Introduction
1 Dans notre pays de tradition chrétienne, les principaux événements familiaux qui jalonnent la vie (naissances, mariages, décès) sont associés à des cérémonies rituelles d’origine religieuse : le baptême d’un enfant, le mariage et l’enterrement à l’église s’accompagnent de cérémonies au cours desquelles des gestes et des paroles rituels célèbrent l’accueil ou le passage d’un état à un autre. On constate cependant une diminution importante du nombre de baptêmes et de mariages catholiques [1], diminution qui semble aller de pair avec la baisse de l’appartenance religieuse, l’affaiblissement des pratiques (en particulier pour les catholiques) et la diversification des religions d’appartenance [2]. Par ailleurs, avec la généralisation de la cohabitation hors mariage [3], le nombre de mariages lui-même a beaucoup diminué, témoignant d’une distanciation croissante des couples par rapport à cette institution, mais également par rapport à tous les rites et traditions qui accompagnent habituellement la cérémonie du mariage, même si celui-ci n’est pas célébré à l’église [4]. De façon paradoxale cependant, le choix du Pacs, qui témoigne d’une prise de distance par rapport au mariage, peut s’accompagner d’une ritualisation de la cérémonie très semblable à celle d’un mariage [5].
2 Dans cet article, tirant parti d’une enquête effectuée en 2005 auprès de 10 000 personnes âgées de 18 à 79 ans les interrogeant sur leur opinion sur le mariage (civil et religieux), le baptême et l’enterrement religieux (encadré 1), nous comparons les opinions favorables à ces cérémonies selon l’âge en 2005 à l’évolution des pratiques dans les mêmes générations, pour vérifier si le déclin de ces pratiques s’accompagne d’un déclin des opinions favorables à ces rites. Nous nous intéressons ensuite plus spécifiquement au mariage en recherchant les caractéristiques des personnes qui se disent les plus attachées à l’institution matrimoniale et à sa célébration religieuse. Enfin, l’opinion sur le mariage étant susceptible de varier au fil des expériences matrimoniales et familiales, nous mettons en relation le changement éventuel d’opinion des personnes ayant répondu aux deux premières vagues de l’enquête (2005 et 2008) avec les événements familiaux qu’elles ont connus dans l’intervalle.
Encadré 1. Les questions d’opinion pour appréhender la question de la ritualisation des événements familiaux
« Je vais vous lire plusieurs phrases sur les cérémonies religieuses. Dans quelle mesure êtes-vous d’accord ou pas d’accord avec chacune d’elles ? » (D’accord / Plutôt d’accord / Ni d’accord, ni pas d’accord / Plutôt pas d’accord / Pas d’accord) :
- « Il est important que l’arrivée d’un enfant soit marquée par une cérémonie religieuse. »
- « Il est important pour ceux qui font un mariage civil de faire également un mariage religieux. »
- « Il est important qu’un enterrement comprenne une cérémonie religieuse. »
- « Le mariage est une institution dépassée. »
Les mêmes questions ont été posées trois ans plus tard aux mêmes personnes (2008). On peut ainsi rapprocher les réponses obtenues aux deux vagues en les mettant en lien avec certains événements familiaux survenus dans l’intervalle (séparation, mariage, naissance).
En outre, deux questions permettent de mesurer le degré d’attachement des personnes à une religion :
- « À quelle fréquence, le cas échéant, assistez-vous aux offices religieux (sans compter les mariages, baptêmes et enterrements) ? »
- « Quelle est votre religion actuelle (ou d’origine) ? »
L’idée de ritualisation résiste mieux à l’usure du temps que les pratiques
? De moins en moins de mariages et de cérémonies religieuses au fil des générations
3 Le mariage, longtemps considéré comme le cadre dans lequel les enfants devaient naître et être élevés, était de ce fait quasi-universel : plus de 92 % des femmes des générations 1930 à 1945 se sont mariées avant l’âge de 50 ans (Figure 1a) et la proportion est à peine plus faible chez les hommes (cf. note 3). Dans les générations suivantes, les changements sont rapides : le mariage devient à la fois plus tardif (l’âge moyen des femmes au 1er mariage passe de 22,3 ans dans la génération 1945 à presque 29 ans dans la génération 1975) et de moins en moins fréquent (de 92 % à 65 % avant 50 ans [9]). Chez les plus jeunes, la désaffection pour le mariage se poursuit encore, si l’on en juge par la proportion de femmes non célibataires à 35 ans, qui devrait être inférieure à 50 % dans la génération 1980 [10].
4 Plus forte encore est la désaffection pour le mariage célébré à l’église catholique. Les travaux d’Alfred Dittgen [11] mettent bien en évidence cette tendance qui prend naissance dans la deuxième moitié des années 1960, précédant ainsi de quelques années la chute de la nuptialité générale (qui ne débute qu’en 1973). Dans la figure 1a, nous avons mis à jour ces chiffres sur la proportion annuelle de mariages [12] à l’église, et les avons attribués aux générations moyennes concernées par ces mariages, c’est-à-dire à la génération atteignant cette année-là son âge moyen au premier mariage. Les proportions obtenues étant une estimation du pourcentage de femmes mariées à l’église parmi les femmes s’étant mariées, nous avons aussi estimé la proportion de femmes mariées à l’église dans l’ensemble de la génération [13]. Ainsi, si le mariage religieux était une norme très largement majoritaire pour les femmes nées au début des années 1930 (près de 80 % se sont mariées à l’église, car 85 % des femmes qui se sont mariées ont fait bénir leur union à l’église), il est devenu minoritaire dans les générations 1960, et concernerait moins de 30 % des femmes dans les générations nées vers 1975. Comme pour la nuptialité, ce sont les mêmes générations, nées après 1945, qui ont amorcé le mouvement, qui est dans un premier temps très parallèle à la baisse de la nuptialité générale, mais la chute de la nuptialité religieuse s’accélère ensuite à partir des générations 1970. Notons cependant que cette observation ne porte que sur les mariages catholiques. La prise en compte des mariages musulmans, religion dont le poids est croissant dans les jeunes générations [14], atténuerait légèrement cette baisse.
Pratiques et opinions sur les cérémonies selon l’âge et la génération

avant 35 et 50 ans* et estimation des mariages catholiques et aux cérémonies religieuses (mariage, enterrement, baptême),
et des baptêmes et pratique religieuse selon l’âge en 2005
(%) (%)
100 100
90 90
Mariage non Enterrement
80 80
dépassé religieux
%de femmes mariées...
70 70
… avant 50 ans
%femmes mariées à l'église
60 p.100femmesmariées 60
Mariage
… avant 35 ans
religieux Baptême
50 50
40 40
%de femmes ayant fait
baptiser leurs enfants
30 30
%femmes mariées à l'église
20 20
p. 100 femmes dans la génération
Pratique religieuse au
moins une fois par mois
10 10
0 0
1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985
Génération
Génération
75 ans 70 65 ans 60 55 ans 50 45 ans 40 35 ans 30 25 ans 20
âge en 2005
* extrapolation pour les générations récentes * réponses « d’accord » ou « plutôt d’accord »
Sources : Insee, état civil (proportion de femmes mariées à 35 et 50 ans) Source : Ined-Insee, Érfi-GGS1, 2005 (moyennes mobiles d’ordre 9 sauf
statistiques de l’Église catholique de France (autres courbes) pour les générations 1984 et 1985 : ordre 7 et 5)
Lecture : 76 % des femmes nées en 1960 étaient mariées avant 35 ans, 82 % Lecture : 24 % des personnes nées en 1960 assistent aux services religieux au moins
avant 50 ans ; 55 % se sont mariées à l’église (estimation) une fois par mois, 37 % sont favorables au mariage religieux, 63 % estiment que
le mariage n’est pas une institution dépassée (pas d’accord, ou plutôt pas d’accord
avec l’affirmation « le mariage est une institution dépassée »)
Pratiques et opinions sur les cérémonies selon l’âge et la génération
5 Alfred Dittgen constatait aussi une chute importante des baptêmes à l’église catholique entre 1970 (78 % des enfants nés cette année-là ont été baptisés) et 2000 (51 % seulement) ; la baisse s’est poursuivie ensuite, moins de 40 % des enfants nés en 2009 ayant été baptisés. En procédant comme pour les mariages religieux, c’est-à-dire en attribuant ces proportions aux générations de femmes les plus concernées en moyenne (celles qui atteignent cette année-là leur âge moyen à la maternité), on obtient une estimation de la proportion de femmes ayant fait baptiser leurs enfants, dont l’évolution est portée sur la figure 1a. Les mêmes générations nées dans la deuxième moitié des années 1940 amorcent le mouvement de recul du baptême de leurs enfants, mouvement qui est, dans un premier temps (pour les générations 1950 à 1960), nettement plus marqué que pour les mariages religieux. Par la suite, la chute des baptêmes est au contraire moins rapide, et l’on peut estimer qu’un peu plus de 40 % des femmes nées vers 1975 ont fait baptiser leurs enfants, soit une proportion nettement supérieure à celle des femmes s’étant mariées à l’église (moins de 30 %).
? L’opinion baisse parfois moins que la pratique
6 Ces comportements passés vis-à-vis du mariage et du baptême peuvent être confrontés aux opinions des mêmes générations concernant ces cérémonies (Figure 1b), d’après la première vague de l’enquête Érfi (encadré 1). Précisons cependant que, bien qu’elles soient présentées comme évoluant au fil des générations (définies selon leur âge en 2005), ces opinions ont été recueillies en 2005 : chez les plus âgés (les générations les plus anciennes) elles ont peut-être évolué avec l’âge, l’expérience et/ou l’évolution des mœurs en général, et chez les plus jeunes elles sont également susceptibles d’évoluer à l’avenir. C’est probablement ce qui explique le paradoxe apparent entre l’opinion des différentes générations sur le mariage (Figure 1b) et les comportements des mêmes générations (Figure 1a) : les plus anciennes, qui se sont presque toutes mariées, sont à peine plus nombreuses (69 % vs 65 %) que les générations intermédiaires à déclarer que le mariage n’est pas une institution dépassée [15] ; quant aux plus jeunes, le mariage semble retrouver un peu de popularité (68 %), alors que les statistiques prouvent qu’ils continuent à se détourner de cette institution [16]. Les opinions en faveur du mariage religieux ne sont pas non plus totalement corroborées par les statistiques : elles diminuent très nettement dès les générations 1930 (65 % d’opinions favorables), atteignent un minimum avec les générations 1960-1965 (35 %) avant de se redresser à un peu plus de 40 % dans les générations 1980-1985 [17]. La chute des opinions favorables concerne donc des générations qui se sont massivement mariées à l’église, et le redressement qui lui fait suite n’est pas non plus confirmé par les comportements : bien que les statistiques de mariages religieux ne concernent que l’Église catholique et que les jeunes générations comptent une proportion croissante de musulmans [18] (probablement plus attachés aux cérémonies religieuses), cela n’explique pas totalement la divergence entre opinions et comportements chez les jeunes.
7 En comparaison des opinions sur le mariage civil et religieux, l’évolution des opinions sur le baptême au fil des générations s’accorde un peu mieux avec celle des statistiques pour les générations 1945 et suivantes : on observe une même pause dans la tendance à la baisse, entre les générations 1960 et 1970 environ, puis une reprise de la baisse. Le léger redressement des opinions dans les générations 1980 pourrait ici s’expliquer par l’importance des musulmans dans ces générations.
8 L’évolution des opinions favorables aux cérémonies religieuses pour les enterrements a été également portée sur la figure 1b, bien qu’elle ne puisse être confrontée aux comportements, faute de statistiques de l’Église catholique sur ce sujet. On constate que la baisse est beaucoup moins forte que pour les autres cérémonies religieuses, et que ce sont les mêmes générations nées dans les années 1960 (âgées de moins de 45 ans en 2005) qui amorcent la reprise : quel que soit leur âge, les personnes interrogées se sont déclarées majoritairement en faveur d’un enterrement religieux, les plus jeunes (pourtant moins concernées en principe), et surtout les plus âgées, y étant les plus attachées. Si cette opinion un peu plus favorable des jeunes générations sur les cérémonies religieuses n’est pour l’instant pas confirmée par une reprise des statistiques des sacrements, cette tendance va aussi à l’encontre de ce que déclarent ces mêmes personnes concernant la pratique régulière d’une religion (en dehors de ces cérémonies) ; celle-ci continue à baisser assez régulièrement, sans signe de reprise dans les jeunes générations (Figure 1b). Or, on aurait pu penser que l’évolution des attitudes et des comportements vis-à-vis des cérémonies religieuses marquant les grands événements de la vie dépendait plus directement du degré d’attachement des différentes générations à la religion, ici mesuré par une pratique d’au moins une fois par mois. La confrontation de cette nouvelle courbe avec celles des statistiques de l’état civil et de l’Église et celles des opinions montre qu’il n’y a probablement pas une relation univoque entre l’attachement à la religion et les cérémonies rituelles : les jeunes générations sont davantage favorables au mariage et aux cérémonies religieuses, alors que leur pratique religieuse est encore en baisse.
9 Ces confrontations posent la question du lien entre les opinions recueillies à un moment donné et les différents comportements étudiés ici (baptême, mariage, décès). Dans la suite de cet article, nous nous interrogeons plus spécifiquement sur le paradoxe entre opinions et pratiques concernant le mariage, en nous intéressant d’abord à l’influence de l’attachement à la religion sur les opinions, puis en mettant en évidence les caractéristiques des personnes les plus attachées au mariage civil et religieux.
Pratique religieuse et opinions relatives au mariage
10 En croisant les questions d’opinion sur le mariage avec les réponses données sur la pratique d’une religion et la religion déclarée [19], on observe bien un lien entre le degré d’attachement à la religion et les opinions sur le mariage et une évolution au fil des générations.
? La pratique religieuse influe moins sur l’idée du mariage en général que sur l’importance attachée à la cérémonie religieuse
11 Les personnes pratiquant une religion au moins une fois par an déclarent très majoritairement (80 % en moyenne) que le mariage n’est pas une institution dépassée, et la proportion tend à augmenter dans les jeunes générations (Figure 2a). Mais les personnes ne pratiquant jamais et celles qui se sont déclarées sans religion se sont également prononcées majoritairement en faveur du mariage (60 % en moyenne), sans différence très marquée entre les opinions de ces deux catégories. Ici aussi, la tendance est plutôt à la hausse dans les générations récentes, en particulier chez les non-pratiquants, dont le poids croissant dans ces générations détermine le plus l’évolution d’ensemble constatée plus haut (Figure 1b). Si l’idée de mariage en général n’est pas incompatible avec l’absence de religion ou de pratique, c’est moins vrai pour la cérémonie religieuse, assez logiquement beaucoup moins approuvée par les sans religion que par les pratiquants, les non-pratiquants se situant à un niveau intermédiaire (Figure 2b). Le fait de déclarer une religion d’appartenance ou d’origine, même sans aucune pratique, s’accompagne donc pour certains d’un attachement aux cérémonies religieuses : en baisse entre les générations 1930 et 1960, le pourcentage de non-pratiquants déclarant que ces cérémonies sont importantes est nettement en hausse chez les jeunes. Les tendances sont assez semblables chez les pratiquants, mais le redressement est moins net dans les jeunes générations.
Opinions relatives au mariage selon la pratique religieuse, par âge et génération

« pas d’accord » et « plutôt pas d’accord ») « d’accord » et « plutôt d’accord »)
(%) (%)
100 100
90 90
80 80
70 70
60 60
50 50
40 40
30 30
Pratiquant
20 20
Non-pratiquant
Aucune religion
10 10
0 0
1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985
Génération Génération
75 ans 70 65 ans 60 55 ans 50 45 ans 40 35 ans 30 25 ans 20 75 ans 70 65 ans 60 55 ans 50 45 ans 40 35 ans 30 25 ans 20
âge en 2005 âge en 2005
Opinions relatives au mariage selon la pratique religieuse, par âge et génération
Champ : Hommes et femmes âgés de 18 à 79 ans vivant en ménage ordinaireNote : moyennes mobiles d’ordre 9 sauf pour les générations 1984 et 1985 (ordre 7 et 5, respectivement)
Lecture : 85 % des personnes pratiquant au moins une fois par an ne sont « pas d’accord » ou « plutôt pas d’accord » avec l’idée selon laquelle le mariage
est une institution dépassée
? Quelques autres caractéristiques liées aux opinions
12 Outre ces effets générationnels, et afin de repérer les caractéristiques des personnes attachées à l’idée du mariage, deux modélisations ont été mises en place. La première (Tableau 1, modèle 1) estime la probabilité d’être « pas d’accord » ou « plutôt pas d’accord » avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée versus une autre réponse [20] ; la seconde d’être « d’accord » ou « plutôt d’accord » avec l’idée selon laquelle un mariage doit être accompagné d’une cérémonie religieuse (modèle 2), « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en neutralisant d’éventuels effets de structure [21].
13 Concernant l’idée du mariage « en général » (Tableau 1, modèle 1), on retrouve un effet significatif de l’âge uniquement chez les femmes, les plus jeunes générations (moins de 30 ans en 2005) ayant une probabilité plus forte que les 40-49 ans d’estimer que le mariage n’est pas dépassé (79 % versus 65 %), toutes choses égales par ailleurs.
14 Si les personnes mariées ou ayant été mariées sont moins opposées au mariage que celles qui ne l’ont jamais été, l’histoire conjugale passée influe aussi sur les réponses, les personnes ayant vécu une rupture estimant davantage que le mariage est une institution dépassée. Avoir vécu la séparation de ses parents n’ayant pas d’effet significatif sur les réponses, seule l’expérience personnelle d’une rupture (séparation ou divorce) semble donc affecter l’attitude que l’on peut avoir vis-à-vis de l’institution matrimoniale.
15 Le modèle confirme que l’attachement au mariage est plus fort chez les personnes pratiquant leur religion, et en particulier pour les pratiquants réguliers [22] : ils tendent davantage à estimer que le mariage n’est pas une institution dépassée, toutes choses égales par ailleurs. En revanche, il n’y a pas de différence significative entre les non-pratiquants et les personnes sans religion. Les opinions à ce sujet sont également culturellement différenciées, les diplômés du supérieur rejetant moins l’institution du mariage, quel que soit leur sexe. Par contre, il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de lien entre l’expérience de parentalité et les opinions relatives au mariage. Le fait d’avoir ou non des enfants n’a pas d’influence significative alors qu’à l’origine, mariage et constitution d’une descendance sont liés. On ne constate pas de lien non plus avec la nationalité de la personne interrogée.
16 L’importance attachée à la célébration religieuse du mariage (Tableau 1, modèle 2) est, de manière générale, dépendante des mêmes caractéristiques, mais les effets sont parfois inversés. Il en est ainsi pour le diplôme, les moins diplômés se révélant les plus favorables au mariage religieux (à pratique religieuse comparable). Si les plus diplômés se disent davantage attachés à l’institution du mariage en général, ils le sont en revanche moins à sa célébration religieuse, montrant ainsi une plus forte tendance à dissocier les deux cérémonies. De même, si l’on retrouve l’influence de l’âge chez les moins de 30 ans, davantage attachés au mariage religieux que les 40-49 ans, l’importance de la cérémonie religieuse est confirmée chez les anciennes générations, toutes choses égales par ailleurs, notamment à pratique religieuse donnée. La situation matrimoniale, l’histoire conjugale personnelle et celle des parents jouent dans le même sens que sur les opinions relatives à l’institution du mariage en général, mais l’effet est moins marqué. Avoir connu une rupture d’union ou avoir vécu la séparation de ses parents (pour les hommes) réduit la propension à estimer que le mariage doit être marqué par une cérémonie religieuse, mais n’avoir jamais été marié ne la diminue pas significativement. Le fait d’avoir ou non une religion d’origine et, le cas échéant, la fréquence de la pratique, ont logiquement une très forte incidence sur l’importance attachée à sa célébration religieuse. La probabilité des plus pratiquants d’être favorable à la célébration religieuse est 5 à 7 fois plus élevée que celle des personnes ne déclarant aucune religion. Si la nationalité de l’enquêté n’a pas d’influence sur les opinions des hommes, les femmes de nationalité étrangère autre qu’européenne s’avèrent nettement plus attachées au mariage religieux. Enfin, on retrouve « en symétrie » le lien entre les deux questions d’opinion : penser que le mariage n’est pas une institution dépassée va de pair avec l’idée selon laquelle un mariage doit être célébré religieusement.
Probabilités estimées (%) de penser que le mariage n’est pas une institution dépassée (modèle 1) / qu’il est important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
MODÈLE 1 MODÈLE 2 Mariage non dépassé Mariage religieux | |
< Bac Bac DIPLÔME Bac + 2 Dipl. sup. Moins de 30 ans (1976-1987) 30-39 ans (1966-1975) 40-49 ans (1956-1965) ÂGE 50-59 ans (1946-1955) 60-69 ans (1936-1945) 70-79 ans (1926-1935) Aucun NOMBRE D’ENFANTS Au moins un Non séparés SÉPARATION Séparés PARENTS Non connu Française NATIONALITÉ Europe Autre Aucune religion Aucune pratique RELIGION Pratique occasionnelle Pratique régulière SITUATION Marié ou déjà marié MATRIMONIALE Jamais marié HISTOIRE Aucune rupture CONJUGALE Au moins une rupture D’accord LE MARIAGE Ni d’accord, ni pas d’accord EST DÉPASSÉ Pas d’accord |
Hommes Femmes Hommes Femmes 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 72 70 * 17 * 19 * 71 70 18 16 * 78 * 72 * 16 * 13 * 73 79 * 33 * 43 * 70 71 * 28 31 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 64 63 30 * 35 * 68 60 38 * 43 * 69 66 40 * 50 * 73 67 21 26 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 70 61 19 * 26 73 67 24 28 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 69 62 26 30 69 64 24 51 * 67 61 9 * 12 * 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 79 * 74 * 40 * 46 * 88 * 86 * 63 * 67 * 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 43 * 45 * 21 24 69 réf. 65 réf. 23 réf. 27 réf. 61 * 56 * 18 * 23 * 26 26 23 réf. 27 réf. 45 * 47 * |

Probabilités estimées (%) de penser que le mariage n’est pas une institution dépassée (modèle 1) / qu’il est important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
Champ : Femmes et hommes âgés de 18 à 79 ans vivant en ménage ordinaireLégende : En italique : personne de référence ; * facteurs significatifs au seuil de 1 %.
Lecture (exemple Modèle 1, hommes) : un homme réunissant l’ensemble des caractéristiques de référence (lignes en italique : non titulaire du Bac, âgé de 40 à 49 ans, etc.)
a une probabilité estimée de 69 % d’être « pas d’accord » ou « plutôt pas d’accord » avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée. La probabilité pour un
homme réunissant les mêmes caractéristiques mais titulaire d’un diplôme supérieur est de 78 %, différence statistiquement significative au seuil de 1 % (*).
La différence entre ces deux proportions mesure l’effet net du niveau de diplôme sur les opinions, toutes choses égales par ailleurs.
Évolution des opinions relatives au mariage au gré des événements familiaux
17 L’enquête Érfi de 2005 a été reconduite auprès des mêmes personnes trois ans plus tard. On peut ainsi s’intéresser à l’évolution des opinions relatives au mariage et mettre en regard les événements familiaux vécus par ces personnes entre les deux vagues d’enquête.
? Une légère évolution des opinions « en moyenne »...
18 En comparant globalement les réponses données en 2005 et celles données en 2008, une petite évolution apparaît. D’un côté, la proportion de personnes « pas d’accord » avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée recule de 5 points passant de 50 % à 45 % ; de l’autre, l’importance accordée à la cérémonie religieuse en cas de mariage recule aussi de 5 points, passant de 29 % de réponses « d’accord » à 24 %. Nous avions noté à partir des données de 2005 un plus fort attachement à la cérémonie religieuse chez les plus jeunes (Figure 2b). Néanmoins, le recul observé entre les deux vagues ne tient pas à un effet d’âge (bien que les personnes soient plus âgées de 3 ans). En effet, en limitant le champ d’observation aux mêmes groupes d’âges pour les réponses données en 2005 et en 2008 (21-79 ans), on retrouve ce plus fort attachement chez les jeunes. L’évolution observée est donc plus générale.
19 Derrière cette répartition d’ensemble, les changements d’opinion au niveau individuel, c’est-à-dire en comparant les réponses d’un même répondant aux deux vagues (encadré 2) sont nombreux [23]. Ainsi, un peu moins d’une personne sur deux (46 %) a fourni exactement la même réponse aux deux vagues pour chacune des questions, ce qui n’est guère surprenant dans la mesure où il s’agit ici de perceptions et où les modalités sont assez poreuses [24]. Quand il y a eu changement, les réponses sont d’ailleurs proches : dans la moitié des cas, elles ne diffèrent que d’une modalité (par exemple, de « d’accord » à « plutôt d’accord »).
20 En termes de tendance, on retrouve la même évolution que celle décrite précédemment. Quand il y a eu changement d’opinion, c’est plus fréquemment dans le sens d’un moindre attachement à l’institution du mariage (30 % des changements d’opinion vont dans ce sens, contre 24 % qui sont moins « d’accord » [25] avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée) et d’une moindre importance attachée à la célébration religieuse (31 % des changements d’opinion vont dans ce sens contre 23 % qui se disent plus « d’accord » avec l’idée selon laquelle le mariage doit être marqué par une cérémonie religieuse).
Encadré 2. Mesure de l’évolution des opinions au niveau individuel et limites
Si la réponse est identique, l’indicateur vaut 0 ; si l’opinion de la personne est passée de « d’accord » à « pas d’accord » (réponses extrêmes sur l’échelle), il vaut - 4 ; si l’opinion de la personne est passée de « pas d’accord » à « d’accord », il vaut + 4 (la gradation intermédiaire étant possible). On peut ensuite mettre en regard cet indicateur avec les événements survenus entre les deux vagues (mariage, séparation, etc.).
Signalons toutefois que cet indicateur présente des limites. Il est notamment discutable de considérer que le déplacement d’une modalité à une autre est équivalent : est-il en effet semblable de passer de « d’accord » à « plutôt d’accord » que de passer de « plutôt d’accord » à « ni d’accord, ni pas d’accord » ? En outre, l’opinion des personnes « d’accord » ou « pas d’accord » (réponses extrêmes sur l’échelle) à la première vague de l’enquête ne peut avoir évolué que dans un seul sens ou être identique.
?... mais des changements plus prononcés selon les événements familiaux vécus entre les deux vagues
21 On peut confronter l’évolution des opinions des personnes interrogées aux événements familiaux qu’elles ont vécu dans le même temps. Si le système de valeurs oriente les comportements des personnes [26], on souhaite à l’inverse voir ici dans quelle mesure la survenue d’événements, souhaités ou non, façonne les opinions (Figures 3a et 3b). On se limite aux événements conjugaux et situations matrimoniales en distinguant cinq situations : la personne était mariée en 2005 et l’est toujours en 2008 ; la personne était seule ou en couple en 2005 et s’est mariée entre 2005 et 2008 ; la personne était en couple (marié ou non) en 2005 et s’est séparée entre 2005 et 2008 ; la personne était en couple sans être mariée et est toujours dans la même situation en 2008 ; autres cas (personnes seules, etc.).
22 Parmi ces situations, deux occasionnent des changements d’opinion contrastés concernant l’institution du mariage (Figure 3a) [27] : le fait de s’être marié entre les deux vagues d’enquête conduit à s’être un peu rapproché de l’idée selon laquelle le mariage n’est pas une institution dépassée (il y a davantage de changements vers une opinion moins défavorable au mariage que vers une opinion plus défavorable) ; inversement, le fait de s’être séparé (qu’il y ait eu ou non divorce [28]) conduit à se rapprocher de l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (41 % ont changé d’avis en ce sens contre 24 % dans l’autre sens). Pour les trois autres catégories, les changements d’opinion dans un sens plus favorable à l’institution du mariage ou moins favorable se compensent en moyenne.
23 S’être marié ou séparé entre les deux vagues d’enquête n’a en revanche aucune influence significative sur l’évolution des opinions concernant l’importance attachée à la célébration religieuse du mariage (Figure 3b).
Évolution des opinions selon les événements vécus entre 2005 et 2008

100% 100%
90% 90%
80% 80%
70% 70%
60% 60%
50% 50%
40% 40%
30% 30%
20% 20%
10% 10%
0% 0%
Mariéen 2005 Non marié en En couple non Séparé entre Autre (seul…) Marié en 2005 Non marié en En couple non Séparé entre Autre (seul…)
et 2008 2005, marié en marié en 2005 2005 et 2008 et 2008 2005, marié en marié en 2005 2005et 2008
2008 et2008 2008 et2008
Beaucoup plus favorable au mariage Beaucoup plus favorable à une cérémonie religieuse
Plus favorable au mariage Plus favorable à une cérémonie religieuse
Même opinion Même opinion
Moins favorable au mariage Moins favorable à une cérémonie religieuse
Beaucoup moins favorable au mariage Beaucoup moins favorable à une cérémonie religieuse
Évolution des opinions selon les événements vécus entre 2005 et 2008
Champ : Femmes et hommes âgés de 18 à 79 ans (en 2005) vivant en ménage ordinaire, réinterrogés en 2008Lecture (exemple figure 3a) : 41 % des personnes s’étant séparées entre 2005 et 2008 ont changé d’opinion dans un sens plus défavorable ou moins favorable au mariage,
d’un point (18 %) ou de 2 points au moins (23 %) ; 35 % n’ont pas changé d’opinion ; 24 % ont évolué dans un sens plus favorable ou moins défavorable au mariage,
d’un point (12 %) ou de 2 points au moins (12 %)
24 En tenant compte d’un ensemble de caractéristiques « toutes choses égales par ailleurs », et notamment de la manière dont les répondants se positionnaient lors de la première vague afin de contrôler le biais lié à la construction même de l’indicateur (cf. encadré 2), et en séparant les réponses des hommes et des femmes, l’importance des événements conjugaux sur les changements d’opinion est confirmée (Tableau 2). En revanche, la naissance d’un enfant n’affecte ni les opinions relatives à l’institution du mariage en général, ni celles relatives à l’importance de la cérémonie religieuse. Parmi les autres facteurs pris en compte, une pratique religieuse fréquente réduit la probabilité de se détacher du mariage, en général comme sur le plan religieux. Enfin, si la génération influence les opinions relatives à la célébration religieuse (Tableau 1), on observe également un effet significatif sur leur évolution entre les deux vagues, mais uniquement chez les femmes. Les plus jeunes se montrent moins attachées au mariage religieux tandis que les plus âgées ont une moindre probabilité d’avoir changé d’opinion en ce sens (Tableau 2).
Probabilités estimées (%) d’être plus favorable ou moins opposé à l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (modèle 1) / qu’il n’est pas important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
MODÈLE 2 MODÈLE 1 Importance d’une Le mariage est une cérémonie religieuse institution dépassée pour le mariage | |
OPINION D’accord « MARIAGE Ni d’accord, ni pas d’accord DÉPASSÉ » (2005) Pas d’accord OPINION D’accord « MARIAGE Ni d’accord, ni pas d’accord RELIGIEUX » Pas d’accord ÉVOLUTION... pour un mariage religieux OPINION Pas de changement « MARIAGE »... contre un mariage religieux ... vers « le mariage est ÉVOLUTION dépassé » OPINION Pas de changement « MARIAGE »... vers « le mariage n’est pas dépassé » Moins de 30 ans (1976-1987) 30-39 ans (1966-1975) 40-49 ans (1956-1965) ÂGE (2005) 50-59 ans (1946-1955) 60-69 ans (1936-1945) 70-79 ans (1926-1935) Aucune religion PRATIQUE Aucune pratique RELIGIEUSE (2005) Pratique occasionnelle Pratique régulière |
Hommes Femmes Hommes Femmes 9 * 9 * 25 réf. 26 réf. 34 * 40 * 47 * 55 * 30 réf. 42 réf. 5 * 8 * 31 * 26 25 réf. 26 réf. 38 * 30 45 * 52 * 30 réf. 42 réf. 34 45 19 20 33 43 22 22 36 43 25 réf. 26 réf. 30 réf. 42 réf. 24 30 32 38 25 26 30 32 * 19 22 23 26 * 25 réf. 26 réf. 30 réf. 42 réf. 25 22 27 39 17 18 * 19 * 31 * 14 * 13 * 16 * 23 * |

Probabilités estimées (%) d’être plus favorable ou moins opposé à l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (modèle 1) / qu’il n’est pas important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
Champ : Femmes et hommes âgés de 18 à 79 ans (en 2005) vivant en ménage ordinaire, réinterrogés en 2008Légende : En italique : personne de référence ; * facteurs significatifs au seuil de 1 %.
Lecture (exemple Modèle 1, hommes) : un homme réunissant l’ensemble des caractéristiques de référence (lignes en italique) a une probabilité estimée de 25 % d’être
davantage d’accord ou moins en désaccord avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (indicateur d’évolution au moins égal à 1). La probabilité pour
un homme réunissant les mêmes caractéristiques mais pratiquant régulièrement (au lieu d’être sans religion) est de 14 %, différence statistiquement significative au seuil de
1 % (*). La différence entre ces deux proportions (25 % et 14 %) mesure l’effet net de la pratique religieuse sur l’évolution des opinions, toutes choses égales par ailleurs
Probabilités estimées (%) d’être plus favorable ou moins opposé à l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (modèle 1) / qu’il n’est pas important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
MODÈLE 2 MODÈLE 1 Importance d’une Le mariage est une cérémonie religieuse institution dépassée pour le mariage | |
Marié en 2005 et en 2008 Non marié en 2005, ÉVOLUTION marié en 2008 SITUATION En coupe non marié en 2005 CONJUGALE et 2008 Séparé entre 2005 et 2008 Autre (seul, etc.) Pas d’enfants ÉVOLUTION Enfant(s) en 2005, pas depuis NOMBRE Naissance premier enfant D’ENFANTS Naissance nouvel enfant |
Hommes Femmes Hommes Femmes 25 réf. 26 réf. 30 réf. 42 réf. 17 19 37 38 37 * 39 * 39 46 48 * 43 * 28 52 33 * 37 * 32 46 23 23 32 43 25 réf. 26 réf. 30 réf. 42 réf. 24 19 32 43 21 26 36 38 |

Probabilités estimées (%) d’être plus favorable ou moins opposé à l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (modèle 1) / qu’il n’est pas important que le mariage soit marqué par une cérémonie religieuse (modèle 2)
Champ : Femmes et hommes âgés de 18 à 79 ans (en 2005) vivant en ménage ordinaire, réinterrogés en 2008Légende : En italique : personne de référence ; * facteurs significatifs au seuil de 1 %.
Lecture (exemple Modèle 1, hommes) : un homme réunissant l’ensemble des caractéristiques de référence (lignes en italique) a une probabilité estimée de 25 % d’être
davantage d’accord ou moins en désaccord avec l’idée selon laquelle le mariage est une institution dépassée (indicateur d’évolution au moins égal à 1). La probabilité pour
un homme réunissant les mêmes caractéristiques mais pratiquant régulièrement (au lieu d’être sans religion) est de 14 %, différence statistiquement significative au seuil de
1 % (*). La différence entre ces deux proportions (25 % et 14 %) mesure l’effet net de la pratique religieuse sur l’évolution des opinions, toutes choses égales par ailleurs
Conclusion et discussion
25 Outre l’influence de la pratique religieuse et du diplôme, les opinions relatives à l’institution du mariage semblent dépendre assez largement de l’expérience conjugale passée ou récente des individus : qu’il s’agisse de l’opinion déclarée en 2005 ou de son évolution entre 2005 et 2008, avoir vécu une rupture rend les personnes interrogées moins favorables à l’idée du mariage. Cela expliquerait (en partie) le paradoxe apparent entre le recours massif au mariage des anciennes générations et leur opinion en 2005 sur le mariage. Et si le mariage semble retrouver un peu de faveur auprès des femmes des jeunes générations, leur opinion pourrait changer à l’avenir, à la suite notamment d’un échec conjugal. Par contre, aucun lien n’apparaît entre les opinions relatives à l’institution du mariage et l’existence d’enfant(s), qu’il(s) soi (en) t né(s) avant 2005 ou entre 2005 et 2008. Ce résultat surprend un peu, car il ne correspond pas à ce que l’on observe dans les faits. La probabilité d’être marié est plus élevée chez les couples ayant des enfants, à caractéristiques comparables [29], à la fois parce que le mariage reste pour certains couples un préalable à l’arrivée du premier enfant mais aussi parce que la naissance d’enfants hors mariage incite d’autres couples à se marier.
26 Sans surprise, le degré de pratique religieuse est fortement lié à l’importance attachée à la célébration religieuse du mariage. L’effet générationnel est plus net et l’influence du diplôme est inversée, les moins diplômés étant plus favorables au mariage religieux. Par contre, si l’histoire conjugale joue, l’effet est moins fort, et le changement de situation conjugale entre les deux vagues d’enquête n’a pas d’effet sur l’évolution des opinions. Il en est de même de l’existence d’enfant(s) et d’une naissance entre les deux vagues.
27 On peut néanmoins s’interroger sur la manière dont ces questions d’opinion ont été interprétées par les répondants. Bien que la question « le mariage est une institution dépassée » renvoie expressément à l’aspect institutionnel du mariage (donc en principe à l’engagement des époux et aux conséquences de cet engagement dans différents domaines), la question a peut-être plus souvent évoqué la cérémonie elle-même et ses aspects rituels (robe blanche, fête, etc.), en particulier pour les jeunes femmes. À l’inverse, si les plus diplômés se disent moins opposés au mariage, c’est peut-être parce qu’ils sont plus sensibles aux garanties qu’offre le mariage, notamment dans le domaine patrimonial ; mais il pourrait aussi s’agir d’une plus grande tolérance et d’un moindre rejet normatif du mariage.
28 La question sur le mariage religieux n’est pas moins ambiguë, en particulier quand elle s’adresse à des personnes sans confession religieuse : répond-on en général ou en pensant à son propre cas ? La forte corrélation des réponses avec le degré d’attachement à la religion fait pencher plutôt en faveur de cette deuxième hypothèse, mais certainement pas pour tous, car d’autres variables ont un effet très significatif sur les opinions favorables. Le regain de popularité du mariage religieux auprès des plus jeunes et des moins diplômés pourrait également s’expliquer par le fait que, pour eux, la question a plus évoqué la solennité de la cérémonie que l’engagement religieux qu’elle suppose.
Notes
-
[1]
Alfred DITTGEN, « Évolution des rites religieux dans l’Europe contemporaine. Statistiques et contextes », Annales de démographie historique, 2003, n° 2, pp. 111-129.
-
[2]
Arnaud RÉGNIER-LOILIER, France PRIOUX, « La pratique religieuse influence-t-elle les comportements familiaux ? », Population et Sociétés, n° 447, juillet-août 2008.
-
[3]
Laurent TOULEMON, « La cohabitation hors mariage s’installe dans la durée », Population, 1996, 51, n° 3, pp. 675-716.
-
[4]
Michel BOZON, « Sociologie du rituel du mariage », Population, 1992, 47, n° 2, pp. 409-434. Florence MAILLOCHON, « Le mariage est mort, vive le mariage ! Quand le rituel du mariage vient au secours de l’institution », Enfances, Familles, Générations, n° 9, 2008, pp. 1-18.
-
[5]
Wilfried RAULT, L’invention du Pacs : pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Presses de Sciences Po, 2009.
-
[9]
Ces chiffres, qui sont des estimations pour la génération 1975, sont tirés de : France PRIOUX, Magali MAZUY, Magali BARBIERI, « L’évolution démographique récente en France : les adultes vivent moins souvent en couple », Population-F, 2010, 65, n° 3, pp. 421-474.
-
[10]
Estimation des auteurs.
-
[11]
Voir par exemple Alfred DITTGEN, art. cit. ; ainsi que Alfred DITTGEN, « Les mariages religieux en France. Comparaison avec les mariages civils », in La nuptialité : évolution récente en France et dans les pays développés, INED-PUF, coll. « Congrès et Colloques », n° 7, pp. 137-157. Les auteurs tiennent à remercier Alfred Dittgen pour la mise à disposition de ses données sur les mariages religieux depuis 1950 et les baptêmes depuis 1970.
-
[12]
Proportions calculées parmi le nombre annuel de mariages de femmes non divorcées, puisque l’Église catholique n’autorise pas le remariage des divorcés à l’église.
-
[13]
En multipliant la proportion de femmes non célibataires à 50 ans par la proportion estimée de femmes mariées à l’église dans la même génération.
-
[14]
En 2005, 8 % des 25-34 ans se sont déclarés de religion musulmane contre 3 % des 55-64 ans. Voir Arnaud RÉGNIER-LOILIER, France PRIOUX, « Comportements familiaux et pratique religieuse en France », in Arnaud RÉGNIER-LOILIER (dir.), Portraits de familles, Ined, coll. « Grandes Enquêtes », pp. 397-424.
-
[15]
Nous regroupons ici les personnes ayant répondu « pas d’accord » ou « plutôt pas d’accord » à l’affirmation selon laquelle le mariage est une institution dépassée.
-
[16]
Notons cependant que ce léger regain de faveur du mariage ne s’observe que chez les femmes.
-
[17]
À tout âge, les femmes se déclarent un peu plus favorables au mariage religieux et ici encore, ce sont elles qui influencent le plus le redressement de la courbe.
-
[18]
Cf. supra.
-
[19]
Les personnes ont été classées en 3 catégories : pratiquant une religion au moins une fois par an (en dehors de baptêmes, mariages et enterrement) ; non pratiquant mais déclarant une religion d’origine ; sans religion.
-
[20]
] « Ni d’accord, ni pas d’accord », « plutôt d’accord » et « d’accord ».
-
[21]
Par exemple, il y a plus de diplômés du supérieur dans les jeunes générations. Si les diplômés du supérieur sont plus enclins à penser que le mariage n’est pas une institution dépassée, le pourcentage d’opinions favorables au mariage sera plus élevé dans les jeunes générations. L’analyse « toutes choses égales par ailleurs » permet de neutraliser cet effet de structure.
-
[22]
C’est-à-dire pour les personnes qui assistent aux offices religieux à une fréquence supérieure ou égale à la fréquence médiane de leur génération, par sexe. Pour plus de détails sur le calcul de cet indicateur de pratique régulière, voir Arnaud RÉGNIER-LOILIER, France PRIOUX, « Comportements familiaux et pratique religieuse en France », art. cit.
-
[23]
Comme pour la plupart des questions d’opinion ou concernant la répartition des tâches domestiques.
-
[24]
Une personne peut hésiter entre deux réponses voisines, sa réponse peut donc varier d’une vague à l’autre.
-
[25]
On entend par « moins d’accord », le fait d’avoir donné une réponse moins favorable ou plus défavorable à l’institution du mariage entre les deux vagues.
-
[26]
On sait pas exemple que les personnes les plus attachées à la religion se marient davantage (Arnaud RÉGNIER-LOILIER, France PRIOUX, op. cit.).
-
[27]
Les différences observées sont statistiquement significatives (calcul d’intervalles de confiance au seuil de 10 %).
-
[28]
Le nombre de personnes séparées entre les deux vagues étant faible, on ne peut distinguer les personnes qui étaient mariées et celles qui ne l’étaient pas.
-
[29]
Voir France PRIOUX, « Les couples non mariés en 2005 : quelles différences avec les couples mariés ? », Politiques sociales et familiales, 96, 2009, pp. 87-104.