suite. À la maternité, j’ai arrêté. J’ai dû faire une journée, histoire qu’elle ait le colostrum, et puis euh après j’ai dit... » (28 ans, deux enfants, bac, employée).
26 Les résultats de notre enquête illustrent les analyses développées par Séverine Gojard à propos des pratiques alimentaires parentales : plus les mères disposent d’une position sociale élevée, plus leurs ressources culturelles sont mobilisées pour s’occuper du nouveau-né, et ce, de façon d’autant plus autonome par rapport à la maternité que ces ressources sont importantes [24]. À l’opposé, chez les femmes qui en sont le plus dépourvues, on constate une transmission familiale des normes entourant le nourrisson. Pour celles-ci la docilité souvent constatée dans les observations semble relever davantage d’un rapport de soumission à l’institution hospitalière qui peut dissimuler une stratégie d’évitement des conflits tout en préservant un certain « quant-à-soi ». C’est ce qu’exprime par exemple cette interviewée (18 ans, BEP, au foyer) :
27 « Enquêteur : – Et à la maternité, tu as bien aimé le personnel ?
28 Interviewée : – Nan, tu te sens jugée. C’est dans leur attitude. Tu sais, faut pas les contrarier. Admettons ton chtio y grossit pas, c’est pas de ta faute, mais y vont te juger, te dire que tu lui donnes pas le biberon comme y faut. [...] Mais moi, j’fais comme je veux. Ma mère elle est nourrice, elle a 10 enfants à garder, donc je sais faire avec les bébés. Je fais comme je veux, j’m’en fous de c’qu’y disent. »
29 Cette opposition aux manières de faire promues par la maternité qui, associant le travail maternel à la sphère du privé, prend appui sur une transmission familiale des manières de s’occuper de « ses enfants » se voit tempérée par l’acquisition d’un petit capital culturel, par l’école bien souvent. C’est ce que l’on constate dans le cas de cette interviewée rencontrée à la maternité (20 ans, demandeuse d’emploi, bac pro secrétariat, père : menuisier (sans diplôme), conjoint : 21 ans, maçon en CDI) qui tout en se disant « coachée » par sa belle-sœur, dont elle s’occupe parfois des enfants, s’oppose moins qu’elle se soumet aux injonctions des professionnelles :
30 « Enquêteur : – Et alors ici, du coup, on vous explique aussi un peu comment on fait ?
31 Interviewée : – Ouais, ouais mais bon comme là je voulais la faire toute seule la toilette, mais bon elle a voulu m’aider, bon... j’aurais voulu faire toute seule, mais bon c’est rien, je le ferai demain. Ouais, surtout que hier on m’avait déjà aidée quoi.
32 - Vous auriez voulu faire le premier bain toute seule ?
33 - Le premier, on me l’a demandé mais non, j’ai pas voulu.
34 - D’accord. Pourquoi ?
35 - Ben la peur de mal faire en fait. Puis quand on nous regarde c’est pas pareil. Quand on nous regarde, « il faut faire ci, il faut faire ça ! » je préfère que... oui la femme elle l’a fait, je préfère, oui. - C’est... vous pensez, quand vous allez rentrer chez vous, vous aurez plus le personnel avec vous... tout ça, ça sera pas pareil ?
36 - Ça ira mieux, ouais non, ouais si. Je vais faire pareil. J’ai écouté de toute façon, tous les conseils, comment il fallait le porter, pour le mettre dans l’eau. Ouais, ouais, mais je pense que je serai plus à l’aise parce que là quand ils nous regardent c’est pas évident, on est un peu... » La soumission à l’autorité de l’institution se mue ainsi en reconnaissance de sa légitimité à instituer la femme dans son statut de mère à mesure qu’augmentent les ressources culturelles acquises en dehors de la famille, notamment à l’école. Elle devient maximale pour les femmes qui, occupant des positions intermédiaires dans la hiérarchie sociale qui les rapprochent de celles qu’occupent les sages-femmes et dans une moindre mesure les auxiliaires de puériculture, peuvent investir dans les formes légitimes de maternité promues par l’institution. On pense, par exemple à leurs dispositions à l’autoformation (consultation de magazines, de livres, de sites Internet) et aux relations interpersonnelles teintées de psychologie (c’est avec elles que l’on a constaté, en fin de séjour, à la fois une mise en application méticuleuse des savoirs techniques et la manifestation de manières de faire renvoyant à l’intimité : baisers, caresses, mots d’affection, exprimés sans retenue apparente devant les professionnelles et l’enquêteur). C’est sans doute pour ces femmes que le séjour à la maternité fonctionne le plus efficacement comme rite d’institution, au point parfois que l’enjeu symbolique qui s’y joue en devient visible (tremblements, hésitations, nombreuses questions). Les injonctions à l’expression d’une nature maternelle, par exemple, plongent parfois ces mères dans une grande perplexité. C’est le cas de cette sage-femme venant d’avoir son premier enfant, qui, selon ses collègues, « n’arrêtait pas de pleurer » ou de cette infirmière qui au cours de l’entretien explique que, malgré son assurance dans la réalisation des soins, elle ne « ressent rien », ne comprend pas ce que peut bien vouloir dire « faire comme on le sent » et en éprouve une « vraie panique ».
37 Mais à mesure que s’élève la position sociale des femmes, c’est l’institution qui en vient à être remise en cause : la connaissance plus ou moins dense de la relativité historique et sociale des savoirs entourant le nouveau-né, mais plus généralement, la propension à privilégier les « conseils » des médecins et moins ceux des sages-femmes ou des auxiliaires de puériculture ou encore à conserver une certaine « autonomie » par rapport aux prescriptions institutionnelles, tendent à vider, au moins partiellement, le séjour à la maternité de sa dimension symbolique. On le voit, par exemple, lorsque cette universitaire déclare ne pas souhaiter donner le bain à son (second) fils parce qu’elle se dit « fatiguée », ou quand cette cadre du privé déstabilise la sage-femme, sans complètement s’en apercevoir sans doute, en lui déclarant, malgré ses « conseils », qu’elle « n’est pas convaincue » de l’utilité d’une rééducation périnéale réalisée par un kinésithérapeute.
38 Ainsi donc, si la naissance reste un marqueur fort de l’accès à l’âge adulte, il paraît difficile de considérer son encadrement comme un rite de passage : même s’il serait toujours possible de voir dans l’expérience de cet encadrement, que partagent la quasi-totalité des mères aujourd’hui en France, les trois étapes du rite, il reste que la question de son efficacité symbolique demeure entière. Notre enquête tend à montrer que, malgré l’existence des éléments rituels relativement stables (cheminement des femmes dans l’institution, dispositif d’encadrement des techniques et des pratiques légitimes), son application par les professionnels varie en fonction du rapport social qui s’établit avec les femmes et, surtout, que sa force de consécration repose sur la croyance, très inégalement partagée, dans la légitimité de l’institution à faire plus qu’assurer la bonne santé de la mère et de son enfant.
39 Mais ces investissements dans la maternité ne peuvent se comprendre que si on les replace dans les trajectoires globales des agents. Pour nombre de femmes de milieux populaires et parmi elles toutes celles qui investissent fortement la sphère familiale (et qui y ont bien souvent appris par la pratique à prendre soin d’enfants très jeunes), la naissance donne pleinement accès au statut adulte, et c’est moins par la maternité que par rapport et grâce à sa propre famille d’origine que l’institutionnalisation s’opère. À l’opposé, les femmes qui occupent les positions les plus dominantes sont portées à relativiser, tout en même temps, la naissance comme marquant l’accès à l’âge adulte et l’action normative de la maternité. Et c’est sans doute pour les femmes se situant dans les positions intermédiaires que l’encadrement de la naissance peut revêtir une dimension symbolique par laquelle la femme devient mère en « advenant ce qu’elle est », et ce, d’autant mieux que leur socialisation à la fois familiale et scolaire les portent à fortement investir la naissance dans la définition de leur propre statut d’âge et à reconnaitre aux institutions leur pouvoir certificateur.
Notes
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[1]
On estime que la part des naissances se déroulant dans un établissement spécialisé est aujourd’hui, en France, de 99 % (selon le rapport pour la MIRE : Dispositifs d’offres de soins obstétrico-pédiatriques : filières, trajectoires, usagers, rédigé par Madeleine AKRICH, Aude DEVELAY, Michel NAIDITCH, Bernike PASVEER, 2000).
-
[2]
Annie POIZAT, « Quels rites pour les maternités d’aujourd’hui », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 40, 2003. En ligne
-
[3]
Arnold VAN GENNEP, Les rites de passage, Paris, 1909.
-
[4]
Projet PIC-ENFAN dirigé par B. Geay portant sur les conditions sociales et politiques de la naissance du premier enfant et financé par la Région Picardie.
-
[5]
Cf. par exemple, Claire BIDARD et Daniel LAVENU, « Se dire adulte en France : le poids des origines sociales », in Claire BIDART (dir.), Devenir adulte aujourd’hui, Perspectives internationales, Paris, L’Harmattan, coll. « Débats Jeunesses », 2006, pp. 163-180 ; Gérard MAUGER, « Les définitions sociales de la jeunesse. Discontinuités sociales et évolutions historiques », in Bernard LORREYTE (dir.), Les politiques d’intégration des jeunes issus de l’immigration, Paris, CIEMI/L’Harmattan, 1989, pp. 25-49.
-
[6]
Françoise BATTAGLIOLA, « Les modes sexués d’entrée dans la vie adulte », in Thierry BLÖSS, La Dialectique des rapports hommes-femmes, Paris, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 2001, pp. 177-196 ; Thierry BLÖSS, Isabelle FERONI, « Jeunesse : objet politique, objet biographique », Enquête, n° 6, 1991 ; Vincenzo CICCHELLI, La Conquête de l’autonomie, Parents et jeunes, Paris, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 2001.
-
[7]
Michel BOZON, « L’entrée dans la sexualité adulte : le premier rapport et ses suites. Du calendrier aux attitudes », Population, n° 5, pp. 1317-1352, 1993 ; Pierre BOURDIEU, Le Bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Seuil, coll. « Point essais », 2002.
-
[8]
Cf. entre autres, Olivier GALLAND, Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin, coll. « Collection U », (4e édition) 2007 ; Gérard MAUGER, « Jeunesse : l’âge des classements. Essai de définition sociologique d’un âge de la vie », Recherches et Prévisions, n° 40, juin 1995, pp. 19-36 ; Pierre BOURDIEU, « La Jeunesse n’est qu’un mot », Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1984, p. 143-154.
-
[9]
Claire BIDART et Daniel LAVENU, « Se dire adulte en France : le poids des origines sociales », in Claire BIDART (dir.), art. cit., pp. 163-180.
-
[10]
Emma DAVIE, Magali MAZUY, « Fécondité et niveau d’études des femmes en France à partir des enquêtes annuelles de recensement », Population-F, n° 65 (3), 2010, pp. 475-512.
-
[11]
Michel BOZON, François HERAN, La formation du couple, Paris, La Découverte, 2006.
-
[12]
Arnaud REGNIER-LOILIER, Avoir des enfants en France. Désirs et réalités, Paris, INED, 2007.
-
[13]
Françoise BATTAGLIOLLA, art. cit.
-
[14]
Ariane PAILHÉ, Anne SOLAZ, « Inflexions des trajectoires professionnelles des hommes et des femmes après la naissance d’enfants », Recherches et prévisions, Famille/Travail, Paris, CNAF, n° 90, déc. 2007.
-
[15]
Pascale DONATI, Suzanne MOLLO, Alain NORVEZ, Catherine ROLLET, Les centres maternels, réalités et enjeux éducatifs, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques Sociales » 2010.
-
[16]
Armelle TESTENOIRE, « Des femmes sans jeunesse ? Les mères précoces », in Claire BIDART, Devenir adulte aujourd’hui, perspectives internationales, Paris, L’Harmattan, 2006.
-
[17]
Arnold VAN GENNEP, Les rites de passage, Paris, 1909.
-
[18]
Béatrice JACQUES, Sociologie de l’accouchement, Paris, PUF, 2007.
-
[19]
Pierre BOURDIEU, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 43, 1982, pp. 58-63.
-
[20]
Cette durée constatée dans les deux maternités enquêtées est légèrement supérieure à la moyenne nationale (4,4 jours en 2010, pour un « accouchement normal » selon l’Assurance Maladie).
-
[21]
Louis PINTO, « L’armée, le contingent et les classes sociales », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 1-3, 1975.
-
[22]
Bernadette TILLARD, Des familles face à la naissance, Paris, L’Harmattan, 2002.
-
[23]
Erving GOFFMAN, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1979.
-
[24]
Séverine GOJARD, « L’alimentation dans la prime enfance, diffusion et réception des normes de puériculture », Revue Française de Sociologie, vol. 41, n°3, 2000, pp. 475-512.