CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Au-delà de l’utilité pratique, la solidarité entre les générations est une forme de relation, une façon de nouer un lien. Mais, si les liens entre les générations demeurent, les rapports de solidarité se modifient au cours du temps, autant dans leurs formes que dans leur contenu. L’urbanisation, le vieillissement de la population, la participation généralisée des femmes au monde du travail, l’instabilité des liens conjugaux ainsi que la création et le développement de l’État providence, ont transformé beaucoup d’aspects des rapports entre les générations, en créant des besoins nouveaux ainsi que de nouveaux lieux d’expression de l’entraide. Ce travail étudie comment se créent et se développent les rapports de solidarité entre les générations, la signification qu’ils ont dans le contexte des relations familiales, les attitudes et représentations qui leur sont liées, et la façon dont ils se conjuguent avec l’aide publique.

2 La solidarité familiale, qu’elle soit sous forme d’entraide, d’échange affectif et de biens, est un aspect très important des rapports entre les générations. Elle demeure autant une stratégie effective pour affronter la vie quotidienne qu’un espace d’expression du lien social. Les rapports de solidarité entre parents, enfants, petits enfants ainsi qu’entre frères et sœurs sont, en plus d’un milieu d’interaction sociale, des canaux privilégiés au travers desquels des valeurs et des attitudes traversent le temps. Plus important encore, les rapports de solidarité et de coopération entre les membres de la famille constituent eux-mêmes une partie du « patrimoine culturel ». Ils définissent une idée particulière de la famille et des liens familiaux et ces rapports sont au cœur même de la cohésion sociale [1].

3 Mais si les liens entre les générations demeurent, les rapports de solidarité se modifient au cours du temps, autant dans leurs formes que dans leur contenu [2]. L’urbanisation, le vieillissement de la population, la participation généralisée des femmes au monde du travail, l’instabilité des liens conjugaux ainsi que la création et le développement de l’État providence, ont transformé beaucoup d’aspects des rapports entre les générations, en créant des besoins nouveaux ainsi que de nouveaux lieux d’expression de l’entraide. Dans ce contexte de nouvelles valeurs et formes de perception des relations intergénérationnelles ont émergé. La valorisation de l’individualité et de l’autonomie dans la société occidentale contemporaine est à la base des transformations les plus importantes dans la famille au cours des dernières décennies [3]. Les rapports entre les générations se fondent aujourd’hui autant sur des relations affectives que sur l’aide instrumentale, mettant en question certains éléments normatifs qui définissaient les rapports de parenté dans la famille traditionnelle [4]. Ces transformations ont touché la famille occidentale d’une façon généralisée. Certes, dans le contexte européen, il y a des variations entre pays, même entre régions, mais, au-delà du discours d’exaltation des valeurs de la solidarité et des liens familiaux, les rapports de solidarité intergénérationnelle sont à mettre en relation avec le modèle d’État providence et son développement. Les pays du sud de l’Europe (Portugal, Espagne, Italie et Grèce), avec des modèles d’État providence très familialistes, se caractérisent par un plus long maintien de la voie traditionnelle dans les comportements familiaux [5]. L’hypothèse explicative des différences dans les rapports de solidarité familiale entre la France, l’Italie et l’Espagne se trouve bien là. Mais, est ce qu’il y aurait, dans les îles, des différences liées à d’autres éléments –peut-être culturels– qui échappent aux modèles de leur propre pays ? Le fonctionnement des rapports de solidarité entre trois générations dans trois villes insulaires des Baléares, de Corse et de Sardaigne sont des exemples qui nous permettent d’observer les continuités et les changements dans les rapports intergénérationnels tout au long du 20ème siècle et les facteurs –structuraux mais aussi particuliers aux îles– qui les ont conditionnés.

4 Cette recherche [6]est issue d’un travail de terrain réalisé à partir d’entretiens menés auprès de 80 individus de 3 générations adultes. L’analyse des pratiques de solidarité familiale et de leur évolution sur trois générations nous permet de montrer comment s’exprime aujourd’hui cette solidarité familiale et d’analyser l’impact de nouvelles valeurs (comme celle de liberté, d’autonomie, d’exaltation de l’individu…) et d’un nouveau contexte (services d’aide publique, activité féminine et nouveau rôle des femmes…) sur ces rapports familiaux. Les attitudes qui sont associées à ces « nouveaux » facteurs se combinent avec des éléments plus traditionnels et configurent ainsi une idée particulière des rapports intergénérationnels et des liens familiaux. L’analyse comparée des continuités et des changements, tels qu’ils sont perçus par les individus de chaque génération, nous permet d’observer des éléments de différenciation et de parallélisme sur plusieurs niveaux, à la fois géographique et temporel, entre trois régions et trois générations, et ce, dans des contextes historiques, sociaux et politiques bien différents.

5 Ce travail veut montrer comment se créent et se développent les rapports de solidarité entre les générations . Quels services sont rendus ? Par qui ? Quelle est leur signification dans le contexte des relations familiales étudié ?

? Le fonctionnement de la solidarité intergénérationnelle dans les îles

6 Le fonctionnement des rapports de solidarité entre les générations dans les trois villes ne diffère guère du fonctionnement de la solidarité familiale telle qu’elle est décrite dans la société moderne occidentale. L’entraide, le support financier, l’échange affectif et de services de toute nature sont favorisés par une forte tendance à la proximité résidentielle entre parents et enfants adultes (et souvent aussi entre frères et sœurs), ainsi que par une très haute fréquence des contacts entre les générations. Parler des rapports entre parents et enfants, entre frères et sœurs, entre grands-parents et petits enfants revient à produire un discours sur des manières de donner et de recevoir.

7 La solidarité intergénérationnelle suit une direction bien définie. Claudine Attias-Donfut, lorsqu’elle présente les résultats d’une enquête [7], dans le contexte français, mesure la direction des flux et des échanges de biens et de services entre trois générations. D’après les données de cette enquête, les dons d’argent se caractérisent par un sens descendant et rarement ascendant. En revanche, l’échange de services non monétaires présente une toute autre direction. De cette façon, si la prestation en aide financière va des générations plus âgées aux générations plus jeunes, les flux de services vont dans toutes les directions, mais c’est la génération pivot qui donne plus qu’elle ne reçoit, tant à la génération la plus jeune qu’aux générations plus âgées.

? L’établissement résidentiel

8 La proximité résidentielle dans les villes est actuellement, comme dans le passé, un modèle d’organisation généralisé qui favorise les échanges [8]. Les données statistiques indiquent que la proportion d’individus ayant des parents ou des enfants habitant dans la même commune, reste très élevée. Cependant, dans le cas des îles Baléares, la proportion relativement importante de personnes dont les parents habitent sur le continent reflète une composition démographique caractérisée par une forte immigration (surtout du continent). C’est une population jeune, célibataire et sans responsabilités familiales, employée dans le secteur touristique. Le système économique de l’île est fortement focalisé autour du secteur touristique, saisonnier et de masse, déterminant une configuration démographique caractérisée par une forte population mobile. La Corse aussi est une île particulièrement touchée par les migrations. La forte émigration des années 40-50 sur le continent se traduit aujourd’hui par un retour de ces émigrés au moment de leur retraite. Retour qui n’est pas nécessairement suivi par les enfants, lesquels, dans la plupart des cas, restent sur le continent où ils ont « fait » leur vie [9]. Notons en outre le phénomène d’éloignement des centres urbains vers la périphérie qui commence à s’urbaniser [10]. Ce phénomène, très récent, s’observe de façon généralisée sur les trois îles. Les familles préfèrent s’éloigner du centre à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Néanmoins, ceci ne semble pas représenter un grand bouleversement dans la cohésion des réseaux familiaux, l’intensité des contacts étant maintenue.

9 L’accès des jeunes couples au logement réussit rarement sans l’aide des parents. Cette dernière prend des formes très variées : la cession temporaire d’un logement aux enfants, le don d’un logement (dans ce cas il constitue une forme d’héritage anticipé), la combinaison de don et prêts, ou même l’agrandissement de la propre maison. Enfin, il arrive aussi que l’aide passe par la cohabitation temporaire avec les parents. Toutefois, bien que fréquente [11], cette cohabitation n’est pas la formule préférée et est toujours transitoire. La norme de la néolocalité, généralisée aujourd’hui dans les villes, impose l’indépendance des enfants lorsqu’ils se marient.

10 L’aide fournie par les parents pour l’accès au logement des enfants peut devenir une stratégie très planifiée qui permet ainsi d’assurer leur proximité. Il est courant de trouver des individus ou des couples de la génération pivot qui ont acheté des terrains, des maisons ou des appartements à proximité de leur propre résidence, dans l’idée d’aider leurs enfants en cas de besoin, comme l’illustre l’exemple de Toni (30 ans, Palma). Lors de la retraite du père, les parents de Toni (65 et 54 ans), ont acheté trois terrains adjacents dans une zone récente en voie d’urbanisation, dans la périphérie de Palma. Ils ont bâti leur propre maison sur le terrain situé au milieu et ils ont vendu un des terrains à Toni (qui était déjà marié) qui a dès lors construit sa propre maison. Celle-ci a été entièrement financée grâce à un prêt sans intérêt accordé par son père. Le troisième terrain restait vierge en prévision d’une possible construction pour le jeune frère de Toni. Plus tard, l’arrivée d’un deuxième enfant chez Toni a créé le besoin d’agrandir la maison. Plutôt que de la restructurer complètement, son père lui a proposé de lui vendre le terrain destiné à son petit frère à un prix très inférieur à celui du marché. C’est la solution qu’ils ont adoptée pour construire une nouvelle maison, plus grande que la précédente. L’ancienne maison de Toni a dès lors été rachetée par son petit frère, à un prix avantageux.

? Les services dans la solidarité descendante : entre patrimoine et cadeaux

11 L’aide financière des parents en direction de leurs enfants entre parfois dans le jeu des transmissions patrimoniales [12]. Les dons de biens immobiliers, les aides au logement ou l’octroi d’importantes sommes d’argent deviennent une avance sur l’héritage. Cette forme d’héritage anticipé représente un changement considérable quant à la signification de la transmission héréditaire dans les sociétés traditionnelles où, avant la création et la généralisation des pensions de retraite, le patrimoine était un moyen de garantir l’assistance pendant la vieillesse. C’est justement du fait de cette fonction d’« assurance vieillesse » que la transmission avancée des biens a été, dans le passé, socialement rejetée [13]. Quand les transferts s’intègrent dans le processus de transmission, ils sont déterminés par les règles de l’égalité. Le plus souvent, les parents essaient d’équilibrer les dons faits aux enfants afin que rien ne puisse être réclamé lors de la division des biens et devenir source de conflit au sein de la fratrie.

12 Néanmoins, si l’aide économique familiale pour l’acquisition d’un logement ou pour créer une entreprise est importante, la plus grande part de l’aide financière est composée de petits transferts opérés de manière régulière.

13 La fréquence des contacts entre parents et enfants, et parfois aussi entre frères et sœurs (surtout quand ils sont du même sexe [14]) favorise l’échange de ces petits transferts quotidiens, qui entrent dans la catégorie des « cadeaux » plutôt que dans celle des services. Antònia, veuve d’un colonel et issue elle-même d’une famille aisée, avait déjà aidé financièrement ses deux enfants dans leur démarrage professionnel en leur cédant des locaux pour que chacun y installe son entreprise. Actuellement, elle finance l’école –privée– de tous ses petits enfants. Elle considère ces petits apports aux économies domestiques des enfants comme des « cadeaux » qu’elle fait aux enfants et petits enfants sous forme d’argent. Ces apports, loin d’être négligeables, leur permettent d’avoir un niveau de vie aisé, mais ne constituent pas une aide « indispensable », d’autant que ses deux enfants ont déjà une bonne situation professionnelle. Cet exemple montre bien que la prestation économique à petite échelle, de la part des parents aux enfants, est plus une forme de relation qu’un système de soutien en soi, surtout lorsqu’elle a lieu dans des familles aisées [15].

? Le système des retraites et les contrastes entre hommes et femmes

14 En général, le système des pensions a favorisé l’aide économique des parents aux enfants adultes. Claudine Attias-Donfut [16]remarque que la généralisation des retraites, loin de remplacer la solidarité familiale, l’a favorisée, en permettant l’autonomie financière des plus âgés et en augmentant leur capacité de soutien à leurs descendants. Les cadres, fonctionnaires et membres des professions libérales à la retraite, par exemple, ont une situation économique à peu près équivalente à celle de leur période d’activité et ils se trouvent en outre à une période du cycle de vie où leur niveau de dépenses domestiques est le plus bas [17]. Ceci leur permet de soutenir leurs enfants, certains d’entre eux étant encore dans une situation professionnelle instable et à une période de leur vie où les dépenses domestiques sont maximales.

15 Néanmoins, la retraite ne représente pas toujours une plus grande disponibilité du point de vue financier. Le rapport de l’EUROSTAT (2002  [18]) sur les disparités entre hommes et femmes en Europe indique qu’en moyenne les travailleurs âgés de 75 ans et plus touchent un revenu inférieur d’environ 10 % à celui des travailleurs âgés de 65 ans à 74 ans. Les disparités qui résultent des différences de durée de carrière, de niveaux de revenus d’activité passée et de régimes de retraite sont à l’origine de ces résultats. Claudine Attias-Donfut [19]le remarque pour le cas français. Dans le cas espagnol, l’âge est aussi un facteur de risque de pauvreté dû justement à cette différence de ressources financières [20]. S’y ajoutent aussi de fortes inégalités entre hommes et femmes. Les montants des pensions de veuvage sont à peu près de 30 % inférieurs aux pensions de retraite, or, ce sont majoritairement les femmes qui reçoivent ce type de pensions. Il y a aussi de fortes inégalités au niveau régional. Par exemple, le montant des pensions que reçoivent les personnes des îles Baléares est de 10 % inférieur à la moyenne nationale. Ce fait s’explique par une politique historique de discrimination salariale quant aux revenus des femmes actives, dont pâtissent plus les régions au taux d’activité féminine élevé (cas des Îles Baléares) [21]. Dans le cas italien, les conditions du système des pensions sont similaires. Un rapport de l’ISTAT (2002  [22]) montre que près de 75 % des retraités âgés de 80 ans et plus perçoivent les pensions les plus maigres. Ici aussi les montants moyens des pensions des femmes sont inférieurs à ceux des hommes (jusqu'à 4000 euros annuels de différence). Ce sont donc seulement les jeunes grands-parents qui peuvent fournir de l’aide aux enfants, tandis que les plus âgés, du fait de leurs revenus inférieurs et des conditions physiques liées à leur âge élevé, sont plus récepteurs que pourvoyeurs d’aide.

? D’autres services…

16 De même façon que pour l’aide économique, l’échange non économique comprend une grande variété de services et « faveurs », tels que l’accompagnement en voiture, le bricolage ou l’aide domestique. Manger chez les parents ou préparer un repas à emporter au domicile sont des formes de services très fréquentes dans les trois villes insulaires. L’aide la plus demandée aux grands-parents est surtout la garde des petits enfants. La généralisation de l’activité professionnelle des femmes, surtout des plus jeunes, s’accompagne d’un déficit de structures adaptées à la garde de la petite enfance, qui est particulièrement fort dans les cas de Palma et Cagliari. Par exemple, en 2000, à Palma, il y avait seulement 412 places dans les crèches publiques pour une population d’enfants de 0 à 4 ans d’environ 16.000 personnes. Moins de 2,5 % des besoins potentiels sont ainsi couverts [23]. Il existe certes aussi un grand nombre de crèches mais le coût est toujours supérieur à 300 euros/mois. Dans le cas de Cagliari, nous trouvons une offre de 240 places pour 4301 enfants âgés de 0 a 3 ans (soit 5,5 %), selon les données de l’Assessorato ai Servizi Sociali de la Mairie de Cagliari. Enfin à Bastia, la ville comptait, en 1999, environ 321 places de garde d’enfants pour une population de 2360 enfants âgés de 0 à 4 ans. Cela donne une proportion supérieure à 10 % d’enfants dans les centres de garde, ce qui était assez élevé par rapport aux autres villes étudiées. Il faut aussi tenir compte du fait que la politique familiale française, favorise, à travers les aides parentales distribuées par les Caisses d’Allocations Familiales, la garde des enfants à la maison par leurs propres parents (les mères le plus souvent, dans la pratique) tandis que dans le cas de l’Espagne et de l’Italie, les aides aux parents sont très restrictives et limitées à des familles en situation de pauvreté. En ces conditions, le recours aux grands-mères devient ainsi une solution très fréquente, et très souvent, la garde des petits-enfants s’accompagne d’une aide domestique, le ménage, par exemple.

17 Dans les cas où la garde d’enfants devient une activité régulière, les grands-parents jouent un rôle très important comme agents de socialisation. Ils exercent une influence sociale directe sur les petits enfants dans la transmission de valeurs culturelles et dans la construction (aussi bien individuelle que collective) de l’identité des jeunes [24]. Remarquons également que cet aspect croise la question de l’identité culturelle d’une façon particulière dans trois îles étudiées. La transmission de la langue régionale et des pratiques et mœurs traditionnels se fait, en grande partie, à travers les rapports intergénérationnels. Dans le cas de la Corse et de Majorque, où la reconnaissance de la langue propre et de la spécificité culturelle est devenue un objet de revendication politique, les attitudes des générations âgées par rapport à ces éléments culturels –c’est à dire l’intérêt pour les transmettre aux générations suivantes ou la décision de ne pas le faire– dépasse la sphère familiale privée.

? La grand-parenté : des pratiques accrues en lignée féminine

18 La polarisation des réseaux de la famille contemporaine [25]se traduit par un échange entre les générations plus intense au sein de la lignée féminine. Les rapports intergénérationnels observés dans les trois villes n’échappent pas à ce modèle qui semble être assez généralisé. Cette tendance vers la préférence de la lignée féminine dans les rapports sociaux, et surtout, l’importance du lien mère-fille dans les rapports de solidarité de la famille contemporaine occidentale ont déjà été bien documentées par de nombreux travaux sociologiques et anthropologiques [26]. Cette préférence se fonde sur les affinités plus que sur l’obligation d’une solidarité instrumentale “imposée” par la cohabitation et par des relations fondées sur la collaboration au sein de la famille-unité de production. Quand la solidarité instrumentale n’existe plus, la solidarité domestique demeure et ce sont les liens matrilatéraux qui se renforcent, préférentiellement aux liens patrilatéraux.

19 Cette tendance à privilégier les liens matrilatéraux a été interprétée comme une conséquence du processus d’urbanisation et d’industrialisation qui a provoqué un délitement des éléments qui constituaient auparavant les rapports de solidarité familiale, fondée sur la production, la propriété et le statut social [27]. En revanche, les travaux menés en Sardaigne montrent que, dans ce cas, il s’agirait plutôt d’une façon de structurer la solidarité familiale qui apparaît de manière préférentielle dans les sociétés où le caractère bilatéral de la parenté est plus marqué, car la production et la cohabitation entre des consanguins en ligne masculine est moins fréquente [28]. C’est bien, donc, la lignée féminine (mères, filles et sœurs) qui dessine la sphère de la solidarité domestique dans le cadre de la solidarité familiale traditionnelle, renforcée par la proximité résidentielle des unités familiales. Cela peut aussi être le cas des sociétés rurales traditionnelles où la norme résidentielle était la néolocalité des nouveaux couples et où l’unité familiale ne constituait pas une unité de production (ce serait le cas des journaliers). En revanche, les travaux menés à Majorque et en Corse indiquent la prévalence du modèle patrivirilocal dans la famille rurale traditionnelle [29]. Dans ce cas, la forte solidarité entre les femmes consanguines et la tendance à la proximité seraient un phénomène assez récent [30]et plutôt caractéristique des zones urbaines où la famille n’est pas une unité de production. En tout cas, aujourd’hui à Bastia comme à Palma ou Cagliari, nos entretiens confirment que c’est avec les parents de la femme que les contacts, les activités communes et l’entraide sont les plus fréquents, de même que c’est plutôt avec la fille que le garçon que l’on essaie de garder une proximité forte.

20 Justement, la garde des enfants est le domaine où la préférence pour la lignée féminine est la plus généralisée et évidente. Les grands-parents paternels sont peu sollicités pour ce service, sinon dans des cas exceptionnels : lorsqu’il n’est pas possible d’avoir l’aide des grands-parents maternels (décès, maladie ou distance), ou lorsque ce sont les grands-parents paternels qui offrent leur aide. C’est le cas de Peppina, une grand-mère de Cagliari qui a gardé le fils de son fils pendant ses 10 premières années. Dans ce cas, elle l’avait demandé dans le but de sortir d’une situation de solitude et de dépression qu’elle a vécue depuis la mort de son mari, plus que dans le but d’aider son fils et sa belle-fille.

? La solidarité ascendante : les plus anciens

21 Très souvent, les conditions économiques des plus âgés, confèrent à cette génération une position de réceptrice d’aide, notamment par la génération pivot, encore active sur le marché du travail ou qui vient d’entrer récemment à la retraite (avec des montants de pensions plus généreux). C’est dans l’assistance aux personnes âgées dépendantes que la solidarité familiale s’exprime le mieux. Ceci est encore, dans les sociétés contemporaines –et les îles n’échappent pas à ce modèle– une affaire de famille. Les systèmes d’organisation de ces soutiens sont variés. La cohabitation, par exemple, même si c’est la forme la plus fréquente d’aide aux parents âgés, n’est pas la seule. La circulation périodique du parent âgé chez chaque enfant, la proximité résidentielle ou les visites journalières à tour de rôle sont des formes d’organisation plus fréquentes qui ne se décèlent pas dans les statistiques.

22 Là aussi, tout comme dans le domaine de la garde d’enfants, les dispositifs d’aide publique pour les personnes âgées sont insuffisants par rapport aux demandes. Le développement d’un réseau (encore très faible dans les cas espagnol et italien) de services professionnels d’aide pour personnes âgées dépendantes n’a pas contribué à alléger, même du point de vue financier, le poids que représente pour la famille la prise en charge d’une personne âgée. Prenons le cas de Majorque où, en accord avec la tendance générale espagnole, plus de 90 % de l’aide externe est à caractère privé [31]. Par conséquent, quand ce n’est pas la famille qui se charge elle-même de l’aide pratique, c’est bien elle qui doit faire face aux dépenses suscitées par une aide externe privée, dont l’offre est plus accessible que celle du secteur public. Cette situation n’est spécifique ni aux îles ni aux pays du sud de l’Europe [32], même si c’est principalement sur les îles que l’offre des services d’aide publique est plus particulièrement faible. Dans le cas de la Corse, par exemple, seulement 2,4 % des personnes âgées de plus de 60 ans vivent dans des institutions d’hébergement contre 5,7 % dans l’ensemble de la France [33]. L’offre de soins pour personnes âgées reste encore très peu dotée, sauf dans les deux pôles urbains d’Ajaccio et Bastia, qui sont, paradoxalement, des aires de population jeune (par rapport à la population rurale, plus âgée). Dans le cas de Majorque, le taux de personnes âgées de 65 ans et plus habitant dans des maisons de retraite oscille entre 1,5 et 1,2 avec de fortes variations entre Palma et le reste de l’île [34]. La ville, qui concentre plus de 60 % des institutions de ce type, la plupart privées, se maintient à 2,4. Les autres services professionnels (services à domicile) n’ont en aucun cas un ratio supérieur à 1,7. Ces chiffres sont encore inférieurs à ceux indiqués pour l’Espagne (respectivement de 3,2 % et 1,8 % [35]), qui se situe, avec l’Italie, la Grèce et le Portugal, dans les pays de l’Union Européenne avec un plus faible système d’aide non familiale aux personnes âgées. La situation à Cagliari est très proche de la situation espagnole. Les données de l’Assessorato ai servizi sociali de la mairie de Cagliari (2000) indiquent des ratios d’environ 3,2 % tous services confondus : aide ménagère, hébergement, et autres services.

23 Au-delà de l’action publique, peut-on repérer d’autres facteurs d’explication des bas taux d’institutionnalisation des personnes âgées dans les îles ? Les entretiens réalisés – surtout auprès des plus âgés– tendent à reproduire un discours familialiste certes, mais très souvent, la représentation de la famille est éloignée des possibilités réelles de soutien fourni par les enfants en cas de nécessité. De même, les générations plus jeunes, lesquelles partagent cette même représentation « idéale », montrent d’autres attitudes à l’égard de l’assistance future de leurs parents âgés ; des attitudes qui montrent des fortes attentes à l’égard d’une aide non familiale (publique ou privée), vue comme un recours plausible.

? Changements et permanences : passé et présent des solidarités familiales

24 Au cours du 20ème siècle, les formes et les fondements de la solidarité familiale ont bien changé. D’une part, le vieillissement de la population durant les dernières décennies a intensifié les possibilités de maintenir les rapports plus longtemps entre les générations [36]. D’autre part, les conditions économiques et sociales de l’époque déterminaient aussi la possibilité d’autres normes et d’autres pratiques.

25 La guerre et l’après-guerre renvoient à un contexte de précarité économique suivi, une décennie plus tard (dans les années 50), par un important mouvement migratoire de la campagne vers les centres urbains –aussi bien dans le cas des îles que sur le continent. Ce mouvement migratoire a représenté la possibilité d’une mobilité sociale importante pour cette génération. L’émigration a eu pour effet un certain réaménagement des réseaux familiaux, mais pas un effritement radical des liens. Lorsque la fille avait besoin d’une aide pour ses enfants, la mère quittait le village pour aller la rejoindre à la ville pendant le temps nécessaire. Lorsque c’était la mère qui avait besoin d’être assistée, ses enfants la prenaient en charge, soit chez eux, soit en l’installant à proximité. Certes, les contacts entre parents et enfants mariés ne peuvent être aussi fréquents que lorsque les enfants restent au village ou sur l’île (soit Majorque, Corse ou Sardaigne). Les effets de la séparation provoquée par l’émigration se font encore sentir, spécialement dans le cas de la Corse. Beaucoup d’individus partis sur le continent, où ils ont passé presque toute leur vie active, retournent en Corse à la retraite, sans toutefois être suivis par leurs enfants. Les contacts continuent pendant les vacances mais les nouveaux retraités sont conduits à créer de nouveaux liens ou à renforcer les anciens liens avec des frères et sœurs, cousins, neveux, amis… qu’ils avaient laissés à leur départ.

? Une génération doublement sollicitée

26 Très souvent, cette génération de jeunes grands-parents a dû faire face aux responsabilités de la vie adulte sans le support de leurs propres parents. Autrefois, l’aide financière des parents aux enfants était une possibilité pour un nombre réduit de familles, celles dont le patrimoine était conséquent. Dans la plupart des cas, c’était plutôt les enfants qui, avec leurs salaires, contribuaient à l’économie familiale, même s’ils avaient déjà quitté la maison parentale. Cette génération pivot, qui a déjà dû aider ses parents qui ont tardivement connu les bénéfices du système de protection de l’Etat, se trouve maintenant en position d’aider financièrement ses enfants. Mariella et son mari sont dans ce cas. Aussi bien elle que son mari ont aidé leurs mères veuves : l’une, en contribuant avec ses frères et sœurs à lui verser une « pension », l’autre, en payant toutes ses dépenses domestiques. Maintenant, la situation économique de Mariella, dans les dernières années de sa vie professionnelle, et celle de son mari, déjà à la retraite, leur permet de soutenir financièrement leur fils aîné célibataire, encore étudiant, et d’aider leur fille mariée (pharmacienne elle aussi) avec l’acquisition d’un logement. En plus, la fille fait très souvent appel à sa mère pour garder ses enfants.

27 L’inversion du sens des solidarités est considérée comme l’un des principaux signes de transformation dans les rapports entre les générations. Ceci est en grande partie provoqué par l’institution des retraites [37]. Cependant, la solidarité se manifeste aujourd’hui dans d’autres domaines que par le passé. La garde d’enfants, par exemple, est un terrain d’expression de la solidarité qui s’est généralisé à partir de la génération pivot. Le rôle des mères comme fournisseuses d’aide à leurs filles n’était pas le même lorsque les filles restaient à la maison que lorsqu’elles ont intégré le marché du travail de manière continue. Très peu de femmes de la génération des grands-parents ont été aidées par leurs mères pour la garde des enfants, justement parce qu’elles-mêmes étaient femmes au foyer. Les femmes plus jeunes de la génération pivot sont les premières à avoir accédé au marché du travail d’une façon plus généralisée et, surtout, elles y sont restées après le mariage et la maternité.

28 Dans un contexte où les services publics de garde n’existaient pas encore, les femmes du groupe d’âge le plus âgé (55-70 ans) ont presque toujours renoncé au travail de manière définitive, à la naissance des enfants. Certaines femmes ont repris une activité économique lorsque les enfants ont grandi. Dans la plupart des cas, il s’agit d’activités à temps partiel ou d’activités qui permettaient d’organiser le temps de travail librement. En revanche, pour les femmes des classes d’âge plus jeunes (45-55 ans) la principale stratégie pour rendre compatible l’accès au travail avec la vie familiale a été le recours aux grands-mères [38]. L’aide des grands-mères est donc devenue indispensable lorsque les jeunes mères ne pouvaient pas ou ne voulaient pas abandonner le marché du travail.

29 Lorsque cette génération de femmes restait au foyer, leurs mères n’ont pas toujours été disponibles pour offrir une aide considérée comme « gratuite ». Ces jeunes grands-mères, parmi lesquelles certaines sont encore actives ou au début de leur retraite, s’occupent désormais de leurs petits-enfants d’une façon plus ou moins régulière. L’accès des femmes au marché du travail a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières décennies dans des pays comme l’Espagne, où la proportion de femmes actives était très faible et l’entrée généralisée des femmes sur ce marché a été très tardive par rapport à d’autres pays de l’Union Européenne [39]. C’est aussi le cas de la Sardaigne et de la Corse, des régions qui présentent, encore aujourd’hui, les taux les plus faibles d’activité féminine dans leurs pays respectifs [40]. Cependant, ce phénomène de croissance du travail féminin n’est pas suivi de politiques publiques efficaces favorisant l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

30 Dans les cas de la Corse et de la Sardaigne, l’insuffisance des stuctures de garde et le taux élevé de chômage féminin sont à l’origine d’une large proportion de cas dans lesquels c’est la propre mère qui assure la garde des enfants [41]. Tout cela s’accompagne aussi de la réticence des familles à faire garder leurs enfants par des personnes extérieures. Ce fait serait, comme cela a été expliqué pour le cas espagnol, une conséquence de la rapidité avec laquelle s’est produit le phénomène d’entrée généralisée de la femme sur le marché du travail. La réticence à l’égard des services publics se traduit par le fait que les jeunes mères préfèrent laisser leurs enfants aux mains de leurs propres mères. Constanza Tobio l’interprète comme une imbrication de deux modèles familiaux en phase de transition : un modèle familial traditionnel où les enfants sont gardés par la famille et un autre modèle plus « moderne », caractérisé par un accès généralisé des femmes au marché du travail. Les grands-mères permettent ainsi de pallier un certain sentiment de culpabilité suscité par la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale [42]. En fait, le manque d’habitude quant à l’usage des institutions de garde d’enfants, qui se développent en Espagne seulement depuis les années 80, et le caractère collectif de ce mode de garde provoquent encore une certaine méfiance à l’égard de ce type de structures et spécialement celles qui sont publiques. On trouve encore dans les discours une certaine préférence pour la garde des enfants au domicile par les grands-parents ou du personnel domestique, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants en très bas âge [43]. Cependant, bien que le modèle familial traditionnel soit encore très ancré dans la société, les attitudes ne sont déjà plus les mêmes qu’à la génération précédente. L’attitude de refus de l’aide externe, qui reflète une conception des rôles parentaux où la femme reste à la maison pour s’occuper des enfants, n’est que très partiellement partagée par la génération pivot et encore moins par ses filles, les jeunes mères de moins de 40 ans. Cette dernière génération préfère –lorsqu’il y a la possibilité économique ou pratique– placer leurs jeunes enfants dans des centres publics de garde ou payer une aide externe plutôt que de laisser les grandes-mères s’occuper des enfants de manière régulière. Des aspects éducatifs liés aux services spécialisés en jeune enfance comme la sociabilité, la stimulation à travers des activités, l’apprentissage, l’autonomie, sont aujourd’hui mieux valorisés que l’attention individualisée et la protection que leur offrent les grands-parents.

31 Tout de même, une fois prise l’option de l’aide externe, le recours aux grands-parents n’est jamais exclu. C’est précisément la garde des enfants que les jeunes parents affirment demander le plus souvent à leurs propres parents. Cependant, loin d’être une aide régulière, elle devient plutôt une aide ponctuelle [44], et cela pour le grand soulagement de certaines grands-mères, lesquelles après une vie de femmes au foyer, voient leur « liberté » récupérée, mais parfois, au grand regret d’autres grands-mères, comme Maria (63 ans, Palma). Elle n’a pas pu profiter de sa première petite fille du fait de son engagement professionnel en plus du soutien à sa propre mère malade. Maintenant en retraite, ses parents étant décédés, elle aurait aimé garder sa deuxième petite fille que sa mère a préféré placer dans une crèche, sous prétexte de « ne pas la déranger ».

32 L’utilisation de services externes affecte peu le maintien des rapports entre grands-parents et petits-enfants, ni même les rapports d’entraide entre parents et enfants. Là encore, les services externes de garde d’enfants ou de travail domestique se combinent avec l’aide des grands-parents. Ce sont eux qui, souvent, prennent les petits enfants à la crèche où à la sortie de l’école, les gardent jusqu’à ce que les parents arrivent ou les soirs où ils « sortent ». Lorsque la nécessité ne s’impose pas, la solidarité se maintient comme forme d’expression d’un lien. Garder les petits-enfants représente, pour les jeunes grands-parents actuels, une façon de maintenir un contact avec eux. Dans beaucoup de cas, les grands-parents se plaignent que les responsabilités des enfants et même des petits-enfants leur ôtent du temps pour être ensemble. S’ils offrent leur aide, ce n’est pas tant pour l’aide que pour pouvoir « profiter » du rapport avec leurs enfants et petits-enfants.

33 L’utilisation de services externes (pour la plupart privés) et l’entraide familiale se combinent de plus en plus aussi dans l’aide aux personnes âgées en demande de soutien que dans la garde des enfants. Il s’agit, surtout dans le cas de Palma et Cagliari, de services privés et peu spécialisés plus que de services publics, encore peu développés, ce qui demande un degré d’implication assez fort de la part de la famille [45]. Là aussi, l’aide externe non seulement ne remplace pas la solidarité familiale mais devient, parfois, un champ privilégié d’expression de cette solidarité.

? CONCLUSION

34 L’analyse de la solidarité familiale et des rapports entre les générations ne cesse de mobiliser l’intérêt des chercheurs, mais les questions actuelles ne se posent pas tant autour de la permanence ou de l’intensité de la solidarité familiale que sur les formes qu’elle prend, modulés par l’évolution des politiques publiques et les changements de valeurs sociales. Par exemple, si l’on aborde la question du genre et celle des changements produits par un nouvel équilibre dans les rapports entre les sexes, on constate que même si le rôle des femmes reste encore très dominant dans le fonctionnement et l’organisation domestique et familiale, le refus, de la part des jeunes femmes, d’assumer le poids de la solidarité peut être interprété comme l’exigence d’une plus grande implication des hommes dans ce domaine. Si parmi les individus les plus âgés de la génération pivot, l’implication des filles dans l’aide aux parents est beaucoup plus large que celle de leurs frères, chez les individus de moins de 40 ans, cette division n’est pas si claire. Lorsque les filles sont en situation d’égalité avec leurs frères sur le marché du travail, elles sont aussi peu disponibles qu’eux pour prêter assistance à leurs parents. Il s’impose donc une négociation à laquelle la participation de tous les enfants doit aussi être égalitaire. Si l’assistance passe par le recours à l’aide externe, cela doit concerner tous les enfants de façon égale (au moins du point de vue financier ou de la gestion et du contrôle de cette aide). Néanmoins, la réalité est beaucoup plus complexe car si l’égalité devient une valeur en hausse, surtout dans les rapports de sexe, la solidarité familiale reste encore très inégale, et très polarisée vers la lignée féminine.

35 Les systèmes d’État providence tels qu’ils sont conçus et mis en pratique dans le cas de l’Espagne, de l’Italie, et, dans une moindre mesure, de la France, ne font que perpétuer l’importance de la famille dans le soutien à ses membres en besoin de soutien. C’est justement dans les îles que les systèmes publics de protection sociale, au moins en ce qui concerne les secteurs de la famille et de l’aide aux personnes âgées, restent plus faibles. Le discours familialiste, encore très fréquent, qui insiste sur la permanence d’un modèle familial traditionnel insulaire où l’entraide et la solidarité familiale restent, est, l’expression d’une conception culturelle particulière des liens familiaux, difficile à soutenir. Un des processus émergeant, en particulier dans le cas des trois villes étudiées, renvoie au recours à l’aide formelle, de plus en plus généralisé lorsqu’elle est accessible. Certes, les rapports de solidarité actuels demeurent actifs. Ils résistent quels que soient le niveau socio-économique, les processus d’urbanisation, la mobilité et la possibilité d’accès à la diversité des services d’aide non familiale, mais, ils se manifestent par d’autres contenus et permettent alors de comprendre les nouvelles formes des liens familiaux.

Notes

  • [1]
    Vern BENGTSON, David MANGEN, « Generations, Families and Interactions » dans David MANGEN, Vern BENGTSON, Paul LANDRY Jr. (dir.) Measurement of Intergenerational Relations, Newbury Park, Sage Editions, 1988.
  • [2]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, Anne LAPIERRE, Martine SEGALEN, Le nouvel esprit de famille, Paris, Editions Odile Jacob, 2002, p. 99.
  • [3]
    François de SINGLY, Le soi, le couple et la famille, Paris, Nathan, 1996.
  • [4]
    Jack GOODE, Familiá e transformazioni sociali, Bologna, Zanichelli, cité dans Anna OPPO, « Madri, figlie e sorelle : solidarieta parentali in Sardegna », Polis, Bologna, V, I, 1991, pp. 22-23.
  • [5]
    Par exemple, le département d’aide sociale de la mairie de Cagliari remarque l’existence d’une très forte « réticence » de la part des personnes âgées à l’utilisation des services publics, même dans des services qui n’impliquent pas l’hébergement.
  • [6]
    Ce travail fait partie du projet de recherche Intergenerational Relations And The Impact Of The Welfare State Within The Family, financé par une bourse Marie Curie de la Commission Européenne, qui s’est développé pendant les années 2002 et 2003 a l’IDEMEC-MMSH (Aix en Provence).
  • [7]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, Alain ROZENKIER, « Les réseaux sociaux des personnes âgées en France » in Francis KESSLER (dir.) La dépendance des personnes âgées, Paris, Dalloz-Sirey, 2nde édition, 1997.
  • [8]
    Anna OPPO, « Madri... », art. cit ; Maria Antonia GOMILA, Familia y Derecho, Thèse de doctorat, Institut Universitaire Européen, 1996.
  • [9]
    Économie Corse, nº 66, 1994.
  • [10]
    Économie Corse, n° 93, 2000.
  • [11]
    Même dans le cas de certaines zones de la Sardaigne –comme la région de Cagliari caractérisée par la nucléarité des systèmes familiaux–, la cohabitation des jeunes couples avec les parents n’est pas rare en absence d’un logement pour le nouveau couple (Anna OPPO (dir.), Famiglia e matrimonio nella società sarda tradizionale, Cagliari, La Tarantola Edizioni, 1990 ; Andrea TRIBESS, « Familles et troupeaux. La notion d’égalité dans un village sarde », Europaea, Cagliari, VI-1,1998)
  • [12]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, « Rapports de générations. Tranferts intrafamiliaux et dynamique macrosociale », Revue Française de Sociologie, Paris, 41-4, 2000, p. 665.
  • [13]
    Maria Antonia GOMILA, Familia…, op. cit.
  • [14]
    Anna OPPO, « Madri... », art. cit.
  • [15]
    Anne PITROU voit dans ce fait un désir des parents des milieux aisés de procurer à leurs enfants un niveau de vie égal à celui qu’ils avaient (Anne PITROU, Les solidarités familiales. Vivre sans famille. Toulouse, Privat, 1992, p. 68).
  • [16]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, « Le système de protection sociale, créateur de lien social entre génération », Retraite et société, n°18, 1997 ; ainsi que « Transferts générationnels… », art. cit.
  • [17]
    Luis PEREZ ORTIZ, « La posición económica de los ancianos españoles », Reis, Madrid, 73/96, 1996.
  • [18]
    EUROSTAT, La vie des femmes et des hommes en Europe. Portrait statistique. 1980-2000, Rapport, 2002.
  • [19]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, Martine Segalen, Grands-parents. La famille à travers les générations, 1998, p. 25.
  • [20]
    Luis PEREZ ORTIZ, « La posición económica… », art. cit., p. 171.
  • [21]
    Maria Antonia CARBONERO, Padrins i repradins a les Balears. Una societat de quatre generacions davant el 2000, Palma de Mallorca, Lleonard Muntaner Editor, 1994, p. 66.
  • [22]
    ISTAT, I beneficiari delle prestazioni pensionistiche, Rome, 2001.
  • [23]
    Il faut enlever les enfants de plus de 3 ans qui sont déjà scolarisés.
  • [24]
    Barbara TINSLEY, D. PARKE ROSS, « Grandparents as support and socialization agents » in Michael LEWIS (dir.), Beyond de Dyad, New York. Plenum Press, 1984 ; Claudine ATTIAS-DONFUT, Martine SEGALEN, Le siècle des grands-parents. Une génération phare ici et ailleurs. Paris, Éditions Autrement, 2001.
  • [25]
    Josette COENEN-HUTHER, Jean KELLERHALS et Malik VON ALLEN, Les Réseaux de solidarité dans la famille, Lausanne, Réalités sociales, 1994.
  • [26]
    A. DORRIAN , SWEETSER, « L’influenza dell’industrializzazione sulla solidarietà intergenerazionale » in Marzio BARBAGLI (dir.), Famiglia e mutamento sociale, Bologna, Il mulino, 1977, Anna OPPO, « Madri... », art. cit., 1991.
  • [27]
    Ibid. p. 22.
  • [28]
    Ibidem.
  • [29]
    Georges RAVIS-GIORDANI, Bergers corses, les communautés villageoises du Niolu. Aix-en-Provence, Edisud, 1983 ; Antoine MARCHINI, « La famille, enjeu politique », Etudes Corses : « L’île-familles », Aix-en-Provence, 1990 ; Maria Antonia GOMILA, Familia…, op.cit.
  • [30]
    Antoine Marchini observe une diminution progressive de la taille moyenne des ménages à partir de 1926 dans la Casinca (Antoine MARCHINI, « La famille comme enjeu… », art. cit.)
  • [31]
    Sonia PARELLA, « La relació entre política familiar i estructura social : el cas espanyol », Revista Catalana de Sociologia, Barcelona, n°12, 2000.
  • [32]
    On la retrouve aussi dans des pays avec des systèmes de protection publique forts comme dans les pays scandinaves Karène WAERNESS, « Informal and formal care in old age. What is wrong with the new ideology in Scandinavia today ? » in Claire UNGERSON (dir.), Gender and Caring. Work and Welfare in Britain and Scandinavia, Hernel Hempstead, Harvester& wheatsheaf, 1990.
  • [33]
    Économie corse, INSEE, n°93, 2000.
  • [34]
    Pla estratègic de les persones majors del 2000, Govern de les Illes Balears.
  • [35]
    Rapport IMSERSO, Madrid, 1999.
  • [36]
    David REHER, La familia en España. Pasado y presente, Madrid, Alianza Universidad, 1996.
  • [37]
    Claudine ATTIAS-DONFUT, Anne LAPIERRE, Martine SEGALEN, op. cit., p. 108.
  • [38]
    A part l’aide des employés domestiques qui a toujours été un recours des groupes sociaux plus aisés. Les institutions de garde d’enfants, au moins dans le cas de Majorque et de la Sardaigne, datent du milieu des années 80.
  • [39]
    Costanza TOBIO, « En Espagne, la ‘abuela’ au secours des mères actives », in Claudine ATTIAS-DONFUT, Martine SEGALEN, Le siècle des grands-parents…, op. cit. , p. 105.
  • [40]
    ISTAT, Il lavorare delle donne, Rome. Rapport, 2002 ; Economie Corse, Ajaccio, n° 55, 1991 ; Economie Corse, Ajaccio, n° 95, 2001.
  • [41]
    Economie Corse, Ajaccio, n° 74, 1995.
  • [42]
    Costanza TOBIO, op. cit., 2001.
  • [43]
    Cela a aussi un lien avec une conception particulière sur comment « doivent » être gardés les enfants, qui privilégie la garde individualisée, dans leur propre environnement spatial et social.
  • [44]
    Josette COENEN-HUTLER, Jean KERLLERHALS et Malik VON ALLMEN, op. cit., p. 136.
  • [45]
    Anne Pitrou signale que les familles mettent en oeuvre des stratégies qui leur permettent d’accepter les services collectifs en même temps qu’elles utilisent le support des réseaux familiaux (Anne PITROU, « Dépérissement des solidarités familiales », L’Année sociologique, Paris, nº 37, 1987, p. 221).
Maria Antonia Gomila Grau
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/rf.003.0113
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