Article
« Je travaille dans la ferraille de 7 heures à 23 heures, presque tous les jours. J’ai la liste des encombrants de tous les départements et on n’arrête pas de tourner. On trouve, même si parfois on ne gagne presque rien […]. Quand on revient ici, on a une petite place pour faire le tri et démonter, et ça pose des problèmes avec les voisins. Quand on trouve un appareil qui marche, on le revend et c’est mieux, sinon on revend au ferrailleur […]. Il y a beaucoup de compétition entre les gens qui font les encombrants ; si tu viens tous les jours ramasser, tu vois tout le monde tourner, tout le temps. » Simon est Roumain. Arrivé dans un bidonville de la banlieue parisienne en 2009 et depuis relogé par la municipalité, il témoigne combien la collecte, le bricolage et la revente de matériaux recyclables et d’encombrants constituent une activité qui est loin d’être marginale. Pourtant, la collecte se déploie dans des marges urbaines (bidonvilles, friches, squats, quelques sites de relogement) et les personnes qui s’y adonnent sont elles-mêmes considérées comme marginales dans les représentations collectives et institutionnelles : migrants sans papiers, Roms au statut précaire (souvent confondus avec les gens du voyage), mais aussi Français modestes.« Faire la ferraille » s’inscrit donc dans une économie de la pauvreté qui demande à être nuancée. Car cette activité se distingue de la récupération des déchets dans les poubelles et parce que, aux yeux de ceux qui s’y adonnent, il s’agit bien d’un « travail », avec une dimension productive, qui nécessite une expérience, des outils, des moyens de transport – du Caddie à la camionnette, en passant par la carriole de vélo bricolée – et, surtout, un capital relationnel…
Plan
Auteurs

Géographe, maîtresse de conférences à l’Université de Tours

Architecte, sociologue et photographe indépendant
- Mis en ligne sur Cairn.info le 21/07/2020
- https://doi.org/10.3917/pro.376.0024

Veuillez patienter...