Aux États-Unis, les premiers projets d’enquête auprès de la population adolescente ont vu le jour dès le milieu des années 1970 avec l’enquête Monitoring the future (MTF). Les promoteurs aiment à rappeler que si « ce projet se concentre sur les jeunes, c’est en raison de leur participation significative aux changements sociaux actuels et, surtout, parce que la jeunesse [...] constituera notre société future » (Johnston et al. 2016). Aujourd’hui, les données recueillies durant près de 5 décennies constituent une richesse incomparable pour comprendre l’évolution des comportements d’usages parmi 40 générations successives d’adolescents (figure ci-dessous). Ces données sont essentielles à la fois pour comprendre les comportements observés aujourd’hui dans la population adulte américaine (les tout premiers adolescents interrogés ont actuellement entre 50 et 60 ans), mais aussi mesurer l’effet des politiques publiques menées pendant ces décennies pour réduire les usages.
En France, il faudra attendre la fin des années 1990 avec la mise en place notamment de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) (voir l’article de Morel d’Arleux dans ce numéro) pour que se mettent en place et se développent les premières enquêtes sur les usages de produits psychoactifs en population adolescente. Auparavant, à l’exception de quelques enquêtes sur la santé des adolescents posant un petit nombre de questions ne distinguant ni les produits ni les fréquences de consommation, aucune donnée fiable ne permettait d’objectiver ces comportements au sein de la population française, laissant les débats de société se référer à des données – en grande partie issues des institutions sanitaire, sociale, répressive et judiciaire – souvent mal définies voire fantaisistes (Obradovic et Beck 2012)…